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Un monde sans faille " est un très beau roman.
Alberto Vigevani réussit la performance d'aborder les drames qui vont toucher la communauté juive d'Europe à partir des années 30, sans les décrire, mais en montrant, avec délicatesse, le quotidien confortable et rassurant dans lequel vivait la bourgeoisie juive avant la crise de 1929 et les premières mesures racistes qui suivirent. En deux parties, le roman a pour narrateur, un jeune garçon devenu adulte. Dans un premier temps, il écrit à un ami de son père, monsieur Alzheryan, bien que celui-ci soit déjà mort. Il retrace leurs vies aisées dans l'Europe des années folles. Alzheryan est un riche financier, bourgeois juif, le père du narrateur est son avocat juif également, ils vivent dans ce " monde sans faille " fait de luxe, de grands hôtels, de trains pullman, de grosses voitures américaines avec chauffeurs, de gains en affaires, et ils ne voient pas que leur monde se lézarde et va les entraîner vers leur anéantissement. Dans la seconde partie, titrée " Une amitié exemplaire ", il se rappelle l'amitié qui unissait son père et un autre de ses clients, le Commandatore Attila, qui va insidieusement trahir cette relation en leur tournant le dos à la suite de l'arrivée au pouvoir de Mussolini et la promulgation des lois racistes. L'écriture de
Alberto Vigevani est merveilleuse, toute en finesse, peu de mots suffisent pour informer le lecteur sur le fait qu'il s'agît de la bourgeoise juive, pas de description fracassante, pas d'éclat de voix non plus, pas de déchirement, des gens qui restent dignes face aux adversités. La force de ce roman, réside dans les non-dits et dans la beauté de l'écriture. Les Editions Liana Levi permettent fréquemment de découvrir de grand livre, celui-ci en fait partie.