Álvaro, Sílvio, Ribeiro, Neto et Ciro forment un groupe d'amis vivant à Rio de Janeiro. Ils se sont rencontrés quand ils étaient étudiants et ont cultivé toute leur vie une longue amitié.
Séducteur invétéré, Ciro, le plus jeune des cinq, est atteint d'un cancer et meurt prématurément à l'âge de 50 ans. Deux ans plus tard, c'est Neto, métis au comportement droit et irréprochable, qui disparait. Sílvio, le plus débauché de la bande, grand consommateur de drogues et de sexe, se donne la mort en plein carnaval (février 2009), alors qu'il est atteint de la maladie de Parkinson. Ribeiro, sportif et amateur de plage, meurt quelques années plus tard d'un infarctus, vraisemblablement dû à une surdose de Viagra. En
fin, Álvaro, 85 ans, décède des suites d'une chute,
fin avril 2014.
Au cours des quelques jours, voire des heures précédant leur mort, les cinq protagonistes se livrent à un monologue intérieur où les réflexions désordonnées sur leur vie se mêlent aux souvenirs de quelques-uns des épisodes les plus marquants de leur existence. Bien qu'ils aient des personnalités et des trajectoires très différentes, ils ont en commun d'avoir accumulé un certain nombre de frustrations, liées à des inhibitions et des résignations.
Ainsi, Álvaro, dont le monologue au ton acerbe et cynique ouvre le roman, se remémore ses quatre amis déjà morts, ses parents, ainsi que son ancienne femme qu'il n'a jamais aimée. Il évoque aussi sa fille, son gendre et son petit-fils, trois personnes pour qui il n'a aucun respect ni tendresse. Il mentionne quelques épisodes qui réapparaîtront au cours du roman, narrés par d'autres personnes, tels que le jour où Ciro a fait la connaissance de sa femme, lors d'une soirée en l'honneur de la naissance du premier enfant de Neto, ou encore une nuit mémorable que les cinq amis ont passée dans la garçonnière de Sílvio en compagnie de femmes.
Ainsi, l'action du roman, résolument urbain, se déroule principalement dans le Rio de Janeiro des années 1960-1980. La présence de la ville est centrale ; de nombreux toponymes (rues, quartiers, lieux) sont mentionnés. le sexe, la drogue, la débauche, l'hédonisme et les excès en tout genre qui ont marqué cette époque forment la toile de fond du récit. Les références culturelles, qu'il s'agisse de la musique, du cinéma, de la littérature et autres, sont extrêmement nombreuses. Certaines problématiques sociales, telles que la question de la couleur de la peau et du statut social, sont parfois abordées. Il est également question du Rio de Janeiro d'aujourd'hui, ville agressive et dangereuse où la chaleur est étouffante, les odeurs nauséabondes, etc.
Autour de cinq protagonistes évolue une myriade de personnages secondaires, les plus importants étant les femmes qu'ils ont connues, qu'il s'agisse des épouses, des amantes, d'une soeur ou encore d'une infirmière. Névrosées, séductrices, impétueuses ou soumises, celles-ci évoquent à leur tour leurs désillusions et amertumes.
Fin est un récit de vie marqué la solitude, la maladie, la mort, la folie mais aussi par l'amour et l'amitié.
La structure narrative de
Fin est aussi singulière qu'intéressante. le roman est en réalité une série de tableaux discontinus dont l'ensemble présente une certaine cohérence, bien qu'il ne soit pas agencé selon une logique systématique.
Intitulées par l'un des prénoms des protagonistes et portant en guise de sous-titres leurs dates de vie et de mort, cinq parties sont clairement identifiables. L'épilogue est intitulé « le prochain », en écho à la question qui traverse le roman en filigrane : Qui sera le prochain ?
Les cinq parties s'ouvrent sur le monologue à la première personne des protagonistes et sont suivies, à l'exception de la dernière, de récits à la troisième personne adoptant soit le point de vue d'un des personnages liés d'une manière ou d'une autre à la personne venant de mourir, soit un point de vue complètement extérieur.
Ces multiples tableaux fragmentés et récits entrelacés sont bien articulés, du fait notamment des transitions entre les parties.
Le style de l'auteure est rythmé, alerte et efficace. le registre de langue appartient principalement à l'oralité (onomatopées, interjections) et au parler populaire brésilien et carioca ; les termes argotiques abondent sans que le récit paraisse vulgaire.
Les dialogues sont tantôt figurés de manière classique, c'est-à-dire, introduits par des tirets, tantôt inscrits dans la narration, créant une cadence intéressante.
Le récit est dépourvu de descriptions.
Fin est un roman choral qui met à nu la nature obscure, parfois cruelle et mesquine, de l'être humain. Si les histoires de ces hommes et de ces femmes sont ancrées dans un contexte historique, géographique, socio-culturel et linguistique précis, il est avant tout question des difficultés et des drames inhérents à l'existence humaine, et notamment aux sentiments et aux relations amicales, amoureuses ou familiales. le roman en donne une vision juste et sans concession ; si l'amitié qui unit les cinq hommes est réelle, elle n'est pas présentée de manière édulcorée ou affectée. En effet, les protagonistes nourrissent les uns pour les autres des rancoeurs, de l'envie, de la jalousie et ne font pas toujours preuve de gentillesse, d'empathie ou de solidarité.
La désillusion, la séparation, l'asphyxie de la vie quotidienne, le deuil, le désespoir, la folie, la maladie, la vieillesse et la mort sont autant d'épreuves que les personnages du roman affrontent tant bien que mal.
Le contraste entre la gravité de ces thématiques et la légèreté et la vitalité du ton caustique, sardonique et parfois drôle de l'auteure donne au texte une belle intensité. L'humour est en effet présent dès la première phrase du roman où le protagoniste maudit le roi portugais Manuel I qui a fait mettre des pavés sur les trottoirs de Rio de Janeiro, véritables obstacles et dangers pour les personnes âgées.
L'alternance des points de vue narratifs crée un effet intéressant, d'autant que l'auteure a globalement su éviter l'écueil des répétitions, redondances et autres lourdeurs.
Le lecteur ne sent jamais perdu au fil de la narration accidentée – mais maîtrisée – dans laquelle évoluent de nombreux personnages, pour lesquels il peut éprouver une certaine empathie. Tous, avec leurs vertus, leurs vices, leurs limites, sont ordinaires et entiers. le traitement des personnages est à cet égard réussi : l'auteure est parvenue à donner à chacun une consistance singulière en évitant les clichés et les exagérations. En outre, le roman est dépourvu de fausse morale, de jugement, de condescendance ou de parti pris, même quand il est question d'actions et de sentiments pouvant être socialement et culturellement considérés répréhensibles, tels que le désamour d'Álvaro envers sa fille, la pédophilie de Ribeiro, la manipulation diabolique de Ciro, l'euthanasie, etc.
Fin est un roman moderne qui nous raconte des histoires à la fois singulières et ordinaires.