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EAN : 9782859405656
192 pages
Phébus (09/02/1999)
3.81/5   8 notes
Résumé :
Madrid 1936 (mais ce pourrait être aussi bien aujourd'hui, partout où la violence aveugle s'amuse à prendre la vie du premier venu en otage). Dix-huit victimes, fauchées par l'absurdité de la guerre, déclinent leur identité. Un inventaire qui hésite entre le grotesque et le pathétique...
Il y a là une servante cataleptique, employée dans une maison où le spiritisme est considéré comme un des beaux-arts ; un adolescent que vient de gifler un mystérieux inconn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Seulement 14 lecteurs Babelio pour ce que je considère comme le meilleur de tous les livres que j'ai lus sur la guerre civile Espagnole !

Ce n'est pas exactement un roman, plutôt un mémorial imaginaire des victimes du siège de Madrid. Imaginaire parce que toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existé serait vraiment un hasard extraordinaire.

Parce qu'il s'agit plutôt d'une série de contes biographiques, un pour chacun des vingt-huit chapitres qui commencent tous par « Ce cadavre… » avant de décrire la raison de sa mort et de raconter brièvement sa vie ou quelques épisodes de sa vie. Vingt-sept plutôt puisqu'un des chapitres est lapidaire : « Ce cadavre, personne ne sait à qui il appartient ». Ah non, vingt-huit, parce qu'il y a les deux cadavres de deux amis au chapitre V.

Ces histoires sont parfois pathétiques, mais le plus souvent burlesques, et l'auteur les raconte avec une inventivité débridée, une saine jubilation teintée de remarques ironiques dès qu'il évoque toute sorte d'autorité. Les militaires, les politiques, les dominants en général, quel que soit leur bord, en prennent pour leur grade. Pas trop l'église, visiblement là n'est pas le propos de l'auteur (ce qui est d'ailleurs un peu étonnant vu son rôle durant la guerre civile puis le franquisme).

Ce n'est pas pour autant décousu, loin de là : quelques personnages en fil rouge, quelques autres épisodes qui reviennent d'un chapitre à l'autre. C'est finalement très construit. Mais ce n'est pas construit pour mener à une envolée finale ou quelqu'autre dessein. La seule morale est l'absurdité de terminer ainsi des vies qui souvent n'avaient pas besoin de cela pour être déjà absurdes. Ou pitoyables. Ou émouvantes.

Comme dit plus haut, je tiens ce livre pour un chef d'oeuvre et ne comprends pas le peu d'intérêt qu'il a apparemment suscité, ni le fait que les livres suivants de Rafael Torres n'ont pas été traduits en Français.
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Ese Cadaver
Traduction : François Gaudry

ISBN : 9782859405656

Le recueil ne fait pas deux-cents pages et, chapitre par chapitre, nous raconte dix-huit petites histoires, la vie de personnages dont certains se sont connus plus ou moins bien ou, en tous les cas, se sont croisés sur les chemins de l'existence. Toutes ces personnes, femmes et hommes, sont mortes. Tuées avec la même indifférence par les balles perdues ou les éclats obus du siège de Madrid. Deux exceptions cependant : deux vieux généraux en retraite républicains, emmenés "en promenade" par des agents certainement communistes qui les suspectaient d'on ne sait trop quoi. Deux vieux généraux dont les propos qu'ils tenaient jadis au café parlent du soulèvement, en 1868, contre la reine Isabel II, de toute la rage qui s'ensuivit entre carlistes et alphonsins, et enfin de l'instauration de la République.

En un style très poétique et peuplé d'images véritablement goyesques qui nous prennent toujours au dépourvu et nous fascinent, Rafael Torres nous raconte une Espagne dont les souffrances se concentrent dans le siège de la capitale mais qui, encore et toujours, refuse de s'incliner. Ce n'est pas tant par rapport à Franco et aux nationalistes : l'Espagne et les Espagnols sont comme ça - ils ont toujours refusé de s'incliner. Ils préfèrent se battre, y compris entre eux. Telle est un peu la conclusion qu'on pourrait tirer de ce recueil assez déstabilisant, mi-figue, mi-raisin, qui ressuscite toute une époque en n'évoquant que des cadavres abandonnés à eux-mêmes, les uns après une vie bien accomplie, les autres à l'aube de leur destin et de leurs amours. Obéissant aux ordres, la Mort fait son boulot sans se poser de questions : sans doute en aurait-elle trop.

Le livre s'achève sur le corps d'une chanteuse de romanceros, les bras entourant l'une des affiches de son répertoire et l'auteur en profite pour récapituler l'essentiel de ce qu'il vient de nous conter. C'est beau, il n'y a pas à dire. C'est aussi, malgré tout, un peu sec. Et, j'ai le regret de le dire, le parti pris est là, parti-pris que, peut-être inconsciemment, le traducteur à signalé dans le titre-jeu de mots qui n'existe pas dans l'original.

Rafael Torres, qui, selon moi, est soit un bien-pensant, soit un homme dont la famille a beaucoup souffert durant le siège de Madrid, nous affirme comme ça, d'un ton coupant, définitif, que seuls les nationalistes ont recouru aux troupes étrangères. A croire que les conseillers du Komintern et les Brigades internationales étaient tous des Espagnols ... de souche, supposition qui, je pense, en surprendra plus d'un, qu'il ait dressé au fond de son appartement un autel au Caudillo, avec cierges et tout le toutim, ou que, au contraire, il lise et relise pieusement la collection complète des oeuvres des écrivains et poètes républicains. La remarque m'a beaucoup choquée, d'autant qu'on y sent une haine que l'on peut comprendre certes mais qui se déconsidère à partir du moment où elle abuse du mensonge et de la propagande. La Guerre d'Espagne étant souvent représentée de manière très manichéenne, nous avons déjà eu l'occasion de le dire, on imagine la réaction du néophyte qui, captivé par le style et le talent de Torres, prend pour argent comptant cette remarque qui déparera toujours à mes yeux le plaisir que j'ai pris à cette lecture.

Pour autant, je ne vous découragerai pas de lire cet ouvrage dont les descriptions sont souvent lyriques, fulgurantes, avec des mots à l'emporte-pièce et, je le dis encore, des images incroyables qui ressuscitent l'art de Goya. Bien au contraire. Dans un cas aussi douloureux que celui de la Guerre civile espagnole, il faut avoir plusieurs points de vue, si possible exprimés avec talent. Or, du talent, Rafael Torres n'en manque pas. de la rancoeur non plus - une rancoeur peut-être compréhensible, je n'en sais rien. Mais enfin, en tant que journaliste, sa profession première, il se devait de respecter la vérité pleine et entière, si désagréable qu'elle fût pour le camp qui a ses sympathies. On notera d'ailleurs qu'il ne stipule en rien la qualité d'agents communistes des sbires qui massacrent les deux vieux généraux - sincèrement, cela m'étonnerait beaucoup qu'il s'agît d'anarchistes. Il méprise leur acte, c'est certain mais il détourne bien vite la tête, je trouve ... On ne sait d'ailleurs même pas si les tueurs étaient espagnols. Et l'on comprend évidemment que l'auteur n'avait aucun intérêt à le préciser.

Deux recommandations cependant : si Goya et les descriptions de cadavres vous gênent, laissez tomber. Si vous ne connaissez pas grand chose sur la Guerre d'Espagne, laissez tomber aussi ou plutôt, réservez ce livre pour le moment où vous vous serez renseigné sur l'Histoire de la Guerre civile. Tout le monde y gagnera : vous d'abord - et Rafael Torres ensuite. ;o)
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[...] ... La baguette imaginaire montre, pour commencer, le sommeil profond, le seul paisible et réparateur de son existence, d'une servante qui, pendant trois jours, ne fut ni vive, ni morte. La deuxième vignette représente un Dieu déplorable et fatidique qui, non content de flanquer une torgnole à un gamin, fait s'écrouler sur lui le clocher de l'église San Martín. Le troisième tableau, que personne ne peindra, fait pourtant allusion à un modèle, un Gitan qui a prêté sa grâce et sa beauté à la face de Dieu, probablement ce même Dieu indésirable. Oh ! La quatrième ! La quatrième vignette est humide parce que nous y voyons le visage d'une jeune fille, buveuse de sang par amour, qui pleure depuis une semaine et garde sa beauté intacte dans le brasier des bombes incendiaires. La cinquième nous montre un homme d'honneur, un vieux militaire républicain, qui brandit son épée dans un escalier pour défendre son ami contre les horreurs de la guerre et, en fond, derrière un mur, un hippopotame excité. Dans la sixième, il manque de la place pour le chauffeur maudit de la Cockerill et ses six épouses. A l'intérieur du septième carré, se presse une foule qui, elle, trouve place, car tous nichent, conspirent, s'aiment et se haïssent dans la tête d'une pauvre Russe amoureuse de son père. La huitième vignette représente le dernier descendant des rois de Grenade, un petit boutiquier de Tétouan dont l'étal est piétiné et détruit par la barbarie. Dans la neuvième, nous contemplons seulement un vieillard, flanqué d'un gosse et d'un mâtin, et la voix absente, ni belle ni psalmodiante raconte ses aventures dans les monts de Tolède et les bagnes d'Afrique. La dixième est mystérieuse : nous y voyons un cadavre plié sur une balustrade, et en bas, dans la rue, un homme hypnotisé par la montre du mort qui pend au bout de sa chaîne. La onzième vignette est en avance sur son temps : si les factieux n'avaient pas déclenché cette boucherie, un Espagnol aurait partagé l'invention de la télévision avec les Anglais. La douzième est un peu confuse, car deux hommes torturés l'habitent : l'un qui vole pour pouvoir dormir, et l'autre qui s'ampute d'une main pour trouver le sommeil, mais le cadavre titulaire de la vignette est le premier. Le treizième carré représente un danseur de jota, mais ici nous le voyons sans jambes, comme si l'ouragan de pointes du Haut-Aragon les avait emportées. La quatorzième vignette est une histoire d'amour : le dessin montre une forme allongée recouverte de journaux, mais la voix que l'on n'entend pas nous assure que sa bouche contient la salive d'un futur qui n'adviendra pas. Sur l'avant-dernière vignette, on a peint un bassin d'eau verte et un homme qui flotte, on ne voit que cela, mais d'où vient donc ce hurlement de douleur ? La dernière, qui n'est pas la dernière parce que la dernière devrait nous peindre l'horrible crime de la romancera, le sauvage assassinat de celle qui raconte et chante ce qui se passe et ce que nous imaginons, est une belle et épouvantable nature morte et, hors cadre, dans un angle de la vignette, un cadavre dont nul ne sait à qui il appartient. ... [...]
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Dès que le juge Marino Lara fut informé de ce cas de femme ni vivante ni morte, il chargea l’inspecteur Vega de procéder à une enquête appropriée. Non que le cas d’Adela Ruano éveillât pour l’instant des soupçons de crimes, mais le juge savait que c’était là une affaire comme les aimait Lazaro Vega, à ses yeux le plus atrabilaire des policiers depuis que celui-ci lui avait apporté à son bureau, enveloppée dans un mouchoir, une main sectionnée appartenant, avait-il prétendu, à un maçon onaniste rongé par d’insupportables sentiments de culpabilité.
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- C’était la révolution. Ce train devait être plein de fascistes, crut bon de dire le jeune bavard.
- Ce train était plein de passagers, comme tous les trains, espèce d’idiot, et si tu avais vécu comme moi ces instants-là, tu ne dirais pas que ce massacre aveugle avait à voir avec la révolution, répliqua Juan au gamin exalté.
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Le lendemain matin, l’apparition d’une masse de cavaliers ennemis fit comprendre à Martinez Campos, stratège lucide, que Maceo se préparait à l’attaquer.
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