« Il y a plusieurs jours que je n'ai rien écrit. Combien, je ne sais pas : tous les jours n'en font qu'un. Tous – de la même couleur – jaune -, comme du sable séché, surchauffé, et pas une parcelle d'ombre, pas une goutte d'eau, le sable jaune à l‘infini ».
Pourquoi ? Parce que je viens de m'apercevoir qu'il y a 120 critiques de ce livre… Et des dizaines de milliers de commentaires… Que pourrais-je ajouter qui n'ait déjà été écrit ?
Nous, c'est N, j'entends haine, alors que j'attendais l'union, l'entente, l'amour.
Nous, c'est N, comme le Néant, parmi Nous je ne suis qu'un Numéro.
Moi, F-101, F mon initiale, le Fulmar de service, 101 la première de la deuxième centaine, c'est critique, me voilà reparti pour un tour, avec un palindrome comme numéro, qui s'écrit aussi IOI.
Un O entre deux I, c'est l'heure des voyelles. Arthur, je sature, je les avais toutes trouvées, oiseau, jalousie, Jourdaine, dans « La motte rouge », mais là je ne vois que le I et le O.
« I pourpre, sang craché, rire des lèvres belles,
O l'Oméga, rayon violet de ses yeux ».
Le narrateur, D-503, Constructeur de l'Intégrale, mathématicien de l'État Unitaire, est subjugué par ces deux femmes, la I et la O.
« Suave poussière qui dessèche les lèvres – on ne cesse d'y passer la langue – et sans doute toutes les femmes que l'on croise ont les lèvres sucrées ».
« Parce qu'aucun d'entre nous n'est « un », mais « un parmi ». Nous sommes si semblables... »
Et pourtant…
« A ma droite, elle est là, fine, dure, flexible et ferme comme une cravache, I-330 ; à ma gauche – O-90, si différente, toute en courbes, avec sa fossette enfantine au poignet ; et, tout au bout, un Numéro masculin que je ne connais pas, avec une double courbure, une sorte de S étiré. Nous sommes tous différents ».
I, celle de l'Intégrale, O, celle de l'Opération, et moi, F, quelle est ma Fonction ? Est-ce moi qui dois étirer le S (signe de l'intégrale) en forme de serpent, s'il me mord je me soigne et je prends la Fuite ! Je panse, donc je fuis…
Un scientifique poète, la mathématique qui philosophe, philo, encore I et O…
Zamiatine, tu es sublime, tu écris des comptines, avec des comptes et des rimes. Ton conte, c'est un journal, avec des prises de notes, 40 exactement, la musique de tes mots, pour raisonner sur le monde, et disséquer le Bienfaiteur, qui veut raisonner le monde, et Instaurer le bonheur Infaillible, « aimer à en perdre la raison ».
« Qu'est-ce que le bonheur ? Tous les désirs sont douloureux et il ne peut y avoir de bonheur que lorsque ceux-ci sont supprimés jusqu'au dernier ».
L'Ordre Infini, dilemme entre O et I, celui qui guérit toutes les maladies, et suspend tout sentiment.
« Mais ce n'est pas de votre faute : vous êtes malades. Votre maladie, c'est l'IMAGINATION ».
Le Bienfaiteur contre tous ces Malfaisants, qui osent penser différemment. Suivez le I, comme dans gris, car toutes ces couleurs, c'est signe de malheur.
« Autrefois, je ne le savais pas - maintenant, je le sais, et vous le savez aussi : il y a des rires de différentes couleurs. Ce n'est que l'écho lointain d'une explosion qui a eu lieu en vous : ce peut être - des fusées festives, rouges, bleues, dorées ; ou bien - les lambeaux d'un corps humain qui explose... »
Un feu d'artifices, car Nous avons besoin d'artifices, pour croire encore à la raison, pour Nous donner bonne conscience, faire péter le silence, qui dérange, et monter les couleurs, dans le ciel, pour en prendre plein les yeux, juste un court instant, car le bouquet final va faner, on le sait, c'est Inéluctable…
Oh ! C'est beau ! Mais ce bruit, cette fumée, tout ça Nous rappelle… Ukraine, c'est la haine, Gaza, les gravats…
Evgueni, tu as mis des couleurs sur toutes les pages, car Nous avons besoin de bonheur, même si Nous avons soif d'Idéal, Nous revendiquons l'Original, avec un O, Oméga, qui règne sur
L Univers, Unique, Ultime, comment ça, sommes-nous Uniques ? Semblables et différents à la fois, mais il y a L'autre, l'ailleurs, qu'il faut convertir, pouvons-nous penser qu'Ils puissent être différents ailleurs ? L'Idéal ne serait donc pas Unique, ne serions-nous pas confrontés à une Illusion ?
Toutes les maisons et les rues se sont habillées de couleurs, pour un temps, pour faire la trêve, parce qu'on rêve, d'un monde meilleur, pour terminer l'année, en beauté.
Petite digression locale, mes voisins m'ont demandé de faire le
Père Noël samedi soir. Parce que leur petite fille a des doutes sur le personnage de l'an dernier, qui lui rappelait… Alors, voilà, j'ai accepté, de me déguiser, en rouge et blanc, pour faire semblant, juste passer dehors avant la nuit tombée, une petite minute, une Ombre Incertaine, toujours O et I réunis, parce que ça provoquera de l'étonnement et des rires dans la maison, comme si le rêve était réel, juste une… Illusion !
« Les enfants sont les seuls philosophes qui soient hardis. Et les philosophes hardis sont nécessairement des enfants. Il faut être comme des enfants, il faut toujours demander : " Et après, quoi ? " »
Innocent, à défaut d'être Original, et se rassembler, pour se ressembler, l'espace d'un instant, à la fête de l'Una, t'as le look coco, mais non, l'Una pas l'Huma, la fête de l'Unanimité, pour faire comme si Nous étions tous d'accord.
C'était en 1920 cette histoire, au lendemain de la révolution russe, mais la fièvre révolutionnaire est vite retombée. Que va-t-on trouver à manger au marché de Padipado ? Pas d'utopie, pas de prophétie, mais il y aura peut-être de l'audace et du rêve…
« — Cite-moi le DERNIER chiffre.
— Quoi ? Je ne comprends pas, quel dernier chiffre ?
— Eh bien, celui du dessus, le plus grand !
— Mais, I, c'est absurde. le nombre de chiffres est infini, il ne peut y en avoir un dernier.
— Alors pourquoi parles-tu de la dernière révolution ? Il n'y a pas de dernière révolution, le nombre des révolutions est infini. La dernière, c'est pour les enfants : l'infini les effraie et il faut qu'ils dorment tranquillement la nuit… »
En pensant à leurs futurs cadeaux, tout droit sortis de l'IA, l'Ineffable Algorithme. Quelle époque épique ! Oh ! Hi !
Joyeuses fêtes à tout le monde.
Les derniers mots pour
Victor Hugo.
« A qui donc sommes-nous ? Qui nous a ? Qui nous mène ?
Vautour fatalité, tiens-tu la race humaine ?
O vivants, serions-nous l'objet d'une dispute ?
L'un veut-il notre gloire, et l'autre notre chute ? (...)
Nous sommes les proscrits ; nous habitons l'abîme ;
Nous assistons dans l'ombre au vil bonheur d'un crime ».