Le livre s'ouvre sur un récit assez dur. le narrateur revient au camp où tout a disparu sauf un carnet. Son carnet « Dans un trou dans le sol, près du mur de la maison, à l'intérieur d'une boîte en bois, il y avait le cahier où tu notais tout. le sang avait séché et la couverture s'était défaite, mais il était là…. Alors j'ai pleuré, pour la première fois, après tous ces jours où j'avais erré dans la forêt. »
Ce carnet, Sofia le tient entre ses mains, remis par son meilleur ami qui refuse de lui dévoiler le nom de la personne qui le lui a remis.
« Sofia lisait et avait l'impression d'être l'interlocutrice à laquelle il s'adressait ».
Des pages où la souffrance se bat avec la désillusion. L'homme décrit son calvaire. Il se cache dans la jungle pour échapper à la police militaire. Il fait partie d'un groupuscule révolutionnaire. Entré par conviction, il y est resté par peur. Là, il a appris à tuer et a tué. « Une mort pour une autre. Jusqu'où irons-nous ? » »
Sofia, sa soeur, ne se sent pas le droit d'être heureuse depuis la disparition de son frère. C'est la raison pour laquelle, elle décide de découvrir ou essayer de découvrir ce qui lui est arrivé. « Cette guérilla est une tache dans l'histoire du Brésil, Sofia, mais surtout à cause de la bêtise, de l'inutilité de tout ça. Une poignée de jeunes qui s'enfoncent dans la jungle dans un pays grand comme le nôtre, en rêvant de changer le monde. »
L'entraînement qu'ils suivent est dur à la limite de l'endurance et de l'humain, le je n'existe plus, c'est le nous qui doit l'emporter, pas d'histoires d'amour, que la préparation à la survie, le maniement des armes et l'endoctrinement avec une nourriture très chiche. Une poignée de jeunes gens, le plus souvent des intellos gauchos, qui croyaient aux théories cubaines et marxistes dans la jungle dont l'idéal était de venir en aide à la population locale en les éduquant, apportant des soins. Oh, ils n'étaient pas nombreux, mais le gouvernement brésilien a envoyé plus de dix mille soldats, les a chassés, pistés un à un pour les tuer après tortures si besoin. La violence n'était pas que du côté de la soldatesque. Les guérilleros ont appris à tuer, ont tué. Cela se passait dans les années 70
« Regarde ce qui est arrivé dans l'Araguaia : une tragédie, ils ont tous été tués. Des gamins. Quelques uns ont été torturés de façon horrible, et pour quoi ? Dis-moi pour quoi ?
Dans un pays de cette dimension, ils croyaient qu'ils allaient faire la révolution en endoctrinant une poignée de paysans ! Et une armée entière à leurs trousses… Tout cela d'une inconséquence totale. D'un non-sens atroce. Ç'aurait été ridicule, si ce n'avait été tragique. »
En lisant ce livre j'avais dans la tête la chanson de Brassens « Mourir pour des idées »
La lecture de ce carnet dur et émouvant permet à Sofia de retrouver trace de la vie de son frère, embarqué, par idéalisme, dans une histoire qui l'a dépassé et tué. Un hymne à un idéal bafoué ; cette faction d'obédience castriste n'est ni humaine ni pacifique.
Le Brésil a enterré cette partie de son histoire sous la chape de l'amnistie « L'amnistie cicatrise par la force, c'est l'oubli imposé, elle induit une sorte d'amnésie collective qui empêche une révision du passé ». Dans la mesure où l'on ne cherche pas à comprendre ce qui s'est passé, il n'y a pas de possibilité de pardon.
L'intrigue va crescendo, façon polar et l'écriture de Guiomar de Grammont fait que vous ne pouvez pas le lâcher ; besoin de connaitre la vérité sous les omissions, les oublis, les secrets.
Comme dans un précédent livre des éditions Métailié,
le fils du héros de
Karla Suarez, l'auteur brode sur la recherche du disparu et parle de ces conflits inutiles servi par l'orgueil des meneurs.
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