Ce livre extraordinaire est dû à la grande curiosité et à l'imagination de
Nicolas Bouvier. Ce grand divagateur nous ouvre un drôle de livre de géographie: celle du corps. Planches d'anatomie, représentations médicales, religieuses, sacrées, étrange beauté des squelettes, des écorchés, des suppliciés, des martyrs et des impassibles figures de la médecine tibétaine ou chinoise....
Depuis l'érotisme médiéval ou exotique, à la fascination morbide pour une sorte de cannibalisme visuel, voyeurisme envers l'intérieur de l'enveloppe corporelle, quand le mystère des organes est enfin dévoilé, ce catalogue nous présente des visions, qui n'ont rien de scientifique mais forment un long poème, une litanie parfois burlesque, parfois tragique.
Lieu du plaisir et de la souffrance, évocation permanente de notre impermanence, le corps vibrant des amants s'efface et devient objet sans âme, assemblage grotesque de chair et d'os, de nerfs et de vaisseaux, de peau et de tendons. Amputé, disséqué, découpé, les morceaux en sont éparpillés et mis en vitrine, étiquetés, répertoriés.
Mais quand bien même le corps est dépouillé jusqu'à l'os, quand on en a observé la moindre parcelle, scruté tous les replis, démonté la machinerie, aligné toutes les pièces, le corps nous échappe encore, car nous n'atteignons jamais le savoir ultime, l'âme qui habita ce corps est invisible.