Zola est connu du public, surtout par son grand oeuvre au titre générique, "Les Rougon-Macquart". Poursuivant ma quête sur la vie au XIXe siècle, j'ai eu la curiosité d'aller du côté des "Trois Villes" et, néophyte, j'ai commencé par la dernière, "Paris".
Tout de go, je dirais, un roman type "matafan". On y retrouve chez Zola cette envie de brosser le bilan du siècle, mais un seul personnage, Pierre Froment, porte sur ses épaules le poids du texte et j'ai eu une sensation d'étouffement en le lisant. Il faut tout avaler d'un coup :
Le prêtre ayant perdu la foi, et qui oppose désormais au dogme religieux la foi scientifique, l'idée de charité à la justice sociale.
Son roman d'amour avec Marie, la très jeune fiancée de son frère aîné Guillaume, et les "tempêtes sous un crâne" décortiquées selon un long processus de doutes, de colères et de réconciliations entre les deux frères.
La décomposition d'une société où seule la classe bourgeoise, issue de la Révolution de 1789, a trouvé place et richesse, abandonnant à la charité chrétienne le monde ouvrier appauvri, qui ne bénéficie d'aucune protection sociale et désigné clairement dans "Paris" comme le Quatrième État (comme on dit maintenant le "Quart Monde").
La corruption des nantis, les grands scandales de la spéculation, leur monde du plaisir, du luxe et de la jouissance.
L'anarchie et ses actes terroristes, frappant à l'aveugle, période d'extrême tension où Pierre Froment découvre que son frère Guillaume, chimiste, est le concepteur d'un explosif de "dernière génération" qu'il veut mettre en oeuvre à Paris avant d'envoyer sa "recette" à tous les gouvernements afin d'annihiler la guerre, chaque pays se trouvant ainsi à la merci respective des autres (et comment ne pas penser alors à la force nucléaire, qui verra le jour au siècle suivant...)
La réflexion sur la défense du pays, armée de métier, enrôlement volontaire ou conscription, les idées s'affrontent.
Le pouvoir des médias de l'époque, acharnés - comme aujourd'hui - à gonfler les nouvelles, dans le but d'entretenir, encore et toujours, les ventes.
La lutte des classes, l'opposition du capital soumis à la concurrence et du salariat, soumis au marché. L'émergence des idées de collectivisme (le phalanstère de Fourier) et du paternalisme patronal.
La peine de mort, qui fait du XIXe siècle l'enfant en ligne directe de la Terreur et de la guillotine (« La Révolution, toute la Révolution, voilà la source de la littérature du XIXe siècle », écrira Victor Hugo en 1864), sentence qui laisse les familles du condamné, femmes et enfants, encore plus pauvres et misérables et soumis à l'opprobre et à la mendicité.
Au final, 430 pages dans mon édition, qui laissent le lecteur sonné, comme s'il avait reçu sur le crâne les 19 tonnes de la Savoyarde, Bourdon de la Basilique du Sacré-Coeur, promis un temps à la démolition par Guillaume Froment (le frère aîné chimiste, vous suivez toujours ?)
Mais aussi un roman passionnant, foisonnant, lu avec plaisir, au prix, je l'avoue volontiers, de quelques pages abandonnées en cours de route... Je vais me mettre en "vacance" avant de continuer le chemin à l'envers : Rome, puis Lourdes.
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Propagation du bien, patronage, sauvetage, assistance, union, il aurait fallu des pages et des pages, si l'on avait voulu énumérer seulement cette extraordinaire végétation de la charité qui pousse entre les pavés de Paris, dans un bel élan, où la bonté d'âme se mêle à la vanité mondaine. Qu'importait d'ailleurs ? la charité rachetait, purifiait tout. Mais quel terrible argument, l'inutilité absolue, dérisoire, de cette charité ! Après tant de siècles de charité chrétienne, pas une plaie ne s'était fermée, la misère n'avait fait que grandir, que s'envenimer jusqu'à la rage. Le mal, aggravé sans cesse, arrivait à ne plus pouvoir être toléré un jour de plus, du moment que l'injustice sociale n'en était ni guérie, ni même diminuée. Et du reste, ne suffisait-il pas qu'un vieillard mourût de froid et de faim, pour que s'effondrât l'échafaudage d'une société bâtie sur l'aumône ? Une seule victime, et cette société était condamnée.
Voyons, vous, monsieur, à votre âge, avec votre corps en ruine, vous seriez bien attrapé, si votre sainte Vierge vous rendait les jambes Qu’est-ce que vous en feriez, mon Dieu? Quelle joie trouveriez-vous à prolonger, pendant quelques années encore, l’abomination de la vieillesse ?.. Eh pendant que vous y êtes, mourez donc tout de suite! C’est le bonheur!
Une religion nouvelle pourrait-elle jamais mettre sur la terre ce jardin de l’éternel bonheur?
Paris flambait, ensemencé de lumière par le divin soleil, roulant dans sa gloire la moisson future de vérité et de justice.