Le seul propos d’une « Science du Beau » devait fatalement être ruiné par la diversité des beautés produites ou admises dans le monde et dans la durée. S’agissant de plaisir, il n’y a plus que des questions de fait. Les individus jouissent comme ils peuvent et de ce qu’ils peuvent ; et la malice de la sensibilité est infinie. Les conseils les mieux fondés sont déjoués par elle, quand même ils soient le fruit des observations les plus sagaces et des raisonnements les plus déliés.
Je ne dis pas que la découverte de l’Idée du Beau n’ait pas été un événement extraordinaire et qu’elle n’ait pas engendré des conséquences positives d’importance considérable. Toute l’histoire de l’Art occidental manifeste ce qu’on lui dut, pendant plus de vingt siècles, en fait de styles et d’œuvres du premier ordre. La pensée abstraite s’est ici montrée non moins féconde qu’elle l’a été dans l’édification de la science. Mais cette idée, pourtant, portait en elle le vice originel et inévitable auquel je viens de faire allusion.
Je vous déclare tout d’abord que le nom seul de l’Esthétique m’a toujours véritablement émerveillé, et qu’il produit encore sur moi un effet d’éblouissement, si ce n’est d’intimidation. Il me fait hésiter l’esprit entre l’idée étrangement séduisante d’une « Science du Beau », qui, d’une part, nous ferait discerner à coup sûr ce qu’il faut aimer, ce qu’il faut haïr, ce qu’il faut acclamer, ce qu’il faut détruire ; et qui, d’autre part, nous enseignerait à produire, à coup sûr, des oeuvres d’art d’une incontestable valeur ; et en regard de cette première idée, l’idée d’une « Science des Sensations », non moins séduisante, et peut-être encore plus séduisante que la première.
Le plaisir, comme la douleur (que je ne rapproche l’un de l’autre que pour me conformer à l’usage rhétorique, mais dont les relations, si elles existent, doivent être bien plus subtiles que celle de se « faire pendant ») ce sont des éléments toujours bien gênants dans une construction intellectuelle. Ils sont indéfinissables, incommensurables, incomparables de toute façon. Ils offrent le type même de cette confusion ou de cette dépendance réciproque de l’observateur et de la chose observée, qui est en train de faire le désespoir de la physique théorique.
Je ne dis pas que la découverte de l’Idée du Beau n’ait pas été un événement extraordinaire et qu’elle n’ait pas engendré des conséquences positives d’importance considérable. Toute l’histoire de l’Art occidental manifeste ce qu’on lui dut, pendant plus de vingt siècles, en fait de styles et d’oeuvres du premier ordre. La pensée abstraite s’est ici montrée non moins féconde qu’elle l’a été dans l’édification de la science. Mais cette idée, pourtant, portait en elle le vice originel et inévitable auquel je viens de faire allusion.
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Les Jeux olympiques de littérature
Louis Chevaillier
Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. »
Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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