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Geneviève Leibrich (Traducteur)
EAN : 9782757801512
347 pages
Points (12/10/2006)
3.74/5   154 notes
Résumé :
Tertuliano Maximo Afonso aperçoit dans un film son double parfait.
Horrifié, il visionne d'autres vidéos qui confirment son intuition. Aidé de sa maîtresse, il part à la recherche d'Antonio Claro, cet autre lui-même. Mais deux êtres semblables ne peuvent coexister... Et du désordre de l'identité naît la tragédie.
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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
3,74

sur 154 notes
C'est une expérience de lecture vraiment à part de se frotter à la plume de Saramago : d'une impitoyable densité (les passages à la ligne sont rarissimes), elle laisse extrêmement peu de latitude à son lecteur qui non seulement ne peut pas relever le nez de la page, mais de plus est ramené de force dans le texte par le narrateur qui, avec un humour entortillé dans d'interminables phrases, se charge lui-même des divagations. Ainsi le pré-requis est-il d'accepter que l'auteur prenne les commandes et de lui faire confiance, après tout il n'a pas reçu le prix Nobel pour rien.

Comme dans "L'aveuglement", c'est le décalage entre le ton (cet humour teinté de cynisme et de bon sens porté par la voix du narrateur qui nous grésille à l'oreille comme une pythie facétieuse) et le fonds qui m'ont interpellée dans ce roman sombre et vertigineux: démarrant dans la réalité stable et tangible de Tertuliano Alfonso Maximo, morne professeur d'histoire au mi-temps de sa vie, on perd peu à peu pied avec lui à mesure qu'il s'enfonce dans le questionnement existentiel amené par la découverte d'un "autre", acteur de second ordre, qui lui est absolument semblable. Dès lors, notre homme sombre dans l'obsession de façon irrémédiable. La bascule se fait peu à peu, chaque décision effaçant derrière elle le chemin qui l'y a amenée, le destin prend le pas sur la raison dans cette situation inouïe qui ne peut avoir d'issue heureuse.
Un roman troublant qui sur la base d'une intrigue très simple et parfaitement menée questionne en profondeur sur l'identité, la singularité, la fragilité de l'équilibre de chacun.

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Ce livre est le quatrième Saramago que je lis autant dire que la plume du bonhomme me plait. Je trouve une certaine parenté avec Faulkner dans la recherche de se rapprocher le plus possible de la retranscription des flux de pensée des personnages.
C'est le cas ici, où se surajoute un narrateur omniscient et facétieux qui s'observe dans son travail de conteur, bref un vrai jeu de miroir particulièrement adapté au sujet.

Le sujet parlons-en, une trouvaille toute simple et aux multiples conséquences, que je vous laisse entièrement découvrir, pour le plaisir de la surprise. C'est une habitude de l'auteur, une idée de départ simple mais diablement originale dont il exploite ensuite toutes les facettes. Petite déception ici, certaines facilités vers la fin, qui permettent de créer un final hollywoodien qui facilita sans doute la vente des droits au cinema pour le film Ennemy.

Mais ne boudons pas notre plaisir, c'est bien écrit, innovant, intelligent, divertissant. Comment mieux passer le temps qu'en si bonne compagnie !
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Avec ce roman, Saramago réitère le motif du double, si souvent dédoublé en littérature, de Plaute à Poe en passant par Hoffmann et Gogol. Hé oui, difficile de faire original avec le double. Mais ici Saramago s'attache à nous montrer que l'originalité tient dans le style. Et il faut s'accrocher pour suivre la cadence infernale de son narrateur, sorte de double chaotique et clownesque de l'auteur, qui déploie de longues phrases torrentielles sans paragraphes et sans les signes typographiques habituels des dialogues. Ainsi la narration mélange-t-elle sans indications claires les pensées du personnages, les réflexions et analyses pince-sans-rire du narrateur, les dialogues, et même des interventions du « sens commun », personnage à part entière, qui se récrimine occasionnellement contre les actions du héros, nommé Tertuliano Máximo Alfonso. Ce héros est donc clairement distinct du sens commun, ce qui devrait peut-être l'inquiéter, mais justement son manque de sens commun fait qu'il ne se formalise pas plus que ça de voir ce dernier prendre ses distances avec lui… cercle vicieux s'il en est.

On constate que cet écart entre le héros et le sens commun le fait par définition sortir de l'ordinaire... alors que de toute évidence c'est précisément sa banalité qui au départ le fait déprimer et le rend susceptible de nourrir une névrose envers un double. Comme l'a exprimé le philosophe Clément Rosset, la peur du double tend à cristalliser celle de se trouver inintéressant, d'être irrémédiablement fondu dans la masse et de se vider de son essence face à un double plus réel, plus accompli. Et de fait, la profession d'Antonio Claro (le double du héros) suggère sa prééminence par rapport au héros : c'est un acteur, dont le corps est transposé dans des films. Son corps se dédouble en une série d'images, de façon potentiellement infinie et éternelle. Coïncider avec ce double, c'est symboliquement la promesse d'échapper à la mort. Précisons d'ailleurs qu'en tant qu'acteur, Antonio Claro, utilise le pseudonyme de Daniel Santa-Clara. Ce « Santa » esquisse une promesse de canonisation, de Grâce. Mais comme c'est un pseudonyme, il révèle aussi la part d'illusion propre au double. Comme au cinéma, la substance de l'image vient de l'oeil du spectateur.

Notons aussi que Tertuliano (Tertullien en français) c'est un des pères de l'Église, l'un de ceux qui ont prétendu interpréter Dieu et en faire ressortir une doctrine, un ordre. L'obsession du héros rejoint ainsi la grande Histoire religieuse de l'humanité. Précisions d'ailleurs que la profession de Maximo est… enseignant d'Histoire.

De ce point de vue, l'obsession de l'autre, aussi maladive qu'elle paraisse dans ce roman, n'est peut-être que le reflet de celle qui constitue la société, ou plus précisément son insociable sociabilité. de même que Cosmos de Gombrowicz (autre grand roman sur l'obsession), L'autre comme moi se joue du sens commun dans une narration en apparence chaotique mais qui recèle un ordre caché, celui des constellations de notre vie sociale, qui reposent chez Saramago sur la comparaison de l'autre et du moi, et les crises identitaires qui découlent du fait de vivre avec d'autres êtres humains, si semblables à nous et pourtant dotés d'une existence propre... sur laquelle nous projetons facilement la nôtre.

Non Máximo et son double ne sont décidément pas des saints, juste des hommes comme les autres, des « autres comme moi », et pourtant cette lecture me laisse à penser que Saramago croit aux saints, et ce en dépit d'un anticléricalisme assez transparent. Plus précisément, il croit aux saintes, car les femmes dans ce récit ont un rôle positif au point d'être transcendant. Mais les saintes elles-mêmes peuvent-elles racheter l'humanité, dont ce roman semble esquisser l'Histoire cyclique, à travers le destin de ce professeur d'Histoire banal, trop banal ?
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Sujet qui tient au coeur du prix Nobel, l identité, cette fois déclinée sous le prisme du sosie parfait d un professeur d histoire, acteur secondaire qui joue de petits rôles, qui va modifier la vie et le comportement du personnage principal.
Sujet également très intéressant, mais qui, à mon humble avis, s enlise dans des méandres et des circonvolutions qui deviennent rébarbatives.
Bien sûr pour qui a déjà lu Saramago, les dérives et les multi tiroirs de ses longues phrases les plus souvent magnifiques sont la marque de fabrique, le style unique de cet auteur portugais.
Pas de changement dans ce livre, mais un ennui, un lent désintérêt, l histoire n avance pas mais ce sont surtout les propos développés qui ne m ont pas procurés le plaisir coutumier que j éprouve en lisant et relisant ses phrases interminables.
La fin est plus "enlevée", mais, une fois encore, à mon petit avis, ce n est pas le meilleur de José Saramago. (Je pense à " l aveuglement")
Ce qui ne va certainement pas m arrêter dans la découverte de cet écrivain !
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N°478– Décembre 2010.
L'AUTRE COMME MOIJosé Saramago– le Seuil

Nous avons tous un sosie, dit-on. Tertuliano Maximo Alfonso, la quarantaine, divorcé solitaire, un peu dépressif, professeur d'histoire découvrira le sien par hasard en louant , sur le conseil d'un collègue de travail, une cassette dont le nom seul est tout un programme « Qui cherche trouve ». le nom de cet homme lui est jusque là inconnu : Daniel Santa-Clara, un obscur acteur de cinéma dont la vraie identité est Antonio Claro. Il est son double parfait. Revenu de sa surprise il va chercher à en savoir davantage à son sujet. Il découvre que 5 ans auparavant, lui-même Tertuliano ressemblait trait pour trait à Antonio. Dès lors, il se met à explorer toute la filmographie où son double apparaît. Ses recherches laborieuses finissent cependant par aboutir et les deux hommes conviennent d'une rencontre. Découvrir son alter-ego exact est toujours un choc. Tertuliano n'y échappe pas. Alors, fantaisie de la nature, occasion de se poser des questions sur sa propre vie, son propre parcours, celle de l'autre... Notre professeur va bousculer les habitudes de sa vie bien rangée, bien morne, jusqu'à convaincre Maria da Paz, la femme avec qui il a une liaison en pointillés, de se livrer à des canulars téléphoniques et postaux ou à user de postiches pour tenter d'espionner celui qui reste pour lui à la fois un mystère et une invitation permanents à en savoir plus à son propos. Cette quête se révèle absurde et inutile et il découvre un personnage aussi falot que lui, acteur de seconde zone, sans grande envergure et sans grand talent, juste un coureur de cachets, vivant comme lui, mais un peu différemment.

Comme toujours on omet quelque chose dans les rapports entre les humains, leurs passions, leurs folies aussi et tout n'est pas aussi simple [« L'âme humaine est une boîte d'où peut toujours sortir un clown grimaçant qui nous tire la langue, mais parfois ce même clown se borne à nous regarder par-dessus le bord de la boîte et s'il voit que nous agissons selon ce qui est juste et honnête, il nous adresse un signe d'approbation avec la tête et il disparaît se disant que nous ne sommes pas un cas entièrement désespéré »] . Est-ce parce que Antonio est un séducteur-né où que son métier d'acteur le pousse naturellement vers les passades? Ce dernier, quand il apprend cette gémellité, se croit obligé de séduire Maria, la compagne de Tetuliano. Celui-ci, partagé entre sa volonté d'éprouver son amie et de pousser au bout cette expérience, finit par accepter la proposition d'Antonio, et ce d'autant qu'il va, lui aussi et à cette occasion, partager une nuit avec Héléna, la femme légitime d'Antonio. Les deux protagonistes soignent le mimétisme jusque dans les moindres détails pour arriver à leurs fins. Pour Antonio, c'est le simple plaisir de séduire une femme, mais pour Tertuliano c'est plutôt l'occasion de sortir de son quotidien, de mettre un peu de sel dans sa vie intime, de remettre en question un amour qu'il met en doute, de pousser jusqu'à l'absurde un jeu un peu ridicule. Las, le hasard s'en mêle, la petite enclouure à laquelle on n'avait pas pensé vient tout remettre en question, la Camarde entre en scène comme une punition d'avoir ainsi voulu brouiller les cartes, comme pour signifier que cela ne peut durer ainsi bien longtemps ! Alors, sanction voulue par l'auteur pour punir les auteurs de ce qui aurait pu rester une bonne blague ou manifestation d'une forme de justice immanente pour qu'on ne fasse pas n'importe quoi ?


Comme à chaque fois, j'ai apprécié l'effet labyrinthique, l'humour subtil et le suspense qui caractérisent le style de Samarago. La manipulation des phrases et des dialogues, la pratique de l'incise, l'emploi anachronique des majuscules, la syntaxe parfois chaotique qui constituent sa singularité sont quand même un peu déroutantes à la longue et ce qui peut passer pour une originalité littéraire finit par lasser. Je regrette, malgré l'intérêt du thème traité, les nombreuses longueurs et digressions dont l'auteur est friand d'autant que le lecteur doit attendre les dernières lignes pour découvrir l'épilogue. L'idée du double et son application littéraire au pseudonyme, les variations sur une personnalité autre que la sienne, la face cachée de soi-même, le principe de l'altérité et les questionnements et les fantasmes qu'elle entraîne inévitablement donnent lieu à des développements passionnants. La perte de la certitude de l'unicité que peut avoir chaque être est angoissant face à la prise de conscience que la société moderne est constituée d'êtres de plus en plus semblables, de plus en plus standardisés. L'étude des passions et des travers humains est habillement menée et jusqu'à la dernière ligne le lecteur se demande encore qui est qui.

J'avais déjà été intéressé par la découverte de cet auteur [« Tous les noms » et « Les intermittences de la mort » -La Feuille volante n° 475 et 476] . Malgré une première approche un peu difficile de ce roman, je n'ai pas été déçu.


©Hervé GAUTIER – Décembre 2010.http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Citations et extraits (67) Voir plus Ajouter une citation
Etrange relation que celle que nous entretenons avec les mots. Nous en apprenons quelques uns quand nous sommes petits, tout au long de notre existence nous en recueillons d'autres qui viennent jusqu'à nous par le biais de l'instruction, de la conversation, de la fréquentation des livres et pourtant, en comparaison, il y en a fort peu dont a significations, les acceptions et les sens ne susciteraient aucun doute dans notre esprit si un jour nous nous posions sérieusement la question. C'est ainsi que nous affirmons et nous nions, c'est ainsi que nous convainquons et nous sommes convaincus, c'est ainsi que nous argumentons, déduisons et concluant, discourant imperturbablement en nous en tenant à la surface de concepts sur lesquels nous n'avons que des idées très floues, et malgré la fausse assurance que nous feignons d'avoir en avançant à tâtons au milieu du brouillard verbal, nous finissons tout de même par nous comprendre tant bien que mal et parfois même par nous rencontrer.
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Il y eut jadis sur la terre un roi tenu pour fort sage qui en un instant d’inspiration philosophique facile affirma avec, suppose-t-on, toute la solennité propre à sa fonction qu’il n’y avait rien de nouveau sous le soleil. Il ne faut jamais prendre trop au sérieux ce genre de sentence, sous peine de continuer à les proférer lorsque, autour de nous, tout aura changé et que le soleil lui-même ne sera plus ce qu’il était.
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L'Histoire que Tertuliano Maximo Afonso a pour mission d'enseigner est comme un bonsaï auquel il faut de temps en temps couper les racines pour qu'il ne grandisse pas, miniature infantile de l'arbre gigantesque des lieux et du temps et de ce qui s'y passe, nous regardons, nous notons l'inégalité des tailles et nous en restons là, nous negligeons d'autres différences non moins flagrantes, par exemple qu'aucun oiseau, fût-ce le minuscule colibri, ne pourrait bâtir son nid dans les branches d'un bonsaï, et s'il est vrai qu'un lézard peut s'abriter dans son ombre chiche à condition que sa frondaison soit assez fournie, la queue du reptile, plus que probablement, restera en dehors.
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Conformément aux conventions traditionnelles du genre littéraire appelé roman et qui devra continuer à s'appeler ainsi tant que l'on n'aura pas inventé une désignation plus conforme à ses configurations actuelles, cette description allègre, organisée en une séquence simple de données narratives dans lesquelles aucun élément négatif n'a été introduit délibérément et artificieusement afin de préparer la mise en scène d'un contraste qui, comme le voudraient les objectifs de l'écrivain de fiction, pourrait être aussi bien dramatique que brutale ou terrifiante, par exemple un cadavre baignant par terre dans son sang, un consistoire de revenants, un essaim de bourdons furieusement en rut qui prendraient le professeur d'Histoire pour leur reine, ou, pis encore, tout cela réuni dans un seul et même cauchemar, dès lors que, comme cela a été démontré à satiété, l'imagination des romanciers occidentaux ne connaît pas de limites, tout au moins depuis Homère, déjà cité, lequel, tout bien considéré, fut le premier de tous.
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Effectivement, on ne sait jamais très bien à quoi servent les victoires, dit le professeur de Mathématiques avec un soupir, En revanche, les défaites, on sait très bien à quoi elles servent, surtout ceux qui ont lancé dans la bataille tout ce qu’ils sont et tout ce qu’ils possèdent, mais personne ne fait grand cas de cette leçon permanente de l’Histoire, On dirait que vous êtes fatigué de votre travail, Peut-être bien, nous continuons à mettre toujours le même assaisonnement dans les plats habituels, rien ne change, Songeriez-vous à quitter l’enseignement, Je ne sais pas vraiment, ni même vaguement, ce que je pense ou ce que je veux, mais j’imagine que ce serait une bonne idée, De quitter l’enseignement, De quitter n’importe quoi. (p. 75)
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Charlotte Ortiz, traductrice de "Traité sur les choses de la Chine" de Frei Gaspar da Cruz (ouvrage à paraître) nous fait le plaisir de nous parler de deux livres importants pour elle. "L'aveuglement" de José Saramago, roman parlant d'une pandémie ... elle vous en dira plus et, "Européens et japonais, traité sur les contradictions et les différences de moeurs" de Luís Froís où il est question, entre autres, de genre, de cuisine et de belles perspectives ;) !
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