La traque finale

Dans son dernier polar, son quatrième, Jean-Pierre Yvorra fonde l'énigme policière et construit l'histoire de ses personnages autour des Lebensborne, ces associations de l'Allemagne nationale-socialiste, patronnées par l'État et gérées par la SS, dont le but était d'accélérer la création et le développement d'une race aryenne parfaitement pure et dominante.
Il s'inspire de la réalité d'une de ces expériences en France, au château le Lamorlaye dans l'Oise. le lecteur curieux pourra visiter avec intérêt le site suivant :
http://www.ajpn.org/commune-Lamorlaye-en-1939-1945-60346.html
On retrouve dans le récit des faits qui se sont réellement produits en août 1944, comme l'évacuation des enfants pour fuir la progression des troupes alliées en France et la volonté des habitants de cacher l'existence de ce centre de procréation et d'accouchement au coeur même de la France.
L'action se déroule en 1950. La guerre est encore dans tous les esprits. Les opérations d'épuration se heurtent aux tentatives de dissimulation de ceux qui avaient choisi de collaborer, et les accusations malveillantes à des fins de vengeance sont souvent la règle. Un contexte propice aux disparitions, aux usurpations d'identité, aux compromissions aux plus hauts niveaux de l'état.
Anne Weigert, personnage principal du roman est à la recherche de sa fille Margot, née à Lamorlaye en 1944. Sa quête, souvent comparée à celle d'une louve recherchant ses petits, va la conduire de Marseille à Paris, puis en Allemagne.
Pour autant, et c'est ce qui fait l'intérêt du roman, l'auteur ne délaisse pas les héros de ses romans précédents, notamment Léon Battesti, le commissaire algérois protagoniste incontournable des enquêtes de la Maltaise et de Mystérieuse Tipasa.
L'effet de style et la technique de narration, que je ne dévoilerai pas ici, permettent de relier de façon très vraisemblable Anne au commissaire algérois.
L'autre point fort du roman est l'incertitude que l'auteur laisse planer autour des liens entre les personnages féminins, Anne, Margot sa fille, et Eugénie Prudin, une prostituée.
Au fil de la lecture le lecteur s'interroge sur les liens réels de filiation entre ces filles et ces mères potentielles. Mystère qui ne sera dévoilé qu'à l'issue du récit.
Des meurtres parsèment le parcours d'Anne. Elle est suivie à la trace par des personnages inquiétants restant dans l'ombre, mais aussi par Antoine Peille le neveu de Battesti, improbable chevalier servant vivant toujours dans les jupes de sa mère à près de trente ans et amateur compulsif de bière en canettes !
Une ambiance qui entretient les doutes du lecteur sur la complexité du personnage d'Anne et sa volonté d'assouvir son désir de vengeance légitime.
Dans ce quatrième opus, l'écriture de Jean-Pierre Yvorra, comme on pouvait déjà le remarquer dans Mystérieuse Tipasa, a gagné en concision et en précision. L'auteur a évacué la graisse pour ne garder que le muscle. de ce fait le récit est nerveux, va droit au but et préserve le secret de l'énigme jusqu'au bout, évitant les effets d'annonces par trop téléphonées.
Un roman réussi qui nous fait espérer la livraison d'un 5ème opus.