J'ai déjà essayé de lire MW lors de sa première parution en France en 2004 mais je n'avais pas accroché à l'époque, trop dérangeant pour moi. Depuis, j'ai vie
illi et mes goûts ont changé. La très belle réédition de Delcourt-Tonkam était l'occasion de redonner une chance à ce titre et j'ai eu bien raison. J'y ai trouvé une histoire passionnante à lire, avec des thèmes riches et une écriture au vitriol qui m'a beaucoup plu.
MW, c'est l'histoire de Michi Yuki, un homme très ambigu, employé de banque le jour, meurtrier et maitre chanteur la nuit. Depuis qu'
il a été victime d'un gaz expérimental, enfant,
il ne maitrise plus ses pulsions et veut se venger de ses souffrances. Cependant,
il ne peut s'empêcher de chercher une certaine forme de compréhension en la personne de Garai, son prêtre et amant, avec qui
il a partagé cette première expérience traumatisante. MW est donc l'histoire de la spirale meurtrière infernale du premier, sous le regard effrayé du second qui va essayé de l'arrêter.
J'ai trouvé chez ce titre de
Tezuka un petit air d'
Hitchcock. J'ai eu l'impression de me retrouver dans l'un des thr
illers du maitre et du coup, j'ai passé un grand moment. le manga est écrit de manière extrêmement précise et maîtrisée. On est plongé en pleine action. On suit les péripéties du héros à travers son regard de meurtrier, un peu comme on le faisait avec Dexter dans la série tv éponyme. En plus, Yuki est un personnage très charismatique. C'est un meurtrier au sang froid, quelqu'un de très intelligent et en même temps,
il est complètement obsédé par Garai. C'est un homme profondément dérangé donc fascinant pour le lecteur. La fascination est en effet l'un des moteurs premiers de ce récit et elle jouera jusqu'à la fin.
Ce petit air d'
Hitchcock, je l'ai aussi retrouvé dans la composition graphique des planches. J'ai senti une nouvelle fois un vrai soin dans le jeu des cadrages chez
Tezuka qui m'a rappelé certains plans qu'on pouvait trouver chez le réalisateur. J'aimerais beaucoup voir cette histoire porter à l'écran maintenant.
L'histoire s'y prêterait à merve
ille car on y parle de sujets percutants et dérangeants.
Il y a d'abord les expérimentations de gaz mu par les Américains sur le territoire japonais, les relations entre ces deux nations après la guerre, mais auss
i la corruption des hommes politiques japonais, leurs liens avec le m
ilieu des affaires, les détournements de fonds, les magou
illes électorales et j'en passe.
Tezuka brosse un portrait bien sombre de l'élite politique et financière de son pays. On sent que pour lu
i, le Japon d'après la guerre, n'est pas un Japon qui fait rêver loin de là. En plus de cela,
il nous parle de la pression que subissent certains chefs d'entreprise au point de se suicider en fam
ille.
Il nous parle aussi de ces f
illes qui ne sont que des moyens d'échanges et d'ascension sociale pour leurs parents. C'est encore un portrait au vitriol qui est fait de cette société d'après-guerre qui, on le sent, cherche à retrouver de la mauvaise façon un faste perdu.
Tezuka n'est pas tendre et j'adore ça.
Du coup, j'a
i lu ce titre comme un mélange de satire sociale et de thr
iller, et le mélange est détonnant ainsi qu'haletant. Au début, on se demande où veut en venir Yuki, pourquoi
il fait cela, mais petit à petit le puzzle se met en place. Son histoire personnelle qui est à l'origine de tout est assez fascinante et les révélations sont parfaitement orchestrées. On voit ce personnage évoluer sans cesse sous nos yeux, nous surprenant à chaque fois quand on se rend compte jusqu'où
il peut aller et ce qu'
il est capable de faire. Je n'ai pas senti un temps mort dans l'histoire, tout s'enchaîne à merve
ille, un enlèvement, un meurtre après l'autre. Au m
ilieu de tout ça, j'ai trouvé le personnage de Garai assez faible, tout comme sa "romance" avec Yuki. Je ne sais pas si on peut dire que ça apporte vraiment grand-chose à l'histoire, mais ce n'est peut-être pas le but non plus, peut-être l'auteur cherchait-
il juste à banaliser ainsi des relations homosexuelles qui à l'époque de la publication au Japon (1978) étaient encore tabou.
En tout cas, j'ai eu un vrai coup de coeur inattendu pour ce titre de
Tezuka. C'est peut-être même mon préféré pour le moment dans sa bibliographie, car
il ne souffre pas des longueurs des Trois Adolf, ni de certains aspects dérangeants propre à Ayako. Ici, c'est un thr
iller et une critique sociale diablement efficace, orchestré de main de maitre !
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