Claude est un jeune analyste financier qui travaille à la Bank of Torabundo au sein du Centre International des Services Financiers à Dublin. Il vient d'une famille modeste de la banlieue parisienne, son père était forgeron, comme son grand-père et son arrière-grand-père. Il se sent un peu en décalage dans ce milieu de la finance internationale sans foi ni loi, de même qu'Ish, une de ses collègues avec laquelle il sympathise. Il est amoureux de la jeune serveuse grecque de l'Ark, un restaurant à proximité de son bureau, mais n'ose pas le lui avouer. Un jour, il est contacté par Paul, un écrivain, qui lui dit vouloir s'inspirer de sa vie pour écrire un roman. Etonné mais flatté, Claude accepte de lui donner à voir sa vie, et, après avoir eu l'autorisation de sa hiérarchie, laisse Paul s'installer à côté de son bureau au sein de la banque. ● La lecture est plaisante mais que d'invraisemblances dans cette satire qui manque de subtilité ! ● On comprend bien le propos de
Paul Murray, qui est de critiquer la finance internationale et ses folies, mais il aurait dû – et sans doute pu – le faire avec plus de finesse. ● Comment croire à cette histoire d'écrivain qui vient espionner une banque ? Comment croire que Claude reste ami avec lui ? Comment croire à ces analystes qui doutent en permanence d'eux-mêmes et du travail qu'ils font ? Sans parler de tout leur temps libre, c'est à croire qu'ils n'ont rien à faire dans leur banque… le personnage d'Ish est tout bonnement impossible ! Et celui de Claude, un financier naïf, timide et fleur bleue, ne passe pas non plus le cap de la vraisemblance. Sans parler de son père forgeron dans les années quatre-vingt !... ● En revanche, les mécanismes financiers sont assez bien décrits et vulgarisés, souvent avec humour, comme dans ce passage : ‘For example, one simple kind of derivative is an option. This is a contract that gives me the right, but not the obligation, to buy something from you for an agreed price at an agreed date in the future. I am calculating that when that date comes, the price will be more than our agreed price.' ‘Isn't that just a bet?' Paul says uncertainly. ‘If you do it in the bookie's, it's a bet,' Ish says. ‘If you pay some 23-year-old in an Armani suit two hundred grand to go to the window for you, it's a derivative.' / « ‘Par exemple, une option est un type simple de produit dérivé. Il s'agit d'un contrat qui me donne le droit, mais non l'obligation, de vous acheter quelque chose pour un prix convenu à une date future convenue. Je calcule qu'à cette date, le prix sera supérieur au prix convenu'. ‘Ce n'est pas un simple pari ?' dit Paul, incertain. ‘Si vous le faites chez le bookmaker, c'est un pari', répond Ish. Si vous payez un jeune de 23 ans en costume Armani deux cent mille dollars pour aller sur l'ordi à votre place, c'est un dérivé.' » ● Les traders sont fous ; bien que chaque personnage soit nommé, on peine à les distinguer et j'ose croire que c'est voulu de la part de l'auteur, pour montrer que pas un ne vaut mieux que l'autre. Ils ne voient que par l'argent, l'alcool, la drogue et les filles : ‘I've looked at so much porn I can't tell any more if IRL women are good-looking or not,' Kevin confesses. ‘I have to imagine if I saw her on a screen would I click on her.' / « Kevin avoue : ‘J'ai tellement regardé de porno que je ne sais plus si les femmes de la vie réelle sont belles ou non. Je dois imaginer que si je la voyais sur un écran, je cliquerais sur elle.' » ● Pourquoi, quand on est riche, veut-on l'être toujours davantage ? ‘That's why serious players never quit while they're ahead,' Jocelyn says. ‘They're always rushing off to make more billions to protect the billions they have already. Looking for that little bit more that'll make them bulletproof. But then that's just more for them to worry about. It's a vicious circle, see?' ‘So …' Kevin looks deeply troubled by this information. ‘Are you saying … they shouldn't bother? They'd be better off not being rich?' / « 'C'est pourquoi les acteurs sérieux n'abandonnent jamais tant qu'ils sont en tête', explique Jocelyn. ‘Ils se précipitent toujours pour gagner plus de milliards afin de protéger les milliards qu'ils ont déjà. Ils cherchent le petit plus qui les rendra à l'épreuve des balles. Mais ce n'est qu'un souci de plus pour eux. C'est un cercle vicieux, tu vois ?' ‘Alors ...' Kevin a l'air profondément troublé par cette information. ‘Es-tu en train de dire qu'ils ne devraient pas s'en préoccuper ? Qu'ils feraient mieux de ne pas être riches ?' ● Les aventures rocambolesques s'enchaînent jusqu'au bout et je n'en dirai rien pour ne pas divulgâcher le roman, mais on n'y croit pas une seconde. Pour que la satire soit efficace, encore eût-il fallu qu'elle soit crédible. ● le meilleur passage du roman est une discussion autour d'une table entre écrivains, agent littéraire, critique littéraire, éditeur, Claude et Paul, c'est vraiment très drôle. ● Malheureusement, le reste n'est pas à la hauteur. ● Pourtant,
Skippy dans les étoiles, le précédent roman de
Paul Murray, était une merveille.