« Mes écrits sont des tentatives purement personnelles d’exprimer des choses intimes dans une forme moderne et, par là, ils ne sont sans doute pas aptes à des considérables succès de librairie... » il reste que les relations du jeûne écrivain s’étendent, que sa correspondance se valorise. Déjà Carl Busse le protège, le Suisse Paul Ilg l’admire, Rainer Maria Rilke avait trouvé des qualités prometteuses à « une heure après minuit » voici à présent que Stefan Zweig lui demande un autoportrait : « je suis jusqu’à présent resté totalement épargné par le succès littéraire, lui répond-il, mes petits livres restent ficelés en paquet chez les éditeurs. Cela m’a de temps en temps contrarié mais jamais attristé. Créer m’est toujours un plaisir, jamais un travail. » (page 171)
Le piétisme n'était pas né d'hier. Il avait envahi les milieux de l'église luthérienne depuis des années, invitant les chrétiens à prendre Dieu au mot et à fonder leur prière sur son voisinage immédiat. Gundert en avait été boulversé. A vingt ans, il aurait volontiers brûlé les Livres saints. Lui, le fils de ce vieux Souabe qu'on appelait à Stuttgart "Bibelgundert", l'homme de la Bible, il avait brandi Hegel, il s'était laissé ébranler par les idées d'un de ses maîtres, David Friedrich Strauss, qui, à la face du monde, avait osé mettre en doute l'histoire de Jésus. A la nouvelle religion intimiste le jeune homme s'était converti. Il avait brûlé de son feu contagieux. retrouvant le Messie, il en tenait à présent le rôle. Marie ne voyait pas autrement son père et elle n'entendait en ses paroles que des mots d'ordres divins.
Chapitre I. Marie
Lire Hermann Hesse, c’est entendre sa propre partition, c’est à chaque page, écouter le chant et le contrechant de soi-même, son frère, son ennemi, et les aimer dans les plus intimes rapports. (Page 266)
Il fit asseoir Marie, rangea sommairement les liasses de journaux éparpillés sur ce bureau devant lequel, chercheur impénitent, toujours à l'affût des découvertes de l'esprit, il s'usait, disait-il, à la poursuite de la vérité.
(...)
Dans son bureau empli de souvenirs de l'Inde, il s'abreuve à la source poétique autochtone d'un pays dont il a fréquenté les castes, connaît les rêves. Marie admire ce père savant qui ajoute à ses trois langues familières -l'anglais, l'allemand et le français- et aux dialectes indiens l'étude de quelques dix autres parlers encore. La grammaire universelle le captive. Il s'en repaît, dévorant cent revues, composant des essais d'exégèse et d'analyse pour, en fin de compte, poser sur les gens un regard simple et modeste de vieux brahmane.
Chapitre I. Marie
A Calw, il n'ose croire à son bonheur. Dans la maison des Gundert, il se sent chez lui. Esprit cultivé, l'indologue invite son hôte à des échanges de vues intellectuels et théologiques qui rappellent à Johannes ses conversations avec son père. Il ya, pieuse et fascinante, la fille du pasteur, cette veuve dont il s'éprend aussitôt/ Marie.
Chapitre I. Marie