Dans le tome 2 des aventures d'Hercule Perruchon, l'auteur soumet son héros à une rude contrainte. Alors qu'il est pris de doutes quant à l'idée de se rendre à pied depuis l'Allemagne jusque dans le sud de la France, il rencontre des personnes qui cherchent à le dissuader de poursuivre sa marche à la fois expiatoire et rédemptrice pour délivrer son paternel des griffes de la mort.
On le met face à ses contradictions. Son père aura-t-il la force de résister pour attendre son rejeton ? Rien n'est moins sûr !
Cerise sur le gâteau, «(…) son passage à Poncins lui avait appris que les villes émoussaient sa volonté de poursuivre son objectif. »
À Pont-de-Beauvaisin, il rencontre un écrivain célèbre venu en séance de dédicace qui l'interpelle de la plus violente façon :
«À votre place, je prendrai le train !
Comment ?
Belle bêtise, votre marche !
Cette marche c'est la source même de l'espérance et c'est grâce à cela qu'Édouard va lutter pour survivre.»
Hercule est soumis à un dilemme roussauiste, et doit tenter le Pari de Pascal si je renonce à mon projet et que mon père meurt alors que je suis dans le train, serai-je responsable de sa mort ? Si je mène mon projet à terme et que mon père meurt dans l'intervalle serai-je responsable de n'avoir pas été assez rigoureux dans ma progression quotidienne ?
L'auteur prend du champ avec son personnage, le laissant à son libre arbitre.
L'écriture de JP Yvorra est plus incisive, plus dure, comme s'il en voulait à son héros de ces indécisions.
Il multiplie les chausses-trappes, le médecin de la ville en rajoute :
« Est-ce qu'il est indispensable que vous poursuiviez votre marche ? »
Hercule ne répond pas, mais au lieu de se précipiter vers son but, il erre dans les rues de la ville, ratiocine « (…) il éprouvait le besoin qu'une personne l'encourage, prenne part à sa croyance » Les hallucinations le guettent, et ce ne sont pas les coups de fil quotidiens à Marinette qui elle, trouve dans l'accomplissement des gestes du quotidien le moyen de se libérer du poids qui pèse sur elle entre le probable décès d'Édouard son mari et l'obstination d'Hercule enfermé dans sa folle randonnée déconnectée de la réalité de la maladie de son père.
Mais la providence veille sur Hercule. À mesure qu'il se rapproche de son but des personnes bienveillantes le rassurent, ainsi Firmin :
« - Ce que vous avez entrepris, c'est un pèlerinage, comme nos ancêtres, c'est étonnant et rare ! Votre aventure est de celle que les mortels aiment entendre. »
La naïveté et l'obstination d'Hercule confrontent les membres de sa famille, Marinette la femme d'Édouard et Maurice son demi-frère à leur propre refus de la vie et de l'amour. Bientôt ils se mettent à penser , et si notre attitude était la cause de la maladie d'Édouard ? « (…) est-ce que j'ai dépassé les limites du pardon, de l'injustifiable ? »
Sur le chemin d'Hercule, les signe se multiplient, qu'il voit comme autant d'encouragements, un corbeau, un chien, un oiseau de nuit, un compagnon inespéré, qui le poussent à croire à l'efficacité de sa marche dans le combat contre la maladie de son père.
Avec ce deuxième tome de la folle randonnée de Hercule Perruchon, JP Yvorra conclut à la façon d'un conte voltairien montrant l'incapacité des hommes à se comprendre et à s'aimer. La médiation d'un candide comme Hercule est l'un des moyens de les mettre face à leur inconséquence.
C'est l'enthousiasme déraisonnable d'Hercule qui leur fait prendre conscience de l'importance de la relation à l'autre et du but de la vie qui n'est pas de s'entredéchirer.
Cette leçon sera-t-elle définitive ou faudra-t-il d'autres sacrifices comme celui d'Hercule pour régénérer l'empathie dont les humains sont avares ?
Vaste question…
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Les premiers rayons du soleil commençaient à éclairer les façades des maisons, les jardins exhalaient une odeur d'herbe humide, Hercule leva la tête vers le ciel, inspira une grande bouffée d'air et poursuivit sa marche. À la sortie de Pont-à-Mousson sur la droite, il prit la direction de Toul.
Il se promit d'envoyer un courrier à Andréa, la Polonaise qui l'avait si généreusement accueilli. Plus tard, il réalisa qu'il ne possédait pas son adresse.