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sur 3371 notes
Usé par les années à sillonner la mer entre la Sicile et la petite île de Lampedusa, le commandant Salvatore Piracci ne vit plus vraiment. Arrêter les migrants sur des barques de fortune est devenu pour lui une routine quotidienne.
Mais lorsqu'une femme qu'il a sauvée il y a 2 ans l'aborde sur le marché, les certitudes de Salvatore vacillent. La volonté brutale qu'il lit dans son regard fait basculer sa vie. L'homme prend soudain conscience de la vacuité de son existence. Il décide alors de tout quitter, de faire le chemin à l'envers.

Le récit de Salvatore alterne avec le périple de Soleiman, un jeune soudanais prêt à tout pour changer de vie et faire honneur à son frère mourant qui ne peut pas l'accompagner.
Deux destins aux antipodes mais qui vont se croiser dans un monde où l'humanité ne signifie plus grand-chose et pourtant…

Une écriture simple et émouvante qui tente d'éveiller les consciences en relatant la dure réalité des migrants qui partent à l'assaut des frontières et tentent leur chance avec rage et obstination, seulement armés de leur seule volonté et du dieu Massambalo pour veiller sur leur migration.
Combien périront en mer, à la merci de l'océan déchaîné mais aussi des passeurs sans foi ni loi pour atteindre l'Eldorado que représente l'Europe ?
Laurent Gaudé signe d'une main de maître une tragédie humaine touchante malgré une fin brutale à la « Shakespaere » que j'ai moins appréciée.
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Le Commandant Piracci, officier de la marine italienne, porte secours depuis vingt ans aux émigrés qui, au risque de mourir noyés et en donnant tous leurs avoirs à des passeurs, veulent rejoindre l'Europe, leur Eldorado. Cette mission, il la remplit avec courage, efficacité mais avec le minimum d'empathie.
Un jour, pourtant, il est bouleversé par une femme anonyme, seule qui a vu son enfant mourir dans ses bras durant la traversée . Elle lui "retournera les tripes" à un tel point qu'il abandonnera tout et fera le chemin inverse, découvrant seul et sans ressources l'Afrique pauvre qui le perdra....tout en le sauvant.
Soleiman lui veut rejoindre l'Eldorado pour avoir une autre vie....dure, exigeante...il le sait mais il pourra aider sa famille restée au Soudan. Un long voyage le ménera de Lybie au porte de l'Espagne sur le territoire marocain, à Ceuta. Il rencontrera Massambalo, l'esprit de l'Eldorado. Soleiman arrivera en Europe....
La Méditérannée, si étroite, sépare deux mondes si différents mais qui ont tant à partager.
Un grand raconteur d'histoires, un grand créateur de légendes, un humanisme à fleur de peau.
Respect Monsieur Gaudé et à bientôt.
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L'aridité du style et la banalité de la narration, malgré quelques effets recherchés, m'ont découragé de la lecture au-delà du 2e chapitre. J'avais aimé Tsongor, où le style de Gaudé parvient assez bien à restituer un imaginaire antique, où on reste extérieur aux personnages. Mais là, où il s'agit de faire plonger dans des destins individuels, faire ressentir les choses de l'intérieur, ça ne passe vraiment pas.
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Dans le Sud de l'Italie, Salvatore Piracci est chargé de surveiller les embarcations ramenant illégalement vers la côte de l'île de Lampedusa, des immigrés clandestins. Son rôle est double : il doit à la fois remettre aux autorités les immigrés qui vont être envoyés dans des camps puis renvoyés chez eux et qui sans doute reviendront. Mais il sauve aussi d'une mort certaine, ceux qui se retrouvent seuls en mer, sur des embarcations de fortune, abandonnés par des passeurs sans scrupules et parfois pris en pleine tempête.
Il fait face comme il peut à la détresse des immigrés survivants à la traversée mais supporte de moins en moins son travail...
Le destin lui fait rencontrer une femme qu'il avait sauvée quelques années auparavant. Elle le supplie de lui donner une arme pour aller se venger de ceux (les passeurs) qui lui ont tout pris pour payer la traversée puis qui l'ont abandonnée en mer. le commandant accepte...
Mais, persuadé qu'il doit changer de vie, il quitte tout après avoir jeté ses papiers, bien décidé à assumer ses contradictions et à faire le chemin inverse des immigrés...en allant vers l'Afrique.

En parallèle l'auteur nous montre le chemin parcouru par Soleiman, originaire du Soudan. Son Eldorado à lui, c'est l'Europe. Il devra traverser toute l'Afrique pour rejoindre les barbelés de Ceuta...
Il porte l'espoir de toute une famille, ayant laissé au pays, sa mère âgée et son frère, malade du SIDA, avec qui pourtant il a cru un instant pouvoir se sauver.
En route, il va rencontrer des passeurs sans scrupules mais il découvrira aussi l'entraide et l'amitié de Boukabar. Mais pour réussir il faut vivre "chacun pour soi" ne pas hésiter à devenir égoïste et à l'occasion, voleur...

Voilà un roman magnifique qui aborde un douloureux sujet d'actualité. Aucune frontière n'est facile à franchir qu'il y ait ou non des barbelés, il y a trop de choses laissées derrière soi. L'immigration est un drame qui nous concerne tous.
Leur vie, leur espoir, leur détermination suffit à faire de ce roman un GRAND roman à lire et faire lire autour de soi. Il n'y rien à ajouter...
Lien : http://bulledemanou.over-blo..
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Le personnage central, le commandant Salvatore Piracci, commande une frégate pour sillonner la mer au large de Lampedusa à la recherche d'embarcations remplies d'émigrés en difficulté.
Pendant de nombreuses années, son travail ne lui posera pas de problème jusqu'à ce qu'il croise le chemin d'une jeune dame qui a perdu son bébé lors de la traversée et celui d'un jeune émigré interprète qui lui fait une demande personnelle.
Alors, il commence à réfléchir au rôle qu'il joue et au sort des ces malheureux...
Il prend alors une grande décision...
Il va croiser furtivement Soleiman dont l'aventure est contée en parallèle.
Tout ceci raconté avec énormément d'humanité, de précision, d'imagination car il en faut...même si la base part de faits réels et bien d'actualité.
Dommage qu'il n'y ait pas plus d'optimisme mais le sort des réfugiés n'en présente pas beaucoup. Il faut bien l'avouer.
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ISBN : 9782290006542


Oui, je sais. Vous vous dites déjà : "Ouh ! là, pas d'extraits annoncés, par même un tout petit ! C'est grave ! ..." Alors, je précise tout de suite :

1) que je n'ai rien contre Laurent Gaudé dont j'ai aimé "La Mort du Roi Tsongor" et dont j'ai encore dans ma PAL "Le Soleil des Scorta" et "La Porte de l'Enfer" ;

2) que la lecture de son "Eldorado" avait été prescrite par l'EN (!!) aux élèves de Seconde dans le lycée de ma cadette, sans quoi je n'aurais jamais eu ni l'idée, ni le courage de me coltiner un tel pensum ;

3) et que je tire tout de même mon chapeau à l'auteur pour avoir réussi à slalomer non sans grâce entre l'"angélisme" classique et la consternante bien-pensance auxquels incite, en notre triste époque, le thème qu'il avait choisi - tout au moins quand on ne veut pas se faire traîner en justice par certaines associations dont je ne citerai pas les noms parce que ce serait leur faire trop d'honneur.

Le problème, je pense, c'est que nous devons tous payer des impôts (surtout à notre époque ) et que ce doit être pour cette seule raison que Gaudé a commis cette cho ... ce roman - il faut bien vivre !

Vous êtes prêts ? ... Bon, on y va, alors.

Il y a de cela bien longtemps, en une époque où les religieux, pour ne citer qu'eux, croyaient encore dur comme fer que la Terre était plate, un certain Christophe Colomb - dont le portrait réalisé par Sebastian del Plomo présente une ressemblance criante, soit-dit en passant, avec les traits de l'irremplaçable et à jamais regretté Coluche (si vous ne me croyez pas, allez voir par vous-mêmes) - s'en fut sur les mers et prouva à tous qu'ils se trompaient et que non, la Terre n'était pas plate. Aussitôt, il se trouva des monarques, des prêtres, des généraux, des mercenaires et des aventuriers pour s'en aller vers les nouvelles terres acquises par Colomb à la couronne d'Espagne et une légende courut tout aussi vite : dans ces contrées lointaines, il existait des villes prodigieuses, entièrement faites d'or, d'argent et de métaux précieux. D'où le surnom d'"Eldorado" - je ne vous fais pas la traduction - qu'on donna à ces pays mystérieux, peuplés entre autres d'"Indiens" qui offraient régulièrement en sacrifice à leur dieu de la guerre, le grand Huitzlipotchli, le coeur encore palpitant d'innombrables prisonniers ... S'il y avait certes beaucoup d'or dans les nouvelles colonies espagnoles, il n'y eut bien sûr jamais de ville intégralement bâtie à partir du précieux métal et nombreux furent ceux qui s'embarquèrent dans la certitude de cet "Eldorado", pour revenir de leur voyage - quand ils en revenaient - aussi pauvres qu'ils étaient partis et la désillusion amère au coeur.

Aujourd'hui, l'Eldorado, c'est l'Europe et, de façon générale, le monde occidental. Les malheureux bourrés d'illusions viennent d'Orient, en particulier d'Afrique et ils sont, il faut bien l'avouer, aussi sûrs et certains de découvrir chez nous l'Eldorado que les aventuriers espagnols et portugais du temps jadis l'étaient d'aborder un jour dans leurs merveilleuses villes aux murailles d'or pur. Je n'évoquerai pas les ravages que ce mythe d'une Europe où tout le monde est riche et où l'on n'aperçoit aucun sans abri dans les rues, a fait, fait et fera encore de part et d'autre de la Méditerranée : si vous prenez vos informations comme moi sur le Net - et non dans les medias aux ordres - vous les connaissez par coeur.

Laurent Gaudé a donc décidé de s'attaquer au sujet en tentant, non sans courage, d'éviter le manichéisme. A-t-il réussi ? Pas avec moi, en tous cas mais il est vrai que j'ai un mauvais fond. ;o)

Disons déjà, pour commencer, qu'un sujet de cette importance ne peut se traiter en 219 pages : trop de ramifications, trop de détresse humaine, trop de questions (sociales, culturelles, historiques, etc ...) soulevées. Là où il faudrait une fresque puissante et protéiforme, Gaudé nous donne une miniature appliquée et réductrice. Les chapitres impairs sont consacrés au parcours spirituel de Salvatore Piracci, l'un de ces gardes-côtes qui arrêtent les immigrants clandestins (ou plutôt tentent de le faire) à Lampedusa, les pairs à celui de Suleiman, un jeune Noir islamisé qui, poussé par son frère, tente de rejoindre l'"Eldorado." A un certain moment, les routes des deux hommes vont se croiser et ce sera un peu grâce à Piracci - qu'il aura pris d'ailleurs pour Massambalo, esprit protecteur - que Suleiman ne perdra pas tout espoir.

Parce qu'il faut que je vous explique que Piracci, en pleine crise morale et spirituelle, est pris tout d'un coup de l'idée parfaitement stup ... non, admirable ;o) de tout quitter pour se rendre, sans papiers, sans argent, sans RIEN, en Afrique du Nord. Tout ça dans sa petite barque de pêche, celle qu'il avait chez lui, à Catane. C'est que le pauvre homme ne voit plus du tout de sens de sa vie : toute cette invasion de pauvres hères qu'il ne parvient ni à endiguer, ni à contrôler, il ne la supporte plus. Tous les jours, ou presque, ça recommence et il ne compte plus ceux qu'il a arrêtés plusieurs fois parce que, même s'ils sont renvoyés dans leur pays d'origine, ils s'entêtent à essayer et réessayer toujours. le mythe fabuleux de l''"Eldorado", y a pas à dire, a la vie dure.

Bien que Gaudé n'insiste guère sur ce point, Piracci est, sans conteste, une espèce de personnage christique que nous autres, Occidentaux, pouvons être fiers de compter parmi nous. (Eugène Sue aurait pu le mettre dans ses romans, c'est dire.) Tellement bien d'ailleurs que certains esprits moqueurs le jugeront dénué de toute crédibilité mais passons. de l'autre côté, Suleiman est jeune et sans expérience, avec les illusions qui vont à cet âge mais attention, lui aussi, c'est un type bien. Gaudé fait très fort dès le départ en nous expliquant que Jamal, le frère de Suleiman, a contracté le Sida et préfère en conséquence ne pas suivre son cadet, persuadé qu'il est de finir à sa charge sur cette route si longue et si dangereuse. (Bien entendu, c'est avec des prostituées noires, de sexe exclusivement féminin, que Jamal a contracté le Sida. Apparemment, il ne connaissait pas l'usage des préservatifs ou alors, ceux-ci étaient contraires à sa religion, à sa culture et plus encore à son plaisir.) Mais à part ça, il faut le dire, Jamal aussi est un type drôlement bien.

Abandonné à ses seules ressources, Suleiman va rencontrer toutes sortes de gens qui eux, ne sont pas bien du tout, des malhonnêtes infâmes qui - la chose par contre m'a beaucoup étonnée avant de m'intriguer encore plus - sont tous soit libanais, soit arabes, soit noirs. Absorbé dans sa quête christique et son "pèlerinage aux sources", Piracci rencontrera d'ailleurs à peu près les mêmes. Tenez-vous bien : j'ai eu beau faire, je n'ai trouvé aucun Occidental impliqué dans ces ignobles trafics (il doit pourtant y en avoir mais Gaudé a sans doute tenu à ne pas compliquer les choses ...;o) ) Certes, il y a les gardes-côtes italiens mais après tout, ce ne sont que des militaires qui exécutent la mission qu'on leur a donnée et Gaudé ne les critique pas un seul instant. Il est bien moins aimable pour leurs homologues marocains et, si cela déplaira sans nul doute à certains, moi, je l'avoue, j'ai apprécié.

Néanmoins, toute cette histoire, ces voyages initiatiques entrecroisés (celui de Suleiman qu'on peut comprendre et celui de Piracci, dont on met longtemps à comprendre la signification réelle) la légende de Massambalo, les sables du désert, les invocations à Dieu en diverses langues, tous ces "frères" qu'on échange à tout-va alors qu'on n'a jamais gardé les chèvres ensemble, le sida qui s'attaque au pauvre Jamal parce qu'il a péché, le non moins pauvre Suleiman, obligé de voler l'un de ses compagnons pour poursuivre son voyage, les "méchants" absolument imbuvables (il y a même une femme parmi eux, vous vous rendez compte ? et elle n'est même pas voilée ! ) et la quête spirituelle de Piracci, avec toutes les questions qu'elle suppose ... tout cela, je le dis poliment, ne m'a pas accrochée. Pour résumer les choses avec simplicité quoique de manière un tantinet triviale : ça m'a même gavée grave. Et puis, que voulez-vous, j'avais fini par comprendre.

Par comprendre que Piracci s'offre en sacrifice - ben oui, il meurt, à la fin, ne me dites pas que vous ne l'aviez pas deviné ? - pour le salut de nos péchés, à nous, Européens et Occidentaux.

Remarquez, c'est fait de manière assez subtile et ça reste en filigrane : Gaudé est un écrivain trop intelligent pour tomber dans l'"angélisme" banal. Peut-être aussi n'y croit-il pas plus que vous ou moi, aux bienfaits de l'"angélisme." Peut-être cela le gêne-t-il un peu aux entournures, peut-être a-t-il cherché, avec sincérité mais aussi avec une prudence regrettable, une autre solution, une sorte de "réconciliation" de deux civilisations dans le sacrifice volontaire, complètement halluciné et bien entendu symbolique d'un personnage de fiction. L'ennuyeux, c'est qu'il manque quelque chose - l'audace pour l'auteur d'aller jusqu'au bout des sa pensée intime peut-être ? Plus embêtant encore, malgré les efforts de Gaudé, on sent bien que la balance qu'il s'entête à vouloir impartiale risque de basculer, et toujours du côté habituel dans ce genre de récits. Et puis quelle idée déconcertante, je le répète, de n'imaginer pour un sujet si complexe, qu'une intrigue minimaliste, avec des personnages peu fouillés, voire carrément stéréotypés ...

En bref, "Eldorado" constitue une jolie tentative de traiter un sujet extrêmement difficile. Une tentative hélas ! bien timide, rouge de confusion, qui s'auto-censure elle-même avec son "message" limite prêchi-prêcha en toile de fond, une tentative qui biaise et ne convainc personne. En tous cas, ni les réalistes, ni les cyniques. Maintenant, si vous êtes "fleur bleue", "Eldorado", en dépit de ses "méchants" innommables, comblera peut-être vos attentes. Seulement, par pitié, si vous ne devez lire qu'un seul roman de Gaudé, fuyez celui-là ! ;o)
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Salvatore Piracci est le commandant sicilien d'une frégate qui traque les immigrés clandestins, sur la fameuse île de Lampedusa. Soleiman rêve du fameux "Eldorado" européen, et décide de quitter la misère de son pays et se lancer dans le grand voyage de l'immigration clandestine. Laurent Gaudé alterne la vision et le parcours de ces deux hommes radicalement différents, chapitre après chapitre. Salvatore Piracci ne trouve plus de sens à son métier, il ne peut plus supporter les regards suppliants des clandestins, les rêves et les espoirs brisés qu'il lit dans leurs yeux. Il ne souvient plus ce qui l'a poussé à choisir cette voie, à défendre "la citadelle de l'Europe" contre de pauvres navires remplis jusqu'à la gueule d'hommes et de femmes malheureux, qui sont nés du "mauvais côté". Un jour, une femme qu'il avait croisée autrefois vient le voir. Il l'avait rencontrée sur un bateau abandonné par l'équipage à son triste sort , rempli d'immigrés. En quête de vengeance, la femme lui demande une arme pour tuer l'un des responsables. C'est le déclic qui va conduire Salvatore à traverser la mer dans une barque, en sens inverse des immigrés pour rejoindre l'Afrique. Il ne sait pas où il va, ce qu'il va faire. Il brûle ses papiers et quitte sa vie sans se retourner. Il plaque tout pour tenter de comprendre ce que peuvent ressentir ces gens.
L'histoire est certes tirée par les cheveux, mais l'idée de confronter ces deux mondes, ces deux hommes radicalement opposés est excellente. Très bien écrit, ce roman interpelle et fait réfléchir. L'auteur évite l'écueil de la facilité, des clichés et des poncifs. Il dépasse la vision manichéenne des choses pour montrer que tout n'est pas aussi facile qu'on pourrait le croire. le livre pousse à la remise en question. Au cours de son périple, Salvatore est confronté à tous les idéaux, aux rêves, à la misère. Les gens ne veulent pas entendre sa vérité, ils refusent d'arrêter de croire à leur "dieu des immigrés".
Désemparé, le commandant ne sait quelle attitude adopter : faut-il briser leurs espoirs ? les encourager à entreprendre le voyage vers un pays où leur vie sera forcément meilleure ?
J'ai apprécie la vision de Soleiman. On voit bien qu'il est loin de quitter son pays et les siens le coeur léger. Tout en étant assez lucide, il est pétri d'idéaux et de chimères concernant l'Europe. Prêt à tout, confronté à toutes les horreurs il ne perd pas espoir. Il cherche à rester digne, humain même s'il est contraint à se battre envers et contre tous pour passer la frontière.
Concernant le personnage de Salvatore, il est perdu, et bascule finalement dans la folie en constatant l'ampleur de son impuissance contre les grands systèmes de ce monde.
La fin clôt bien le livre, avec une inversion des situations, et le destin qui va pousser les deux personnages à se rencontrer dans une situation cruellement ironique.
L'auteur conjugue une lecture agréable avec un thème actuel, qui fait réfléchir. Un livre intelligent, assez juste dans le ton et qui évite les caricatures.
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J'ai beaucoup aimé La porte des enfers, et aussi le soleil des Scorta, c'est encore l'Italie en toile de fond qui me parle ici. Mais quelle Italie ! Celle de la Sicile et de Lampedusa, celle où débarquent, quand ils sont chanceux, des centaines de candidats à l'émigration, sur des barcasses de fortune, laissés à la merci de passeurs dénués de scrupules ou abandonnés sur les flots. le commandant Piracci les recueille souvent à bord de sa vedette, c'est son métier de les confier ensuite aux carabinieri, ce métier qu'il pratique sans état d'âme depuis une dizaine d'années, jusqu'à une rencontre. Une femme l'aborde et lui revient son regard lorsqu'elle avait débarqué, puis il apprend sa terrible histoire. Il ne sera plus le même ensuite, jusqu'à tout laisser et partir pour un voyage peu ordinaire.
De l'autre côté, là-bas, en Afrique de l'Est, deux jeunes hommes quittent leur mère, prennent la route pour l'Europe, quelques liasses de billets en poche pour tout viatique…
Ces deux points de vue sur l'émigration sont plutôt originaux. C'est un sujet qui me touche et m'intéresse, et qui est souvent traité du côté de ceux qui arrivent et tentent de s'insérer dans le pays qu'ils ont élu. C'est le cas dans America de T C Boyle, dans Ru de Kim Thuy, Et les hommes sont venus de Chris Cleave, dans Tea-bag d'Hennig Mankell, en partie aussi dans le temps des miracles de Anne-Laure Bondoux. Plus rarement, et c'est le cas ici, parle-t-on de ceux qui ne sont pas encore partis et qui tentent par tous les moyens de rejoindre leur « Eldorado », tout chimérique qu'il soit. le point de vue qui consiste à montrer un marin chargé de patrouiller en Méditerranée pour intercepter toutes embarcations suspectes, est lui, tout à fait inédit dans mes lectures, et l'évolution du commandant Piracci est aussi inattendue que poignante.
J'ai beaucoup aimé ce roman plein de sensibilité, ses personnages bien dessinés, avec leurs forces et leurs faiblesses, roman qui sait surprendre le lecteur malgré des ressorts dramatiques, et par conséquent des fins possibles, relativement attendus : émigration réussie ou retour au pays, vie ou mort…
Lien : http://lettresexpres.wordpre..
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Laurent Gaudé et son empathie si immense. Un événement lié à la turbulence de la terre, du ciel, un continent, un pays et des hommes, qui se démènent, qui sentent et vivent avec un coeur, avec des rancoeurs, de la sueur et des familles souvent.
Nous sommes dans la peau d'une femme aux traits sybillins qui perd son bébé de 11 mois dans un naufrage, il meurt de soif, les passeurs le jette dans la mer.
Toujours la mer, la terre est incontrôlable, elles ont leur propre mouvement et c'est ainsi.
Dessus il y a nous... Nos soeurs et frères.
Elle voulait passer la frontière lui offrir une vie digne et douce. À son bébé.
Au bout de deux ans, la vengeance, son unique point de sauvetage.
Deux frères Soleiman et Jamal qui sont séparés par la maladie, qui boivent ensemble le dernier thé à la menthe, le dernier, ensemble, dans leur pays natal
Viendra? LA frontière ?
sans barbelés qui tranche, les transforme ...
et l'Eldorado.
Son négatif,
L'autre se meurt
De maladie.
Un patrouilleur sauveteur Italien et "flic", deux casquettes, une place bâtarde, il n'en veut plus, ne tient plus en place. Jettera tout ?
La phrase tient pour la plus ténue des frontières. La plus invisible des frontières.Tes frontières, à toi, derrière ta fenêtre, derrière ta porte, à toi tout.e seul.e
Et Laurent Gaudé nous dit que même vieux nous pouvons vivre de nouveaux espoirs et créer de nouveaux liens qui deviendront aussi forts peut être que ceux que la vie nous a forcé à délaisser... quitter...
En revanche, j'ai préféré l'inoubliable DANSER LES OMBRES, plus prenant et rythmé.

"Je me suis trompé. Aucune frontière n'est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Nous avons cru pouvoir passer sans sentir la moindre difficulté, mais il faut s'arracher la peau pour quitter son pays. Et qu'il n'y ait ni fils barbelés ni poste frontière n'y change rien. J'ai laissé mon frère derrière moi, comme une chaussure que l'on perd dans la course. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes."
Jamal et Soleiman
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Coup de coeur total pour ce roman de Laurent Gaudé. Pour une première lecture de cet auteur, quelle claque !

Coup de coeur pour l'intrigue qui propose deux visions a priori radicalement opposées: celle d'un commandant sauvant des migrants avant de devoir systématiquement les renvoyer et celle du migrant en quête de ce fameux Eldorado, espoir d'un futur confortable.

Coup de coeur également pour l'écriture de Laurent Gaudé qui est extrêmement efficace tout en étant très poétique. Les émotions, les paysages, tout résonne rapidement en nous.

Enfin, coup de coeur évident pour le message porté par le récit. Un message très humain qui porte à réflexion. Tout est amené avec beaucoup de subtilité et de profondeur. On se laisse porter par les évolutions du récit qui nous permettent d'ouvrir progressivement les yeux sur ces situations tragiques. Tout cela en au final assez peu de pages.

C'est un livre remarquable, une pépite à mettre entre toutes les mains pour redonner à l'humain la place qu'il mérite dans les débats contemporains.
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