En Provence, la bouillabaisse borgne est la bouillabaisse du pauvre. L'oeuf remplace la rascasse et la vive, le roucaou, la galinette, rouge et barbue, les merveilleux petits poissons de roche qui passent par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Ou le saint-pierre dont la tête est plus grosse que le corps, ou le loup, si tendre.
Pour cette bouillabaisse, il suffit d'un oignon et d'un poireau qu'on fait transpirer jusqu'à la transparence, une tomate, quelques gousses d'ail, safran et bouquet garni, un brin de fenouil (rien de plus parfumé que le fenouil sauvage), et surtout ne pas oublier l'écorce d'orange roussie qui confère un très discret arrière-goût d'amertume, légèrement caramélisé. On ajoute l'eau, on laisse cuire avec quelques pommes de terre -- de celles qui savent se tenir à table.
Tout à la fin, on poche dans ce bouillon un oeuf par personne. Dans mon assiette j'aime crever l'oeuf : la fusion du liquide safrané et du jaune onctueux est un régal. Je m'amuse à penser que cet oeil doré cerné de blanc est à l'origine de ce qualificatif de borgne. p 62
Lors d'une randonnée dans les montagnes crétoises, après avoir "savouré une salade saupoudrée d'un semis léger de grains de grenade et de quelques noix concassées"
Nous dormons à la belle étoile, protégés d'un vent glacé par un muret de pierres sèches. Avant de m'assoupir, écoutant les rafales du meltem, je me rappelle la légende de Perséphone : pour avoir malencontreusement mangé quelques grains de grenade, rompant ainsi le jeûne rituel, la jeune fille fut condamnée à demeurer dans les sombres demeures de l'Hadès. Mon allègre salade crétoise m'apparaît alors comme un beau mélange de lumière et d'ombre. Ce qui ne m'empêche pas de bien la digérer.
Encore à présent, lorsque souffle un grand vent nocturne, il m'arrive d'entendre -- ou de savourer ? -- le rire juteux, rutilant de la grenade, éclatant de vie comme de mort.
Chez moi, on disait pommes de terre en robe de chambre. Ou serait-ce moi qui l'entendais ainsi car ma mère les posait sur la table enveloppées d'un torchon afin de les gardée au chaud ? Plus âgée, je fus stupéfaite de découvrir qu'il s'agissait de robe des champs. Quelle déception !
Douceur
d'une coulée de miel brun
dans une tisane de thym
D'une gelée de coing
caressant un chèvre rocailleux
D'un coulis de chocolat
enrobant amoureusement
un sorbet à la poire...
(p. 35)
Le 7 mars 2013, François Busnel reçoit :
Benoîte Groult, Ainsi soit Olympe de Gouges
Alix de Saint-André, Garde tes larmes pour plus tard, à propos de Françoise Giroud, Histoire d'une femme libre : un manuscrit retrouvé par Alix de Saint-André à l'IMEC et publié par cet écrivaine à titre posthume.
Andreï Makine, Une femme aimée
Claude Pujade-Renaud, Dans l'ombre de la lumière
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