Inauguration de l'ennui

Ce livre m'a été offert par une amie il y a quelques années et je viens seulement de le lire, alors même que c'est un recueil de poésie relativement court. Je ne regrette pas d'avoir attendu si longtemps parce que j'ai l'impression de l'avoir lu au bon moment.

Dans Inauguration de l'ennui, Guillaume Siaudeau nous offre une centaine de poèmes en prose qui parlent du quotidien, de la joie, de la tristesse...

L'auteur définit lui-même la poésie comme ceci "La poésie est partout. Elle ne se cache pas. Je pense qu'elle se cueille plutôt comme un fruit. Elle ne connaît ni rareté, ni pénurie. Elle est accessible à tous, il n'y a qu'à se servir." Cette citation me paraît parfaite pour définir le style et les intentions du poète.

Souvent mélancolique, la poésie de Guillaume Siaudeau ne tombe pas pour autant dans le pathos. de pleins de façons, il a su m'émouvoir à travers ses textes, me donnant le sourire ou la larme à l'oeil. C'est avec une simplicité, mais surtout une beauté, que l'auteur décortique le quotidien, l'ennui.

Hymne du quotidien et confidences ensoleillées, Inauguration de l'ennui enfonce les portes du prosaïque. Guillaume Siaudeau, à la discrète présence, révèle alors une esthétique du banal, presque dans une forme ascétique mais qui, au fond, s'évade du postiche académique.

Des fragments du quotidien, une réconciliation. Comme si l'auteur offrait l'occasion d'une nouvelle appréhension, sublimée, d'un accoutumé : une consonance familière mais transfigurée. de la réjouissante tradition des éditions Alma – choix éditorial bien heureux qui, à mon sens, se distingue des autres maisons – est offert au·à la lecteur·rice quelques lignes de suite, de fuite. Pour notre cas, Guillaume Siaudeau nous fait l'aveu de plurielles et belles considérations sur la poésie « qui ne connaît ni rareté, ni pénurie. Elle est accessible à tous, il n'y a qu'à se servir ».

À l'aide d'une plume parfois mélancolique sans pour autant verser dans le pathos, mais bien souvent lumineuse et pétillante, presque malicieuse, l'auteur abat la possibilité facile d'un maquignonnage pour colporter avec une acuité que nous pouvons d'ailleurs saluer un présent jamais figé, fluide. Dès lors, Guillaume Siaudeau partage un recueil chatouillant des motifs banals tantôt énigmatiques à l'incroyable pouvoir évocateur. Au fond, l'auteur s'empare et s'approprie, pour notre plus grand plaisir, le quotidien de temps à autre navrant, lassant, celui d'une Emma Bovary découragée. Abandonnant le confort d'un passé nostalgique, l'auteur créé ainsi un espace vivant où chacun·e est libre d'y composer son itinéraire, d'y promener son ennui.

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Ce livre est un délice de liberté ! Guillaume Siaudeau nous offre son « coin à poésie » : c'est comme un « coin à champignons » nous dit-il, mais « avec de la poésie ! »

Avec ce court recueil, il nous montre que la poésie est partout autour de nous, dans notre quotidien. Ses poèmes, très courts, abordent tous les sujets et il arrive à nous faire passer du rire aux larmes d'une page à l'autre. À l'instar de Thomas Vinau, Guillaume Siaudeau fait partie de cette nouvelle génération de poètes français, loin de tout académisme et de tout formalisme. Ce qui compte avec cette poésie, c'est de toucher le lecteur, en cherchant toujours de nouvelles images, des décalages de langage, du vers libre… Pour cela, ils n'utilisent pas de mots rares ou recherchés, mais bien le langage de tous les jours et parfois même de l'argot. Il s'agit de capturer un instant, à la manière d'un polaroid et de l'enclore à l'aide de mots. Et comme pour la photographie, ce qui est important, c'est le regard de l'auteur, le cadrage, le décalage… Et à ce jeu, Guillaume Siaudeau fait des merveilles. Il émane de sa poésie une joie communicative qui donne envie à chacun de nous d'essayer de composer des poèmes. Avec son écriture faussement simple, ce livre nous donne la permission de voir la beauté qui nous entoure et peut-être aussi d'en créer un peu nous-mêmes. C'est frais, drôle, joyeux, émouvant et ça fait beaucoup de bien !

Inauguration de l'ennui
Guillaume Siaudeau
Alma éditeur 2018



C'est un petit recueil de poésie avec de petits poèmes ; ils sont très courts, comme des morceaux de fruits qu'on a goûtés, juteux et savoureux.
Le titre attrape l'oeil de qui se promène distraitement devant les rayonnages. Qui va donc parler de l'ennui ? Et comment ? Un audacieux, un rieur, ou quelqu'un que la langueur retient ? Eh bien, ce n'est pas un languide.
Guichet fermé
Jamais vu
autant de soupirs
que dans ce
couloir d'hôpital
On se croirait à
une inauguration
de l'ennui

Le poète semble ne pas se prendre au sérieux, il parle au lecteur comme à quelqu'un qu'il connaît bien, lui fait part de son regard sur le monde. C'est plein d'humour, ça a l'élégance de la brièveté, on est charmé, et on se surprend à réfléchir. L'écriture est familière, accessible, le poème est léger, la poésie n'est pas formelle. Les titres des poèmes allèchent, le poète est un pêcheur qui hameçonne le futur lecteur en l'intriguant, il caresse sa curiosité.

Aux petits soins
Au fond
de l'appartement
le temps s'étire
une mouche
lui masse
le dos

Tout le monde n'est pas poète. D'où vient l'idée de départ ? A qui vient l'idée? Qu'est-ce qui fait surgir l'image ? A quoi doit-on l'insolite ?

Pleine saison
Toutes ces plages
allongées dans
les hommes

A l'ennui, dit Siaudeau, qui (l'ennui) se nourrit de poésie. Mais quel ennui, ou je m'ennuie mal ?

Ne pas envisager le pire
Avant ils étaient deux
matin midi et soir
clope au bec
et fumées réunies
sur le balcon d'en face
Depuis quelques semaines
elle est toute seule
J'imagine qu'il a simplement
arrêté de fumer

Comment faire, si la poésie ne s'apprend pas, pour que l'ennui se transmute en perles fines, couvées dans l'imagination et la sensibilité ? Pour être poète, je veux bien piquer, moi !

Ô vieillesse ennemie
Ce doit être
tout un art
de survivre
à l' âge où
les sourires
sont plus nombreux
que les dents

Non, je rends à Guillaume ce qui appartient à Siaudeau. Et je garde la joie de ses poèmes. Mes yeux, et mon cœur sans doute aussi, s'agrandissent.

Loin du classique, des rimes et des vers bien ordonnés. La poésie n'a d'ailleurs pas besoin de cela pour en être et je pense que c'est encore comme ça que je la préfère. Une poésie qui n'obéit à aucune contrainte, qui ne demande qu'à vous porter dans un univers fleuri d'une langue qui vous happe, qui se fait l'éclaircie d'une journée maussade. Guillaume Siaudeau joue avec la langue pour nous offrir tour à tour un peu de mélancolie chassée par un humour délicieux où la touche de folie vient chatouiller nos zygomatiques.
Il façonne le quotidien en quelques lignes à peine. Pas toujours rose, pas toujours gris non plus. le quotidien comme nous le vivons, simplement, durement, follement. Un quotidien parfois ennuyeux. Mais c'est beau l'ennui. Ça s'observe l'ennui, ça se vit. Ça se savoure. Et l'auteur l'a bien compris, il en fait sa base dans ce recueil.

Petites attentions, petits riens. Ode à la nature, à nos villes, à la vie, à l'homme, à son incohérence aussi. Hymne à l'amour, à la tristesse, à ces rêves qui accompagnent nos nuits et nos vies. Déclaration d'amour au temps qui passe, qui s'enlise, qui s'emballe. Oui Inauguration de l'ennui est tout ça à la fois. Je ne vous raconte pas la complexité de vous choisir certains extraits plutôt que d'autres. Ils se dégustent tous avec le même appétit. Ce recueil est comme un petit bonbon que l'on garderait en bouche pour en saisir l'explosion des saveurs sucrées.

Et j'étais tellement bien au creux de ces pages que j'ai dévoré dans un premier temps chaque poème. Frénétiquement. Je ne pouvais plus m'arrêter. Je m'enfilais shoot de poème sur shoot de poème. J'étais accro. Arrivée à la dernière page, je l'ai refermé, je me suis servie un verre de vin. Je l'ai rouvert et je l'ai savouré, par petite touche, jusque tard. Il a accompagné mon insomnie. Et c'est une certitude, là, entre les draps froissés, j'étais vraiment bien accompagnée.
Je pense que cette nuit-là, en lisant ce recueil, mais encore plus en lisant son mot de fin "Lignes de fuite" qui est tel un poème, je suis tombée définitivement en amour. D'une plume, d'un verbe, d'un style brodés avec l'ennui.
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