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EAN : 9782070119417
192 pages
Gallimard (05/03/2009)
3.67/5   184 notes
Résumé :
A quelques mois de la retraite, mohamed n'a aucune envie de quitter l'atelier où il a travaillé presque toute sa vie depuis qu'il est parti du bled.


Afin de chasser le malaise diffus qui l'envahit, il s'interroge sur lui-même avec simplicité et humilité. Il pense à son amour profond pour l'islam, dont il n'aime pas les dérives fanatiques ; il se désole de voir ses enfants si éloignés de leurs racines marocaines; il réalise surtout à quel poin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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sur 184 notes
Au pays. Ces deux mots prennent une signification particulière lorsqu'ils s'appliquent à un immigrant ou qu'il les prononce. Fait-on référence à la terre d'accueil ou l'autre, celle d'origine, plus ancienne, encore tatouée sur le coeur. C'est ce dilemme, si je puis appeler ainsi ce tiraillement, que pose l'auteur Tahar Ben Jelloun. À travers son protagoniste et quelques autres individus de sa connaissance, il l'aborde sans détour. Son Mohamed a quitté son Maroc et est arrivé en France en 1962, il y a une éternité de cela. La retraite l'amène à réfléchir à tout ce qu'il connaît, tout ce qu'il a vu et tout ce qui lui tient à coeur. Il dénonce les dérives fanatiques de l'islam et critique ces Maghrébins qui n'ont rien compris à leur pays d'adoption mais est-il mieux ? N'était-il pas opposé au mariage de sa fille avec un Français ? Ses cinq enfants ont grandi en Europe et se sont éloignés des traditions marocaines, ont des valeurs qui divergent un peu de celles de leur père. Ainsi, quand Mohamed est pris du désir de retourner dans la patrie qui l'a vu naître, est-il en droit de s'attendre à ce que ses enfants quittent tout pour le rejoindre ? le gap générationnel s'ajoute à la fracture géographique.

L'intrigue se trouve ainsi grossièrement résumée. Il va sans dire que Mohamed réfléchit sur un tas de sujets connexes, allant de l'identité à la famille en passant par le racisme et la pauvreté. C'est comme écouter un vieux sage, alors je suis partant. Je n'ai pas vraiment vécu le déracinement, mais ma profession m'amène à cotoyer quotidiennement des gens ayant tout quitté pour recommencer à neuf ailleurs. C'était criant de vérité. Je le comprends, ce Mohamed, qui cherche encore ses repères, qui fait des efforts pour s'adapter à son nouveau milieu mais qui ne veut pas perdre son identité ni l'amour de son pays d'origine. Et qui souhaiterait la transmettre à ses enfants. Il est tout à fait crédible dans ses intentions. Ceci dit, peut-être parce que son ton est trop juste (trop parfait ?), qu'il dit exactement ce qui doit être dit, dans un vocabulaire extrêment précis pour un ouvrier, il me paraît un peu inaccessible. J'aurais aimé qu'il commette quelques faux pas, un peu comme ceux qu'il dénonce chez d'autres Maghrébins. Ainsi, même s'il m'est sympathique, il y a toujours cette distance qui m'empêche de ressentir pleinement ses émotions.
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Mohamed est venu en France en 1962 à la recherche d'un travail. Aujourd'hui l'heure de la retraite approche. Mohamed devrait être heureux, mais non, il considère "l'entraite" comme l'antichambre de la mort, d'autant plus qu'il se rend bien compte que le monde autour de lui a bien changé, il ne s'est jamais vraiment senti chez lui en France, ses enfants sont devenus des étrangers, même l'Islam plus qu'une foi est devenu un instrument de pouvoir ! Il va donc devoir s'inventer une nouvelle existence. Ça se passera au bled, il va y construire une "maison aussi grande que son coeur" pour y vieillir entouré des siens...

Mohamed m'a beaucoup agacé au début : trop parfait, trop de sagesse pour cet ouvrier analphabète...mais une fois le décor planté, la retraite effective, les failles apparaissent et Mohamed devient un personnage plus attendrissant et plus vraisemblable. de même la France et le Maroc du début du roman, véritables images d'Épinal, deviennent deux sociétés plus nuancées, il me semble que Tahar Ben Jelloun a très bien croqué les travers de ces deux sociétés.

L'écriture de Tahar ben Jelloun est toujours aussi agréable et fluide, son propos toujours aussi humain. C'est vrai que j'ai craint le pire dans les premières pages mais ce livre se révèle intéressant dans ses réflexions sur le sens de la vie, la France et l'immigration,les mutations de l'Islam, l'évolution de la cellule familiale...

3,5/5.
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Mohamed a quitté le Maroc pour travailler en France. Et travailler, il aime ça, il connaît son métier et n'envisage pas de ne plus l'exercer. L'approche de la retraite fait germer en lui une sourde angoisse. « C'était comme si on lui signifiait qu'il était malade et qu'il ne pouvait plus être rentable pour la société. Une maladie incurable, une disponibilité pour un immense ennui. » (p. 27) Pour se rassurer, il en appelle à sa foi et à son amour simple et profond pour l'Islam. Pour Mohamed, les traditions et la religion sont le rempart du malheur. Il n'aspire qu'à une vie simple et heureuse, entourée des siens. le seul intérêt de la si terrifiante retraite est de pouvoir enfin achever sa maison au bled, où il compte bien finir ses jours. « Mohamed avait toujours rêvé d'une maison, une belle et grande maison où toute la famille serait réunie dans la paix, le bonheur et le respect. » (p. 15)

Hélas, ses cinq enfants sont nés et ont grandi en France. Pour eux, le bled, c'est un coin paumé et sans intérêt. le hiatus entre les deux générations est consommé quand Mohamed comprend que ses racines sont au Maroc et que celles de ses enfants sont en France, même si elles ne sont pas plantées bien profond. « Je suis triste depuis que je suis arrivé en France, ce pays n'y est pour rien dans ma tristesse, mais il n'a pas réussi à me faire sourire, à me donner des raisons d'être gai, heureux, c'est comme ça, je n'y peux rien. » (p. 47) le Maroc, c'est le pays des origines et le pays du retour triomphant. « le Maroc ne vous lâchera jamais, il sera toujours avec vous, impossible de l'oublier, le Maroc émigre avec vous, il vous suit, vous guide et vous protège, il vous collera à la peau ; il ne faut pas se décourager, quand le pays vous manquera. » (p. 95) Mais tout cela n'est que chimère et le fantasme du retour à la terre natale s'évapore, se heurte à la dure réalité. Mohamed n'a jamais été français, mais il n'est plus tout à fait marocain.

J'avais lu Partir de Tahar Ben Jelloun, où de jeunes Marocains ne rêvent que de quitter la terre marocaine. Au pays est le pendant exactement inverse de ce roman et il présente le désarroi, voire la détresse d'un homme qui ne trouve et ne retrouve son foyer nulle part. « La France, ce ne sera jamais votre pays, ça c'est sûr ! La France, c'est la France, un pays riche mais qui a besoin de nous comme nous avons besoin de lui. » (p. 97) J'ai aussi été très émue par la foi dont Mohamed fait montre. « Ma religion est mon identité, je suis musulman avant d'être marocain, avant de devenir immigré, l'islam est mon refuge, c'est lui qui me calme et me donne la paix. » (p. 131) Cette foi bannit les intégrismes et les excès, elle parle d'amour, de pudeur et de respect. Dans ce court roman, l'auteur évoque le racisme et la différence. Il soulève des questions simples et évidentes qui obsèdent comme des chansons lancinantes. « Mohamed ne savait plus si le racisme était suscité par la couleur de la peau ou l'extrême pauvreté. » (p. 13)

J'ai beaucoup apprécié cette lecture aux teintes élégiaques, tout en pudeur et en sensibilité.
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Mohamed est un homme perdu : marocain de naissance il est venu avec sa femme et ses enfants en France pour leur offrir une vie meilleure, aujourd'hui proche de la retraite il ne veut pas en entendre parler et n'arrive pas à imaginer sa vie sans aller travailler à l'atelier tous les jours, d'autant plus que presque tous ses enfants ont quitté le domicile familial pour vivre une vie qu'il ne comprend pas, une vie complètement occidentalisée et loin de celle à laquelle il rêvait pour eux.
Mohamed ne sait plus ni que faire ni que penser pour faire revenir à lui ses enfants, c'est la chute de cet homme que Tahar Ben Jelloun décrit dans ce roman, une chute qui l'enfermera dans une forme de folie dont le lecteur pressent l'issue.
Mohamed porte un regard juste sur les conditions de vie des immigrés en France : regroupés dans des HLM ils font l'objet de méfiance et de racisme de la part de certains français mais également d'autres immigrés, à tel point que Mohamed ne sait plus d'où vient le racisme : "Mohamed ne savait plus si le racisme était suscité par par la couleur de la peau ou par l'extrême pauvreté.", mais que tout cela est lié au climat général qui règne dans ces cités : "Mais la pauvreté, l'insécurité et la promiscuité ne laissaient pas de place au dialogue et à la tolérance. Les gens étaient à bout et ne contrôlaient plus rien.".
Cette analyse en début de roman est particulièrement juste et donne le ton de ce que sera la suite des réflexions de Mohamed qui réussit si bien à comprendre tout ce qui est du domaine de l'impersonnel mais qui est perdu lorsqu'il s'agit de sa dimension personnelle et de sa sphère familiale.
Mohamed s'interroge beaucoup, il cherche à comprendre le comportement de ses enfants et ne les comprend pas, il a tout fait pour leur donner une bonne éducation mais ces derniers préfèrent se perdre dans la culture occidentale plutôt que de retrouver leurs racines marocaines; il se pose d'autant plus de questions que la retraite lui fait peur.
Sa femme ne dit rien, parce que c'est son éducation et qu'elle soutient son mari en tout, mais elle, à la différence de lui, a tout compris : "Elle avait compris depuis longtemps que ses filles et garçons ne leur appartenaient plus, qu'ils avaient été engloutis dans le tourbillon de la France, qu'ils aimaient leur vie et qu'ils n'avaient ni remords ni regrets.".
Ce personnage féminin restera muet en permanence mais se révélera finalement le plus clairvoyant.
Mohamed se définit également par sa religion : "Ma religion est mon identité, je suis musulman avant d'être marocain, avant de devenir immigré; l'islam est mon refuge, c'est lui qui me calme et me donne la paix; c'est la dernière religion révélée, elle est arrivée pour clore un long chapitre que Dieu a commencé il y a très longtemps. Ici, ils ont leur religion et nous avons la nôtre. Nous ne sommes pas faits pour eux et ils ne sont pas faits pour nous.", un point de vue intéressant et bien développé, tout comme j'ai apprécié de suivre ce personnage dans ses interrogations, son retour au pays, sa quête désespérée de vivre sa retraite entouré de sa famille, dans son pays et dans son village qu'il aime tant.

De Tahar Ben Jelloun, j'avais lu le très beau "Cette aveuglante absence de lumière".
Ce roman, bien que posant des questions pertinentes, n'a pas la beauté de ce dernier et ne m'a pas touchée de la même façon.
J'ai été légèrement dérangée par une construction manquant parfois de logique : le passé se mélange au présent, à un moment il est à la retraite à un autre il est question de sa retraite.
Dommage que les événements se télescopent parfois, sans perdre le fil je mettais quelques instants à retrouver le fil de la pensée de Mohamed.
Il y a de très beaux passages, extrêmement émouvants, notamment lorsque Mohamed raconte à quel point il aimait regarder ses enfants travailler leurs devoirs le soir à la maison, ou lorsqu'il aborde le sujet de son dernier enfant qui n'est en fait pas le sien mais celui de sa soeur qu'il a pris avec lui car étant handicapé il avait plus de possibilités d'étudier et de s'épanouir en France qu'au bled.
Il en ressort tout l'amour que Mohamed éprouve à l'égard de ses enfants, même si aujourd'hui il ne parle plus à une de ses filles car elle a épousé un européen, un homme qui ne lui plaisait pas du tout.
Le lecteur perçoit également très bien la complexité de l'âme de ce personnage, il cherche à imposer à autrui une vision archaïque et dépassée de la vie tel que lui la conçoit sans prendre le temps un instant de considérer que celle d'autrui est aussi valable.
Mohamed est un homme qui reste buté sur ses positions et ne se remet pas toujours de la bonne manière en cause, ce sont ses imperfections qui le rendent humain et proche du lecteur.
La plus belle partie de ce roman, mais aussi la plus dure, est à mon sens le retour au bled de Mohamed, là où son entêtement et son aveuglement atteignent des sommets, à tel point qu'il s'attire la pitié du lecteur.
J'avais mal pour lui, de le voir s'enterrer ainsi en perdant tout sens de la mesure et de la raison.
Il n'empêche que j'ai aussi trouvé qu'avant d'en arriver là il fallait trop de temps au récit pour introduire cette notion qui pourtant me paraissait essentielle et plus intéressante à développer qu'en quelques pages.
Il y a donc eu des passages où j'accrochais totalement et d'autres moins, le style de Tahar Ben Jelloun étant toujours aussi agréable à lire, d'autant plus que les questions qu'il soulève dans son roman sont toutes plus pertinentes les unes que les autres et, malgré les années qui passent, toujours d'actualité.

"Au pays" est un roman intéressant pour les réflexions qu'il porte et son côté humain, servi par la plume fluide et agréable de Tahar Ben Jelloun, mais auquel il manque, de mon point de vue, un certain degré de beauté pour en faire un réel coup de coeur.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Ouvrier marocain immigré en France, Mohamed voit arriver le moment attendu par tant de travailleurs : la retraite. Mais il se rend compte qu'il n'a aucune envie de s'arrêter, de quitter l'usine où il travaille depuis tant d'années. Il ne se considère pas comme vieux et a l'impression qu'il pourrait travailler encore dix ans.

"Arrêter de travailler, rompre un rythme acquis depuis une quarantaine d'années, changer ses habitudes, ne plus se lever à cinq heures du matin, ne plus passer sa blouse grise, s'adapter à une nouvelle vie, changer de peau, de mentalité, faire mal à ses vieilles habitudes qui lui servaient de béquilles, qui lui donnaient ses repères, arrêter de travailler c'est apprendre à s'ennuyer gentiment, apprendre à ne rien faire sans tomber dans la tristesse."

Alors le jour où il doit s'arrêter, il décide de rentrer au pays, comme d'autres l'ont souvent fait avant lui, et de construire une immense maison dans laquelle il pourra accueillir tous ses enfants. Ces derniers, nés en France, ne lui ont pourtant rien demandé et nous assistons avec tristesse au déclin de ce vieil homme qui se construit des châteaux en Espagne pour occulter le vide qu'est sa vie.

Le récit est construit comme un long monologue de Mohammed, qui en profite pour passer sa vie en revue, de son arrivée en France à la naissance des enfants en passant par toutes ces vacances qu'ils passèrent au bled, pour ne pas oublier leurs racines, au grand dam de ses enfants. L'amour qu'il a pour ses derniers le pousse à vouloir faire un dernier acte pour eux, au détriment de toute logique alors que, parallèlement il est conscient qu'il n'a jamais été proche d'eux, qu'il ne leur a jamais vraiment parlé.

Mais il s'excuse lui-même en expliquant qu'il a respecté les rapports traditionnels qu'ils auraient eu au bled : un père lointain, qui vérifie seulement les carnets de note, bien loin du traditionnel père de famille français qui emmène ses enfants se balader en forêt le week-end … Et le modèle français veut que les enfants se dispersent, et ne restent pas auprès des aînés au bled, à écouter leurs sages paroles …

"La famille s'était dispersée. Il se consolait en se disant : c'est ça la vie, on fait des enfants, on les gâte puis un jour ils s'en vont, à peine s'il se souviennent de nous, mais que faire, si nous étions au village, ils seraient tous là, sous mes yeux, là, nous sommes dans un pays impitoyable, il faut lutter tout le temps pour vivre, pour respirer, pour dormir en paix. "

Petit à petit, on se rend compte que Mohammed n'a jamais vu l'immigration autrement que comme une longue pause à l'étranger, avant de pouvoir revenir au bled et de vivre sa vraie vie. "Le Maroc émigre avec vous, il vous suit, il vous guide et vous protège." Or, c'est là que la rupture avec ses enfants va se consommer, car eux se considèrent comme Français d'abord, allant même jusqu'à gommer leur identité marocaine en changeant de prénom.

Lorsqu'il évoque ses enfants, il en vient aussi à parler de l'islam, qu'il a toujours respecté, même s'il n'en aime pas les dérives fanatiques. Un islam qu'il n'a pas réussi à transmettre à ses enfants.

"Ma religion est mon identité, je suis musulman avant d'être marocain, avant de devenir immigré; l'islam est mon refuge, c'est lui qui me calme et me donne la paix; c'est la dernière religion révélée, elle est arrivée pour clore un long chapitre que Dieu a commencé il y a très longtemps. Ici, ils ont leur religion et nous avons la nôtre. Nous ne sommes pas faits pour eux et ils ne sont pas faits pour nous. "

Avec simplicité et humilité, le vieil homme déroule sa vie, portant un regard lucide sur ses compatriotes, sur leur rapport à la communauté, à l'argent. Il dépeint peu à peu la fracture entre Français et immigrés, dans leurs modes de vie et leurs valeurs : ainsi il se montre choqué lorsqu'un magrébin meure seul dans son appartement, ce qui n'aurait jamais pu se produire au bled …

"Mourir de solitude, ce n'était pas tolérable : les gens pensaient que ça n'arriverait jamais à des musulmans puisqu'ils appartiennent tous au même clan, à la même maison, la maison de l'islam, celle qui réunit les pauvres et les riches, les grands et les petits."

Au final un texte tout en pudeur, original et touchant, à qui je peux néanmoins reprocher de sombrer un peu dans le fantastique à la fin, à la manière des contes africains, ce que j'ai trouvé dommage.
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La journée était divisée selon les cinq prières. La montre c’était le soleil et son ombre. Cependant il lui arrivait de sentir tout son poids, d’imaginer le temps comme un fardeau sur le dos d’un vieil homme marchant avec difficulté. Pour tuer le temps, il donnait des coups de pied dans le fardeau imaginaire ; il labourait la terre avec une lenteur particulière. […] Il ne comprenait pas pourquoi on disait : le temps c’est de l’argent. A ce compte-là, il se considérait riche. Un jour, son cousin, celui qui boitait depuis un accident de travail en Belgique, lui proposa d’ouvrir une boutique sur la route de Marrakech pour vendre du temps. Comment tu vas faire ? C’est simple, je vends aux touristes le temps qui est trop abondant chez nous ; je les connais bien, je les ai fréquentés en Europe, je leur dirai : venez chez nous, vous aurez beaucoup de temps devant vous, il n’y a rien à faire, vous vous reposerez, vous ne regarderez plus la montre et, à la fin de la journée, vous vous demanderez où est passé le temps.
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Mes enfants ne me disent jamais « jtème », moi non plus d’ailleurs, ce ne sont pas des choses qu’on se dit dans la famille, une fois une secrétaire à l’usine m’a rendu u document mal rempli, je lui ai dit: pourtant c’est lui qui l’a rempli, j’ai confiance en lui; elle m’a dit: c’est qui lui? Ma fille cadette! La femme était choquée, mais comment lui expliquer que chez nous c’est comme ça, on ne parle pas de nos filles ni de leur mère, c’est une question de respect, mais elle n’a pas compris. Je n’ai jamais fait de compliments à mes filles…
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...Aujourd'hui l'Algérie est très riche, j'ai vu ça à la télé, ils ont du pétrole et du gaz, ils ont des trésors sous la terre qui les nourriront durant des siècles, et pourtant des Algériens émigrent, ils sont de plus en plus nombreux à venir s'installer en France, c'est malheureux , un pays si riche et un peuple si pauvre !
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"Vieux con!" Cette insulte il l'avait souvent entendue autour de lui, mais ce fut la première fois qu'elle lui était adressée. Il se dit tout en marchant la tête baissée en direction de son immeuble : ai-je la gueule d'un vieux con? C'est quoi un vieux con? ça doit être un pauvre type, un gars qui ne se bat pas, qui subit la vie, et le jour où il décide de ne pas répéter les mêmes gestes, il rencontre une violence d'un autre genre; nulle part il n'a trouvé sa place.
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Quarante ans de présence en France ne l’avaient pas changé. Il était resté intact.Pas le moindre pli, propre, impeccable, pas même une minuscule influence. Il était naturellement, hermétiquement fermé. Rien de la France ne trouvait de place dans son cœur, dans son âme. Ce n’était pas une décision réfléchie, débattue. C’était ainsi, et rien ne pouvait le changer. Ils étaient des millions comme lui. Ils arrivaient en terre d’immigration comme blindés, surtout pas de mélange, ils ont leur vie, leurs mœurs, et nous avons les nôtres. Chacun chez soi et pas d’intrusion ou d’ingérence. Il ne faisait même pas d’effort pour repousser ce qu’il appelait les contaminations de Lafrance sur lui. Il était étranger, totalement inatteignable. Le bled et ses traditions l’habitaient tout en l’éloignant de la réalité.
(p. 130-131, Chapitre 13).
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