AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782940648795
192 pages
BSN Press (12/05/2022)
4.6/5   5 notes
Résumé :
«Le chef a sorti son flingue et a tiré en plein dans la grande lampe ronde de la salle. Elle a explosé. Les petits carrés de miroir collés dessus ont volé partout. “J’ai dit que c’était pas encore l’heure!” il a ajouté. Quand on a fini de se marrer, Rochat m’a dit “Quatre! La douille! Trouve la douille!” Alors je me suis mis à genoux et je l’ai cherchée.»

Ce récit décrit les premières années d’un inspecteur de police judiciaire dans la ville de Genève... >Voir plus
Que lire après La grande maisonVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Attention biais personnel: je connais l'auteur.

Pour les vieux, imaginez "L.627 chez les helvêtes", "les Ripoux du lac de G'nève" soit un roman librement inspiré de l'expérience de l'auteur dans la police genevoise, à mi-chemin entre le Bildungsroman et la descente aux enfers. Lucien a eu plusieurs vies, et je l'ai connu prof pour ados difficiles, puis aspirant condé. Les premiers chapitres qui décrivent le processus de sélection pour entrer à l'école d'inspecteur flairent donc les bons souvenirs de discussion entre potes de l'époque, et témoignent de la véracité du reste.

La dichotomie école/flic est omniprésente à travers le roman. Même s'il n'évoque pas ses années d'enseignant en détail, le clash entre son attitude pédagogique bienveillante/son pointillisme correcteur de fautes d'orthographe/son côté "bon élève, si je suis les instructions et que je travaille dur tout se passera bien en méritocratie" vs. l'environnement macho et autoritaire de la police est visible à travers tout le livre. Même son style d'écriture, débarrassé de toutes les fioritures dont débordait "Fables - La quête de l'oiseau noir" est à mi-chemin entre la rédaction scolaire et le rapport de police. C'est d'ailleurs ce côté dépouillé qui m'a le plus surpris, dès les premières pages. Sobre, factuel, employant des mots très simples pour décrire un réalité parfois insoutenable. Mais ça ne s'arrête pas au style: en tant que personnage, Lucien *veut* réussir (parfois en brisant les règles lui-même), *veut* être le stagiaire modèle, *veut* être dans une brigade passionnante... et le choc avec la réalité du monde du travail, mêlé au monde du crime, est dévastateur.

Autre choc, celui entre son enfance dans la petite Sibérie du canton de Neuchâtel et les rues interlopes de Genève. Pour beaucoup, Genève est une ville stérile, ripolinée, mais elle a bien ses trafics et sa violence, parfois avec armes à feu, ses quartiers chauds. J'ai d'ailleurs adoré la partie sur la politique du chiffre et la gestion de la géographie urbaine. Et surtout Genève a ses Genevois, qui sont bien les Parisiens de la Suisse Romande (plutôt XVIe que Belleville, hein. Ils n'appellent pas les non-Genevois "les provinciaux", juste "les confédérés", alors qu'ils font eux aussi partie de la Confédération Helvétique. En tant que Parisien, je trouve Genève petite, un peu light niveau crime, et très Blanche (les classes laborieuses ce sont les Français frontaliers). le louchébem n'est pas un langage codé importé par les flics, c'est ma culture de parigot. Mais pour l'auteur, c'est la découverte d'une grande ville inconnue, l'apprentissage des différents physiques africains etc.

Content warning pour les gens habitués aux textes inclusifs et progressistes, le livre a une grosse dose de sexisme et de racisme, pas pour choquer le bourgeois, mais parce que la réalité n'épargne pas le narrateur qui a fait le choix de ne pas reformuler ou atténuer.

De même, les scènes d'opération policières ne sont pas là pour faire du hollywoodien, on est plus dans Strip Tease que dans Luc Besson. Elles sont passionnantes, parfois cocasses mais confirment mon problème principal avec le rôle réel de la police: elle sert aussi à maintenir un ordre bourgeois parfois absurde (les saisies de cannabis) et au delà du crime, elle est surtout en contact avec la pire misère humaine. Et même si les flics genevois sont sans doute mieux payés que leurs homologues frouzes, et donc moins dans la misère eux-même, les suicides et la violence gratuite sont aussi endémiques.

En lisant la description des affectations dans les différents services, les horaires hallucinants, la fatigue incessante, je comprends pourquoi j'ai perdu Lucien de vue, bien au-delà de la distance géographique. Lire des dizaines de pages de descente aux enfers, de mobbing, de doutes sur ses choix de vie m'a plongé dans des choses dont on n'avait jamais parlé, et même si c'est un roman, j'ai vraiment eu l'impression de lire son journal intime. Et quand c'est le journal intime d'un pote, ça fait toujours bizarre.

Bref, "La grande maison" n'est ni un livre au style divertissant ni une profonde réflexion philosophique. Il parlera moins aux titis parisiens qu'à des gens qui ont grandi en Romandie, voire qui connaissent Lucien. Mais je l'ai fini la semaine dernière et je n'arrive toujours pas à le sortir de ma tête.
Commenter  J’apprécie          20
« La Grande Maison » fait l'effet d'un coup de poing dans les gencives. le livre se présente comme un récit constitué d'une série d'anecdotes, présentées dans l'ordre chronologique, vécues par un apprenti policier, lors de sa formation, puis au cours de stages dans différents services. Ce qu'on y découvre, c'est que la police, c'est comme les saucisses : on n'a pas vraiment envie de savoir ce qu'il y a dedans ou comment c'est fabriqué. Dans le cas des forces de l'ordre, tant qu'elles nous assurent une certaine quiétude ou nous éloignent des criminels, nous sommes trop heureux de fermer les yeux sur leur fonctionnement ou ce que cela coûte à celles et ceux qui y travaillent de côtoyer la fange de trop près.

C'est ça, « La Grande Maison » : l'occasion de découvrir de l'intérieur la violence effarante du système policier, qui semble gangréné par le favoritisme, le racisme, le sexisme et les débordements en tous genres, qui broie et épuise celles et ceux qui y travaillent. Certaines brigades sont présentées comme des clans, voire comme des sectes, et bien souvent, l'obéissance aveugle au chef l'emporte sur toutes les autres considérations. C'est comme si la violence de la rue avait fini par contaminer l'institution chargée de la combattre.

Le triomphe du livre, c'est qu'il s'interdit d'être démonstratif. Les fait sont présentés dans un langage simple, sans pathos et sans jugement particulier, en-dehors de l'état d'esprit du protagoniste, comme dans un carnet de notes. D'ailleurs, il ne s'agit pas d'un réquisitoire : à tout moment, on comprend ce qui a attiré le jeune inspecteur vers ce métier, et il évoque aussi librement ce qui lui plaît que ce qui lui fait horreur. La lectrice ou le lecteur est laissé libre de penser ce qu'il veut des faits qui sont relatés, et de situer où, pour lui, se situe la limite à ne pas dépasser. Ainsi, le mécanisme qui amène des policiers des stups qui n'ont affaire qu'à des Guinéens à haïr les Africains est décortiqué avec un certain recul. On comprend aussi ce qui peut amener un jeune inspecteur à voir comme une libération l'idée de se faire sauter le caisson avec son arme de service. C'est comme ça, tout simplement, et c'est cette prise de conscience d'une atrocité banale qui font par moment basculer le récit dans l'horreur.

La force du témoignage, la justesse du ton et une construction narrative faussement simple sont les triomphes de ce livre très réussi. On n'a aucune peine à s'imaginer qu'un producteur de télévision audacieux en tire une mini-série poignante un jour. Pour le moment, cela dit, difficile d'imaginer que des images aient autant de puissance que ces mots.
Lien : https://julienhirtauteur.com..
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
A côtoyer tous les jours ce genre de délinquants, une vive rancoeur, une haine se développait comme un oursin dans le coeur des fonctionnaires. Elle s'exprimait lorsqu'un collègue ajoutait un coup dans les côtes, un genou sur la gorge pendant l'arrestation, une claque en salle d'audition. C'était une manière de venger leurs victimes et les heures de filature passées à leurs trousses.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : journal intimeVoir plus
Les plus populaires : Polar et thriller Voir plus


Lecteurs (8) Voir plus



Quiz Voir plus

Ce film d'horreur et d'épouvante est (aussi) un roman

Jack Torrance, gardien d'un hôtel fermé l'hiver, sa femme et son fils Danny s'apprêtent à vivre de longs mois de solitude. Ce film réalisé en 1980 par Stanley Kubrick avec Jack NIcholson et Shelley Duvall est adapté d'un roman de Stephen King publié en 1977

Le silence des agneaux
Psychose
Shinning
La nuit du chasseur
Les diaboliques
Rosemary's Baby
Frankenstein
The thing
La mouche
Les Yeux sans visage

10 questions
966 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinema , horreur , epouvanteCréer un quiz sur ce livre

{* *}