500 pages de Moscou à Irkoutsk nous content les aventures dangereuses de
Michel Strogoff, courrier du Tsar Alexandre II, chargé de remettre à son frère le Grand Duc une missive essentielle pour l'avenir de la "Sainte Russie", menacée du joug tartare et privée de son télégraphe entre Tomsk et Irkoutsk.
Michel traverse alors de rudes épreuves au milieu des steppes infinies et des tartares tortionnaires et sans pitié. Plus au moins suivi de deux journalistes, reporters courageux de l'invasion tartare, Alcide Jolivet le Français et Harry Blount , l'Anglais apparaissent sur la scène de ce roman comme si l'auteur invitait le lecteur par la main à travers les steppes de la Sibérie Orientale. Ils offrent aussi la touche un peu comique dans la dévastation du territoire russe. Les femmes sont solides et courageuses, que ce soit Marfa Strogoff la mère de Michel ou Nadia, beauté Lettonne, que le hasard a mis sur sa route.
Dès lors que Michel a reçu l'ordre du tsar, c'est un voyage sans trêve, aux rebondissements multiples jusqu'à destination dans Irkoutsk assiégée. S'il y a des héros au grand coeur, il existe le traître, Ivan Ogareff, colonel déchu et dégradé qui cherche vengeance en s'associant à l'émir Féofar Kahn. On accepte tout de ce récit mené de main de maître, où jamais l'ennui ne vient, d'une rigueur extraordinaire dans sa structure. Bien sûr
Jules Verne est là tantôt géographe avisé : on a toujours envie de consulter une carte (incluse dans les illustrations) et l'on a tout de suite en tête la description qu'il fait des lieux, des steppes ou des villes, tantôt amateur éclairé des transports terrestres de la Russie (télègues et tarantass n'ont plus de secret pour le lecteur). A travers son voyage,
Michel Strogoff doit sans cesse trouver une solution à un problème et cette solution peut être une ruse ou une astuce.
Quant au personnage, il possède toutes les qualités d'homme, vaillant, courageux, solide comme un roc, fidèle à sa patrie, valeur qu'il met au-dessus de tout pour expliquer son attitude souvent discrète et taciturne.
Michel Strogoff est présenté comme un personnage élevé à la dure, grand et fort, au caractère bien trempé :
« C'était un de ces hommes dont la main semble toujours "pleine des cheveux de l'occasion", figure un peu forcée mais qui les peint d'un trait. »
Donc du palais du tsar à Moscou jusqu'à celui du Grand Duc à Irkoutsk, c'est toujours un danger et mille fois on croit notre homme perdu, on se prend au jeu, on sait qu'il va réussir et on se demande toujours comment car la fatigue, la faim, le froid, les humiliations diverses sont autant d'obstacles qui s'ajoutent au reste jusqu'au fameux épisode, chapitre 33 "regarde de tous tes yeux regarde", point culminant du roman où notre moral en prend un sacré coup mais qui est d'une grande force allégorique quant à la création littéraire. Ce n'est pas un hasard si
Georges Perec a mis cette phrase en exergue de «
La vie, mode d'emploi ». On ne peut dévoiler ici au lecteur potentiel les tenants et aboutissants de cette scène pivot de la dernière partie. Il arrive tellement de malheurs aux héros que parfois on se prend à penser, "c'est presque trop". Mais c'est cet excès justement qui fait de
Michel Strogoff un roman haletant que j'aurais dû lire enfant comme certains cuistres me l'ont fait remarquer mais que j'ai lu comme un enfant. Belle récompense de l'attente car ma vie est encore entre Moscou et Irkoutsk .