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Nicolas Werth (Autre)Philippe Jaworski (Traducteur)
EAN : 9782072966484
304 pages
Gallimard (20/10/2022)
4.07/5   21 notes
Résumé :
John Steinbeck, accompagné du photographe Capa, a parcouru la Russie, de Moscou en Géorgie par Stalingrad. Il a observé la vie quotidienne, en dehors de considération politique ou idéologique. Il a visité des fermes, des usines. Il s'est entretenu avec des fonctionnaires du régime et avec des hommes du peuple. Il a été reçu dans l'intimité des paysans ukrainiens. Il a rapporté ce récit d'une grande simplicité, tragique par la peinture des ruines de cauchemar que la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique

Journal russe (1947) John Steinbeck (1902-1968)
Réédition en beau livre chez Gallimard (2022)

Journal russe écrit après la guerre (1947) par l'auteur du chef d'oeuvre des Souris et des hommes, traduit de l'américain vers le français par le talentueux et expert Philippe Jaworski. Il n'a pas encore son Nobel de littérature, A l'est d'Eden n'est pas encore écrit, mais les Raisins de la colère oui ..J'ai moins aimé les photos en noir et blanc de Capa qui accompagnent le texte, elles correspondent à l'idée que je me fais de l'après-guerre au pays des frimas : un pays désincarné où des figures s'agitent, toujours en groupe sans rien de personnel, assommantes comme le blues du dimanche soir.. On note l'appréhension de l'écrivain américain à embrasser ce monde étranger pour lui, il n'en connaît pas la langue, le pays est immense, presqu' indomptable ; il veut y voir des choses dont personne ne parle et qui nous intéressent le plus, dit-il, qui manquent surtout à sa compréhension par rapport à son monde à lui que tout oppose semble-t-il et où il semble éprouver quelque lassitude semblable à un monde usé, surfait. Pas d'altérité, pas d'ennui, tués dans l'oeuf par le mouvement, on a l'impression qu'il est mu comme des eaux qui cherchent leur gué, c'est du Steinbeck pur jus que j'aime : il semble glisser sur les choses et les êtres avec un détachement et une sincérité la plus totale, et ma foi quand il y a une accroche humaine, sociale, il s'y attarde et l'on se rend compte qu'avec ce glanage au fil de l'eau, sans aucune prétention, ni vanité, il nous rapporte et nous prouve que tout ce que l'on raconte de ce monde de l'autre côté de la barrière est du flan, on a à peu près tout faux, ou peut-être est-ce un péché par omission !..

"..Une pièce de théâtre que j'avais quatre fois remise sur le métier avait tourné en eau de boudin.. Nous étions déprimés, non pas tant par les nouvelles que par le traitement qu'on leur accordait, car les nouvelles ne sont plus neuves, du moins celles qui suscitent le plus d'intérêt.."

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Avec ce duo peu ordinaire, l'écrivain futur prix Nobel et le photographe célèbre pour ses clichés des guerres d'Espagne, d'Europe et d'ailleurs, on voyagerait volontiers. Effectivement, quelle balade ! La Russie sort tout juste de la guerre et en porte toujours et pour longtemps les stigmates, à Kiev et surtout à Stalingrad. Les deux voyageurs se battent avec la bureaucratie, le NKVD et ses agents (accompagnateurs, interprètes…) mais réussissent à aller à peu près où ils veulent. Capa se plaint beaucoup de ne pas pouvoir photographier, la parano des soviétiques ne désarme jamais. le récit sera sans concession, Steinbeck annonce dans sa préface qu'il ne raconte que ce qu'ils voient, que ce qu'ils ont vu, ce qu'on a bien voulu qu'ils voient, élémentaire honnêteté intellectuelle dont les “compagnons de routeˮ ne feront jamais preuve ! Quiconque à connu l'URSS, même quelques décennies plus tard sourira des réactions, étonnements, surprises des voyageurs, notamment dans les conversations avec ses hôtes. Ils constatent l'effet du formatage et de la propagande. Ils réussissent à naviguer entre sympathie pour le peuple, le mépris pour les bureaucrates, l'indulgence sans naïveté pour les gens rencontrés. Une belle balade.
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"Les Russes sont un peuple comme les autres, la grande majorité est composée de braves gens". Ainsi va la conclusion de ce Journal Russe rédigé par John Steinbeck, grand écrivain américain d'inspiration humaniste et sociale, au terme d'un voyage de quarante jours en URSS durant l'été 1947 en compagnie de Robert Capa, célèbre photographe et reporter de guerre.
Le but du voyage ? Parler sans préjugés du peuple russe, sans tirer de conclusion et sans émettre de jugement.
La date est importante car elle marque le tout début de la guerre froide, le rejet de l'aide américaine aux pays est-européens par les soviétiques. C'est dans ce climat d'intolérance et de tensions que les deux amis décident de visiter cette région du monde.
Leur voyage les amène d'abord à Moscou, la morosité semble y régner ainsi que la méfiance des autorités à leur égard. Il faut obtenir des laisser-passer pour toutes les visites et toutes les rencontres et celles-ci sont longues à obtenir.
Pour Capa, les autorisations nécessaires pour faire des photos tardent à arriver. Il peut enfin commencer à faire au bout d'une dizaine de jour mais, au moment du départ, elles sont toutes examinées et certaines sont censurées.
Les autorités soviétiques sont curieusement plus soupçonneuses à l'égard du photographe que pour l'écrivain. Cela semble assez étrange.
Le voyage se poursuit en Ukraine, à Stalingrad et en Géorgie. La Géorgie n'a pas été attaquée par l'armée allemande mais l'Ukraine porte les stigmates des exactions commises par les nazis.
Le style d'écriture est celui d'un journal, certaines scènes sont rapportées avec humour.
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En 1947, John Steinbeck (1902-1968) et Robert Capa (1913-1954) décident d'entreprendre un voyage en URSS. Les romans du premier, notamment Les Raisins de la colère, ont fait de lui un héraut du peuple aux yeux des socialistes, communistes et autres sympathisants de gauche. le très engagé Capa, de son côté, a réalisé des clichés de tous les conflits majeurs depuis les années 1930. Sans doute cela leur a-t-il ouvert les portes de l'URSS de Staline. Leur but : mieux comprendre la population, sa vie quotidienne, ses aspirations. Pénétrer la réalité de la vie des habitants, sans se soucier de politique ou de diplomatie. Steinbeck écrit à de multiples reprises dans ce journal qu'il ne fait que rapporter ce qu'il a pu voir, sans prétendre détenir la vérité sur l'ensemble du pays. Il n'est pas naïf, même si certaines phrases peuvent sembler l'être (ou bien sommes-nous trop cyniques ?).

Le charme de ce récit de voyage tient dans cette ligne apolitique et humaniste. À la différence de la plupart des témoignages concernant l'URSS, il ne s'agit pas ici d'énoncer des idées, de prendre parti, de dénoncer ou de faire de la propagande. On perçoit sous la plume de l'écrivain américain et dans les photographies de son ami hongrois une authentique tentative de saisir le réel et de restituer une expérience subjective. Beaucoup de descriptions, d'observations prosaïques, beaucoup de portraits animés des personnes qu'ils rencontrent, dont ils sont les hôtes. On a le sentiment émouvant de revivre une époque révolue, de toucher une vérité que les livres d'histoire ignorent bien souvent.

Joliment édité et mis en page, ce Journal russe offre un exemple d'intelligence et de simplicité, sans prétention ni langue de bois. Avec humour parfois, sympathie et curiosité toujours, Steinbeck et Capa racontent Moscou à l'heure de son 800e anniversaire, l'Ukraine en pleine reconstruction (l'auteur insiste, à juste titre, sur le fait que ce pays, comme nombre d'endroits en URSS, notamment Stalingrad, autre étape de leur voyage, ont été complètement détruits par les troupes allemandes), la Géorgie, terre d'abondance et de gaieté… Ils embrassent aussi bien le monde des fermes collectives que les institutions soviétiques, le personnel des ambassades étrangères que les us et coutumes de ces Russes si fantasmés par les Américains de l'époque.

C'est un peuple au visage divers qui jaillit de ces pages, plus qu'un État (même si celui-ci est évidemment omniprésent, surtout dans les grandes villes, à travers les musées et le culte de la personnalité de Staline). Steinbeck et Capa ont ainsi rempli la mission qu'ils s'étaient fixée, et, ce faisant, ont légué à la postérité un monument universel à la gloire de l'humanité.
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Passionnant témoignage de l'après guerre russe. Les photos de Capa et le texte de Steinbeck forment un excellent compagnonnage fidèle semble-t-il à l'esprit (et la lettre !) qui embarqua les deux artistes à la découverte du peuple russe. Ce récit journalistique émeut quand il parle de la Russie qui se reconstruit, des héros de Stalingrad. Et il sonne encore juste quand il parle des hommes et des modes de pouvoir à l'oeuvre, et on reconnaît aussi sur ces questions l'objectivité, la clairvoyance, des auteurs qui se savent des témoins très guidés.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La c’est Capa qui s’y colle pour témoigner de l’objet du voyage en URSS tel que l’entendait John Steinbeck :
«  il a préparé notre voyage de manière originale. D’abord, il a expliqué aux russes que c’était une grave erreur de le considérer comme un pilier du prolétariat mondial, et qu’en réalité il était plus exact de le définir comme un représentant de l’Occident décadent, et même aussi extrême -occidental que les plus infâmes tripots de la côte californienne. Par ailleurs, il s’engageait à n’écrire que la vérité, et quand on lui a demandé courtoisement de quelle vérité il s’agissait, il a répondu : je n’en sais rien. Après ce début prometteur, il a sauté par la fenêtre et s’est cassé le genou
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Nous devions partir le dimanche matin. Le vendredi soir, nous sommes allés voir un ballet au théâtre Bolchoï. Quand nous sommes sortis, il y avait un appel téléphonique urgent pour nous. C'était M. Karaganov de Voks. Il avait finalement une réponse des Affaires étrangères. Nos films devaient être développés et examinés un à un avant de pouvoir quitter le pays. Il mettrait une équipe au travail pour développer nos quatre mille photos. Nous nous sommes demandés comment la chose aurait pu se faire s'il avait fallu s'y prendre au dernier moment. Ils ignoraient que tous les clichés avaient déjà été développés. Capa fit un paquet de tous ses négatifs et un coursier vint les chercher tôt dans la matinée. Ce fut pour lui une journée de torture. Il allait et venait, gloussant comme une mère poule qui a perdu ses poussins. Il faisait des plans, il ne voulait pas quitter le pays sans ses films, il annulerait les réservations. Il n'accepterait pas que l'on envoie les films après son départ. Il faisait les cent pas dans chambre en grognant. Il se lava les cheveux deux ou trois fois, oublia complètement de prendre un bain. Une femme accouche avec moitié moins de cris de souffrance. On ne me demanda pas mes notes. Cela n'aurait pas d'ailleurs changé grand-chose, personne n'aurait été capable de me lire. J'ai moi-même du mal à me relire.
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Le printemps dernier, les Russes ont réussi à devenir franchement impopulaires dans mon camp, et une intense campagne publicitaire nous incitait à nous tirer les uns sur les autres. Les soucoupes volantes et les bombes atomiques n'étant guère photogéniques, j'ai décidé de faire une ultime tentative avant qu'il ne soit trop tard. Cette fois, j'ai reçu un certain soutien d'un homme fort célèbre, buveur prodigieux et défenseur sensible des laissés-pour-compte au cœur joyeux. Il s'appelle John Steinbeck, et il a préparé notre voyage de manière originale. D'abord, il a expliqué aux Russes que c'était une grave erreur de le considérer comme un pilier du prolétariat mondial, et qu'en réalité il était plus exact de le définir comme un représentant de l'Occident décadent, et même aussi extrême-occidental que les plus infâmes tripots de la côte californienne. Par ailleurs, il s'engageait à n'écrire que la vérité, et quand on lui demandé courtoisement de quelle vérité il s'agissait, il a répondu : "je n'en sais rien." Après ce début prometteur, il a sauté par la fenêtre et s'est cassé le genou.
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Bien que Kiev soit terriblement abîmée par la guerre, contrairement à Moscou, les habitants ne semblaient pas las et accablés comme les Moscovites. Ils ne marchaient pas d'une allure traînante, ils avaient les épaules droites et riaient dans la rue. C'est peut-être un trait local, parce que les Ukrainiens sont différents des Russes, ils appartiennent à une autre branche des peuples slaves. La plupart savent parler et lire le russe, mais leur langue est distincte, plus proche des langues slaves du Sud que du russe. Beaucoup de mots ukrainiens, en particulier ceux des paysans, sont identiques en hongrois, et nombre d'entre eux ont leur réplique en tchèque plutôt qu'en russe.
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Il y avait une femme au visage ouvert et au rire franc, que Capa choisit pour faire un portrait. C'était la grande gueule du village. "Je ne suis pas seulement une bête de somme, je suis deux fois veuve, et bien des hommes ont peur de moi à présent." Et elle secoua un concombre devant l'objectif de Capa.
"Vous aimeriez peut-être m'épouser maintenant ?" dit Capa.
Elle inclina sa tête en arrière et éclata de rire.
"Ecoutez-moi, vous ! répondit-elle. Si Dieu avait consulté le concombre avant de créer l'homme, il y aurait moins de femmes malheureuses dans le monde."
Un fou rire général s'ensuivit, dont Capa fit les frais.
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A l'heure où beaucoup redoutent une crise économique après la crise sanitaire, voici un grand roman dans lequel chacun puisera des conseils utiles. Il raconte la vie quotidienne des travailleurs pendant la Grande Dépression aux Etats-Unis et n'a hélas rien perdu de son actualité.
« Les raisins de la colère » de John Steinbeck, à lire en poche chez Folio.
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