Ce livre est problématique sur de nombreux points. Déjà, le style en lui même est assez désagréable, je suis pourtant habituée à lire des essais. Mais balancer des nombres et toutes sortes de statistiques tout en ponctuant certaines phrases de deux points d'exclamations et en les mettant en gras n'ont jamais suffi pour faire la solidité d'une argumentation ; Et là est bien tout le noeud du problème, si le sujet abordé est pourtant essentiel, la réflexion elle est très superficielle.
Ainsi, l'autrice affirme que le pire des scénarios du GIEC n'est de toute façon pas possible parce que les ressources en pétroles vont s'effondrer avant que l'on dépasse les deux degrés et elle imagine donc que le climat se stabilisera à 1,7 degré. C'est là une démonstration de l'incompréhension de comment fonctionne le climat ; Il ne suffit pas de soudainement arrêter les émissions de co2 pour que le climat se stabilise, il ne s'agit pas d'une casserole en train de bouillir sur un feu. On est en train de profondément changer la nature chimique de notre atmosphère, les conséquences en sont donc multiples et complexes. Il se trouve qu'aujourd'hui le taux de co2 dans l'atmosphère a atteint le taux d'il y a 14 millions d'année. Or on estime qu'il y a 14 millions d'années il faisait 3 à 4 degrés de plus qu'aujourd'hui. Dit autrement, il y a déjà certainement assez de co2 ( et on ne parle même pas des autres GES ) pour que le climat se réchauffe et dépasse les 2 degrés. Et il ne faut clairement pas compter sur les systèmes qui d'habitude absorbent le CO2, les forêts et les océans qui sont déjà en état critique, au point même qu'on estime que certaines forêts sont en train de rejeter plus de CO2 qu'elles n'en absorbent. Ajouter à cela, la fonte de la banquise ( et des glaces ) qui non seulement perturbe les courants marins mais en plus diminue une partie de la réflexion des rayons solaires, la fonte du permafrost qui entraîne carrément de gigantesque effondrement formant des sortes de cratères, qui rejette massivement du méthane ( L'autrice en parle très vite fait mais à l'air de douter de la dangerosité de ce phénomène… ), les incendies de plus en plus gigantesques qui en plus de détruire une partie de la biodiversité, rejettent aussi du CO2. Ajouter à cela un phénomène peu connu dont on parle peu, le fait qu'une partie des particules fines permet une réflexion des rayons du soleil au point qu'on estime qu'elles freinent de près de 0,5 degré le réchauffement ( cf le grand livre sur le climat ). Donc si on arrêtait tout forme de d'utilisation du pétrole, de facto il y aurait 0,5 degrés qui viendrait se rajouter au réchauffement climatique, même sans prendre en compte toutes les données, on voit bien que les 1,7 degré hypothétiques de Vargas n'ont malheureusement rien de réaliste. Au vue de comment la machine à réchauffement semble lancée, même si miraculeusement on arrivait à limiter le réchauffement à 2 degrés d'ici la fin du siècle, il y a tout à penser que ce réchauffement continuerait bien après.
On voit également que l'autrice connaît mal de processus d'extinction de la biodiversité que l'on vit en ce moment depuis déjà plusieurs décennies ; Quand elle dit par exemple qu'il suffirait de ne plus mettre de pesticide ( ce qui arrivera avec la chute du pétrole ) la biodiversité pourra revenir. Comme si c'était si simple. Non seulement la biodiversité devra continuer à faire avec un réchauffement de plus en plus critique et toutes leurs conséquences, mais également avec les espèces envahissantes, ce phénomène qui dérègle totalement les règles de l'évolution. de plus, l'habitat naturel de milliers d'espèces si ce n'est plus a déjà disparue, on ne peut pas refaire comme ça, une forêt primaire qui est vieille de plusieurs siècles si ce n'est plus, tout comme les coraux qui de toute façon sont voués à disparaître. Et beaucoup d'espèces sont de toute façon déjà condamnées, entre celles qui sont déclarées déjà éteinte, celles qui n'existent plus qu'en captivité, celles qui sont déjà trop peu nombreuses et/ou trop peu de diversité génétique et consanguine, ne pourront pas simplement rebondir après l'arrêt du pétrole et des pesticides. Les dynamiques de la biodiversité ne sont pas aussi simples.
Et surtout il me semble que le plus gros problème de ce livre, en dehors même des imprécisions voir de l'incompréhension des phénomènes abordés, vient de son raisonnement même. J'ai eu l'impression que finalement, le plus grand danger pour
Fred Vargas était la perte possible de son confort – notre confort – dû à la fin du pétrole et de notre civilisation industriel. En omettant totalement déjà le fait que le confort des occidentaux n'est pas en fait une façon de vivre universelle et qu'il y a plein d'humain sur terre qui ne vivent pas de cette façon, qui n'ont par exemple pas de tracteur, pas d'eau courante, pas d'électricité, pas deux voitures par habitant.
Surtout toutes les solutions, toute la façon de penser ici tourne autour de comment vivre de la même façon, en pensant de la même façon, en s'organisant de la même façon, mais sans pétrole puis sans électricité. Mais ne faudrait-il pas surtout avant tout, changer de paradigme ? Évidement si on cherche à produire autant, à vivre en voulant produire toujours autant ( alors qu'on produit déjà beaucoup trop ), ça ne pourra pas marcher. Mais c'est bien le paradigme de notre monde, la philosophie du capitalisme, de l'hyperproductivité qui est à l'origine de tous ces problèmes. D'ailleurs à aucun moment il est question avant même la fin du pétrole, de tout faire pour limiter les dégâts sur l'environnement, il s'agit juste d'attendre la fin du pétrole puis de l'électricité et de tout faire pour continuer à vivre de la même façon. On va même jusqu'à déplorer le fait qu'on ne pourra plus payer d'impôt à cause de la disparition d'internet, et de croire qu'on ne pourra plus communiquer. Pourtant,
Fred Vargas à étudier le Moyen Âge, elle devrait donc savoir que pendant des millénaires, les humains sont bien parvenus à communiquer, à se construire, à se cultiver sans avoir besoin d'électricité ou de pétrole.
J'ai même trouvé certains passages drôles tellement ils étaient ridicules. L'autrice calcule même et réfléchit à comment continuer à consommer autant de viandes par exemple, alors que l'élevage est le principal émetteur de GES dans l'agriculture et qu'évidemment nous n'avons pas besoin de manger autant de viande que ce qu'on produit en ce moment.
Bref, un livre qui est tout de même totalement à coté de plaque. Je n'ai pas lu le premier tome, peut-être que celui-ci avait une réflexion plus profonde sur le sujet, mais en tout cas, en se basant uniquement sur ce deuxième tome, c'est très superficiel.
Sur le sujet de l'environnement, je recommande plutôt, "le grand livre du climat", sur celui de la menace qui pèse sur la biodiversité « La 6ème extinction » de Kolbert, et sur la fin possible de notre civilisation «
Comment tout peut s'effondrer » de
Pablo Servigne.