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EAN : 9782864248927
368 pages
Editions Métailié (18/10/2012)
3.88/5   12 notes
Résumé :
Automne 1919. Trois figures légendaires de la littérature anglophone, C.S. Lewis, futur auteur des Chroniques de Narnia, J.R.R. Tolkien, futur auteur du Seigneur des Anneaux, Robert Graves, poète et futur auteur des grands essais sur les Mythologies, font connaissance à l'université d'Oxford avec le déjà mythique T.E. Lawrence dit Lawrence d'Arabie et futur auteur des Sept Piliers de la sagesse. Ce roman où tout est vrai et tout est inventé alterne avec ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
1919, Oxford. Pour Graves, C.S. Lewis, Tolkien et Lawrence d'Arabie : vaincre la guerre par le mythe .

Publié en 2008 et traduit en français en 2012, « L'étoile du matin » est le premier roman solo de Wu Ming 4, l'un des membres du formidable collectif littéraire italien Wu Ming, à qui l'on doit notamment les extraordinaires « Q » (« L'oeil de Carafa » en français), « Manituana » et « 54 » (non traduit en français).
Wu Ming 4 a choisi un terrain surprenant, qui se révèle à la lecture d'une richesse exceptionnelle, pour proposer un bilan de la confrontation entre humanisme et sauvagerie. En 1919, à Oxford, un certain nombre d'étudiants et de professeurs, chercheurs, poètes ou littérateurs, tentent de revenir à leurs arts, de les réinventer ou de leur rendre une possibilité d'existence, après avoir été confronté de près à l'horreur dans la boue des tranchées de la Somme, où nombre d'entre eux ont perdu amis et proches, dans des conditions souvent particulièrement atroces.
Les protagonistes du roman sont ainsi, au premier chef, Robert Graves, poète déjà en cours de reconnaissance et futur immense spécialiste de la mythologie grecque, John Ronald Reuel Tolkien, qui écrit presque en secret les premiers textes qui conduiront, beaucoup plus tard, au « Seigneur des Anneaux », C.S. Lewis, chrétien convaincu, pris dans les filets complexes d'une double vie et d'une aigreur mal maîtrisée, bien avant de devenir l'auteur mondialement célèbre des « Chroniques de Narnia ». Tous trois vont graviter autour d'une étoile qui les force à se révéler à eux-mêmes ou aux autres : T.E. Lawrence. de retour à Oxford, l'ex-archéologue, désormais colonel et, sous le surnom de « Lawrence d'Arabie », héros célébrissime de la révolte arabe contre les Turcs au cours du conflit qui vient de s'achever doit à la fois écrire, à la demande générale, ses mémoires de guerre, qui ne s'appellent pas encore « Les sept piliers de la sagesse », et surmonter les abîmes que sont devenus ses doutes intimes : horreurs personnelles du combat irrégulier, honneurs bafoués ou promesses trahies. Encore plus que les autres, il a vécu aux premières loges le développement du gouffre, désormais solidement installé, entre la culture humaniste de sa jeunesse et la réalité du monde moderne, et est paradoxalement en pointe dans le combat que la poésie peut encore espérer livrer, malgré tout…
Dès que, lecteur, l'on accepte ces étonnantes prémisses et cet espace de jeu peu ordinaire, on se trouve plongé dans un roman ambitieux et terrible, sous ses airs feutrés et oxfordiens. du très grand art, digne en tous points de la puissance de Wu Ming. Et pour citer la pertinente conclusion de la quatrième de couverture : « L'un des membres du collectif repose à sa manière méditative la question que les quatre de Bologne ne cessent de creuser, celle du travail des mythes. Ou comment transformer le monde en le racontant. »
« Ronald baissa les yeux sur son cahier et écouta la pluie pour chasser les images de l'attaque d'Orvillers. Elles l'assaillent parfois à l'improviste, mais heureusement moins souvent que dans les premiers mois du retour. Ces jours-là, il n'avait rien pu faire d'autre qu'écrire et écrire encore. Il n'avait pas trouvé de meilleur moyen pour dompter les monstres que de les transformer en créatures de fables, à placer de l'autre côté du miroir, au royaume des fées. le pouvoir mystérieux de la langue le lui permettait, la force évocatrice ancestrale. le mystère des mots.
C'était ce type bizarre au musée qui lui avait donné cette définition. Au fond, c'était ça qui l'avait poussé à créer une langue à la fois nouvelle et très ancienne, l'idiome des fées qu'Edith adorait, la clé pour accéder à l'autre partie du monde.
Les discours de Lawrence allaient au-delà des préjugés : une qualité rare. Il s'était présenté comme archéologue. Quand Ronald avait révélé son propre métier, il avait eu l'air intrigué.
- Un philologue sonde le mystère des mots, n'est-ce pas ?
Pris au dépourvu, Ronald avait acquiescé. »
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Il s'est fait appeler Ned, El Urens, Lord Dynamite ou T.E., a presque mis le monde contemporain à genoux, a vécu dix vies en une seule pour finir tragiquement. Il a incarné l'un des grands destins de notre monde, un être qui a traversé le siècle comme un météore et que le monde entier connaît sous le nom de Lawrence d'Arabie.

Dans la région d'Oxford de jeunes hommes tentent de retrouver une existence "normale" après avoir vécu l'enfer des tranchées.
Nous sommes en 1919, la guerre en France est finie depuis quelques mois seulement et les appelés rentrent pour retourner à la vie active, ou, comme beaucoup d'autres, sur les bancs des college pour terminer leurs études ou prendre des postes d'enseignant.
Nous suivons ainsi les destins croisés de Clive Staples "Jack" Lewis, de Robert Graves et de John Ronald Reuel Tolkien. Trois jeunes hommes dont le destin est encore incertain. Sauf peut-être pour Robert Graves qui compte déjà quelques publications de poèmes à son actif.

Tous trois vont croiser la route de Lawrence, chacun avec une approche différente et une vision personnelle. Chacun va trouver dans cette rencontre beaucoup plus que ce qu'il pensait, Lawrence y compris.

Wu Ming, c'est un auteur un peu bizarre. En fait, il s'agit plus précisément d'un collectif d'auteurs italiens qui ont pris la décision d'écrire sous ce pseudonyme. Et afin de ne pas perdre cet anonymat lorsqu'ils signent individuellement, ils gardent le nom Wu Ming en y accolant leur chiffre. Il s'agit donc ici du quatrième acolyte de cette formation un peu inédite en littérature.

L'auteur nous propose un récit de fiction basé sur une période de la vie de Lawrence d'Arabie, juste après la guerre. Au moment même où il revient en Angleterre, auréolé de gloire, jeune archéologue que les succès au combat ont rendu immortel, attirant les foules. C'est à ce moment également que le journaliste Lowell Thomas a créé le spectacle sur Lawrence d'Arabie qui l'a rendu célèbre dans le monde entier. Dans ce spectacle, comme bien souvent, la vérité le dispute déjà au mythe et le succès du show attise les rancoeurs et exacerbe le patriotisme.

Mais derrière le masque du héros se cache un homme torturé par la guerre, par les actes de barbarie qu'il a provoqué et qui ont forgé son mythe de l'autre côté de l'atlantique, en Arabie. D'ailleurs, ses compatriotes ne valent guère mieux, tâchant d'échapper quotidiennement à leur mémoire, aux cauchemars, aux souvenirs des amis tombés qui laissent à jamais une place vide. Malgré les noms célèbres que mêle l'auteur à son récit, il n'est nullement question ici de mondes imaginaires, mais bien d'arriver à échapper à des tourments dûs à cette guerre qui poursuit les hommes bien en dehors du champs de bataille, jusque chez eux, alors qu'ils sont entourés de leur famille.
Chacun apporte sa propre réponse, sa défense face à la torture. Et tous gravitent autour de Lawrence, devenu clef de voûte de ce petit monde qui habite Oxford.

Avec des chapitres courts centrés sur un personnage à chaque fois, Wu Ming 4 maîtrise son récit. Chaque chapitre porte en tête le nom du personnage concerné, ainsi que la date et occasionnellement le lieu. Aide précieuse car les flash-back sont fréquents, surtout concernant Lawrence où l'auteur mélange non seulement les surnoms, mais aussi les époques entre la guerres en Arabie et le présent en Angleterre. le début est un peu confus et le Who's who en début d'ouvrage est une aide précieuse pour situer les différents personnages (surtout lorsque les surnoms sont employés... Difficile de faire le lien entre C.S. Lewis et le "Jack" que tout le monde lui donne).

Il s'agit bien évidemment d'éléments romancés et - du moins pour Tolkien - de situations inventées par l'auteur pour le besoin du récit. L'époque est la même, mais il est peu probable que Le Professeur ait un jour croisé Lawrence. de même qu'il y a peu de matière sur l'aspect personnel de sa vie, malgré les témoignages de ses enfants et petits-enfants. Malgré tout, certains passages font preuve d'une réelle intelligence de la part de l'auteur dans la manière dont le lien est fait entre la vie et l'oeuvre des personnages. La récurrence de la référence au récit de la Chute de Gondolin et au personnage d'Eärendel [sic.] (dont le nom désigne à la fois le père d'Elrond, l'Étoile du Matin et l'Étoile du Soir, assimilable chez nous à Vénus), par exemple, implique à la fois Tolkien et des données concernant la création de l'univers de la Terre du Milieu. Et l'assimilation entre Eärendel et Lawrence se fait très facilement tout au long de l'ouvrage.
Le récit est ainsi émaillé de références et de clins d'oeil à l'histoire personnelle de chacun des personnages, à leurs oeuvres respectives et le lecteur averti n'en est que plus ravi. Non seulement l'auteur lui sert une histoire remarquable, mais en plus il lui lance des oeillades d'initié, ce qui est fort gratifiant.

Un ouvrage déconcertant de prime abord, qui paraît fouillis, mais dont le mécanisme d'écriture apparaît peu à peu et finalement attire le lecteur. Une belle découverte, malgré une couverture plutôt rebutante.
Lien : http://www.biblioblog.fr/pos..
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Le thème de ce roman m'intéressait. Dans ma jeunesse, le film de David Lean sur Lawrence d'Arabie m'avait impressionné, surtout de par l'interprétation de Peter O'Toole qui incarnait magistralement un Lawrence au regard à la fois clair et enfiêvrè par la révolte arabe ; un personnage aux marges de la folie. Les déchirures internes de cette légende étaient clairement mises en avant. J'avais donc envie de replonger un peu dans cette ambiance et dans celle des "Sept piliers de la sagesse" que j'avais lu à la même époque. J'ai lu il y a quelques semaines le dernier album de bande dessinée de la série Blake et Mortimer : "Le serment des 5 lords" qui tourne autour du même personnage et qui, coïncidence, détaille un épisode de la vie du héros quasiment similaire à celui du roman. La mode semble donc être au retour des héros du désert.

Autant le dire, ceux qui ont vu le film et lu cette autobiographie n'apprendront pas grand chose sur Lawrence d'Arabie, mais reconnaissons aux auteurs qu'ils ont su respecter les traits de la personnalité de ce mythe esquissés par leurs prédécesseurs.

Nous voici donc dans l'après guerre, où Lawrence, Tolkien, Lewis et Grave se retrouvent dans les milieux littéraires et universitaires oxfordiens. Cette Oxford apparaît comme une bulle, un monde à part où chacun vient exorciser ses démons intérieurs et combattre ses culpabilités d'après-guerre.

Le roman explique comment cohabitent ces auteurs et une légende historique vivante, mais également comment le mythe se construit, comment il inspire ou agace les talents littéraires de ses contemporains. Il expose aussi à loisir la difficulté de vivre l'après guerre pour ceux qui ont côtoyé la mort dans ces conflits mondiaux qui ont fauché des générations pour des raisons souvent absurdes. Il nous expose comment les survivants ont vieilli prématurément et comment les fantômes des disparus viennent les hanter. L'écriture joue alors tout son rôle de catharsis. le roman est donc intéressant et de plus très bien écrit, ce qui ne gâche rien.

Pour autant, j'ai un peu hésité entre 3 et 4 étoiles. En effet, la trame narrative paraît sur une grande part du récit un peu décousue. L'intrigue prend vraiment place dans les derniers chapitres. Ce livre est donc à réserver aux passionnés de Lawrence d'Arabie ou à ceux qui s'intéressent à la construction des mythes et légendes plus qu'à ceux qui aiment les récits très struturés autour d'une intrigue construite qui se développe au moyen d'évènements qui s'enchaînent avec des liens logiques de cause à effet.
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Souffler sur les cendres pour retrouver des braises encore chaudes et faire revivre la flamme

Rencontres improbables de T.E. Laurence, plus connu sous le nom de Laurence d'Arabie, de Robert Ranke Graves, poète, de John Ronald Reuel Tolkien qui écrira « le seigneur des anneaux », sans oublier Nancy Nicholson féministe qui refuse d'être une Pénélope et de nombreuses et nombreux personnages plus ou moins réels. « Les personnages principaux de cette histoire ont réellement vécu. J'ai toutefois pris la liberté de combler certains vides de leurs biographies, de romancer ou d'inventer les circonstances de leurs rencontres, d'adapter à des fins littéraires les événements historiques auxquels ils ont pris part. Tout ceci fait de ce livre une oeuvre d'imagination ».

Une histoire d'hommes et de quelques femmes, une histoire fourmillant de dialogues, d'écoutes et d'incompréhensions.

Un roman d'Oxford au temps du déchirement du monde, de la domination de l'empire britannique, du dépeçage de l'empire ottoman, des promesses mensongères aux « arabes » et de la construction à venir des « protectorats ».

Hier c'était la boucherie, les empires s'affrontant pour le partage du monde et la vie/mort de misère pour des millions dans les tranchées, le son du clairon de certaines nations et le refus des autodéterminations.

Des histoires pleines d'humour, des personnages « kitsch », comme la couverture choisie.

Des mythes, des héros « les héros ne sont qu'une invention des poètes », des chevaliers de la table ronde, des légendes légendes d'ici et là…

Une histoire de lettres, d'écrits, de paroles. le vrai et l'invention. Des récits, des mystères, des mythes. Derrière la cocasserie, une visite dans les années 20 et des guides étranges et angoissants. Quelle est donc cette étoile du matin qui diffuse une lumière si blafarde sur les réalités humaines ?

Un roman invitation et invention.
Lien : http://entreleslignesentrele..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Sentant la fatigue lui battre les tempes, il referma son cahier et l'éloigna de lui. Il frotta ses yeux et quand il les rouvrit, sa vue fut brouillée pendant quelques secondes. Suffisamment pour voir apparaître les deux silhouettes debout devant lui. Son cœur sauta un battement, une forte décharge de frissons, les mains collées à la table. Deux ombres, à peine. Mais il reconnut leurs uniformes d'écoliers, l'expression moqueuse de Rob et l'air sévère et renfrogné de Geoffrey. Il devait y avoir une raison pour qu'ils apparaissent jeunes comme au temps du lycée, les traits encore peu marqués, les visages purs. Ils semblaient attendre.
Ronald se ratatina dans le cône de lumière de la lampe, qu vacilla.
Il regarda encore un peu, mais les ombres s'étaient déjà dissoutes. La peur laissa place à une sensation de manque, qui se gonfla comme une bulle placée entre l'estomac et la gorge. Il n'avait vécu ça qu'une fois, deux ans plus tôt, sans y accorder plus d'importance. Les hallucinations étaient chose normale pour les rescapés. Mais maintenant il se sentait secoué, et pour une raison qu'il ignorait, en danger. Il fit le signe de croix et pria pour l'âme de ses anciens amis, jusqu'à ce qu'il sente une main chaude lui toucher l'épaule.
— Il est tard. Viens te coucher.
Il lui passa le bras autour de la taille d'un geste maladroit. Elle lui donna un baiser sur la joue et lui glissa un murmure à l'oreille.
— Le repos t'attend, mon doux Beren.
Ronald sourit, se leva et caressa son visage délicat.
— Seulement entre tes bras, lumineuse Lúthien, dit-il en l'attirant à lui, le regard perdu derrière sa chevelure légère.
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Un doyen rubicond se fraya un chemin jusqu'à eux.
- Ah, voilà quelqu'un qui pourra faire autorité. Nous discutions sur la nécessité du blocus naval de la Russie. Ne croyez-vous pas, colonel, que c'est une exigence vitale ?
- J'appellerais ça plutôt une vocation, professeur Chambers.
(page 83)
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les héros ne sont qu’une invention des poètes
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