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EAN : 9791090175822
160 pages
Serge Safran éditeur (20/08/2021)
4/5   12 notes
Résumé :
Durant l'entre-deux-guerres, Paris devient le port d'attache d'immigrants russes ayant fui la révolution bolchevik. Au soir du 19 juin 1926, le célèbre anarchiste ukrainien Nestor Makhno, blessé, affaibli et privé de tout, traque Joseph Kessel pour lui faire la peau. Dans Makhno et sa juive, l'écrivain en effet dépeint le révolutionnaire sous les traits d'un monstre assoiffé de sang et accède à la célébrité en lui volant la dernière chose qui lui reste : sa légende ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Dans le Paris de 1926, découvrir Nestor Makhno, personnage historique à la vie romanesque, né en Ukraine en 1888, révolutionnaire anarchiste et fanatique à la tête brûlée, c'est sentir le souffle des révolutions russes dans les vallées du Caucase, le monde paysan à l'assaut de Moscou, la puissance prométhéenne des utopies par les armes. C'est sentir, sous la cuirasse de l'émigré de 37 ans, l'ancien dirigeant de guérillas anarchistes anti-tsaristes - guérillas devenues armées contre-révolutionnaires face à l'armée rouge ; un homme condamné à mort, passé par les travaux forcés, la réclusion à perpétuité... mouché et humilié, réduit en esclavage. C'est sentir, sous la peau burinée, un sang qui continue de bouillonner, comme il bouillonnait dans ses geôles, voulant broyer ses gardiens à défaut de broyer le pouvoir russe.

Mikaël Hirsch s'applique à faire ressurgir ce passé sous la cuirasse. Vaincu et en exil, Makhno a 37 ans et 10 vies derrière lui. Nous le découvrons, lame à la main, se rasant face à son miroir. Il porte dans ses yeux étincelants un voeu d'assassinat. Crachant sa tuberculose dans l'évier de sa chambre insalubre, il n'a plus rien à perdre, juste de pauvres bribes - sa fierté - à sauver.

Makhno est en effet atteint au plus profond par le portrait que l'écrivain Joseph Kessel lui a brossé dans sa nouvelle "Makhno et sa juive". Kessel en a fait un "monstre assoiffé de sang", antisémite fanatique, premier responsable des pogroms en Ukraine. Il a réimaginé sa vie et son combat, croisant allègrement la fiction et les faits. le livre de Kessel a reçu en outre un grand retentissement dans la gauche communiste, faisant officiellement de Makhno un "agent de la bourgeoisie internationale" - contre-sens ultime!

Kessel, peu regardant de l'honneur de son sujet, avait trouvé dans un obcur article biographique une belle matière pour broder sa fiction. Il aurait pu changer le nom du protagoniste, il ne l'a pas fait.

Kessel, peu conscient que son personnage habite concrètement à quelques stations de métro de chez lui, manie la plume avec insouciance pour donner du grain à moudre aux cercles politico-littéraires parisiens.

Kessel, jeune et admiré, a volé la légende des steppes de Makhno au profit des belles lettres. Pour Nestor Makhno, cela demande réparation... par les armes, à la russe.

Tout ce pitch était extrêmement prometteur. Malheureusement, à la suite d'une introduction alléchante, je n'ai pas tellement été emporté par l'action, ni convaincu par la reconstitution de Pigalle où se joue la rencontre avec Kessel, ni saisi par une atmosphère, ni captivé par tel propos. Les personnages historiques rencontrés, Kessel, Malraux, Cocteau, restent à l'état d'esquisse : quitte à les mettre en scène, autant leur laisser plus longuement la parole?
Un bon passage néanmoins, une joute verbale entre Kessel et Malraux, chacun brandissant ses faits d'arme, son passé d'aventurier, comme un combat de jeunes coqs.

Pour moi la promesse de retrouver un Paris des années folles, Paris littéraire, politisé, fiévreux, exalté, batifolant, s'est un peu dissoute dans le page dropping, lecture diagonale en recherche de répliques ou moments qui feront décoller l'action, ou saisir des enjeux d'importance, sans jamais bien apprécier le jus d'un texte auquel il manque... de la "poésie", pourquoi pas, comme l'auteur le confesserait peut-être à demi-mot en une curieuse anecdote-postface à la fin du livre (en visite au père Lachaise, Mikaël Hirsch se fait insulter par un touriste américain au motif qu'il "manque de poésie"). Mais ce n'est sans doute pas la forme narrative recherchée, et tant pour la découverte de Makhno que pour la justesse des descriptions, le livre mérite qu'on s'y arrête.

opération Masse critique, merci à Serge Safran éditeur.
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Éclairant, érudit et passionnant « L'assassinat de Joseph Kessel » est une mise en abîme implacable. Il remet d'équerre la vérité. le ton est donné dès la première page,
« Kessel avait rencontré un vif succès en publiant une nouvelle intitulée « Makhno et sa juive ». Recopiant de larges passages d'un mémoire édité à Berlin par l'ancien colonel blanc Guerassimenko, Kessel, juif né en Argentine, mais d'origine russe, y dépeignait Makhno en monstre assoiffé de sang.
Décrit comme un anarchiste révolutionnaire, ukrainien, communiste libertaire, avide de sang et responsable de tous les pogroms. Mais voilà, Nestor Makhno fuit la Russie, s'installe en France à Paris. Il travaille et va régler ses comptes avec Joseph Kessel.
« Les Blancs et les Rouges, Kessel et Barbusse s'alliaient comme la carpe et le lapin non pour abattre un homme, qui était déjà à terre, mais pour souiller définitivement la seule chose qui lui restait encore, sa légende. »
Le récit est précis, magnifique de par son sérieux et sa volonté d'honneur. Makhno a de nouveau les ailes brisées. Cette nouvelle de Kessel est plus puissante que les armes. Destructrice elle foudroie Nestor Makhno. Son aura écartelée entre les lignes de « Makhno et sa juive ». Il cherche à se venger. le hasard fait bien les choses. Kessel et lui-même fréquentent les bas-fonds de Paris. Il va le revoir et enclencher une filature, un pistolet caché dans sa poche.
« N'ayant qu'un très faible langage littéraire – il n'avait lu qu'un peu des Frères Karamazov à Boutyrka -, l'anarchiste avait un don infaillible pour repérer les exaltés, les faussaires pathologiques et les mythomanes en tout genre, bref, les écrivains. »
« Il en faudrait tout de même plus pour me surprendre, déclara soudain Kessel avec un air de défi. J'ai fait le tour du monde à vingt ans.
« L'assassinat de Joseph Kessel » rend hommage à Nestor Makhno. La réputation de ce combattant noircie par la plume de Joseph Kessel. Faut-il que la littérature soit fatale, lâche et faussée pour arriver à ses fins ? Abolir l'emblème même d'un homme, victime d'un écrivain qui s'est imaginé en justicier. La guerre froide des mots assassins. Cette nouvelle est une balle en plein front pour Nestor Makhno. Ce récit a plusieurs degrés de lecture. Il est d'un niveau intellectuel de haute voltige. Les historiens, les inconditionnels de Kessel, les combattants pour la justice, les idoles de Nestor Makhno, le lecteur lambda, tous vont découvrir un texte de renom certifié. le doigt pointé là où ça fait mal, son éveil à l'exactitude et sa droiture.
« La parodie du plagiat, calomnie et diffamation n'aura pas lieu. C'eût été le procès de la littérature elle-même ».
Makhno : « Il avait des faux-airs du personnage de vagabond immortalisé par Charlie Chaplin. »
Ce récit-essai est original de par le thème porteur et une écriture aérienne. C'est une conférence à ciel ouvert et un ouvrage pour tous les étudiants en littérature. Apprendre à toujours se méfier comme le disait Prosper Mérimée. Publié par les majeures Éditions Serge Safran éditeur.






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Pigalle, lieu où les noctambules retrouvent les russes blancs ou autres, peut-être espions. Les nobles russes sont devenus musiciens de boîtes de nuit, les moins chanceuses, louent leurs charmes et plus si affinité. « La Révolution n'a pas aboli les injustices ou les différences de traitement… mais à Paris, les princes ouvrent désormais la porte des boîtes de nuit. Les dames de la noblesse sont entraîneuses ou marchandes fleurs, tandis que les anarchistes en disgrâce fabriquaient des chaussures à domicile. Seul l'exil avait mis tout le monde à égalité. »

Kessel vient publier « Makhno et sa juive » qui connaît un franc succès. L'auteur y dépeint Makhno comme « unique responsable de tous les pogroms qu'avait connu l'Ukraine dans les années qui suivirent la révolution d'Octobre ». Il n'a même pas pris le temps de vérifier ses sources « Recopiant de larges passages d'un mémoire édité à Berlin par l'ancien colonel blanc Guerassimenko, Kessel, juif né en Argentine, mais d'origine russe, y dépeignait Makhno en monstre assoiffé de sang ». Or ce colonel blanc est une taupe rouge !!

Makhno, fils de paysan russe devenu révolutionnaire chevronné est chassé par les bolcheviques et doit s'exiler à Paris où il se retrouve, grandeur et décadence, ouvrier aux usines Renault à Billancourt. Il a connaissance du texte de Kessel où le révolutionnaire est décrit comme sanguinaire. Vous comprendrez que ce n'est pas du goût de Makhno. Comment cet intello ose-t'il écrire ce tissu de mensonges sur lui, sur sa légende ? le sanguinaire, ce n'est pas lui, même s'il n'a pas les mains très blanches, il était à la tête de la Maknovchtchina forte de cinquante mille hommes, il était un véritable anarchiste ukrainien, pas un sanguinaire !

Mikaël Hirsch les fait se rencontrer le 19 juin 1926, au Matriochka où Kessel a ses habitudes de fêtard noctambule. L'un est là pour faire la fête, l'autre pour le tuer. « Ce soir de juin 1926, ce n'était pas un procureur que Makhno s'apprêtait à tuer, pas même un juif en réalité, mais seulement un écrivain, un intellectuel prompt à juger et à théoriser ce qui, en réalité ne pouvait relever de la langue. »Commence une soirée de folie où j'ai éclaté de rire en lisant la description de Malraux, débraillé, complètement soûl, faisant la chenille au son des violons

« On ne devrait jamais boire avec les gens qu'on va tuer », et oui, Makhno on ne devrait pas !

Le livre va au-delà de la nuit de délire. Mikaël Hirsch pose la question de la dangerosité du livre, de la supériorité de la littérature sur l'action, de l'écrit qui reste sur l'oral qui disparaît, les mots peuvent tuer... et, en extrapolant, le danger de l'instruction « L'idéal qu'il avait incarné devait continuer à vivre » sous forme de mythe, mais un écrivain qui se prétendait pourtant homme d'action venait lâchement de s'attaquer à lui à l'aide de la seule arme qu'il ne maîtrisait pas : les mots », surtout en français, langue qu'il ne maîtrise pas du tout.

« Il en voulait à ceux qui maniaient la fourberie linguistique. Il jalousait les écrivains pour leur capacité à convaincre et les maudissait tout à la fois pour les abus auxquels ils se livraient sans retenue. le prestige qui leur était accordé, particulièrement dans cette nation française qui se targuait d'avoir produit Saint-Simon et Flaubert, confinait invariablement à l'abus de pouvoir. »

Mikaël Hirsch sait me faire voyager dans le temps. Avec Libertalia, j'ai suivi la statue de la Liberté aux USA, Notre Dame des vents m'a conduite aux îles Kerguelen, avec les hommes, au coeur d'une création littéraire et...toujours avec le même plaisir.

Définitivement, j'aime le style de l'auteur. Les voyages, la quête identitaire, la fuite en avant sont encore présentes dans L'assassinat de Joseph Kessel, livre à la fois passionnant, fort bien écrit et mené, intrigant qui pousse à en savoir plus sur Makhno dont j'ignorais tout

J'adore l'ironie de la photo de couverture dont j'ai trouvé la traduction en début du livre "A bas ! l'alcool est l'ennemi de la révolution culturelle"... Quand je lis l'état d'ébriété de kessel lors de cette fameuse journée....


Lien : https://zazymut.over-blog.co..
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Que reste-t-il dans les annales de la figure de Nestor Ivanovitch Makhno ? Pas grand-chose hormis un nom sous quelques photographies sépia et le lointain souvenir d'un homme qui a fait de l'engagement politique sa maîtresse. Fort jeune, il se frotte à l'injustice et sent bouillir en lui un sentiment de révolte. L'anarchie devient une porte qu'il ouvre à grand coups de talons pour s'y engouffrer. Réfugié en France, il signe avec quelques condisciples une plate-forme qui circonscrit les bases de l'anarchie. Mikaël Hirsch revient sur le parcours de cet homme singulier et hanté par une violence farouche à l'encontre de l'écrivain Joseph Kessel, qui a eu le malheur de le présenter dans « Makhno et sa juive » comme un monstre sanguinaire, un bandit venu d'Ukraine. Un portrait qu'il réfute, reprochant au futur auteur de « le lion » et de « Les cavaliers » de noircir sa légende, voire de l'en délester. Alors, pistolet en poche, il erre dans les rues de la capitale pour faire la peau à celui qui n'a pas hésité à salir sa réputation. Mikaël Hirsch nous propose une balade au coeur des années 20, dans les bas-fonds de Pigalle et exhume les odeurs de l'opium, des alcools peu coûteux et la silhouette de parias venus de partout. Au hasard des déambulations, on croise Malraux et Cocteau. Un livre qui, on le sait, n'aboutit pas au crime du célèbre écrivain, mais qui relate une anecdote qui aurait pu s'achever de façon tragique.
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J'ai beaucoup aimé ce roman ,d'une grande finesse d'écriture .Il nous transporte dans le Paris des années 20 qui sert alors de refuges à de nombreux émigrés russes : russes blancs , révolutionnaires ,espions ,ou juifs fuyant les pogroms.
L'un d'entre eux Nestor Makhno ,grand général anarchiste Ukrainien a été mis en scène par Joseph Kessel dans un roman qui le présente comme un monstre sanguinaire et antisémite . Dès lors Makhno va vouloir se venger !
Il part à la recherche de Kessel dans les bas-fonds de la capitale où mélangée à cette diaspora russe , on rencontre des personnages éminents de l'époque, tels que Malraux et Cocteau .
Roman d'atmosphère qui décrit les années folles où toute une faune ,parfois issue de la haute aristocratie , se retrouve pour boire se droguer ,se rappeler ses hauts faits et oublier ses malheurs .
C'est également une page d'histoire ,qui fait revivre ces personnages qui auraient pu tomber dans l'oubli .Certes ,au cimetière du père Lachaise on cherche davantage la tombe de Jim Morrison que celle de Nestor Makhno , ,héros anarchiste.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Transféré à la maison d'arrêt moscovite de Boutyrka, on lui avait passé les menottes et les fers, symbole de la réclusion à vie. Durant les huit premières années de leur peine, les condamnés sans perspective de libération étaient séparés du commun et devaient vivre comme des esclaves. C'est là, sous le manteau, qu'il avait goûté à la littérature interdite et contracté la tuberculose qui finirait un jour par l'emporter. La maladie et la révolte semblaient liées de manière naturelle, son insoumission contre la fatalité s'exprimant aussi bien par les armes que par une toux sanglante. Son corps était la première victime de cette sédition permanente qui le menait bien souvent au cachot. Les années passant, la prison était devenue tout à la fois sa classe préparatoire et la faculté où il n'irait jamais. Sous l'influence de Piotr Archinov, anarchiste convaincu et compagnon de cellule, Makhno s'était alors constitué une culture foutraque au milieu de laquelle Bakounine régnait en maître incontesté. De cette époque il garderait toujours la conviction que l'exercice du pouvoir ne peut être qu'une forme de domination qu'il faut mettre à bas. Même une fois instruit, il resterait à ses propres yeux un paysan illettré, ne trouvant son unique légitimité que dans les souffrances endurées en prison. Et de son futur statut de généralissime, dû à sa volonté ainsi qu'à ses talents innés de stratège militaire, il ne tirerait jamais aucune gloire, convaincu que sa mission sur cette terre était seulement de tout détruire pour que d'autres, plus sages, puissent bâtir un monde meilleur selon leurs compétences.

P. 18
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Assez rapidement son goût pour l'alcool était devenu une nécessité thérapeutique. À dépense égale, il préférait maintenant boire plutôt que manger ; or la vodka avait ce pouvoir de tout anesthésier quand le vin ne faisait qu'enrober la souffrance d'une gaze trop légère, à peine un voile. [...] S'il ne se souvenait plus de rien une fois dessaoulé, tout lui revenait pourtant à l'esprit lorsqu'il était éméché. Il était un autre par intermittence et l'ivresse avait le don d'assembler ces fragments discontinus pour en faire une succession enfin cohérente.

P. 51
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Video de Mikaël Hirsch (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mikaël Hirsch
Le Réprouvé de Mikaël Hirsch sur webtvculture .Décembre 1954. Alors que Simone de Beauvoir reçoit le prix Goncourt. Louis-Ferdinand Céline vit reclus dans un pavillon de banlieue. Un jeune coursier des éditions Gallimard raconte? Un roman tendre et cruel sur le milieu littéraire et les années 50.
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