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Catherine Leterrier (Traducteur)
EAN : 9782357207103
622 pages
Editions Hervé Chopin (17/05/2023)
4.19/5   147 notes
Résumé :
La Chine est-elle plus dangereuse que la Russie ?

Devant la terrasse d'un café du temple d'Or d'Amritsar, une fusillade éclate ; une jeune femme voilée est enlevée avec une touriste qui tentait de lui venir en aide... Tomás Noronha part précipitamment en Inde, c'est sa femme qui a disparu avec celle qui se fait appeler Dragon rouge.
Aidé de Charlie Chang, agent de la CIA, le célèbre cryptologue va tenter de retrouver leur trace en déchiffrant ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
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Avec La femme au Dragon rouge, thriller érudit inspiré de faits réels, J.R. dos Santos récidive avec une 10e « aventure » de son historien expert en cryptologie et omniscient. Cette fois-ci avec comme objectif de décrypter les visées du Parti communiste chinois, particulièrement depuis 1949, « des stratégies fondatrices du Royaume des combattants aux nouvelles routes de la soie ». Un roman qui repose sur une recherche documentaire toujours impressionnante et sur des témoignages recueillis auprès de ressortissants qui ont fui le régime. Un roman qui « n'est pas un roman sur la Chine et les Chinois, mais un roman sur le Parti communiste chinois et sa vision de la dictature du socialisme nationaliste - c'est-à-dire le fascisme - qui produit tant de souffrances à l'intérieur de ses frontières, et qui est déjà en train de tenter de s'exporter vers le reste du monde. »

La recette dos Santos est mise à profit un récit en deux volets, raconté en alternance de chapitre en chapitre.

D'abord celui qui nous fait découvrir l'histoire une jeune Ouïghour (60 % du roman), Madina qui, en quittant son village pour sauver sa famille, subira les humiliations et les violences engendrées par les actions du Parti communiste chinois pour fomenter le génocide des communautés « non chinoises » (Ouïgours, Kazakhs, Huis, Kirghizes...) de la région du Xinjiang. Une opportunité pour l'auteur lui permettant de mettre en évidence les répressions du système :

• ne jamais contredire le Parti : « Tout ce que le Parti dit est vrai, même ce qui peut sembler contradictoire » ; « le véritable communiste est celui qui est prêt à croire que le noir est blanc et que le blanc est noir si le Parti l'exige » ;
• discrimination dans les offres d'emploi et au travail ;
• surveillance de qui fait quoi, qui lit quoi : tout le monde surveille tout et tout le monde se surveille ;
• omniprésence des caméras dans les rues, les édifices, au travail et même dans les résidences et différents moyens de surveillance pour étouffer toute révolte ;
• stérilisations forcées ;
• programme « Devenir une famille » avec pour but d'établir une unité ethnique et d'apprendre à vivre à la chinoise : vivre avec un Han (un Chinois) une semaine par mois avec prises de photos diffusées sur Internet pour montrer l'ampleur et l'étendue de l'emprise du Parti sur sur les Ouïghours et les humilier. Programme obligatoire ? « Non, mais refuser c'est remettre en cause le Parti » ;
• postes de contrôle d'identité et de permission de circuler « check points » à tous les 200 mètres ;
• ruban adhésif apposé sur la bouche des enfants qui, à l'école, osent parler leur langue maternelle au lieu du chinois même s'ils sont trop jeunes pour en connaître la langue.
• statut de précriminel et de contre-révolutionnaire comme, par exemple, avoir eu 3 enfants, ne pas avoir mis un « J'aime » sur un message d'éloge du Parti... invité à « prendre le thé au poste de police » ;
• camps de rééducation : lavage de cerveau, tortures, conditions de vie inhumaines ;
• usines de production de biens où les travailleurs non rémunérés sont traités comme des esclaves.

En parallèle, Tomá Noronha fait équipe avec un jeune professionnel de la CIA dénommé Chang, ex-espion aux États-Unis pour le compte de son pays d'origine ayant viré capotm se remémorant les affres subites par ses grands-parents à l'époque du Grand bond en avant de Mao Zedong qui a éliminé 30 millions de personnes refusant d'adhérer à l'idéologie du régime.

Les chapitres du volet fictionnel du roman permettent de dévoiler progressivement le jeu politique du Parti. Une stratégie inspirée par la période des Royaumes combattants, il y a deux mille cinq cents ans, qui dura cinq siècles, avec à son apogée l'unification des sept États sous la dynastie Qin. À l'origine du nom de la Chine, la terre des Chin :

• endormir sa méfiance de l'adversaire ;
• manipuler ses conseillers et l'encercler sans qu'il s'en rende compte ;
• voler ses connaissances et ses technologies qui lui donnent un avantage ;
• garder à l'esprit qu'une puissance militaire plus grande n'est pas un élément essentiel dans une guerre longue, si les autres facteurs ne sont pas favorables ;
• ne jamais se laisser tromper ni encercler par l'adversaire ;
• être patients et attendre le shi, le bon moment pour arracher la victoire « cacher son jeu et attendre son heure ».

Les exemples cités dans les conversations entre Tomá et Chang sont nombreux. Dans le contexte canadien, avec le scandale de l'ingérence chinoise dans le processus électoral, l'affaire Huawei et celle des postes de police chinois, l'emprisonnement des deux Michael... ce roman donne des frissons dans le dos :

• la nouvelle route de la soie : le financement des pays pauvres jusqu'à l'étranglement subtil de leur économie ;
• la mainmise sur des ports pour contrôler et s'assurer les allées et venues ;
• censure chinoise sur des produits culturels de l'Occident, la stratégie « utiliser un bateau emprunté pour aller sur l'océan » : « utiliser les outils culturels d'autres pays pour faire passer, de manière subliminale, le message du Parti. Les gens commencent à se construire une image fantasmée et bienveillante de la Chine, et surtout de son régime, sans avoir conscience que les films qu'ils regardent sont préalablement soumis à la censure du Parti communiste chinois. Ça ne vaut pas seulement pour les films, mais aussi pour la littérature, le journalisme... pour tous les aspects de la production culturelle. Et c'est insidieux. »
• les principes wai yuan nei fang (rond à l'extérieur, carré à l'intérieur : l'apparence extérieure flexible, la réalité intérieure inflexible ; wai ru nei fa (extérieurement bienveillant, intérieurement impitoyable) ;
• intervention des « amis de la Chine » lors de grands événements, par exemple dans les universités, ou lors d'interventions de personnes susceptibles « de heurter les sentiments du peuple chinois »
• l'image publique même du Lingxiu, le timonier du parti, le Chef « plus de deux mille délégués présents au congrès [...] debout, en train de l'applaudir en rythme, tandis qu'une musique triomphale [rend] le moment grandiose. [...] élégant, vêtu d'un costume sombre et d'une cravate magenta, une étiquette rouge avec son nom accrochée au revers de sa veste, arborant un sourire contagieux et un air bon enfant, tandis qu'il [arpente] la scène devant de gigantesques rideaux rouges. Winnie l'ourson. Une personne aussi sympathique pourrait-elle faire du mal à une mouche ? » ;
• et son discours sur :
o « le socialisme aux caractéristiques chinoises » qui ne commettait pas les erreurs ayant conduit à la chute de l'Union soviétique ;
o « la démocratie aux caractéristiques chinoises » signifiant qu'il n'y a pas de démocratie ;
o « la vie privée aux caractéristiques chinoises », qu'il n'y a pas de vie privée ;
o « les droits de l'homme aux caractéristiques chinoises » qu'il n'y a pas de respect des droits de l'homme ;
o « l'État de droit aux caractéristiques chinoises » qu'il n'y a pas de loi à laquelle une personne peut faire appel pour se protéger des décisions arbitraires du Parti ;
o « Internet aux caractéristiques chinoises », qu'il faut une forte censure imposée à Internet ;
o « la mondialisation aux caractéristiques chinoises », qu'il est impératif de voler la propriété intellectuelle étrangère et de protéger le marché chinois des produits étrangers, tout en exigeant le respect de la propriété intellectuelle chinoise ainsi que le libre accès des produits chinois aux marchés étrangers.
• « Une hypocrisie sans limites, un univers de rhétorique mensongère, un ensemble de phrases qui signifiaient le contraire de ce qu'elles disaient. le monde du Parti était un monde de mensonges, de duplicité et de dissimulation. Les mots n'existaient pas pour exprimer la vérité, mais pour la cacher. »

L'objectif didactique de dos Santos est évident et l'emporte sur l'action romanesque comme c'est généralement le cas dans cette saga consacrée à différents sujets d'intérêt. La thématique du scénario de la femme au Dragon rouge est définitivement d'actualité, entre autres avec les liens qui « unissent » la Russie et la Chine dans la guerre en Ukraine. Elle amène le lecteur à réfléchir sur son rapport à acheter et à utiliser des produits chinois : par exemple des téléphones et des ordinateurs dont certaines composantes sont susceptibles d'en tracer l'utilisation ou des vêtements bon marché « fabriqués par une main-d'oeuvre forcée à travailler et qui n'a pas été rémunérée. En d'autres termes, nous achetons un produit fait par des esclaves et, ce faisant, nous finançons l'esclavage. »

Je ne souligne ici que la pointe de l'iceberg de ce que vous découvrirez dans ce roman troublant. Bien sûr, Tomá Noronha est un super héros : il connaît évidemment « assez bien l'histoire de l'ascension du Parti communiste chinois », entre autres, et est « très à l'aise avec la géographie, comme tout historien ». Les fonctions des unités américaines NAVCOMM, TSCCOMM, CMS, SURTASS n'ont pour lui aucun secret. Il n'hésite pas à sauter en parachute, à revêtir un exosquelette et à tirer sur l'ennemi. Sans oublier, son talent inné pour résoudre un message codé.

Malgré plusieurs redites qui auraient pu être éliminées et quelques « du coup » de la traductrice, ce roman contient de belles descriptions, telle celle du Grand Bazar d'Ürümqi et des scènes sur l'absurdité bureaucratique comme celle avec l'ambassade du Portugal à New Delhi. Il est complété par une carte qui permet de situer l'action, une note finale dans laquelle l'auteur présente ses sources d'inspiration et une vaste bibliographie spécialisée.

À noter dans l'épilogue l'étonnante déclaration de Maria Flor à Tomá qui influencera peut-être le futur de la série : « Quand il s'agit de sentiments, tu n'es rien d'autre qu'un lâche. Tu fuis le passé, tu me fuis, tu te fuis toi-même. Tu as subi un traumatisme et tu refuses de l'affronter, parce que tu as peur d'y faire face. D'où ces courses effrénées, ces aventures constantes, cette fuite incessante. Je pense [...] que le moment est venu, pour nous, de faire une pause. »

Il faut lire La femme au Dragon rouge pour apprendre, tout en se divertissant, à mieux connaître cette République populaire de l'amnésie qu'est la Chine moderne qui s'apprêterait à soumettre l'Europe en 2049, cent ans après le Grand bond en avant de Mao Zedong.


Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : ****

Intrigue : **

Psychologie des personnages : ****

Intérêt/Émotion ressentie : *****

Appréciation générale : ****

Lien : https://avisdelecturepolarsr..
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C'est plus qu'un thriller, c'est un roman géopolitique qui, au travers d'un récit haletant, mêle l'histoire de la Chine à ses objectifs actuels, plus exactement ceux du Parti communiste chinois. Deux intrigues se croisent dans ce livre: le récit du héros historien portugais Tomas Noronha qui va tout tenter pour retrouver sa fiancée enlevée en même temps qu'une inconnue qui est une Chinoise de la minorité ouïghoure, minorité durement opprimée par le régime chinois.

C'est une course contre la montre et qui va mener nos héros à travers l'Inde, le Sri Lanka et le Japon...

La clé sera de trouver un dossier qui retrace la stratégie secrète de la Chine.

La jeune femme Ouïghoure dont il est question ici a une vie particulièrement difficile. Bien que membre du Parti communiste chinois, elle va subir des vexations, des discriminations et des violences, surtout à l'occasion de son emprisonnement dans un camp spécial, où elle va séjourner deux ans, à l'instar de près de 3 millions de personnes de cette minorité ethnique qui vont être également emprisonnées et amenées à faire des travaux non rémunérés après leur emprisonnement.

Au départ Madina avait tout pour réussir: intelligente et travailleuse, elle arrive à avoir un bon poste. Mais c'est alors que la présence des Hans (majorité ethnique du pays) dans sa région du Xin-Jiang (autrefois appelé Turkestan oriental) va devenir particulièrement oppressante: les élèves ouïghours n'ont plus le droit de parler dans leur langue à l'école, les adultes subissent quantités de mesures discriminatoires: files d'attente dans les administrations alors que les Hans chinois n'ont aucune queue à faire, retrait des passeports, mise sur écoute, non accès aux postes de l'administration ..

Elle va connaître l'horreur des camps de concentration, les laogai de sinistre réputation, où les prisonniers et prisonnières sont maltraités et affamés, et où des horreurs sont courantes: stérilisations forcées, trafic d'organes humains...De nombreuses personnes de cette minorité sont enfermées, pour un oui ou pour un non: ceux qui téléchargent l'appli Whatsapp par exemple, ou ceux qui ont communiqué avec des membres de leur famille partis en Turquie ou au Kazakhstan afin de fuir les discriminations...De manière générale, tous les "fengjiang" sont suspects, tous ceux qui n'appartiennent pas à l'ethnie dominante han.

L'histoire est très mouvementée et je n'en dirai pas plus.. Encore une fois l'auteur-journaliste portugais dos Santos nous impressionne par son talent et toute la documentation qu'il a utilisée, tant dans le domaine historique que technologique et social.

Le livre donne un aperçu de la stratégie chinoise actuelle qui se base sur des faits historiques anciens, stratégie inspirée entre autres par l'épopée historique ancienne des Royaumes combattants. La Chine aurait perdu le "ba" (sorte de suprématie) du fait de l'essor de l'Occident dans le passé. Elle chercherait à retrouver cette position de dominante du monde autour de plusieurs axes:
- utiliser la campagne pour encercler la ville = vassaliser les pays en voie de développement par le biais des nouvelles routes de la soie et ceci pour assiéger les pays développés;
- avancer "caché", se dissimuler afin de mieux obtenir des transferts de technologie vers la Chine et ceci en adoptant l'attitude "wan yuan nei fang" = rond à l'extérieur, carré à l'intérieur.. tout un programme, souple et gentil à l'extérieur mais dur et implacable à l'intérieur...
- être patient et attendre son heure (le shi)..
- encourager l'espionnage, entre autres en faisant pression sur les Chinois résidant en Occident,
- rendre la dénonciation de tout fait suspect obligatoire.

Tout cela est bien inquiétant et dépasse de loin le cadre de la fiction.. à tel point que la postface de l'auteur est très éclairante: il nous montre toute l'étendue de ce régime totalitaire: on a ici la plus grande détention de masse d'une minorité depuis l'Holocauste. D'autre part la Chine exporte ses technologies de "surveillance de la population" dans d'autres pays pas particulièrement démocratiques.. le Parti sait également, d'après l'auteur, tirer toutes les ficelles du lobbying, en matière culturelle par exemple, afin de "soigner" l'image de la Chine à l'étranger..
Dernière question évoquée par le livre: expansionnisme pour se maintenir au pouvoir? vaste question... l'expansionnisme serait une arme pour imposer une vision totalitaire des choses et empêcher les récits contradictoires à l'étranger... hypothèse largement suggérée dans le livre... de quoi frémir..

Bref un excellent livre du très talentueux dos Santos.. à lire surtout pour la documentation historique et géopolitique.
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« Big brother is watching you » avec des yeux bridés…

A travers ce volumineux roman ( 600 pages), José-Rodrigues Dos Santos nous plonge dans l'enfer que subissent le peuple Ouïghours, mais aussi les Kazakhs et les Kirghizes dans la province du Xinjiang à l'ouest de la Chine, près de la frontière tibétaine. On suit le parcours de Madina, jeune fille ouïghours que sa famille, de confession musulmane, a choisi, pour la protéger elle et sa famille, de faire entrer dès son plus jeune âge dans le système du parti communiste chinois.
Mais malgré son travail acharné, son adhésion aux idées du parti, son formatage intellectuel, elle reste et sera toujours considérée comme une autochtone, une « chinoise » de seconde zone. Malgré sa carte du parti, elle va endurer tous les tourments, toutes les atrocités que le parti communiste chinois a fait, continue de faire et fera encore subir à cette population que ce même parti trouve réfractaire à sa pensée unique.

Parallèlement à l'histoire de Madina, nous suivons les pérégrinations de l'historien Tomàs Noronha, personnage récurant de J-R Dos Santos, sorte d'Indiana Jones portugais, qui part secourir son épouse Maria-Flor, enlevée en même temps qu'une femme voilée, à la frontière du Tibet par des militaires chinois.

Par l'alternance des chapitres, l'auteur nous fait vivre tantôt les difficultés de Madina, tantôt les recherches de Tomàs pour retrouver son épouse.

Il y a donc bien deux livres dans ce roman. Deux ouvrages bien différents.
Le premier nous raconte la vie ou plutôt la non-vie de Madina qui ne comprend pas tous les obstacles placés sur son chemin malgré tous ses efforts. Cette partie, très documentés, nous fait entrer dans les coulisses du fonctionnement du parti communiste chinois et de la mainmise de ce dernier sur toute la population, ainsi que l'acharnement mis en place pour lutter contre toutes les formes de contre-pouvoir. Ce récit, bien que parfois un peu répétitif, nous interpelle, nous glace et ne peut nous laisser indifférent.

Le second de prime abord, n'apporte rien à l'histoire de Madina. Mais il permet surtout de mettre en évidence et d'expliquer les objectifs mis en place par le parti communiste chinois à travers la création des « Nouvelles Routes de la Soie ». Tomàs est aidé dans sa quête par Chang un agent de la CIA, chinois d'origine (on se croirait plonger dans Tintin au Tibet ).

Cette histoire « parallèle » permet à l'auteur de mettre en évidence les trois principes de base de l'actuel parti communiste chinois :
1-« Utiliser la campagne pour encercler la ville » ;
2- « Être rond à l'extérieur et carré à l'intérieur » ;
3- Cacher son jeu et attendre son heure ».
Si les deux premiers sont de Mao Tsé Toung, le troisième remonte à l'antiquité chinoise. Par contre, l'entrée en scène de la toute puissance américaine et à la fin de l'ouvrage, les effets spéciaux dignes d'un film de l'univers Marvel nuisent à la qualité du récit de l'histoire de Madina. C'est dommage.

En conclusion, ce roman très documenté et édifiant nous informe sur les visées mondialistes du parti communiste chinois, avec comme objectif de devenir la première puissance mondiale à l'horizon 2049, soit pour le centenaire de sa création, en rappelant la formule de Sun Tzu présente au début de l'ouvrage : « Tout l'art de la guerre est basé sur la duperie » !
Une belle découverte, que je conseille.

Chronique en collaboration avec poesidées.
Blog : http://gerardpipa.blogspot.com/

Merci aux Editions Hervé Chopin de m'avoir permis de découvrir cet auteur
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Dans son roman Vie et destin, Vassili Grossman compare et rapproche les régimes totalitaires nazis et communistes. L'Obersturmbannführer Liss commandant du camp de concentration où est emprisonné le vieux léniniste Mostovskoï lui dit : « Quand nous nous regardons, nous ne regardons pas seulement un visage haï, nous nous regardons dans un miroir. Là réside la tragédie de notre époque. Se peut-il que vous ne vous reconnaissiez pas en nous ? ».
John dos Santos rapproche lui aussi les deux totalitarismes. Ainsi, Charlie Chang, agent de la CIA, explique au héros, l'historien Tomás Noronha : « En substance, les communistes ont fait tout ce que les nazis ont fait, avec la circonstance aggravante qu'ils l'ont fait avant les nazis. Avant. Tout le monde parle de Staline, mais on oublie que tout ce que Staline a fait, à l'exception du meurtre d'autres communistes, Lénine l'avait déjà fait auparavant. Police politique, censure, dictature, liquidation des opposants, persécution ethnique, culpabilité des gens déclarée en fonction de ce qu'ils sont et non de ce qu'ils font, persécution des syndicats et des grévistes, camps de concentration remplis d'innocents, esclavage, exécutions de masse… tout ça a d'abord été mis en place par Lénine, et non par Staline. le deuxième n'a fait que prendre la suite du premier. »
Ce roman est une vigoureuse dénonciation du génocide commis sur les Ouïghours par la Chine. Un article de journalisme ne serait pas aussi efficace que le roman de dos Santos. Pourquoi ? Parce que par le biais du roman, nous nous identifions à l'héroïne Madina, par son intermédiaire nous « ressentons » dans notre chair toutes les atrocités qui lui sont faites.
Par ailleurs, ce roman nous informe également de la stratégie hégémonique de la Chine, tout du moins du parti communiste chinois. Leur art de la dissimulation est tel que j'étais bien loin d'imaginer l'ampleur de la chose, dimension qui semble échapper à l'actualité « mainstream » d'ailleurs…
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Passionnant… et révoltant. C'est le premier livre de cet auteur que je lis et certainement pas le dernier. Avant d'être écrivain, José Rodriguez dos Santos est un journaliste, et le présentateur vedette du 20h au Portugal. Et ça se ressent dans son roman.

Très documenté et s'appuyant sur des faits vérifiés, c'est une plongée sans concessions dans la Chine d'aujourd'hui. Système quasi totalitaire, surveillance massive et totale des citoyens, oppression, persécution, torture et exécution des minorités ethniques ou de tous ceux qui s'opposent à la ligne imposée par le Parti.

On a bien sûr tous entendu parler des Ouighours et le monde s'est à plusieurs reprises ému de l'existence de ces centres appelés « camps de rééducation » par la Chine. Je savais que cette minorité ethnique vivait sous une menace constante de répression. Je ne me doutais pas que c'était à ce point.
Les faits décrits dans le roman, et confirmés dans les notes de l'auteur à la fin, sont terrifiants, et stupéfiants. Des millions de personnes sont enfermées de façon arbitraire dans des conditions qui rappellent les camps de la mort de l'Allemagne nazie. Pour les hommes et femmes qui y survivent, c'est le travail forcé, l'esclavage qui permet à la Chine d'inonder le marché international avec des produits à très bas coût. Pour ceux qui auront le droit un jour de rentrer chez eux, ce sera avec l'obligation de se soumettre entièrement à la doctrine du Parti. Une vie sous surveillance totale dans laquelle le moindre écart, télécharger l'application WhatsApp par exemple, peut valoir un retour direct dans ces camps infernaux.

Au delà des révélations sur les persécutions et le génocide en cours, ce sont également les perspectives de la Chine communiste et sa stratégie à long terme qui sont dévoilées. Comment le Parti place ses pions sur le plan international, année après année, décennie après décennie, en caressant l'espoir d'arriver à soumettre le monde à son idéologie un jour. Inquiétant.

Ceux qui ont déjà lu cet auteur retrouveront son personnage récurrent, Tomàs Noronha, qui fait équipe avec la CIA pour retrouver sa compagne ainsi qu'une autre femme au nom de code Dragon Rouge, enlevée par le pouvoir chinois car détenant des informations susceptibles de le déstabiliser
En parallèle nous suivons le parcours de Madina, une jeune femme ouïghoure qui va subir de plein fouet la violence du régime chinois.

Au niveau purement littéraire ce n'est pas le meilleur roman que j'ai lu. Certains dialogues manquent de justesse et certaines scènes d'action, de crédibilité. Mais qu'importe. du début à la fin on est emporté dans cette histoire et on découvre, au delà de ce qu'on sait déjà sur la répression des Ouighours, la réalité concrète de la dictature que le Parti communiste chinois a mise en place et ses velléités expansionnistes.

À lire absolument.
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critiques presse (3)
LeJournaldeQuebec
21 août 2023
Par le biais [des] personnages et de leurs multiples aventures, il décortique la stratégie millénaire de l’Empire du Milieu et dévoile ses intentions face à l’Occident.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeJournaldeQuebec
24 juillet 2023
Inspiré de faits réels, ce thriller hyper documenté décortique les véritables intentions du Parti communiste chinois face à l’Occident.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
RevueHistoria
11 juillet 2023
Chapitres courts, haletants, alternant entre la progression de l'enquête et le destin effarant de Madina, jeune Ouïghoure, condamnée, malgré son adhésion au Parti, au camp de concentration.
Lire la critique sur le site : RevueHistoria
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
— Admettons, mais qu’est-ce que la Chine a fait, concrètement ? Donnez-moi des exemples.
— Prenons le cas d’Hollywood, si vous le voulez bien, indiqua le commandant de la base aérienne. Le marché chinois a déjà dépassé le marché américain comme source principale de revenus pour Hollywood. Cela signifie que les studios américains se sont mis à faire extrêmement attention à ne pas produire de films susceptibles de déclencher la colère du Parti communiste chinois. Ce qui donne de fait au Parti le pouvoir de mettre son veto sur certains scénarios, ou d’y imposer des changements. Ce qui se passe, c’est qu’avant la réalisation d’un film, les studios hollywoodiens soumettent leur scénario à l’examen préalable du comité de censure du Parti communiste. Les censeurs du Parti lisent les scénarios et, s’ils n’aiment pas quelque chose, ils le signalent aux studios pour que ceux-ci procèdent aux modifications souhaitées. Dans Doctor Strange, par exemple, il y avait un personnage tibétain. La censure chinoise s’y est opposée car, visiblement, dans l’idéologie nationale-socialiste chinoise, les Tibétains n’ont jamais existé. Qu’ont alors fait les studios ? Ils ont changé le personnage et en ont fait un Celte.
Tomás leva la main, pour demander à son interlocuteur de s’arrêter de parler.
— Attendez, laissez-moi être sûr d’avoir bien compris. Ainsi, les grands artistes d’Hollywood font de belles déclarations sur la liberté, dénoncent, s’opposent aux traitements réservés aux minorités en Occident, multiplient les proclamations d’adhésion au mouvement #MeToo, se joignent avec enthousiasme aux campagnes contre la discrimination, le harcèlement et les violations des droits de l’homme en général… mais ils se soumettent, sans mot dire, à la censure communiste chinoise ? Les hérauts de la liberté seraient outrés, et à juste titre, si le gouvernement américain tentait rien qu’une fois d’interférer dans la production artistique, mais ils acceptent d’obéir aux ordres du Parti communiste chinois ?
— C’est ce qui se passe tous les jours à Hollywood. Les producteurs et les scénaristes élaborent déjà des scénarios qui suivent les lignes du Parti, en se censurant pour ne pas encourir de veto. Ça commence même à concerner les acteurs. Vous savez pourquoi les studios ne font plus de films avec Richard Gere ? Car, bien qu’il soit un excellent acteur, très populaire en Occident, il est proche du dalaï-lama et soutient la cause tibétaine. La Chine n’a pas apprécié et… c’en fut fini de Richard Gere. Personne ne l’a plus jamais revu dans une grande production hollywoodienne.
— Hollywood a donné aux communistes chinois le pouvoir de faire disparaître Richard Gere de ses films ?
— C’est un exemple, pour que vous puissiez vous faire une idée de ce qui se passe à l’heure actuelle, confirma le colonel Poulson. Harrison Ford, Sharon Stone et Selena Gomez ont, eux aussi, eu des problèmes après avoir participé à des films qui ont déplu au Parti communiste chinois. On pense également que le réalisateur de Sept ans au Tibet, Jean-Jacques Annaud, a été blacklisté, et qu’il n’est revenu au goût du jour qu’après avoir publié une lettre pour s’excuser du film.
— C’est ridicule !
— Ah, mais ne vous faites pas d’illusions, le ridicule est bien installé à Hollywood. Et de quelle manière ! Dans Mission impossible 3, par exemple, il y a une scène où Tom Cruise court dans les rues de Shanghai, et où on voit du linge sécher sur la corde à linge d’un appartement. La censure communiste a exigé que la corde à linge soit retirée, sous prétexte qu’elle donnait une mauvaise image de la Chine… et les producteurs ont obéi. Dans un autre film avec le même acteur, Top Gun : Maverick, la bande-annonce montrait un drapeau de Taïwan et un drapeau du Japon cousus au revers de la veste de Tom Cruise. Pourtant, dans le film, les drapeaux ont mystérieusement disparu et on ne les a revus qu’après que la censure a été dénoncée. Dans Skyfall, un James Bond, les scènes dans lesquelles un garde chinois se faisait tuer et qui évoquaient les pratiques de torture de la police chinoise ont été retirées, sur ordre du Parti. Les censeurs chinois ont également exigé des changements dans le film Bohemian Rhapsody, mais aussi dans Alien : Covenant, dans Star Trek : Sans limites, dans…
— Ça va, c’est bon, coupa l’historien. J’ai compris.
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La professeur kazakh Sayragul Sauytbay était membre du Parti communiste chinois lorsqu’en 2018, elle se présenta à Zharkent, une petite ville du Kazakhstan proche de la frontière avec la Chine, expliquant s’être enfuie du Xinjiang après avoir été enfermée dans un camp d’endoctrinement avec des « autochtones », pour la plupart des Ouïghours, mais aussi de nombreux Kazakhs. La fugitive décrivait un camp orwellien soumis à une surveillance totale, dans lequel les prisonniers, détenus pour les raisons les plus aberrantes, étaient traités comme du bétail et assujettis aux intenses séances de lavage de cerveau typiques des laogai. Même si elle y était enfermée comme professeure et non comme détenue, elle avait non seulement été torturée et soumise à un traitement médical de stérilisation forcée, mais aussi témoin de viols en réunion de prisonnières ainsi que de trafic d’organes des prisonniers, puis contrainte de vivre avec un Chinois han dans le cadre de la campagne « Devenir une famille », alors qu’elle était mariée.
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— Vous en êtes sûr ? Permettez-moi d’attirer votre attention sur un certain nombre de faits. Dès qu’il a instauré le communisme en Russie, Lénine a imposé une dictature et mis en place une police politique, la Tchéka, qui a persécuté, emprisonné ou exécuté tous les opposants. Lénine a interdit les grèves et les syndicats libres, et a exécuté des milliers de grévistes dont le seul crime a été de manifester pour protester contre les pénuries alimentaires. Ce même Lénine a créé un vaste complexe de camps de concentration, le goulag, et au fil du temps, le régime qu’il a conçu y a maintenu des millions de personnes emprisonnées, contraintes à un travail forcé et non rémunéré. En d’autres termes, les communistes ont rétabli l’esclavage au XXe siècle. Ils ont également remis en place le vieux principe obscurantiste selon lequel les gens étaient coupables non pas pour ce qu’ils avaient fait, mais pour ce qu’ils étaient, ce qui a conduit à persécuter, emprisonner ou tuer des millions de bourgeois et de paysans uniquement parce que c’étaient des bourgeois ou des paysans. Ils ont persécuté des personnes en raison de leur appartenance ethnique, comme les Ukrainiens, les Cosaques, les Polonais, les Tartares, les Juifs, les Coréens, les Tziganes, les Karatchaïs, les Kurdes, les Kabardes, les Balkars, les Khémides… et la liste ne s’arrête pas là. Ils ont perpétré des massacres de masse, en ordonnant notamment l’exécution d’enfants à partir de l’âge de douze ans, et ont instauré un État policier qui réprimait et contrôlait tout.

— Les nazis ont fait de même.

Le regard de Chang s’éclaira, comme si Tomás était arrivé par inadvertance là où il voulait l’emmener.

— Précisément ! s’exclama-t-il. En substance, les communistes ont fait tout ce que les nazis ont fait, avec la circonstance aggravante qu’ils l’ont fait avant les nazis. Avant. Tout le monde parle de Staline, mais on oublie que tout ce que Staline a fait, à l’exception du meurtre d’autres communistes, Lénine l’avait déjà fait auparavant. Police politique, censure, dictature, liquidation des opposants, persécution ethnique, culpabilité des gens déclarée en fonction de ce qu’ils sont et non de ce qu’ils font, persécution des syndicats et des grévistes, camps de concentration remplis d’innocents, esclavage, exécutions de masse… tout ça a d’abord été mis en place par Lénine, et non par Staline. Le deuxième n’a fait que prendre la suite du premier. Est-ce que je suis en train de dire un mensonge ?

En sa qualité d’historien, Tomás ne pouvait démentir aucun des propos de son interlocuteur.

— Les faits sont là.
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Les Spratleys sont un archipel au large des Philippines, avec une multitude de récifs, de hauts-fonds, d'atolls et d'îlots. Après avoir affirmé pendant des années qu'il ne les occuperait jamais, pour préserver la paix et l'harmonie de l'humanité, le Parti communiste chinois s'est installé par surprise sur ces récifs et ces atolls, et y a construit des îles artificielles. Le Parti a alors juré au monde entier qu'il ne les militariserait jamais, mais il a déjà installé un véritable arsenal sur certaines de ces îles. [.....]
Ces îles sont utilisées au support d'opérations militaires offensives, capables notamment d'atteindre le Japon, l'Australie, Taïwan, ou n'importe quel autre pays dans la région. Et qui visent même à créer une puissance militaire jusqu'à l'océan Indien, ce qui signifie que la menace s'étend jusqu'à l'Inde.
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Lorsqu’elle entra les mots-clés en chinois, une succession d’images montrant des femmes ouïghoures avec des hommes hans apparurent à l’écran. Nombre de ces photos étaient des selfies, avec un Han et une Ouïghoure en train de déjeuner ou de dîner assis à une table couverte de plats chinois, ou dans le salon devant une chaîne de télévision chinoise, ou dans la rue assistant à un spectacle de danse du dragon du Sud, ou pratiquant n’importe quelle autre activité typique de la culture han. Des selfies en tout point similaires à ceux que Wang avait déjà pris avec elle et envoyés au Parti.
Mais au bout d’un moment, Madina finit par découvrir des photographies prises dans d’autres circonstances.
Elle ne pouvait pas y croire. Elle était tombée sur des selfies que les hommes hans prenaient au lit, après avoir fait l’amour avec les Ouïghoures de leur « famille ».
Madina n’en croyait pas ses yeux. Les images montraient un homme souriant, accompagné d’une femme ouïghoure allongée à côté de lui, l’air embarrassé ou ahuri, tentant de couvrir d’un drap son corps nu. Le Parti n’avait visiblement aucun scrupule à mettre à la disposition de tous, sur nternet, les photographies les plus intimes de femmes qui avaient été violées avec la complicité du Parti lui-même. Et tout ça, pour quoi ? Pour que le Parti puisse montrer l’ampleur et l’étendue de son emprise sur les Ouïghours. Tout ça pour que le Parti puisse les humilier.
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