Vous ne saurez jamais que votre âme voyage
Comme au fond de mon cœur un doux cœur adopté
Et que rien, ni le temps, d'autres amours, ni l'âge
N'empêcheront jamais que vous ayez été;
Que la beauté du monde a pris votre visage,
Vit de votre douceur, luit de votre clarté,
Et que le lac pensif au fond du paysage
Me redit seulement votre sérénité.
Vous ne saurez jamais que j'emporte votre âme
Comme une lampe d'or qui m'éclaire en marchant;
Qu'un peu de votre voix a passé dans mon chant.
Doux flambeau, vos rayons, doux brasier, votre flamme
M'instruisent des sentiers que vous avez suivis,
Et vous vivez un peu puisque je vous survis.
Voici que le silence
Voici que le silence a les seules paroles
Qu’on puisse, près de vous, dire sans vous blesser ;
Laissons pleuvoir sur vous les larmes des corolles ;
Il ne faut que sourire à ce qui doit passer.
À l’heure où fatigués nous déposons nos rôles,
Au même lit secret les dormeurs vont glisser ;
Par chaque doigt tremblant des herbes qui nous frôlent,
Vous pouvez me bénir et moi vous caresser.
C’est à votre douceur que mon sentier m’amène.
De ce sol lentement imprégné d’âme humaine,
L’oubli, lent jardinier, extirpe les remords.
L’impérissable amour erre de veine en veine ;
Je ne veux pas troubler par une plainte vaine
L’éternel rendez-vous de la terre et des morts.
Le verger des cyprès a pour fruit les étoiles,
Balancés lentement au fond des nuits d'été ;
La vie, unique et nue, à travers ses cent voiles ,
Pour la répandre en tout reprend votre beauté. (...)
Le flot sans lendemain nous laisse et nous emporte.
Nous passons endormis sous une immense porte;
Nous nous perdons en tout pour nous y retrouver.
Mais les lèvres des coeurs restent inassouvies;
Et l'amour et l'espoir s'efforcent de rêver
Que le soleil des morts fait mûrir d'autres vies.
Les maisons et les mondes
Yeux ouverts des maisons clignant dans l'ombre claire,
Bouge aux yeux avinés, hospice aux yeux jaunis,
Maisons pleines d'horreur, de douceur, de colère,
Où le crime a sa bauge, où le rêve a ses nids.
Sous le fardeau d'un ciel qui n'est plus tutélaire,
Maisons des poings levés, maisons des doigts unis;
Les globes froids des nuits sous l'orbite polaire
Roulent moins de secrets dans leurs yeux infinis.
Emportés çà et là au gré des vents contraires,
Vous vivez, vous mourrez; je pense à vous, mes frères,
Le pauvre, le malade, ou l'amant, ou l'ami.
Vos cœurs ont leurs typhons, leurs monstres, leurs algèbres,
Mais nul, en se penchant, ne voit dans vos ténèbres
Graviter sourdement tout un monde endormi.
1930
VOUS NE SEREZ JAMAIS
Vous ne serez jamais
Comme au fond de mon coeur
Un doux coeur adopté;
Et que rien, ni le temps ni d'autres amours, ni l'âge,
N'empêchera jamais que vous avez été
Que la beauté du monde
a pris notre visage, vit de votre douceur, luit votre clarté
Et que le lac pensif au fond du paysage.
Me redit seulement votre sérénité
Vous ne serez jamais
Que j'emporte votre âme.
Comme une lampe d'or qui m'éclair en marchant
Qu'un peu de votre voix à passé dans mon chant.
Doux flambeaux de vos rayons, doux brasier de votre flamme,
M'instruisent des sentiers que vous avez suivis.
Et vous vivez un peu puisque je vous survis.
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* :
_La poudre de sourire : le témoignage de Marie Métrailler,_ recueilli par Marie-Magdeleine Brumagne, précédé de _lettres de Marguerite Yourcenar de l'Académie française à Marie-Magdeleine Brumagne,_ Lausanne, L'Âge d'Homme, 2014, pp. 179-180, « Poche suisse ».
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