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Critiques sur le theme : afrique (31)
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Cette vie

Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - La femme qui raconte est vieille. Elle tente dans un ultime effort, avant de s'éteindre, de se remémorer son passé et celui de toute sa famille afrikaner. On l'a transportée dans la vieille maison, au toit de chaume, au sol de bouse séchée, dans sa chambre d'enfant où lui reviennent, par lambeaux, des fragments de vie des quatre générations de fermiers qui se sont succédé tout au long du XIXe siècle. Elle a toujours été une spectatrice effacée et timide du comportement des adultes et c'est donc dans un récit chaotique et lacunaire qu'elle tente de comprendre une réalité qui se dérobe.
Au fil de la narration se dessine l'ascension sociale d'une famille afrikaner dominée par la figure d'une mère autoritaire et illettrée, avide de richesse et de considération sociale, qui voit son ambition se concrétiser dans son petit-fils. Car il faut être dur et inflexible pour réussir sur ces plateaux hostiles d'Afrique du Sud. Un travail acharné, une vie économe et la gestion judicieuse des alliances matrimoniales permettent de sortir de la pauvreté. Dans cette société presbytérienne, chacun s'observe, se jalouse tout en respectant les rituels qui assurent une certaine cohésion. Il n'y a pas de place pour l'expression de l'amour entre ces hommes et ces femmes, sauf dans la fuite. C'est le secret de famille jamais totalement dévoilé. En arrière-plan évoluent les pauvres blancs errant avec leur chariot misérable, les esclaves noirs attachés à vie au service de leur maîtresse blanche, les métis méprisés, les indigènes bochimans et hottentots dont le sort ne préoccupe personne tant ces Afrikaners sont sûrs de leurs droits.
Mais la mémoire de la narratrice restitue aussi les paysages immenses du veld, les cieux balayés par le vent, les éclats de lumière à la surface des lacs, l'âpreté des hivers et la beauté des prairies fleuries au printemps, dans une belle prose lyrique. Que reste-t-il de tous ceux qui ont vécu et souffert sur cette terre quand leurs traces matérielles disparaissent, si ce n'est le récit de cette vieille femme sage et compatissante ? L'auteur a obtenu le prix Hertzog, la plus prestigieuse récompense littéraire d'Afrique du Sud, pour ce roman, à conseiller à de bons lecteurs. Colette Broutin
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Afrika

Lecture jeune, n°126 - Dario Ferrer est gardien d'une réserve animalière en Afrique. Il assiste impuissant au massacre d'un rhinocéros par des braconniers. Charlotte, une journaliste, va le suivre dans ses déplacements. Elle découvre un homme solitaire, au passé trouble, prêt à tuer pour protéger son « trésor » : ses animaux. Mais, en coulisses, le chef d'État de ce pays négocie avec les ambassadeurs des puissances étrangères le contrôle d'une mine en contrepartie de leur aide face à une révolte d'opposants. Hermann nous propose un « one-shot » à grand spectacle avec des paysages africains époustouflants. La nature y est parfaitement retranscrite, les animaux superbes.

Mais, derrière ces dessins aux couleurs magnifiques, on découvre une Afrique encore instable politiquement, dont les chefs d'État (dictateurs pour la plupart) sont prêts à tout pour dominer, sans se préoccuper aucunement de préserver les ressources naturelles. La fin tragique de cette bande dessinée plonge le lecteur dans des réflexions passionnantes sur l'écologie et les moyens à mettre en oeuvre pour protéger la nature.

Sébastien Féranec
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La princesse africaine, tome 1 : Sur la rou..

Lecture jeune, n°119 - La jeune princesse Trinza, seize ans, est retenue prisonnière par le roi Shaka qui veut faire d'elle sa quatrième épouse. Privée de sa mère, la reine de Zimbaboué, loin de sa case et de ses amies, Trinza rêve de retourner vers le royaume de son enfance. L'arrivée d'anglais cherchant à gagner Zimbaboué, la légendaire ville de pierre, lui permet de proposer ses services comme guide, et donc d'échapper au mariage. Mais Trinza ignore le chemin à suivre ; seul le soleil l'aide à s'orienter. La route sera dangereuse et même dramatique. La mort de la jeune anglaise, la découverte de l'esclavage pratiqué par les Blancs mais aussi par les chefs noirs de tribus africaines transformeront la fillette orgueilleuse et irréfléchie en femme consciente des difficultés de la vie. Voici un roman d'apprentissage qui emporte. Richement documenté, il propose une narration rythmée et vivante. On a hâte de découvrir la suite ! ? Agnès Donon
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Le mauvais Juge

Lecture Jeune, n°132 - décembre 2009 - Après Pourquoi personne ne porte plus le caïman pour le mettre à l'eau, Christophe Merlin retrouve avec un bonheur évident la fantaisie mordante de Blaise Cendrars et de ses Petits Contes nègres pour les enfants des Blancs. Dans le Mauvais Juge, on apprendra pourquoi le babouin court à quatre pattes et comment la fourmi est devenue rouge de rage. Très éloigné des illustrations naïves de Jaqueline Duhême, Merlin propose une version plus inquiétante de cette Afrique pauvre, où la Faim, qui habite sur le pas de votre porte, vous guette pour vous planter son couteau dans le dos. Il tire habilement parti de l'espace offert par l'album pour illustrer l'imbroglio et souligner le rythme du conte.
Variant la mise en pages et les techniques, il laisse affleurer sous la texture un peu grasse et colorée de sa peinture un fond brun ou une ébauche au crayon ; il inscrit parfois les pattes de mouches du récit dans le dessin, consacre tantôt une pleine page à un masque bariolé, tantôt une double page chaotique à la querelle des animaux qui, sans scrupule ni manières, sortent du champ, dans une cruelle et turbulente chaîne, pour notre plus grand plaisir. Charlotte Plat
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Les enfants de la vallée de l'Omo

Lecture Jeune, n°132 - décembre 2009 - Il est des regards que l'on ne peut oublier comme celui de ce jeune garçon noir, au visage teint de blanc, qui semble sentir une présence dans son dos et se retourne. C'est ainsi que le lecteur, à sa suite, découvre ces tribus de la vallée de l'Omo, à la frontière de l'Ethiopie, du Kenya et du Soudan. Elles ont conservé les modes de vie ancestraux des pasteurs nomades, tout en se transmettant un goût extraordinaire pour le maquillage et le déguisement. de leur proximité avec la nature, ces hommes, ces femmes, ces enfants tirent les matériaux et l'inspiration qui les transforment et les embellissent de façon éphémère. Les magnifiques photos de Hans Silvester saisissent l'étrangeté fascinante de ces portraits et de ces corps tandis que les textes de Martine Laffon donnent les informations nécessaires pour mieux appréhender les modes de vie de ces tribus. On s'interroge évidemment sur leur devenir et sur la conservation de ces traditions dans un contexte qui les met en contact avec le monde moderne. La violence des rituels d'initiation peut sembler difficilement tolérable de nos jours. ? Colette Broutin
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Le sang des lions

Lecture Jeune, n°132 - décembre 2009 - En ce début de XXIIe siècle, l'ordre géopolitique du monde s'est inversé : ce sont les populations européennes qui fuient leurs pays paupérisés et tentent de passer en Afrique devenue « la terre promise ». Jef Cody, 17 ans à peine, réussit à rentrer illégalement en Afrikwana pour travailler en tant qu'ouvrier disciplinaire dans le Kilimandjaro « Magic Eden », un gigantesque parc touristique bénéficiant d'un climat artificiel. Mais d'étranges événements secouent l'ordre de ce microcosme : les animaux de la savane, jusqu'alors rendus totalement inoffensifs par des modifications génétiques, commencent à retrouver leurs comportements sauvages. Les dirigeants du parc emploient alors tous les moyens, même les plus féroces, pour résoudre ce dysfonctionnement.
La force de ce roman d'anticipation réside dans sa vraisemblance : l'inversion entre pays pauvres et pays riches paraît tout à fait plausible et donne beaucoup à réfléchir, de même que tout le versant écologique du livre. Jusqu'à quelles dérives climatiques, génétiques, etc., les sciences et les techniques peuvent-elles conduire notre société ? Derrière ces interrogations angoissantes, c'est un bel hommage à la nature et à l'Afrique que rend aussi Loïc le Borgne. Il campe des personnages forts, partisans du retour à la nature, comme Napthal Ole Tutu, le chef du peuple Massaï ou encore Solaï, la jeune rebelle qui incarne les désirs latents de révolte de tout son peuple. Même si le roman peut paraître manichéen, surtout dans les relations amoureuses de Jef, déchiré entre Ingrid, la blanche provocante et Solaï la fougueuse noire, l'auteur de Je suis ta nuit tient le lecteur en haleine du début à la fin, mettant son écriture énergique au service de ce récit haletant. Marianne Joly
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Les guerres de Chanda

Lecture Jeune, n°132 - décembre 2009 - Depuis la mort de sa mère, Chanda a la charge d'Iris et Soly, sa soeur et son frère. C'est une lourde responsabilité pour cette jeune Africaine, contrainte de renoncer à ses études et à son projet de créer un centre d'accueil pour les orphelins victimes du sida. Sous l'influence de Madame Tafa, sa voisine, elle prend la route de Tiro, le village natal de sa mère, pensant trouver refuge auprès de sa famille. Là, elle découvre, avec stupéfaction, que ses grands-parents veulent la marier à Nelson Malunga, un fils de leurs voisins. Au moment où elle s'apprête à fuir, les rebelles du général Mandiki attaquent le village et kidnappent Iris et Soly, pour en faire des « enfants-soldats ». Chanda se lance alors dans un combat pour les sauver.
Ce roman fait suite à un livre, paru en 2006, intitulé le Secret de Chanda. Après avoir traité du problème du sida en Afrique, l'auteur aborde le thème des enfants-soldats. Allan Stratton offre un nouveau regard sur l'Afrique contemporaine, ce continent que le jeune lecteur occidental apprend à connaître. Mais les aventures de Chanda n'ont rien d'humoristique. Elles appartiennent à un tout autre registre, où courage et héroïsme déterminent le fil narratif de l'histoire. C'est aussi l'occasion d'interroger le poids de la tradition et la difficulté à vivre pour soi et non pour le groupe. C'est un livre à conseiller aux lecteurs avides de sensations fortes et soucieux de comprendre une réalité violente et injuste. Elise Hoël
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Les aubes écarlates : Sankofa cry

Lecture Jeune, n°132 - décembre 2009 - Après L'Intérieur de la nuit et Contours du jour qui vient (Prix Goncourt des lycéens 2006), Leonora Miano continue sa trilogie africaine. le personnage central, Epa, a été enrôlé de force dans les troupes d'un meneur fou qui prétend s'emparer d'une région d'Afrique subsaharienne. L'adolescent, dont le frère a été sacrifié sous ses yeux, prend part avec les autres enfants soldats aux actes de barbarie perpétrés par la bande rebelle dans les villages. En fuite, seul, il se sent entouré de présences hostiles, ombres enchaînées venues demander réparation pour les crimes du passé. Sur tout le continent africain, les âmes des esclaves déportés sèment la folie dans les esprits en attendant que justice leur soit rendue, car elles n'ont pas trouvé le repos que leur procurerait une stèle pour honorer leur mémoire.
Les thèmes initiaux du roman - la guerre, l'enfant-soldat - découlent de la violence majeure dans l'histoire du continent : les razzias de la traite négrière, aujourd'hui occultée, à laquelle ont participé les marchands d'esclaves africains. Epa, recueilli par Ayané, qui soigne les victimes de la violence, va reprendre goût à la vie et tenter de ramener les enfants enlevés du village. Il importe de rendre à la communauté ses enfants, de la même manière qu'il faut rendre justice à la mémoire des disparus. Porteur d'un message fort sur le devoir de mémoire, le roman est d'une écriture poétique indéniable. Comme une mélopée, les voix des disparus scandent la tragédie, à la manière du choeur des Erinyes dans le théâtre grec. le texte se prête parfaitement à une lecture à haute voix. Néanmoins, cet ouvrage « difficile », sur un volet méconnu de l'histoire, aura besoin de la médiation des enseignants, ou des bibliothécaires. Cécile Robin-Lapeyre
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Oranges sanguines

Lecture jeune, n°128 - Après le remarquable Karoo boy, paru en 2006 (voir LJ n° 120), Troy Blacklaws livre cette fois un récit autobiographique, rédigé à la première personne. À la fin des années soixante, Gecko grandit dans une ferme d'Afrique du Sud, auprès d'adultes extraordinaires : le père raconte ses exploits de chasse tels des récits épiques ; Beauty, la nourrice chaleureuse et le cuisinier lui enseignent la nature et les légendes zoulous ; ses complices de jeux, Zane, le petit frère et Jamani, le « frère de lait » que sa mère, infirmière, sauve d'une morsure de serpent, etc. Dans ce pays, la mort côtoie souvent les moments de bonheur. La terre rouge d'Afrique, aux odeurs de jasmin et d'hibiscus, les cris des animaux, le hurlement du vent dans la nuit, éveillent les sens de l'enfant. Très tôt cependant, il doit choisir son camp, celui de la police ou de l'ANC. le déménagement au Cap va plonger Gecko dans un univers hostile. Au lycée, la brutalité des adolescents préfigure les déchirures de la ségrégation ; dans le car des enfants blancs, il dépasse les écoliers « coloured » contraints de marcher à pied. C'est à ce moment que se déroulent ses premiers émois amoureux, où – là encore – il faut s'endurcir : « C'est ça un vrai cow-boy ». L'école devient le lieu de solitude de celui qu'on traite de « kaffirboetie », ami des Nègres, et son refuge sera la lecture des grands écrivains. Pourtant le pire reste à venir, avec l'enrôlement obligatoire dans l'armée.

Voici un roman d'apprentissage dans un monde où l'enfer l'emporte sur le paradis : Gecko déserteur sera contraint de quitter le pays qu'il aime, de rompre ses attaches. Écrit en touches brèves, chapitres très courts, phrases rapides, le roman donne de l'Afrique du Sud une évocation poétique tout en couleurs, sons et odeurs. le récit montre la construction de la personnalité de son auteur, de l'enfance à l'âge adulte, dans un climat de violence raciale extrême. Ce qui est particulièrement intéressant pour un lectorat adolescent, c'est que sans cesse le narrateur, enfant puis adolescent, s'interroge sur son devenir, ses choix, et reconnaît ses faiblesses, son impuissance. La rudesse de la situation politique du pays, et de l'exil forcé est atténuée par une fin optimiste, l'amour retrouvé, et l'image d'un homme qui marche en Afrique du Sud pour la liberté.

Cécile Robin-Lapeyre
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L'art africain

Lecture jeune, n°127 - En dépit d'une couverture peu engageante et d'une maquette très sobre, ce « rendez-vous avec... » constitue une excellente entrée en matière dans l'univers des arts africains. Il place d'entrée de jeu l'importance de la mise en perspective et du contexte, dans le cas du regard porté sur l'Afrique – si riche et contrastée – et sur ses objets. le fait d'avoir choisi pour auteur de ce titre un anthropologue plutôt qu'un historien de l'art permet cette approche qui fait de l'ouvrage, plus qu'un discours sur un improbable « art africain », un questionnement sur les regards croisés entre Europe et Afrique, comme le résument d'ailleurs fort bien les premières pages du texte : « Ainsi, il apparaît que si nous voulons parler “ d'art africain ”, nous devons le faire en étant conscients que nous parlons aussi bien d'eux que de nous, que nous parlons d'un rapport, d'une relation dont les objets seraient les intermédiaires. » le résultat, c'est que ces « arts premiers », si souvent figés par une approche atemporelle, sont abordés de manière dynamique. Une porte d'entrée passionnante qui permet alors une découverte au long de grands chapitres : « Que signifie pour nous l'expression “ art africain ” ? » ; « Voir l'Afrique à travers l'art et l'art à travers l'Afrique » ; « L'art africain dans son contexte d'origine » ; « L'art africain se situe dans l'histoire »... Ceux-ci présentent, outre les « incontournables » chefs-d'oeuvre, la production contemporaine et leur réception en Europe comme en Afrique.

L'iconographie est très riche, bien choisie, et surtout extrêmement bien légendée. Un glossaire vient compléter l'ensemble. le tout, et malgré un texte relativement dense, est de compréhension aisée, et devrait intéresser tout lecteur curieux de faire intelligemment connaissance avec un continent à l'art méconnu.

Nathalie Carré
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Bienvenue à Goma

Lecture jeune, n°127 - Elsa, 18 ans, vient de passer le bac et rêve de devenir journaliste. Elle décroche un stage dans une petite radio et découvre cet univers où se côtoient rivalités et sournoiseries en tout genre, bien loin du « devoir d'informer » dont rêve la jeune fille… Mais cette expérience prend une nouvelle dimension car nous sommes en 1994 et la France découvre le génocide au Rwanda. Elsa, déterminée, souhaite se rendre sur place et accompagnera Lucie, une jeune femme reporter. Elle découvre alors un autre monde, une réalité violente où des hommes, des femmes et des enfants sont victimes d'actes de barbarie… et comment réagir quand on a 18 ans ?

Le roman d'Isabelle Collombat est intéressant à plus d'un titre en littérature jeunesse. Elle aborde de front un métier souvent fantasmé par les adolescents dans ce qu'il a de plus « tendance ». Ensuite, elle traite d'un drame de notre histoire récente, vue par une adolescente, sans complaisance, ni prise de parti. Enfin, elle campe deux personnages attachants, Lucie et Elsa, qui nouent, après un premier contact difficile, une profonde amitié. Elles apparaissent toutes deux comme des jeunes femmes volontaires, passionnées, et parfois même – sans doute pour pouvoir faire face à la situation – dépourvues de sensibilité. Elsa est un beau personnage d'adolescente, fragile sous ses airs de jeune fille prétentieuse et dont les certitudes se voient remises en question par la réalité du drame. On devine à la lecture de ce titre qu'il est très personnel et en partie autobiographique, tant l'écriture d'Isabelle Collombat est touchante et juste.

Anne Clerc
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Le Passé devant soi : Figures de la vie impos..

Lecture jeune, n°126 - À travers deux récits alternés, celui de la jeune et gracile Isaro et celui de Niko, le garçon au visage d'ange et sourire de démon, se déroulent, en flash-back, les vies des protagonistes d'un génocide. du Rwanda, il n'en sera pas fait mention durant tout le récit, bien qu'il soit de toute évidence le pays dont il est question. Point de vue de la victime, point de vue du bourreau, sans qu'il n'y ait de relation établie entre la souffrance de l'une et la monstruosité de l'autre. le roman débute par une apostrophe au lecteur, « ce voyage te sera peut-être insoutenable ». Niko est né muet, on le prend pour simple d'esprit, il s'est réfugié au fond d'une grotte, seul parmi les grands singes. La caverne est le lieu de survie – référence possible à l'allégorie platonicienne – d'où Niko n'a d'autre vision du monde que le reflet d'une société de primates. Là, il se remémore son enfance méprisable, protégée par un oncle forgeron qui l'a initié au secret de la fabrication des armes. Ce savoir lui a valu de prendre la tête d'un bataillon, les Enragés Volontaires, qui ont sauvagement massacré d'innombrables innocents. La narration de Niko, consignée en paragraphes numérotés, comme des versets, ou des articles de lois, ressemble dans son contenu à un conte, sans indication de lieu, ni de temps. Les questions fusent, philosophiques, essentielles : « le meurtre est-il impardonnable parce que la seule personne de qui pourrait venir le pardon valable n'est plus là ? ». À l'opposé de la fable de Niko, l'histoire d'Isaro est racontée de manière réaliste : témoin de l'assassinat de ses parents, elle a fui le génocide, adoptée par le couple de Français qui l'ont cachée. Après une scolarité brillante, elle se sent rattrapée par la vérité, suite à des nouvelles entendues à la radio, et elle rejette violemment ses parents adoptifs, qui ont tu l'horreur pour la protéger. D'abord prostrée, Isaro va ensuite s'opposer à l'amnésie et repartir dans son pays d'origine pour traquer les voix des survivants. Ce roman difficile nécessitera la médiation d'adultes ; pourtant, si l'on accepte l'avertissement au lecteur, sans être rebuté par le monologue des personnages, l'émotion gagne. le parcours de ces deux êtres déchirés, de l'enfance à l'âge adulte, devrait toucher les jeunes adultes, d'autant que le génocide, n'étant pas nommé, prend une portée universelle. Travail de mémoire, va et vient entre présent et passé, la fiction permet d'exorciser le mal absolu de la guerre civile en mettant des mots sur l'indicible.

Cécile Robin-Lapeyre
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Sur les traces de Siri Aang

Lecture jeune, n°126 - Namelok, une jeune Massaï de 12 ans, se prend d'affection pour unefemelle rhinocéros mettant au monde un petit, qu'elle surnomme SiriAang, « Notre secret ». Chaque jour, elle leur rend visite et les observe.Hélas, l'adolescente grandit et l'heure du rituel de l'emuratare – c'est-àdirede l'« excision » – approche, lui interdisant notamment de s'éloignerdu clan familial. Mais, contre l'avis de son père, Namelok voudrait serendre à l'école et continuer à parcourir librement la savane. Un jour,elle découvre, horrifiée, le corps sans vie de la mère rhinocéros. Elle selance alors à la recherche de Siri Aang et des braconniers.

Cristina Kessler écrit un récit aux accents authentiques, inspiré deses nombreuses années passées en Afrique, au contact des Massaï.On découvre un peuple dont les aînés, comme le père de Namelok,sont en plein doute face au monde contemporain qui les entourecar leurs traditions, qu'ils voudraient préserver, sont un frein à leurintégration dans la société moderne. La savane est parfaitementdécrite, notamment les animaux (les rhinocéros mais aussi les lions,les girafes...). Un roman instructif sur l'Afrique d'aujourd'hui et sescontradictions.

Sébastien Féranec
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Aya de Yopougon, tome 3

Lecture jeune, n°125 - Retour à Yop City, épisode 3. Sur fond d'élection de « miss Yopougon », les démêlés familiaux d'Aya se poursuivent : son père a « un deuxième bureau », entendait une double vie ; son oncle Koffi veut prendre pour seconde épouse Rita, la jeune amie d'Aya… Mais les femmes de ses messieurs s'organisent et ne s'en laissent pas compter, le statut de « chef de famille » est sérieusement mis à mal ! La jeune fille devient également la confidente d'Inno le coiffeur qui évoque sa relation homosexuel avec Albert et son envie de partir à Paris. Aya elle entend poursuivre son objectif, entrer à l'université. Toujours aussi drôle et enlevé, ce troisième tome est aussi plus dense et douloureux. Statut de la femme, homosexualité, départ du pays pour la France… nombre de problèmes se posent à la société de Yopougon, qui devra faire face et évoluer. Bien entendu on espère une suite ! Hélène Sagnet
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La mémoire trouée

Lecture jeune, n°123 - Emma n'a pas assisté à la scène mais elle l'a entendue. En avril 1994 au Rwanda, sa mère est assassinée parce qu'elle est Tutsi. « Tu ne dois pas mourir, Emma ! », lui dit-elle avant de succomber. Pourtant « ceux qui ont survécu, c'est comme s'ils étaient morts aussi ». Chaque nuit la petite fille, qui a trouvé refuge auprès d'une vieille femme, fait le même cauchemar. Les jours passent, la vie reprend son cours. Des prisonniers vont être jugés au village. Parmi eux, Emma reconnaît une voix. La rencontre de Ndoli, un enfant « cabossé » et d'un vieil homme qui aide les jeunes rescapés ravive sa mémoire trouée, son envie de comprendre et d'avancer. Elisabeth Combres livre un récit pudique et ténu. Son parti pris stylistique est fort. L'écriture, blanche et descriptive, nous tient à distance d'Emma qui se positionne comme une observatrice du monde qui l'entoure, sans pouvoir y prendre part. Les gestes du quotidien rythment le récit et laissent peu de place à des sentiments encore indicibles. Un temps suspendu s'impose, puis pour Emma comme pour son pays, la vie reprend ses droits. Ce propos maîtrisé éclaire justement un passé proche et douloureux dont les zones d'ombre – implication de la France –demeurent. Hélène Sagnet
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