Ce livre porte bien son nom : je me sens en effet comme après un banquet, mais pas n'importe lequel LE banquet Mishma, celui qui me délecte toujours des plus exquises pages de littérature, mon péché mignon, mon auteur préféré ! Vous l'aurez compris, j'ai ( comme d'habitude ) adoré Mishima.
Après le banquet est à la fois le récit d'une histoire d'amour vouée à l'échec, mais aussi un bon tableau des élites politiques japonaises des années soixante.
Parlons de la politique ! C'est toujours intéressant d'avoir un témoignage par lequel transparaît l'opinion de l'auteur sur la politique japonaise, surtout quand on sait que le roman est publié en 1960, soit peu avant le début de l'engouement de l'auteur pour la politique. Certes vous me direz, cela présage d'une vue biaisée,et .... Halte là sceptiques ! Mishima a été condamné pour diffamation pour ce livre, dans lequel un ancien premier ministre s'est un peu trop reconnu. Il y a donc une grande lucidité dans la peinture que Mishima fait du monde politique et ce livre a gêné .Une peinture négative : on sent poindre de l'accusation envers ces politiciens du parti libéral démocrate qui usent de toutes les combines pour gagner et font couler l'agent corrupteur à flots ( ce qui explique qu'ils soient au pouvoir depuis 1945 quasi sans discontinuer) Pas d'indignation moralisatrice à la BHL et FOG et consorts ( qui se prétendent écrivains... ) mais on jurerait presque poindre l'amertume de Mishima, âme théâtrale pour qui convaincre se fait par l'émotion que l'on donne par les mots. Les rivaux socialistes sont aussi soignés par l'auteur, ils sont dépeints en idéalistes qui préfèrent les débats dans les petits groupes fermés que la relation avec le peuple dont ils se veulent les défenseurs. C'est ici que j'adore Mishima : au lieu de chercher à produire un contre exemple édifiant, comme le feraient tous les moralisateurs que je ne souffre plus, il nous suggère une autre façon de faire de la politique avec Kazu. Elle va au contact des foules, serre les mains, montre des émotions. Cependant , Kazu, loin de vouloir le bien du peuple, ne fait cela que par plaisir narcissique. Chez Mishima, il n'en a pas un pour rattraper l'autre en politique, et personnellement je ne trouve pas cela caricatural ( pour le Japon du moins, si vous connaissez un peu leur classe politique qui n'a guère évolué depuis ces années, il y a de quoi désespérer ... )
Le sujet premier néanmoins, c'est cette historie d'amour vouée à l'échec entre
Noguchi, ancien ministre social démocrate, et kazu propriétaire d'un restaurant fréquenté par des conservateurs. Il y a beaucoup à dire, mais la chose la plus frappante à mes yeux, c'est la manière dont Mishima organise ce qu'on peut appeler l'histoire d'échec. ce terme reflète pour moi davantage la relation des deux personnages que celui d'histoire d'amour. Je n'ai guère aimé le personnage de
Noguchi : il n'est pas démonstratif, ombrageux ( oups je le suis aussi ) et ne manifestera quasi jamais une affection pour sa femme( je n'ai pas de femme, je ne peux donc pas me comparer à lui sur ce point ) Il reste froid et peu fédérateur. Kazu est sociable et avenante, émotive, déterminée. L'échec de leur relation est liée à leur caractères contraires. C'est aussi Kazu qui provoque cet échec. J'ai le sentiment qu'arrivant à la cinquantaine, et n'ayant plus rien à accomplir, elle cherche à ne pas vieillir seule en se persuadant de l'amour de
Noguchi, qui semble lui entrer dans cette relation doit par inertie ou convention. Toutefois, elle réalise que son mari la bride dans ce qu'elle a de plus cher : son autonomie, sa liberté, et ses plans pour se servir de son mari pour de grands projets ( gagner une élection ) est mise à mal par l'adversité du monde politique qu'elle ne connaît pas mais surtout par son mari qui ne lui fait pas confiance. Kazu choisira ainsi sa liberté in fine.
Encore une fois, Mishima fait la peinture fascinante et juste d'un milieu, avec son style magnifique, et nous fait le portrait d'une nouvelle femme forte ( comme dans
L'école de la chair ) qui sacrifie ses passions et rêves pour restaurer sa liberté; incarnant un peu un personnage que ne renieraient pas les féministes. du grand art !