L'ouvrage est soigné, bien ordonné et laborieux, imaginé avec raison et écrit de même par un scientifique recyclé dans la fiction, imprégné de valeurs humanistes, plein de bonnes intentions -et à ce double titre, hautement respectable. Mais où est la passion, où est la folie? L'auteur, au diapason de ses gentilles créatures en aube blanche du Second Avènement, s'est-il senti mission de produire un polar écologique à l'ancienne, garanti à moins de 5% d'HGN* ?
De mon point de vue, le cocktail est tout sauf molotov malgré les digressions un peu longues sur le perchlorate d'ammonium.
Est-ce l'age de l'inspecteur qui impose ce rythme prout prout ou celui de l'écrivain? Comment comprendre la quasi absence, unique dans le genre, d'intrigue sexuée entre les différents personnages et l'omniprésence jusqu'à une certaine lassitude de sentiments d'ordre exclusivement marital ou familial, sinon comme la manifestation d'une nature humaine formatée dont l'écrivain n'a pas su s'extraire pour créer sa fiction. Dans mes souvenirs succincts et brumeux,
Agatha Christie avait pourtant suffisamment quadrillé ce périmètre. Fallait-il y revenir?
Léonard Rosen a dû penser se sauver de cette morne plaine en échafaudant un arrière-plan mathématique sur lequel il vient superposer des couches relativement hétéroclites de matériaux sensés densifier le récit . Ce substrat, salvatrices fractales!, est moyennement consistant; il côtoie des naïvetés qu'on pardonne d'autant moins au scientifique rédacteur (résolution du mot de passe, équation magique régissant les phénomènes complexes notamment) ainsi que quelques artifices éculés (jumeaux, sosies,...). Les sédiments ajoutés polluent plus qu'ils n'enrichissent l'intrigue: la vengeance du Serbe, les épisodes millénaristes,... Quant à la référence à Poincaré, je la trouve racoleuse mais peu aguichante et finalement inutile car elle n'apporte rien de structurant à l'intrigue. Inspecteur .... Gadget!
Les lecteurs scientifiques amateurs de polars trouveront que le vin est frelaté et se dépêcheront de passer à autre chose. D'autres surement apprécieront à sa juste valeur une petite enquête (je ne prétendrai pas qu'elle est sans intérêt) du cousin d'Hercule Poirot, germain par sa mère qui souffrait de troubles cardio-vasculaires.
* HGN= hémoglobine