Eden, la magnifique et imposante maison que Bunny Meister avait fait construire pour sa famille dans les années 1920 à Long Harbor, petite station balnéaire très chic de la côte Est, a perdu de sa superbe.
Peut-être cet été 1998 sera-t-il même le dernier pour la bâtisse, devenue vénérable avec les évènements qu'elle aura abrités au fil du temps…
Cette saga familiale s'attache surtout aux pas des femmes : Sadie, que Bunny Meister a épousée après le Nouvel An 1914, et leur fille Becca, dernière née fin 1928 après trois garçons. Dans le sillage de Becca, suivront sa fille, Rachel, et sa petite-fille, Sarah.
Les hommes pèsent sur leurs destinées, certes, influent, empêchent ou au contraire, encouragent, mais sont malgré tout exclus de tout un pan de l'existence de leur femme, fille, mère, soeur.
C'est surtout ce chemin que nous fait suivre l'auteur, l'histoire cachée, tue, qui va d'une génération à l'autre, de la mère à la fille, de la fille à la petite-fille, la première entraînant la seconde dans la direction qui lui semble convenir en fonction de ses propres expériences.
Elever des enfants ne peut être qu'empirique...
Mais l'absence de choix de la fille face aux décisions de sa mère, et la volonté de s'en trouver malgré tout, mèneront en coulisse cette famille dans la traversée du siècle, depuis Sadie jusqu'à Sarah, la petite-fille de Becca.
L'alternance des époques et des points de vue, chapitre après chapitre, ébauche les contours d'une société qui se veut ouverte mais regarde les "nouveaux" d'un mauvais oeil, garde des réflexes écoeurants de rejet de l'autre parce qu'il est pauvre, ou juif, ou "mal né", à laquelle les hommes adhèrent généralement et que ni eux ni les femmes ne remettent en cause avant longtemps.
Des évènements historiques comme les deux guerres mondiales marquent profondément les êtres.
Des épreuves personnelles modifient leurs relations, les éloignent ou les rapprochent.
Les protagonistes ne manquent pas d'intérêt, les faits de vie mis en avant par l'auteur non plus. Je regrette cependant qu'il n'y ait pas eu davantage, certains personnages et leurs interactions rapidement évoqués m'ont frustrée. J'ai parfois eu l'impression d'être emmenée dans une direction, puis laissée en plan au milieu du chemin, de la plage, du trottoir, de la véranda…
Pourtant, mon attention a été retenue jusqu'au bout, de cette trajectoire familiale déroulée comme une toile fine brodée.
Dans la trame, l'auteur glisse les fils de l'autre histoire, influant sur le motif.
Ces bouts de laine ou fils de soie, parlant des femmes, parlent beaucoup de la relation de chacune à la maternité, souhaitée, acceptée ou rejetée, et/donc de la relation de chaque mère avec sa fille, d'une génération à l'autre.
Pris dans les ornements du dessin général, l'oeuvre chorale se teinte de cette quête ou de cette fuite, selon les parcours, les personnalités de chacune, suivis de plus ou moins près.
Là est à mon sens le coeur battant de cet ouvrage.
Merci à NetGalleyFrance et aux Escales Editions pour ce partage.