La guerre est finie, vive la guerre. Ou : quand le remède est pire que le mal. Ou : quand un régime autoritaire communiste remplace une présence militaire américaine.
Les Khmers rouges prennent le pouvoir au Cambodge en 1975. Ils prétendent réformer la société « pour qu'il n'y ait plus d'injustice, plus de corruption ni d'inégalité de richesse ». Première étape : éliminer la bourgeoisie - diplômés, intellectuels, propriétaires. Les habitants de Phnom Penh sont chassés en une nuit, ces départs imposés se font dans la panique, des familles sont éparpillées, les populations fuient dans les campagnes, errent sur les routes, la solidarité et le troc aident à survivre. Les mouvements sont de plus en plus contrôlés, les cambodgiens apprennent vite à changer d'identité, à dissimuler tout signe d'appartenance éventuelle à « l'élite ».
Tian est né au Cambodge en 1975, sa famille s'est installée en France en 1980.
Il témoigne dans cette trilogie de la vie de ses proches pendant la dictature sanguinaire de Pol Pot. Ce premier opus est consacré aux premiers mois de la révolution.
La puissance du propos de Tian réside dans la simplicité des textes et des dessins - des faits, rien que des faits. Pas de théorisations, pas de discours politiques ; la description de l'errance, du désarroi, du chaos est suffisamment éloquente, aussi sobre et bouleversante que dans le film de
Rithy Panh '
L'Image manquante' où les individus, muets, sont représentés par des figurines d'argile.
D'ailleurs
Rithy Panh exprime très bien cette force en préface de l'album : « C'est le propre des grands artistes que de parvenir à donner l'illusion de la simplicité dans la narration de l'impensable ». On ne peut qu'approuver cet éloge émis par un rescapé de la dictature de Pol Pot.