La gloire de l'aventure

J'ai dévoré ce livre d'histoire passionnant sur les voyages et les voyageurs entre 1850 et 1950. On y croise un beau monde impressionnant : Kessel, Isabelle Eberhadt, Rimbaud, Hugo Pratt....
L'auteur est devenu depuis la parution de ce livre devenu professeur d'histoire contemporaine à l'université et je dois dire que le livre fait forte impression, puisque l'on se situe ici à la croisée de l'histoire des voyages, de l'histoire coloniale, de l'histoire sociale et culturelle. On voit que l'auteur maitrise tout cela à la perfection et le livre permet de saisir les mouvements de fond qui expliquent le goût pour les voyage à tel moment, dans telle partie du monde..Pour amateurs de voyages et de littératures, un plaisir réel de lecture, même si le livre a tout le sérieux d'un ouvrage universitaire.

Le désir aventureux de lointain et d'ailleurs naît au milieu du 19ème siècle. C'est la thèse développée par Sylvain Venayre, dans La Gloire de l'aventure, genèse d'une mystique moderne, 1850-1940 : il y analyse le thème de l'aventurier sous un éclairage socio-historique saisissant.
Avant le milieu du 19ème siècle, une multitude de récits et de figures de l'aventure circulent dans l'imaginaire collectif : chevaliers, guerriers, pirates, flibustiers… Mais ces aventuriers et leurs récits ne sont porteurs d'aucune vertu sociale.
Au tournant de 1950, le regard change : l'exploration devient découvreuse de zones blanches cartographiques, porte des valeurs idéalistes et romantiques, l'aventurier fait rêver d'or et de titres princiers aussi exotiques qu'improbables. La littérature associée à cette évolution est porteuse d'une morale encore prudente, invoque sens des responsabilités, du devoir et de l'abnégation.
Vers 1890, la mystique de l'aventure s'affirme pour elle-même, dans un contexte colonial qui a presque tout exploré. Allégorie de la condition humaine, l'aventure devient à la fois initiatique et nostalgique d'un monde dont on avait tout à découvrir.
Selon Venayre, cette dynamique de la mystique de l'aventure s'essouffle vers 1940 : les confins ne sont plus si lointains, le voyage devient frelaté, l'aventure massifiée et la destination touristique.
- Prix Audiffred de l'Académie des sciences morales et politiques
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