─ C'est l'histoire du chat de Schrödinger, laissa tomber Stupendal qui, décidément, jouait le monsieur-je-sais-tout. Vous prenez un chat bien vivant. Vou l'enfermez dans une boîte hermétiquement fermée en compagnie d'une capsule de gaz toxique qui n'entrera en action que selon une probabilité de un sur deux. Tant que vous n'aurez pas ouvert la boîte pour savoir si le chat a survécu, les deux possibilités seront potentiellement vraies. Autrement dit : le chat sera à la fois mort et vivant.
─ Pauvre bête ! s'alarma sir Angus. Ce Schrödinger est un sans-coeur ! N'aurait-il pas pu choisir un putois ?
─ Le fait d'ouvrir la boîte annule une des possibilités, poursuivit sir Willigan, imperturbable. On ne peut être et ne pas être.
─ Oh, fit remarquer Rangoon, il aurait été inutile d'ouvrir la boîte ! Il aurait suffi de la secouer un peu fort pour savoir si le chat était toujours vivant. Dans ce cas, je vous garantis qu'il aurait miaulé.
Né en 1931 dans les Ardennes, sous le nom de Jean-Paul Baron, Frédérick Tristan, auteur de plus de trente livres en soixante ans d'écriture, aime brouiller les pistes. Comme Fernando Pessoa, il a créé des hétéronymes qui écrivent à sa place, dont celui de Danielle Serréra, jeune poétesse suicidée à 17 ans. En 1983 il obtient le prix Goncourt avec « Les Égarés ». Membre éminent du courant littéraire de la Nouvelle Fiction identifié par Jean-Luc Moreau, il a notamment publié « le Dernier des hommes » (1993), « L'Énigme du Vatican » (1995), « Stéphanie Phanistée » (1997), ainsi que des romans policiers sous le nom de Mary London. En 2000, il reçoit le Grand Prix de littérature de la Société des Gens de Lettres pour l'ensemble de son oeuvre, rééditée par Fayard depuis 1997. Il a publié ses mémoires en 2010 : « Réfugié de nulle part » (Fayard, 470 p.).
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