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EAN : 9782259203968
274 pages
Plon (24/08/2006)
3.68/5   218 notes
Résumé :
Après la guerre qui a ravagé le Mboasu, cet état imaginaire et ô combien réel d'Afrique, le pays est exsangue. Les parents, incapables de prendre soin de leurs enfants, les chassent loin de chez eux, les accusant d'être la cause de leurs malheurs. Décidée à retrouver sa mère, la jeune Musango traverse un pays frappé de folie. Des rivages du fleuve Tubé aux bas-fonds de Sombé, métropole d'Afrique en proie à l'anarchie, Musango retrouvera-t-elle cette mère, symbole d'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (49) Voir plus Ajouter une critique
3,68

sur 218 notes
J'ai été, somme toute, assez déçue par ce roman de Léonora Miano. Ce n'est absolument pas le propos qui est en cause car j'aime qu'un ouvrage secoue son lecteur ou les convenances. Ce ne sont ni la violence, ni les messages sous-tendus qui m'ont dérangée. Ce n'est pas fait pour me déranger, bien au contraire.

Non, dans ce livre, ce sont les qualités proprement littéraires qui m'ont manqué : j'avais pu lire un peu partout que l'auteure se caractérisait par de grandes aptitudes de plume et, si l'on en croit la citation de ELLE en 4ème de couverture (bon il faudrait être naïve pour croire encore les 4èmes de couv, mais j'en connais qui les lisent malgré tout) : « un style à la fois sobre et brillant, simple et raffiné ». Ici, j'avoue être en profond désaccord avec les gens de chez ELLE.

Pour moi, et en harmonie totale avec Mario Vargas Llosa (Lettres à un jeune romancier), ce qui caractérise la fiction de qualité, c'est le fait qu'on y croie. Peu importe que le pays s'appelle dans le livre Mboasu et non Cameroun, peu importe que la ville où se déroule la fiction se nomme Sombé et non Douala comme c'est le cas dans la réalité. Ce n'est pas là le problème, je pense même qu'elle a bien fait de bâtir des endroits imaginaires et de prendre quelques libertés avec la réalité factuelle. Cela permet de se concentrer sur un ou plusieurs aspects particuliers que souhaite exposer l'auteure sans avoir à traîner le restant du fardeau du réel et qui ne ferait pas sens ou qui interférerait de façon non opportune.

Non, le problème selon moi se situe au niveau de la crédibilité des personnages et des situations. Qu'une petite fille de 9 ans puis 12 ans soit la narratrice, aucun problème ; qu'elle soit particulièrement mature pour son âge, aucun problème. En revanche, qu'après trois ans de séquestration et de déscolarisation (entre 9 et 12 ans) période pendant laquelle elle est restée enfermée dans un espace réduit, où elle n'a pour ainsi dire pas décroché un mot et où on ne lui a pratiquement pas adressé la parole sauf pour des besoins élémentaires, que cette petite fille, donc, en assemblée, parmi des discoureurs professionnels soit capable de leur river le bec à coup de répartie et de s'exprimer en ces termes : « Monsieur Colonne, pouvez-vous me dire quand exactement les Africains ont abandonné le culte de leurs ancêtres et les offrandes faites aux esprits ? Il me semble qu'ils ont toujours pratiqué le mélange de la foi chrétienne et de leurs religions ancestrales. En quoi votre méthode diffère-t-elle de ces habitudes ? […] Vous savez comme moi que les enfants qui sont une force de travail à la campagne deviennent vite une charge à la ville… »

Là, excusez-moi, Madame Miano, mais je tique un peu. Il s'avère que je côtoie un peu les enfants de cet âge et pour le coup, en ce qui concerne la crédibilité, vous repasserez. Alors on peut arguer que le problème vient du fait que l'auteure n'a pas su appliquer dans la bouche d'une enfant le langage approprié. Alors examinons encore, si vous le voulez bien, le discours de Kwin, une sorte de " super-héroïne " au sens moral irréprochable, accessoirement marchande de bananes plantain sur l'un des marchés crapouilleux (néologisme que je revendique entre crapuleux et pouilleux) de Sombé en brandissant ac hoc une bible du fond de sa poche en plein pendant un attroupement autour d'un lynchage :

« Je ne crois pas ce que disent ces pages. Et comment le pourrais-je, sachant que ceux qui nous les ont apportées ont vite fait de s'en détourner ? Néanmoins, la manière dont vous gobez toutes ces fictions vétérotestamentaires, votre adhésion forcenée à cette prétendue Révélation qui ne promet que des horreurs, tout cela me sidère. C'est pourquoi je lis votre Livre. Peut-être finirai-je par y découvrir que vous êtes bien faits à l'image de ce Dieu qui a laissé mourir Son fils pour rien, puisque rien ici-bas ne semble irréfutablement sauvé depuis que Ieshoua fut couronné d'épines et crucifié… »

Eh oui ! On n'y croit pas et c'est bien là tout le problème. Quand bien même ce livre aurait mille qualités par ailleurs et ce seul défaut, c'est un défaut suffisamment lourd pour être rédhibitoire à mes yeux de lectrice exigeante sur le mentir vrai. J'aurais encore deux ou trois peccadilles à faire valoir à propos de ce style soi-disant raffiné et qui pour moi est parfois d'une maladresse et d'une poussivité désarmante, mais bon, autant m'arrêter là, mon but n'étant pas de dénigrer à plaisir.

Je préfère me focaliser à présent sur le sens et les messages qu'on peut capter de ce livre. Léonora Miano a manifestement voulu nous dire qu'un pays qui ne prend pas soin de ses enfants hypothèque une grande part de son avenir. Elle pense très probablement à son pays, le Cameroun, mais également à nombre d'autres pays africains qui laissent croupir la jeunesse dans un total dénuement matériel et culturel.

Elle attire aussi notre attention d'Européens sur une réalité souvent mal connue dans l'Afrique équatoriale : l'omniprésence et l'omnipotence des croyances et de la sorcellerie. (Je ne connais pas suffisamment la question pour étendre cette constatation à l'ensemble de l'Afrique subsaharienne mais je sais que c'est aussi le cas au Congo [Brazzaville].)

Il suffit juste que quelqu'un décrète que vous êtes une sorcière pour que vous vous retrouviez du jour au lendemain frappée d'ostracisme, rejetée de partout (famille comprise, le quelqu'un accusateur pouvant être un membre de la famille) et contrainte aux pires avilissements pour seulement espérer continuer à vivre, si tant est que vous y parveniez. C'est dur à imaginer vu d'Europe mais c'est pourtant une réalité toujours vivace et désespérante. Léonora Miano nous parle de cette réalité via sa protagoniste principale, Musango, petite fille de 9 ans abandonnée par sa maman au motif qu'une voyante a ressenti en elle les effluves de l'esprit malin.

L'auteure attire aussi notre attention sur des situations socio-économiques et sanitaires absolument révoltantes. Dans le livre, elle évoque une guerre bien que dans la réalité, au Cameroun, il s'agisse plus vraisemblablement d'une longue série d'émeutes et de serrages de vis du pouvoir de Yaoundé (la capitale politique à l'intérieur des terres) à l'encontre de Douala (grosse ville portuaire, capitale économique). Les raisons de ce quasi embargo interne sont évidemment politiques : Douala ayant massivement soutenu un opposant du régime en place et le résultat en est une pauvreté et un niveau de violence tout à fait comparable à celui qui résulterait d'une guerre civile.

La force du livre réside dans le fait qu'il est un appel à demeurer humain dans l'adversité, à l'heure où beaucoup ont perdu cette empathie élémentaire vis-à-vis de ceux qui souffrent et que beaucoup de charlatans essaient de surfer sur le créneau des croyances pour faire du business et continuer de plumer les maigres duvets de cette population exsangue.

Donc, un propos fort, des idées intéressantes mais un objet littéraire qui, selon moi et mes propres critères d'appréciation, est beaucoup trop carencé pour être plaisant. Bien entendu, aujourd'hui comme toujours, ce que j'exprime n'est que mon avis, absolument pas une vérité, et j'espère, pour les jours qui viennent, que vous le conserverez à l'esprit et que vous en ferez le contour au moyen de votre propre esprit critique.
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"Contours du jour qui vient",est un roman de l 'écrivaine camerounaise Léonora Miano .C 'est son second roman après avoir publié en 2005 ,le premier :L 'Intérieur de la nuit ".Léonora est aussi musicienne et chanteuse :
une artiste accomplie si je peux m 'exprimer ainsi .Elle est installée en France depuis 1991.Pour ce roman , l 'auteur a obtenu le Goncourt des
lycéens .
Ce récit se déroule dans un pays imaginaire d 'Afrique : le Mboasu .La narratrice , Musango ,est une enfant âgée d 'à peine une dizaine d' années .Elle vivait avec sa mère , une névrosée .Ensuite ,Musango est abandonnée car on la croyait porteuse de malédiction .A travers ou par le biais de ce livre elle s 'adresse à sa mère et ses proches parents pour dire son désarroi et sa quête d 'un avenir différent de celui qui lui est proposé .Ce roman est dur , il nous parle d'une Afrique victime de la guerre et de la corruption , où le délitement social favorise la prolifération des sectes et des faux prophètes .
La lecture de ce livre , nous laisse apprécier le talent de son auteure .



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Aborder un roman et un auteur africain était à priori pour moi un vrai challenge, En cause, mon manque d'intérêt pour le continent, ses croyances, ses peuplades, son Histoire.

A l'arrivée, quelle belle découverte que ce roman sous la forme d'un témoignage d'enfant, dénonçant la condition de la femme africaine et le chaos d'un pays imaginaire, réceptacle que toutes les difficultés politiques, ethniques et sociales du continent africain.

Ce livre est un voyage à travers des images d'Afrique saturée de chaleur, de soleil de plomb, la puanteur des villes, les êtres laminées par la pauvreté, la violence quotidienne et la corruption. le pays se dévoile dans ses odeurs, ses touffeurs, ses couleurs, grâce à une enfant des rues, au regard acéré sur les êtres et les choses.

Le récit est factuel, sans concessions mais jamais pesant ni misérabiliste.
Les personnages sont attachants, à l'image de cette petite fille d'une grande maturité et d'une belle humanité, une petite fille volontaire qui cherche à exister, à être un être libre, maître de son avenir, debout et fière, confiante dans son futur et dans celui de son pays.
Un beau personnage a l'indéfectible force de survie, et douée de la grâce du pardon, qui se veut miroir de son pays, cette Afrique qui doit retrouver sa confiance en elle pour pouvoir se relever.

Le propos est dur, noir, parfois glacial par sa simplicité, il y a là un vrai talent d'écriture, une musicalité des mots et une grande poésie.
C'est un livre sauvage, mais porteur d'espérance, de spiritualité, d'espoir et de tolérance.
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Superbe texte ! Riche, profond sans manichéisme ni caricature, Leonora Miano nous parle de l'Afrique en poète, ou plutôt en potier, pétrissant les mots pour en creuser le sens, malaxant les phrases pour leur donner forme. Il y a aussi chez elle cette façon de raconter du griot qui fait appel à la communaute pour donner vie à son récit. À travers l'histoire d'une petite fille rejetée par sa mère, et par son regard sur la misère, la corruption, les superstitions et les profiteurs, Miano nous ouvre à son amour plein d'espérance pour son pays, pour la vie, tout en décrivant au scalpel les si difficiles rapports mère et fille. Tout sonne juste, à la perfection, avec cette dimension d'ouverture à un spirituel qui refuse la religion pour ne pas se laisser asservir. Magnifique vous dis-je, à découvrir sans attendre !
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Dans un Mboasu (état imaginaire) ravagé par la guerre qui vient de s'achever, nous suivons le parcours de Musango, petite fille de neuf ans alors que son père vient de mourir. Musango, est rendu responsable par sa mère de tous les maux endurés par la famille et notamment de la mort de son père. La petite fille est victime d'une anomalie sanguine qui, pour sa mère, est le signe qu'elle est possédée par le mal. Dans un première temps sa mère la torture pour tenter d'extirper le démon de son corps, puis, sur les conseils de Sésé, la voyante locale, elle va la bannir, la jeter à la rue.


Musango qui vivait dans une famille aisée, va se retrouver du jour au lendemain à la rue et va découvrir un pays qu'elle ne connaît pas vraiment protégée qu'elle était par ce cocon familial privilégié. A travers le parcours de Musango, c'est l'Afrique que nous découvrons. Elle est d'abord recueilli dans un centre pour enfants nécessiteux puis enlevée et séquestrée dans une maison à la campagne où elle sert de domestique. Elle est en charge de nourrir des femmes qui partent "tenter leur chance" en Europe "faire l'Europe", souvent contraintes et forcées. Ce véritable réseau de prostitution est l'une des sources de revenu de la Porte Ouverte du Paradis l'une des sectes qui pullulent dans le pays, abusant de la crédulité des gens.


C'est une Afrique exsangue que nous découvrons, une Afrique qui telle la mère de Musango chasse ou laisse partir ses enfants, ses forces vives. Les jeunes des familles aisées partent faire les études en Europe et ne reviennent pas où s'ils reviennent ce n'est pas pour aider leur pays à s'en sortir. "La Guyane est à ma connaissance leur unique désir. Ils se fichent bien d'étudier pour devenir des roi borgnes au pays des aveugles, comme tous ces gens bardés de diplômes qui ne nous servent à rien, qui ne reviennent au pays que pour écraser les ignorants d'une médiocrité portant le label de l'Occident."

Nous découvrons un continent marqué par l'inaction et la résignation, un continent qui a été ravagé par la colonisation : D'autres sont venus, disais-je. S'ils ont jadis creusé des routes, c'était pour accéder à chaque millimètre de terrain dont il y avait quelque chose à tirer. S'ils ont soigné nos maux, c'était parce que nous devions être forts pour travailler. S'ils ont bâti des écoles c'était pour nous apprendre à ne plus nous aimer, et à oublier le nom de nos ancêtres. Ils ne voulaient pas seulement notre terre et notre sueur. Il leur fallait notre âme." Mais la colonisation si elle est largement coupable de cet état de fait n'est pas la seule coupable. Les dirigeants ne semblent pas avoir de vision d'avenir et de gérer les problèmes au jour le jour et l'élite découragée préfère quitter le continent pour une Europe plus prometteuse.


A travers les yeux de Musango, jeune fille très lucide, c'est une image sans concession de l'Afrique que nous voyons, une Afrique qui vit dans le passé : "L'inventaire finira bien par s'imposer d'un moment à l'autre, et nous admettrons que la patine du temps ne peut suffire à conférer de la valeur à tous nos usages." Une Afrique qui a perdu son identité et qui sans cette identité ne peut se construire d'avenir : "Ce que vous devez faire pour épouser les contours du jour qui vient, c'est vous souvenir de ce que vous êtes, le célébrer et l'inscrire dans la durée. Ce que vous êtes n'est pas seulement ce qui est passé mais ce que vous ferez. Si la paix, qui est aussi l'amour s'allie à la vérité, qui est une autre figure de la justice, ce que vous accomplirez sera grand."

Un très beau roman sans concession, écrit dans un style plein de souffle et de poésie.
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critiques presse (3)
Lecturejeune
01 mars 2007
Lecture jeune, n°121 - Quelque part aujourd’hui en Afrique, une ancienne colonie française se remet difficilement de la guerre. La vie d’une femme s’effondre à la mort de son compagnon dont elle a une petite fille, Musango, qu’elle chasse pour avoir apporté le malheur dans sa vie. Le roman raconte l’aventure poignante de la fillette livrée à elle-même. Autour d’elle gravitent les figures attachantes d’une humanité qui, même dévoyée, reste battante. Le roman affiche une structure musicale optimiste en prenant appui sur un cri qui revient comme une vague « Et toi, mère, qu’as-tu fait de mon souvenir ? ». Les deux premières parties liquident le passé empoisonné dans un retour en arrière. L’interlude central évoque la rencontre symbolique du personnage avec la vieille dame apaisée qu’elle sera un jour. Les deux dernières parties reprennent une chronologie normale et affrontent le présent et l’avenir. Le propos du récit est double : rendre compte d’une souffrance privée et montrer à quel point celle-ci est intriquée dans la souffrance politique d’un peuple asservi longtemps par la colonisation. L’auteur dénonce la faute collective qui consiste à fuir dans la religion ou le rêve d’aller en France, au lieu de compter sur ses forces et d’affronter l’avenir. La narratrice voit tout du haut de ses douze ans. Mais elle se fait l’écho des idées de l’auteur, au point que sa crédibilité de narratrice enfant est mise à mal. Journal, récit, lettre, le livre est tout cela à la fois. Roman d’apprentissage, puisque l’héroïne finit par trouver sa voie, roman d’apprentissage politique, dont le message est clair : c’est en s’appuyant sur les forces de ceux qui ne se replient pas sur eux-mêmes que ce pays peut survivre. La narration au présent donne au texte la proximité d’une confession et d’un reportage : peu de descriptions, des faits rapportés au plus près à partir de phrases courtes. Le texte brûlant s’appuie sur tous les signes visibles de l’émotion en évitant les dangers du voyeurisme. Ce livre attachant fait confiance à la nature humaine et à ses capacités à rebondir. Il devrait toucher des adolescents et les sensibiliser à l’urgence de la question africaine. Nicole Wells
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Lecturejeune
01 mars 2007
Lecture jeune, n°121 - La voix qui nous happe est celle de Musango. Dans un long monologue intérieur, elle s’adresse à sa mère qui l’a chassée, l’accusant d’être un esprit malin, source de son malheur. Jetée à la rue, enlevée et revendue, la petite fille côtoiera pendant trois années le désespoir en servant des femmes recluses en partance pour l’Europe. Làbas, elles devront se vendre pour rembourser la dette du voyage : ces femmes, dit-on, vont « faire l’Europe »… Musango s’enfuit. Elle veut revoir sa mère et tenter de comprendre. En ville, elle retrouve les proxénètes sous les traits d’hommes d’église qui manipulent leurs fidèles. Le récit s’organise autour de quatre mouvements, quatre étapes du parcours intérieur de Musango vers l’affirmation de soi. « Je veux toujours écrire une chanson », confie l’auteur. La musicalité est effectivement bien là. Au fil de l’histoire, alors que Musango pose ses choix et développe son individualité, le rythme de l’écriture ralentit, s’apaise. La densité étouffante du monologue du « Prélude » cède la place aux dialogues. L’espoir s’installe. L’Afrique nous apparaît à travers le regard d’une enfant de douze ans, confrontée à la violence et à la haine. Ceux qu’elle rencontre ne semblent avoir d’autres alternatives que partir en Europe ou rejoindre des groupes religieux sectaires aliénants. « Ici on ne croit pas vraiment. On mise. On tente le coup (…) ce peuple qui ne peut croire en rien, puisqu’il ne croit pas en lui. Tout doit venir d’ailleurs, d’en haut, d’en bas, peu importe, pourvu que ce ne soit pas de l’intérieur ». Ce que dénonce l’auteur, par le personnage de la mère notamment, c’est « une conscience de soi très dégradée ». Musango, elle, s’affirme et dessine les Contours du jour qui vient. Hélène Sagnet
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Lecturejeune
01 mars 2007
Lecture jeune, n°121 - Amour et haine sont pareillement mis à l’honneur dans ce superbe livre qui nous fait partager tout le paradoxe de l’Afrique noire. Par le biais de Musango, mal aimée et malgré tout si vivante, nous découvrons la tragédie des populations africaines dévastées par les guerres et incapables de s’occuper de leurs enfants. La jeune narratrice nous bouleverse par l’amour indéfectible qu’elle porte à sa cruelle génitrice et par la capacité qu’elle a d’avancer malgré l’adversité et la cruauté des siens. Il s’agit d’un chant d’amour, d’un chant de résilience et de pardon. Quelle belle écriture pour dire l’indicible et l’innommable ! Léonora Miano a su conquérir la sensibilité des lycéens, elle a conquis la mienne par la parole universelle de cette enfant et sa posture de reine. Contours du jour qui vient a obtenu le prix Goncourt des lycéens en 2006. Les jeunes lecteurs avaient déjà couronné en 2000 un romancier africain, Ahmadou Kourouma pour son roman Allah n’est pas obligé (Seuil, 2000) sur la thématique des enfants soldats. ndlr Michelle Charbonnier
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Citations et extraits (71) Voir plus Ajouter une citation
Où aller en partant de nulle part ?
Je peinerais à leur expliquer ce qu'il m'est encore impossible de prouver, mais que je sens en moi: qu'être au monde confère le droit de vivre. Qu'exercer ce droit doit signifier un peu plus que repousser comme on peu la mort qui finira quand même par avoir le dessus.
Qu'il faut chercher ceux qui ne vous cherchent pas, marcher vers les autres. Il y aura bien quelqu'un, même ici.
Toutes les portes ne sont pas fermées. Tous les regards ne fixent pas ténèbres. Toutes les bouches n'appellent pas la fin du monde.
Tous les cœurs ne sont pas irrémédiablement glacés. Il y a encore un battement, quelque chose qui se dresse contre les apparences, qui voit par-dessus leur épaule, une autre vérité. Sur notre terr brûlée, quelque chose pousse encore. Je n'ai cessé de le voir, depuis que tu m'as chassée. J'ai rencontré Kwin, Ayané, Wengisané, Mme Mulonga. J'ai même appris de Kwédi. Elles ne pouvaient pas tout, mais elles pouvaient beaucoup. Elles étaient la lumière frêle mais indéniable, qui brille sur l'autre face de l'obscur.
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La colère est une illusion. Elle n'a rien à voir avec la force qu'elle simule mal. Ce que vous devez faire pour épouser les contours du jour qui vient, c'est vous souvenir de ce que vous êtes, le célébrer et l'inscrire dans la durée.
Ce que vous êtes, ce n'est pas seulement ce qui s'est passé, mais ce que vous ferez. Si la paix, qui est aussi l'amour, s'allie à la vérité, qui est une autre figure de la justice, ce que vous accomplirez sera grand.
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Elle est vivante. Sa parole de craquements et de crissements me parvient pour faire entendre qu'elle était souveraine, antan. Les humains pactisaient avec elle, avec les bêtes féroces dans lesquelles elle matérialisait sa puissance, afin de se rendre accessible à leur entendement. […] Les hommes savaient que la brousse et ses créatures étaient les formes que le divin avait choisies pour mieux s'offrir à leur piété. […]
À présent, la brousse n'est plus qu'un corps qu'ils mutilent de la pointe acérée de leurs couteaux, pour lui soutirer des écorces ou des herbes, sans prendre la peine de la remercier pour ses dons. Lorsqu'ils en invoquent les forces, ce n'est plus pour leur demander de les relier au Suprême, mais seulement pour obtenir immédiatement de quoi se remplir la panse. […] Ils n'en obtiennent donc rien de très grand, rien de très valable, et surtout rien de durable. Elles les soulagent de l'effort de trouver le sens de leur vie. Ils disent que c'est notre culture, cette soumission à l'immédiateté, cet abandon au besoin primaire. Ensuite, ils disent que c'est la faute des autres si nous sommes sous-développés. Ils devraient savoir qu'on ne peut se développer lorsqu'on s'arrime ainsi au jour qui fuit, au lieu de songer à celui qui vient. On ne peut rien bâtir lorsqu'on est inapte à envisager le futur.

Premier mouvement : Volition.
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Ensuite, il leur a demandé si elles avaient bien gardé les rognures d'ongles et les mèches de cheveux qu'il leur avait réclamées. Chacune lui a donné ce qu'elle avait conservé. Siliki n'avait pas l'air de vouloir le faire. Elle n'avait pas le choix. Elle a donné
de maigres rognures d'ongles et des mèches de cheveux. Elle se rongeait les ongles, les avalait et prenait soin de se raser le crâne tous les jours à l'aide d'une lame de rasoir qu'elle cachait quelque part. […] Elle s'asseyait en tailleur, la tête penchée en avant, et de minuscules mèches lui tombaient comme de la poussière entre les jambes. Ensuite, elle les brûlait avec un briquet qu'elle avait toujours sur elle. Tout le monde sait ici qu'il faut faire disparaître ses cheveux quand on les a coupés ou même seulement peignés. Il faut agir de même avec ses ongles. Si quelqu'un s'en saisit, il peut les employer à concocter un sort d'autant plus puissant qu'il sera servi d'un support émanant du corps de sa victime. […] Ils demeurent longtemps après que toute vie a déserté le corps. Ils continuent à pousser sur les cadavres. Les donner soi-même à quiconque, c'est se soumettre sa vie durant à sa volonté.

Premier mouvement : volition.
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Si notre peuple peut produire des individualités assez audacieuses pour affronter ses errances et ses lâchetés, il lui reste une chance de prétendre à sa grandeur. Notre valeur ne réside pas dans les métaux du sous-sol auxquels d'autres ont donné une importance que nous ne comprenons toujours pas, que nous ne savons ni cerner, ni exploiter pour le bien commun. Ils en fixent le prix et nous l'acceptons parce que cela ne signifie rien pour nous. Ils nous dupent peut-être, mais nous les laissons faire, toujours inaptes à décider quoi que ce soit pour nous-mêmes. Notre valeur n'est pas non plus cette mystique dénuée de spiritualité, au travers de laquelle nous prétendont commander aux puissances occultes. Sans chercher à nous conformer aux principes supérieurs et universels qui régissent la vie. Notre grandeur viendra de ce que nous saurons engendrer des êtres libres. Qu'ils se tiennent debout, qu'ils ne récitent leur longue généalogie que pour mieux regarder devant. Qu'ils disent : je suis parce que j'existe. Je récuse l'obscur et réfute la démence comme unique horizon. Et après qu'ils auront dit combien l'Afrique vaut mieux que ce qu'elle pense d'elle-même, des légions leur emboîteront le pas.
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Vidéo de Léonora Miano
Romancière, essayiste, prix Médicis en 2013, Léonora Miano s'interroge dans son nouveau livre sur ce qu'elle nomme « le problème blanc » et la blanchité. de quoi décontenancer tous ceux qui veulent évacuer la question fondamentale du racisme et du colonialisme. Entretien dans « À l'air libre », où il est aussi question de mémoire, de migrations et du couple hétérosexuel.
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