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3,82

sur 735 notes
Un récit fondateur de la dystopie, et à ce titre c'est toujours intéressant de lire les classiques. Néanmoins, l'effet de style autour de la description (très nébuleuse, pour entrer dans l'esprit de quelqu'un qui a rompu avec l'imagination) amène parfois des lourdeurs et complexifie la lecture. Mais pour moi, le point le plus négatif, qui je trouve nécessiterait un avant propos pour une mise en contexte, est le langage raciste dans la description d'un des numéros, avec le n-word très présent.
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Lecture fastidieuse (2 mois pour 230 pages) mais qui reste finalement. Au début c'était bien : la découverte de cette société, ses rites et ses mythes. Puis long passage répétitif, parce que le narrateur est lent et routinier, enfermé dans son conformisme et sa rationalité étroite. Je me suis forcée jusqu'au-delà de la moitié de l'ouvrage parce que c'est un classique, pionnier du genre. Et, avec le recul, c'est cette expérience de lecture fastidieuse qui m'a bien fait comprendre la psyché du personnage, complétement régentée par le régime. Et l'effet est voulu par Zamiatine, c'est certain. Après une bonne moitié, c'est plus intéressant : davantage de dynamisme, de fantaisie. Et la fin, très bien. Très forte. Une lecture dont je me félicite en définitive et dont je me souviendrais, comme d'un voyage, avec ses moments de découvertes, d'ennui et de vive admiration.
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Source souterraine de tout ce que le XXe siècle a produit de dystopies englobantes, une oeuvre de 1920, radicale et surprenante, célèbre mais paradoxalement encore trop méconnue.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/18/note-de-lecture-nous-evgueni-zamiatine/

Ingénieur en construction navale, révolutionnaire bolchevique convaincu et écrivain reconnu dès sa première nouvelle, « Seul » (peinture saisissante de l'univers de fantasmes et d'impossibles que développe en esprit un étudiant depuis la prison où il croupit, en rançon de ses engagements politiques anti-tsaristes), publiée en 1908 (il a alors vingt-quatre ans), Evgueni Zamiatine connaît avant 1917 l'exil forcé en Finlande et en Carélie, puis la prudente mise à distance du régime tsariste vindicatif, en Angleterre. Rentré à Saint-Pétersbourg après la première révolution, celle de février 1917, il devient vite une figure marquante de la nouvelle scène littéraire qui se développe alors dans la capitale de Russie.

Il quitte pourtant le parti bolchevique au cours de l'année 1917, trouvant notamment que trop d'écrivains s'y soumettent trop volontiers aux consignes, explicites comme implicites, du pouvoir politique révolutionnaire désormais en place. Continuant à publier de nombreuses nouvelles (qui seront plus tard rassemblées dans le recueil « La Caverne » – « Le Pêcheur D hommes », recueil qui paraîtra presque simultanément, regroupant plutôt des textes satiriques liés à sa vie en Angleterre juste avant la Révolution), il conçoit et écrit le roman « Nous » en 1920-1921.

Présenté comme le carnet de bord de D-503, un mathématicien devenu ingénieur en propulsion spatiale, vivant au sein d'une société « idéale », communautaire à l'extrême, scientifiquement standardisée et totalement surveillée au nom d'une transparence réputée logique et nécessaire, carnet de bord qui se met à refléter en direct, pour la lectrice ou le lecteur, les incidents et les (d'abord) menues illégalités conduisant de proche en proche au doute systémique vis-à-vis du bien-fondé de cette société (tout en la décrivant soigneusement et en en vantant longtemps les mérites et les avantages purement rationnels), « Nous » est d'emblée interdit de publication par la censure soviétique, qui y voit – fort logiquement, en quelque sorte – l'aboutissement de la posture dubitative et de la revendication de liberté de parole entretenues depuis 1917 par Evgueni Zamiatine dans tous ses textes et essais critiques. En 1923, l'auteur parvient à faire sortir son manuscrit d'Union Soviétique. Il paraît en anglais en 1924, à New York, puis en russe, à Prague en 1927, ce qui entraîne cette fois des menaces directes du pouvoir vis-à-vis de l'auteur, le conduisant finalement à l'exil définitif en 1931, après que son vieil ami Maxime Gorki ait réussi à convaincre Joseph Staline de le laisser partir.

La première traduction française, celle de Benjamin Cauvet-Duhamel, est effectuée à partir du texte anglais de Gregoryi Zilboorg. Publiée chez Gallimard en 1929, elle restera très longtemps la seule disponible chez nous (dans l'historique collection L'Imaginaire à partir de 1979), avant qu'Actes Sud ne confie à Hélène Henry la mission d'une nouvelle traduction, issue cette fois du texte russe d'origine, pour publication dans la collection Exofictions en 2017. C'est de cette deuxième version dont il est question dans la présente note de lecture. Mentionnons aussi, pour être complet, qu'en mars 2024, une nouvelle traduction, celle de Véronique Patte, vient remplacer à son tour la vénérable ancêtre qui figurait alors encore au catalogue de L'Imaginaire de Gallimard.

« Nous » est souvent considérée – à bon droit me semble-t-il – comme la mère de toutes les dystopies. Non pas les dystopies au sens quelque peu dévoyé qui prévaut aujourd'hui, de simples sociétés dysfonctionnelles, ou en dérive laissant se manifester avec éclat les pires tendances de nos mondes tout à fait contemporains, mais bien au sens originel ou presque, celui d'anti-utopies, englobantes comme les grandes constructions historiques des successeurs de Thomas More, et s'appuyant comme beaucoup d'entre elles, paradoxalement, sur une même rationalité exacerbée, pour le meilleur et, ici, pour le pire.

George Orwell, dans sa critique de « Nous » (rédigée à partir de l'édition française, l'édition américaine d'origine étant alors presque introuvable, d'après lui), parue dans le magazine Tribune en 1946 (et donc trois ans avant la parution de son propre « 1984 »), à lire ici en anglais, supposait qu'Aldous Huxley avait dû s'inspirer de son prédécesseur russe pour « le Meilleur des mondes » (1932). le créateur de la drogue récréative comme moyen privilégié d'ajustement social de masse (le soma) – et de l'ingénierie génétique appliquée à l'organisation hiérarchique de la société – s'en défendit tardivement, dans une lettre de 1962, indiquant qu'il n'avait pas lu l'ouvrage à l'époque, et que son propre travail se proposait avant tout de contrecarrer l'utopisme scientifique socialisant d'un H.G. Wells. L'auteur de « La ferme des animaux », s'il ne reconnaissait pas un grand mérite littéraire à « Nous » – ce en quoi on pourrait toutefois le trouver bien sévère -, en soulignait l'inventivité, par exemple, des maisons de verre (« avant que la télévision ne soit inventée », ce dont lui-même dans « 1984 » saura faire bon usage pour sa propre société de surveillance) ainsi que la pertinence politique bien supérieure à celle d'Huxley – en même temps que, toujours d'après l'auteur britannique, une vraie intuition de l'irrationalité nichée au coeur des totalitarismes « scientifiques ».

La grande Ursula K. le Guin rappelait, dans « le langage de la nuit », qu'elle avait bien en tête « Nous », au côté de nombre d'autres textes, au moment où elle rédigeait « Les dépossédés », tandis que le sage et brillant Kurt Vonnegut confessait en riant et en substance « qu'il avait démarqué Huxley qui lui-même avait démarqué Zamiatine » lorsqu'il écrivait son « Pianiste déchaîné » de 1952 : l'influence souterraine, avouée ou moins avouée, de « Nous » sur l'écriture dystopique du XXe siècle, est indéniable – moins sans doute, contrairement aux apparences, pour sa vision directement politique et satirique que pour celle, plus fondamentale, d'une interrogation philosophique radicale sur une fausse prétention à la scientificité et à la rationalité, qui ne voudrait laisser aucune place à la dissonance, à l'hérésie, à l'imperfection et au de guinguois.

Les deux illustrations de cette note proviennent de l'adaptation cinématographique « Wir » (1981), réalisée par Vojtěch Jasný (1925-2019), lui-même exilé de Tchécoslovaquie en 1968 après son rejet véhément des normes esthétiques héritées de stalinisme – et de la répression du Printemps de Prague.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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C'est une dystopie, écrite comme un long poème, que nous offre Evgueni Zamiatine. Lénine avait pour projet de tayloriser au maximum le travail des ouvriers, ceux-ci venant en grande partie du monde agricole. Cela rappelle le film de Charlie Chaplin "Les temps modernes". Dans ce roman, le taylorisme est poussé dans ses extrèmes, puisqu'il régente la vie des êtres humains jusque dans leurs ébats sexuels, jusque dans la mastication des aliments créés à partir du pétrole. Ces hommes et ces femmes n'ont pas de nom mais sont fichés par numéro. L'individualisme est aboli au profit du NOUS. L'imagination, le rêve sont des maladies qu'il faut enrayer. Les êtres humains sont voués au travail et doivent obéissance absolue à la société gérée par le bienfaiteur et son armée de gardiens. L'amour qui est inhérent à la race humaine n'existe pas ou tout du moins pas en apparence. Les machines n'ont pas de sentiment et l'homme parfait doit réagir comme une machine. C'est un pur lavage de cerveau. Les êtres humains sont faillibles. Que ce soit au début du 20ème siècle ou actuellement.
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Défi ABC 2023 2024 : Lettre Z.

Nous (ou Nous autres, selon la traduction) est un roman d'anticipation qui inspira 1984 et le Meilleur des mondes (j'avais lu les deux il y a longtemps). Une oeuvre d'art, un magnifique texte. le propos est celui d'une dystopie classique : un Etat unitaire, où le Nous écrase le Je, où les activités sont toutes régulées, y compris le sexe (comme dans le Meilleur des Mondes), et dirigé par un Bienfaiteur élu par une élection truquée. Et les gens sont des Numéros, le protagoniste s'appelle D-503. Zamiatine, ingénieur et bolchevik, anticipe en 1920 les dérives totalitaires de la Russie.

Pour ma part, c'est aussi le style et les très nombreuses métaphores qui ont retenu mon attention. Certaines métaphores sont mécaniques (ex. parler avant de réfléchir = l'étincelle qui explose trop tôt dans le moteur), d'autres sont mathématiques. Cela donne un style poétique, étrange, fantaisiste et coloré.

Le narrateur développe une âme et apparaît alors la question de l'ineffable, puisqu'il est tant propagandé à l' "esprit" de l'Etat Unitaire qu'il parvient à peine à expliquer ce qui lui arrive. Alors il justifie tout rationnellement, mathématiquement, mais son "âme" persiste comme une tumeur.

J'ai beaucoup apprécié ce roman. Je m'attendais à ce qu'on "voie" un peu plus la façon dont les gens vivent, cela manque un peu. Mais en tout cas, j'ai trouvé que ce texte était d'une grande poésie. Je l'ai préféré à 1984 pour cette raison.

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Tic-tac. Tic-tac.
Quel monde parfait, quelle société parfaite, quelle vie parfaite entre ces murs de verre, rythmée par la parfaite Table des temps, abritée par le Mur vert du "monde déraisonnable et informe des arbres, des oiseaux, des animaux..."
Tic-tac. Tiiiiiic… tac.
Le petit grain de sable apparaît sous la forme d'une femme différente, envoûtante.
Tic-tic-tic… Taaac.
Elle entraîne le narrateur dans des lieux insolites, dans des actions insolites. Il tombe amoureux, il perd le contrôle.
"– Ça va mal. Il s'est formé une âme en vous."
Tac-tac-tac-TAAAAC !
Elle est la rébellion.
Elle est l'opposée des femmes pneumatiques d'Huxley, elle est la Julia d'Orwell. Ou plutôt, elle est sa mère, puisque Zamiatine a écrit ce fascinant roman en 1920.
Quelle prémonition des sociétés totalitaires !
Et en même temps, c'est une oeuvre qui n'est pas un pamphlet, qui n'est pas "juste de la S-F" ou "juste une dystopie".
C'est de la littérature. C'est de la poésie.
La manière dont le narrateur évoque les formes, les couleurs, pour refléter ses émotions d'abord absentes, puis envahissantes !
La façon dont est décrite la dérive de son esprit rationnel, mathématique, qui peu à peu se distord et se fracasse !
Zamiatine a écrit un chef-d'oeuvre.
Et bien entendu il a dû fuir le régime stalinien, et bien sûr il est mort en exil.
Mais il a laissé ce monument.

Traduction de B. Cauvet-Duhamel.
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D 503 est le chef constructeur d'un vaisseau spatial censé aller sur d'autres planètes pour montrer à d'autres peuples comment être heureux en utilisant le totalitarisme utilisé sur la planète Terre.


Bien sur les citoyens n'ont pas vraiment conscience de ce totalitarisme et ont cette impression de faire partie d'un tout. Et c'est ça qui les rend heureux, avoir cette sensation d'être un rouage d'une machinerie bien plus grande qu'eux.

Le personnage parle de poésie, il y en a pas. C'est plutôt écrit comme des notes qu'ils prend pour nous les envoyer à nous dans le passer. (oui c'est étrange)

+1 pour la fin
Bonne lecture
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Je ne sais s'il faut lire l'introduction de Georges Semprun avant ou après la lecture du texte le plus connu de Zamiatine, parce que celle-ci se montre trop éclairante sur le fond de l'oeuvre.
Beaucoup d'abstractions, de paraboles dans un monde futuriste pour un homme comme moi qui déteste la science-fiction ; paradoxalement, une anticipation datée de plus d'un siècle m'aura poussé vers cette lecture. Zamiatine vit les premiers temps du bolchévisme lorsqu'il écrit ces lignes. Lénine est toujours à la tête de ce que l'on appelle désormais la Russie bolchévique. La Nouvelle Politique Économique bat son plein et les traineurs de baillonnettes mettent l'arme au râtelier, car la guerre civile vient de prendre fin. Même si la Sibérie fut toujours une terre de relégation pour les opposants au pouvoir en place, si Staline et Trotski se regardent en chiens de faïence en attendant leur tour, nous sommes encore loin des procès de Moscou. L'ouvrage de Zamiatine sera toutefois interdit et ne pourra être publié que 3 ans plus tard en Angleterre.
Au final, l'auteur tourne sa plume vers les oeuvres théâtrales afin d'éviter la vindicte des écrivains proches du pouvoir politique. le philosophe ingénieur, celui qui pense l'avenir à la fois en mots, mais aussi en équations, se fera une raison. Les mathématiques ne cesseront jamais de foisonner en lui, mais aura-t-il pu un jour percer le secret de la partie imaginaire des nombres complexes ?
Il brosse, dans les méandres de l'ouvrage, la description de personnages moitié hommes, moitié poissons, tentant d'instaurer le bonheur. Une société avec un État Unique où l'âme, l'amour, la sensibilité sont enfouis dans un passé qu'il faut oublier. Oublier pour se libérer définitivement avec une révolution qui a eu lieu et qui ne peut plus se reproduire.
Cet enfermement qu'il anticipe, il le subira durant dix ans avant de demander à Staline la permission de s'exiler à Paris.
Il restera citoyen soviétique jusqu'à sa mort en 1937 sans pouvoir croiser la route de ceux qu'il inspirera le plus à l'avenir, Aldous Huxley et Georges Orwell.
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Mes cent premières pages d'un livre en cent mots

Nous, c'est l'ensemble dans lequel Je n'existe plus. C'est la somme de tous les je où chaque un devient nul pour former un vide d'une densité immensurable. le numéro D-503 fait partie de ce tout ou rien. Mathématicien, il est même l'architecte qui prépare l'expansion spatiale de la pensée unique, l'agglomération du reste des esprits libres. Dans un carnet, il manifeste sa fascination pour ce monde sans aspérité. Jusqu'à ce qu'il croise l'inconnue qui bouleverse sa parfaite équation. Zamiatine avait fini par prendre la tangente et quitta l'Union soviétique en 1931. Il faut lire et relire ces dystopies. Restons éveillés.

CENT pour 100 numéro 23

Nous – Evgueni Zamiatine, Actes Sud, 2017
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« Il y a plusieurs jours que je n'ai rien écrit. Combien, je ne sais pas : tous les jours n'en font qu'un. Tous – de la même couleur – jaune -, comme du sable séché, surchauffé, et pas une parcelle d'ombre, pas une goutte d'eau, le sable jaune à l‘infini ».

Pourquoi ? Parce que je viens de m'apercevoir qu'il y a 120 critiques de ce livre… Et des dizaines de milliers de commentaires… Que pourrais-je ajouter qui n'ait déjà été écrit ?
Nous, c'est N, j'entends haine, alors que j'attendais l'union, l'entente, l'amour.
Nous, c'est N, comme le Néant, parmi Nous je ne suis qu'un Numéro.
Moi, F-101, F mon initiale, le Fulmar de service, 101 la première de la deuxième centaine, c'est critique, me voilà reparti pour un tour, avec un palindrome comme numéro, qui s'écrit aussi IOI.
Un O entre deux I, c'est l'heure des voyelles. Arthur, je sature, je les avais toutes trouvées, oiseau, jalousie, Jourdaine, dans « La motte rouge », mais là je ne vois que le I et le O.
« I pourpre, sang craché, rire des lèvres belles,
O l'Oméga, rayon violet de ses yeux ».

Le narrateur, D-503, Constructeur de l'Intégrale, mathématicien de l'État Unitaire, est subjugué par ces deux femmes, la I et la O.

« Suave poussière qui dessèche les lèvres – on ne cesse d'y passer la langue – et sans doute toutes les femmes que l'on croise ont les lèvres sucrées ».

« Parce qu'aucun d'entre nous n'est « un », mais « un parmi ». Nous sommes si semblables... »

Et pourtant…

« A ma droite, elle est là, fine, dure, flexible et ferme comme une cravache, I-330 ; à ma gauche – O-90, si différente, toute en courbes, avec sa fossette enfantine au poignet ; et, tout au bout, un Numéro masculin que je ne connais pas, avec une double courbure, une sorte de S étiré. Nous sommes tous différents ».

I, celle de l'Intégrale, O, celle de l'Opération, et moi, F, quelle est ma Fonction ? Est-ce moi qui dois étirer le S (signe de l'intégrale) en forme de serpent, s'il me mord je me soigne et je prends la Fuite ! Je panse, donc je fuis…
Un scientifique poète, la mathématique qui philosophe, philo, encore I et O…
Zamiatine, tu es sublime, tu écris des comptines, avec des comptes et des rimes. Ton conte, c'est un journal, avec des prises de notes, 40 exactement, la musique de tes mots, pour raisonner sur le monde, et disséquer le Bienfaiteur, qui veut raisonner le monde, et Instaurer le bonheur Infaillible, « aimer à en perdre la raison ».

« Qu'est-ce que le bonheur ? Tous les désirs sont douloureux et il ne peut y avoir de bonheur que lorsque ceux-ci sont supprimés jusqu'au dernier ».

L'Ordre Infini, dilemme entre O et I, celui qui guérit toutes les maladies, et suspend tout sentiment.

« Mais ce n'est pas de votre faute : vous êtes malades. Votre maladie, c'est l'IMAGINATION ».

Le Bienfaiteur contre tous ces Malfaisants, qui osent penser différemment. Suivez le I, comme dans gris, car toutes ces couleurs, c'est signe de malheur.

« Autrefois, je ne le savais pas - maintenant, je le sais, et vous le savez aussi : il y a des rires de différentes couleurs. Ce n'est que l'écho lointain d'une explosion qui a eu lieu en vous : ce peut être - des fusées festives, rouges, bleues, dorées ; ou bien - les lambeaux d'un corps humain qui explose... »

Un feu d'artifices, car Nous avons besoin d'artifices, pour croire encore à la raison, pour Nous donner bonne conscience, faire péter le silence, qui dérange, et monter les couleurs, dans le ciel, pour en prendre plein les yeux, juste un court instant, car le bouquet final va faner, on le sait, c'est Inéluctable…
Oh ! C'est beau ! Mais ce bruit, cette fumée, tout ça Nous rappelle… Ukraine, c'est la haine, Gaza, les gravats…

Evgueni, tu as mis des couleurs sur toutes les pages, car Nous avons besoin de bonheur, même si Nous avons soif d'Idéal, Nous revendiquons l'Original, avec un O, Oméga, qui règne sur L Univers, Unique, Ultime, comment ça, sommes-nous Uniques ? Semblables et différents à la fois, mais il y a L'autre, l'ailleurs, qu'il faut convertir, pouvons-nous penser qu'Ils puissent être différents ailleurs ? L'Idéal ne serait donc pas Unique, ne serions-nous pas confrontés à une Illusion ?
Toutes les maisons et les rues se sont habillées de couleurs, pour un temps, pour faire la trêve, parce qu'on rêve, d'un monde meilleur, pour terminer l'année, en beauté.
Petite digression locale, mes voisins m'ont demandé de faire le Père Noël samedi soir. Parce que leur petite fille a des doutes sur le personnage de l'an dernier, qui lui rappelait… Alors, voilà, j'ai accepté, de me déguiser, en rouge et blanc, pour faire semblant, juste passer dehors avant la nuit tombée, une petite minute, une Ombre Incertaine, toujours O et I réunis, parce que ça provoquera de l'étonnement et des rires dans la maison, comme si le rêve était réel, juste une… Illusion !

« Les enfants sont les seuls philosophes qui soient hardis. Et les philosophes hardis sont nécessairement des enfants. Il faut être comme des enfants, il faut toujours demander : " Et après, quoi ? " »

Innocent, à défaut d'être Original, et se rassembler, pour se ressembler, l'espace d'un instant, à la fête de l'Una, t'as le look coco, mais non, l'Una pas l'Huma, la fête de l'Unanimité, pour faire comme si Nous étions tous d'accord.

C'était en 1920 cette histoire, au lendemain de la révolution russe, mais la fièvre révolutionnaire est vite retombée. Que va-t-on trouver à manger au marché de Padipado ? Pas d'utopie, pas de prophétie, mais il y aura peut-être de l'audace et du rêve…

« — Cite-moi le DERNIER chiffre.
— Quoi ? Je ne comprends pas, quel dernier chiffre ?
— Eh bien, celui du dessus, le plus grand !
— Mais, I, c'est absurde. le nombre de chiffres est infini, il ne peut y en avoir un dernier.
— Alors pourquoi parles-tu de la dernière révolution ? Il n'y a pas de dernière révolution, le nombre des révolutions est infini. La dernière, c'est pour les enfants : l'infini les effraie et il faut qu'ils dorment tranquillement la nuit… »

En pensant à leurs futurs cadeaux, tout droit sortis de l'IA, l'Ineffable Algorithme. Quelle époque épique ! Oh ! Hi !
Joyeuses fêtes à tout le monde.
Les derniers mots pour Victor Hugo.

« A qui donc sommes-nous ? Qui nous a ? Qui nous mène ?
Vautour fatalité, tiens-tu la race humaine ?
O vivants, serions-nous l'objet d'une dispute ?
L'un veut-il notre gloire, et l'autre notre chute ? (...)
Nous sommes les proscrits ; nous habitons l'abîme ;
Nous assistons dans l'ombre au vil bonheur d'un crime ».











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