« LES SAGESSES ANTIQUES, CONTRE HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE » DE
M. ONFRAY
« UN VOYAGE INITIATIQUE ET INTERESSANT AU COEUR DE LA MATIERE »
le livre est original et facile à lire pour les professionnels de la philosophie antique. Pourquoi original ? Précisons qu'il est découpé en 14 parties, reprend quelques philosophes et s'intéresse à la partie présocratique, une partie souvent méconnue de la philosophie – dommage, très dommage – car c'est néanmoins intéressant. Mais pas seulement,...
Rappelons que l'auteur –
Michel Onfray – est, à cette période (publié en 2006), un professeur de philosophie – et l'ami, également, du philosophe
Alexandre Jollien. Pourquoi le titre Les Sagesses antiques ? Il faut remonter aux origines de la période antique et « décortiquer » le mot. En effet, le mot « philosophie » signifie l'enseignement par les sages – sophie exprimant la sagesse et philos l'enseignement en grec – sans doute. Donc, la philosophie est réservé aux « sages » et ce sont les Grecs, les premiers – suivis par les Romains – nous ayant fait connaître les questions existentielles (sur la vie et la mort, comment vivre, se nourrir, qu'est-ce que le rire ?, pourquoi rire ?, définition du bonheur,...) C'est ça la réelle définition de la philosophie.
Mais pourquoi alors ce sous titre Contre histoire de la philosophie ? Car l'auteur va s'intéresser, non pas aux philosophes socratiques – tels
Platon,
Aristote,
Xénophon,
Euripide ou Socrate que nous connaissons tous par les philosophes des Lumières (même si les idées ont été remaniées) – mais à une période totalement inconnue de la philosophie, la réflexion présocratique. Ce livre n'est donc pas ordinaire (dans le sens où nous l'entendons – ce n'est pas un roman – mais extraordinaire là non plus, il ne s'agit pas de science fiction ou de fantastique) mais d'un voyage et d'une épopée à travers la matière et l'exploration du temps. Il nous explique pourquoi l'Etat a voulu nous faire oublier cette période – pourtant si importante et intéressante – et nous cite des noms de philosophes pourtant connus – mais inconnus pour nous – par les experts en la matière (A.
Jollien en parlera aussi dans le livre La Construction de Soi – édité la même année).
Michel Onfray nous dit que l'historiographie est vue comme l'art de la guerre (comme l'histoire est écrite par les vainqueurs, dit-on) et nous cite de nombreux philosophes – tels Leucippe, Aristippe, Démocrite, Diogène ou
Epicure – qu'il compare ensuite à des exemples contemporains. Il nous raconte quelques anecdotes – drôles, tristes – et réfute l'hypothèse des philosophes socratiques. En effet, pourquoi les philosophes présocratiques n'auraient-ils pas la même place que
Platon,
Aristote ou
Euripide ? Pourquoi les philosophes de l'ère contemporaine de Socrate sont-ils connus et célèbres ? Pourquoi sont-ils tombés dans l'oubli ?
En effet,
Michel Onfray se désintéresse complètement de Socrate (ce qui ne sera pas le cas d'A.
Jollien) et dénigre totalement les philosophes socratiques. Il utilise beaucoup de termes techniques, spécifiques – il compare la philosophie hédoniste et l'eudémonisme, nous parle de sophisme,... - en se basant sur des exemples concrets. Par rapport au sophisme, il trouve que
Platon était trop sévère envers eux car en fait ils demandaient une contribution – de l'argent – et selon lui, le Savoir ne s'achetait pas mais devait, au contraire, être gratuit. Il se moque du philosophe et nous apprend que pourtant, bien qu'il ne s'entendait pas avec les sophistes, il écrivait des dialogues avec eux. Il cite
Protagoras,
le Banquet ou encore
Gorgias. Tout comme
M. Onfray, je pense que la philosophie présocratique est très intéressante et peut nous apprendre beaucoup de choses (peut-être plus même que la période socratique). En effet, on a aussi droit – comme tout homme et tout le monde – d'avoir des envies, des plaisirs,... Ainsi, l'auteur nous apprend qu'un penseur était proxénète (ce qui était, à l'époque, inadmissible pour un penseur selon
Platon). Pour lui, les hommes sont des sages qui, avant tout, ne doivent pas commettre d'erreurs. Ainsi,
Michel Onfray se réfère-t-il toujours aux philosophes présocratiques (comme dans ses autres ouvrages dont l'Invention du Plaisir ou
La Sculpture de Soi). Il cite notamment Démocrite, Antisthène ou Diogène.
Sur Démocrite, par exemple, nous apprenons qu'il souriait, se dépeignait d'un visage jovial, et pensait que le monde était plus beau s
i on était aveugle – d'ailleurs, il est devenu aveugle vers la fin de sa vie – et je pense, tout comme
Michel Onfray que Démocrite a raison car quand nous sommes aveugle, notre vision du monde est changée (peut-être que
Diderot s'en est inspiré pour La
Lettre Sur Les Aveugles, écrit lui ayant valu l'emprisonnement). D'ailleurs, nous apprenons aussi que le philosophe riait beaucoup – d'où l'expression « le rire de Démocrite » - et qu'il donnait comme conseil mieux vaut rire que pleurer. On apprend également que la psychanalyse ne date pas du XIXme siècle, mais d'avant. Déjà, l'ère présocratique s'y intéressait mais cela n'est dit dans aucun manuels scolaires. C'est cela que
Michel Onfray dénonce et veut remettre en lumière – ces philosophes oubliés et intéressants. Parfois, nous avons l'impression que
Michel Onfray se dédouble – dans le sens où il s'adresse à nous comme philosophe (exemples pris sur la temporalité du moment) et comme professeur de philosophie (anecdotes, analyses de certains penseurs, analyse des exemples,...)
le seul philosophe présocratique que l'on connaisse – peut-être car ses écrits nous sont parvenus – est
Epicure.
Onfray dénonce donc qu'à l'heure actuelle, on ne connait que
Platon ou
Aristote pour ne citer que ces deux-là. Il faut savoir que
Platon a été la source de beaucoup d'écrivains et de penseurs célèbres comparé à
Aristote (qui a influencé entre autres
Hannah Arendt). Notons aussi que
Platon a inspiré certains écrits orientaux et a été, lui même, inspiré par les penseurs présocratiques.
Par son savoir et sa dialectique,
Onfray cible un public bien particulier et exprime – sans le moindre regret – ses idées. le voyage est donc très intéressant – riche en anecdotes, vocabulaire, exemples – et nous donne envie de faire des recherches sur ces penseurs (Aristippe, Démocrite,
Epicure, Leucippe...)