"
Redemption song" est un roman qui a piqué ma curiosité de par son thème qui résonne avec l'actualité. Pourtant l'histoire date de 1981 et le livre de 2001. le livre de poche est sorti récemment, en 2021, dans une belle édition du diable Vauvert.
Ce sont les émeutes de Brixton qui servent de toile de fond à l'intrigue, elles n'interviennent qu'à la fin, en climax du roman. Néanmoins, l'histoire est largement transposable à notre époque. Les discriminations vécues par les jeunes Jamaïcains de ce quartier anglais décrit par l'auteur comme un "ghetto noir", le chômage endémique, les violences policières... Autant d'éléments qui peuvent entrer en résonance avec des injustices actuelles, faire écho au meurtre de George Floyd ou encore de ce jeune joggeur noir, qui ont alimenté les manifestations antiracistes du mouvement Black Lives Matter.
Dans "
Redemption song", Lincoln ou plutôt Biscuit est le protagoniste principal (largement autobiographique), un jeune homme de 18 ans d'origine jamaïcaine qui vit dans une famille monoparentale avec son frère et sa soeur. Personnage attachant, il a à coeur d'aider sa mère qui peine à faire vivre sa famille et en perd le contrôle. Il se laisse rattraper par le contexte de Brixton (c'est aussi le cas de sa soeur Denise). Biscuit trempe (petite blague :) dans des petits larcins, cambriolages et trafics de cannabis comme d'ailleurs la plupart de ses amis. Fatalistes, ils semblent enfermés dans ce schéma et n'imaginent pas la possibilité d'un autre avenir. L'Angleterre de
Thatcher (son nom n'est jamais cité sauf dans la retranscription de paroles d'une chanson) connaît un chômage de masse, 5 millions de chômeurs et un programme d'insertion des jeunes travailleurs décrié comme inefficace.
L'auteur fait vivre Brixton à travers les pages, un quartier délabré dont il décrit les "blocs" mais un quartier vivant où les jeunes utilisent leur argot ("zigue", "mamzelle", "guincher", "bamboche"...), où les habitants se préparent des plats traditionnels jamaïcains et qui vibre au son d'un reggae omniprésent dans le roman (nombreux titres de chansons, parfois comme titres de chapitres, disquaires, sound-system urbains...).
Le récit s'ouvre sur un incendie criminel perpétré par des skinheads du National Front qui fait 10 morts dans la communauté noire. On sent la colère des jeunes de Brixton monter tout au long du livre, contrôles policiers abusifs, tabassage de plusieurs des amis de Biscuit... Avant que cette colère n'explose à son paroxysme.
Pour se rendre acteur de sa vie lors de cette brève parenthèse temporelle (quelques mois de 1981), Biscuit est aidé par sa copine Carol, d'une famille d'origine jamaïcaine mais plus aisée que la sienne. Carol souhaite qu'il devienne un honnête homme, qu'il reprenne des études. de même, Jah Nelson, un rasta du quartier auquel Biscuit deale de l'herbe entreprend de le prendre sous son aile, de le convaincre que "la clé c'est l'éducation" et veut le rendre fier de ses racines, lui faire acquérir une "fierté noire".
Le roman est plaisant à lire, la fin sous tension, est très touchante. On est dans l'attente du déclenchement des émeutes mais c'est surtout le destin de Biscuit et de sa soeur Denise qui crée l'impatience du dénouement pour savoir s'ils réussiront à s'en extraire ou si le fatalisme l'emportera.