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EAN : 9782260055235
360 pages
Julliard (25/11/2021)
3.9/5   79 notes
Résumé :
« Les écrivains ont aimé Lagrasse. Là-bas, ils ont trouvé des amis, des conseillers, des guides, des hommes simples surtout. Personne n’était là pour convaincre l’autre. Mais le pari n’était pas gagné d’avance », écrit Nicolas Diat dans sa préface.
Que s’est-il passé dans cette abbaye des Corbières, entre Carcassonne et Narbonne ?
À l’ombre de bâtiments immenses dont la fondation remonte au VIIIe siècle, quarante-deux jeunes chanoines mènent une vie d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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En 2020, les chanoines de l'abbaye de Lagrasse ont invité des écrivains à partager trois jours et trois nuits de leur existence.

La COVID a compliqué le scénario et finalement quatorze écrivains publient leurs témoignages. A noter que Boualem Sansal « athée en recherche de Dieu », n'a pu se rendre sur place « j'attends ce jour comme un fiancé attend de rencontrer sa promise » mais offre une belle réflexion sur l'Islam, que Michel Onfray semble avoir honoré l'invitation sans témoigner, et qu'il n'était pas nécessaire d'être chrétien ou catholique pour être sollicité comme le précise Jean-Paul Enthoven.

La préface de Nicolas Diat, les quatorze chapitres et la postface du Père le Fébure du Bus, ont nourri durant ce mois de janvier mes médiations et certains chapitres méritent lectures et relectures. Chaque contribution est riche de la diversité des écrivains, de leur rapport à la culture, à la religion, à la vie.

M'ont particulièrement marqué « La fondation » de Camille Pascal qui restitue la chanson de Rolland et la fondation de l'abbaye par Charlemagne … une épopée lyrique contée miraculeusement par une plume savoureuse.

« Les soldats de la grâce » de Jean-René van der Plaetsen interroge notamment sur la vocation de trois Saint Cyriens devenus religieux, à l'exemple de Charles de Foucauld.

« Le refuge » de Frédéric Beigbeder, témoignage poignant d'un noceur assumé, s'échappant de l'abbaye pour suivre un match de foot au bar local … Mais pas que !

« La résurrection » de Frantz-Olivier Giesbert évoque le siège d'Hippone en 430, observe notre actualité et conclut « Laisse pousser en toi les racines de l'amour » car c'est à chacun, par son comportement, de repousser la barbarie.

« Tolle lege, tolle lege » (prends et lis) de Xavier Darcos réfléchit sur la culture latine, la civilisation romaine, sa transmission grâce aux abbayes et sa disparition décidée par les idéologues et pédagogues commettant les réformes successives de l'éducation nationale.

Certaines contributions, dont celles de Simon Liberati, sont de réelles méditations de textes bibliques et exigent une lecture attentive.

Ces chapitres illustrent des approches diverses et variées le Lagrasse. Certains ont été attentifs aux religieux et à leur ouverture à l'extérieur (écoles, hôpitaux, paroisses) , d'autres à l'abbaye, certains à la lecture des Confessions de Saint Augustin fondateur de ce ordre religieux, plusieurs à la liturgie et au rythme immémorial des offices. D'où la richesse et l'originalité de cet ouvrage.

J'ai découvert ces chanoines il y a plus de quarante ans, sur les chemins vers Compostelle, à Moissac, quand le Père Wladimir constituait un premier noyau de religieux et j'ai été séduit d'emblée par la beauté de la liturgie. Depuis nous sommes passés plusieurs fois à Lagrasse mais l'âge et les distances étant ce qu'ils sont je ne sais si nous aurons l'occasion d'y retourner.

Cet ouvrage offre une belle rencontre avec cette communauté en pleine croissance, toujours accueillante aux pèlerins et touristes parcourant les Corbières.
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Une envie de sérénité avant les vacances : je me suis offert trois jours et trois nuits… dans un monastère ! Bon en vrai, j'aurais bien aimé mais par manque de temps, je me suis offert cette retraite par procuration, grâce à la littérature. Avec moi, une quinzaine d'auteurs a été invité à vivre une retraite de trois jours et trois nuits au coeur de l'abbaye de Lagrasse, en clôture, c'est-à-dire dans le carré VIP avec les chanoines. En retour, chacun d'eux a offert un texte que leur a inspiré cette expérience. A mon tour d'en commettre un retour.


La liste des auteurs est variée mais étonnamment, l'ensemble des écrits est plutôt homogène, et leur complémentarité rend l'ensemble harmonieux. Sur les quinze, seuls trois ou quatre m'ont paru plus hermétiques, principalement ceux qui décryptaient le plus précisément certaines paroles ou histoires bibliques. Je les ai trouvé moins accessibles et moins intéressantes car moins focalisées sur l'expérience personnelle de leur auteur. J'ai apprécié en revanche les contributions où les auteurs livraient beaucoup d'eux-mêmes, soit en anecdotes personnelles, soit en réflexions, émotions, observations et descriptions de leur expérience à Lagrasse. C'est ce que j'ai trouvé le plus intéressant parce que le plus généreux, le plus humain… Des qualités qui sont à l'origine de ce livre, puisqu'en échange de cette expérience, les auteurs reversent leurs droits aux chanoines de Lagrasse, pour la restauration de leur abbaye. Cette fois, vous ne culpabiliserez pas d'ajouter un livre à vos PAL !


Même si l'ensemble est homogène, je ne me suis pas ennuyée parce que chaque récit étant personnel, ils sont tous différents, évoquent un vécu et/ou un ressenti différent. Et puis les plumes et anecdotes sont savoureuses selon les auteurs. Allez, je le confesse ici : je connaissais très peu d'auteurs dans ce panel, mais avec certains je me suis régalée. J'ai trouvé Beigbeder particulièrement émouvant et drôle, dans son texte, alors même que je connais très peu l'auteur et encore moins la personne. On y retrouve aussi Sylvain Tesson, qui ne pourra s'empêcher de descendre le clocher en rappel, entrainant avec lui une poignée de frères ! Même le récit totalement historique de Camille Pascal, que je craignais de moins apprécier, est en réalité hyper enrichissant et joue un rôle très important dans l'enchainement des textes.


Mais si l'approche est différente selon les personnalités, on retrouve dans la plupart des textes des thèmes récurrents : la beauté de l'endroit et la sérénité que l'on y ressent, la crainte d'attaques terroristes, la bonté des chanoines, leur bonne humeur, le silence comme espace de pensée, l'importance de la liturgie et du mystère (du cérémonial comme de la langue utilisée pour les messes) dans l'attractivité de la foi, la langue latine comme approche poétique de la religion, des rapprochements avec la vie militaire, à laquelle ont d'ailleurs goûté certains auteurs comme certains chanoines ; le côté rassurant d'une vie bien réglée, et son efficacité pour retrouver du temps. Les confidences entremêlées sont intéressantes et donnent envie de faire l'expérience de cette humanité qui fait du bien, loin de l'agitation mercantile et de la course à l'individualisme du siècle. Et l'on y trouve quelques références littéraires à explorer.


Le calme, ainsi que la paix intérieure qui m'envahit dans ces lieux, m'ont toujours attirée. le silence m'y remplit, et je peux enfin entendre et ressentir toutes les émotions qui souvent crient et se bousculent, ignorées, remises à plus tard, quand on aura enfin ce temps qu'on ne prend jamais. C'est souvent un moment très intense, que j'ai éprouvé de nombreuses fois en m'arrêtant dans de tels lieux sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle. Je me suis toujours dit qu'un jour je m'offrirai ce genre de retraite même si, pour l'instant, l'occasion ne s'est pas encore présentée.


Pour l'anecdote, elle s'est en revanche présentée de manière inattendue pour l'une de mes meilleures amies : Très croyante, et ayant organisé son mariage presque entièrement, elle a laissé le soin à son mari d'organiser le voyage de noces contenant la FAMEUSE nuit de noces ; Depuis des mois elle me confiait, avec les yeux qui pétillent, ses tentatives de deviner où l'homme de sa vie avait décidé de l'emmener passer cette folle nuit… Vint enfin le moment fatidique de vérité et là… SURPRIIIIIISE !! Voyage de noce dans un… Monastèèèèère !!! Incompréhension de mon amie qui rêvait de sa nuit de noces, tandis que son mari était absolument convaincu de lui faire plaisir !! Résultat : nuit de noces en cellules, et dans le silence… L'histoire ne dit pas s'ils y sont restés trois jours et trois nuit, mais peut-être que vous, vous aurez envie d'en faire l'expérience avec ce livre ! L'avez-vous faite en vrai ?
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« Quand chacun des interlocuteurs vient de si loin, il faut du temps pour se comprendre. On s'écoute, mais on ne s'entend pas, ne fût-ce sur le plan du vocabulaire. Sauf pour ce qui touche les points sensibles en chacun de nous. En fin de compte, une rencontre authentique se situe toujours à un niveau plus profond ou plus élevé, ouverte sur l'infini. Par-delà les paroles, un regard, un sourire suffit pour que chacun s'ouvre au mystère de l'autre, au mystère toute autre. » François Cheng « L'Eternité n'est pas de trop »

Suis-je agnostique ou athée ? A mes yeux, cela n'a pas d'importance. Je suis une mécréante qui cherche la Lumière et ce n'est pas faute d'avoir prospecté. de temps en temps, mes pas me ramènent vers cette quête, j'éprouve toujours une attirance pour les lieux consacrés quels qu'ils soient, qu'importe l'Obédience, ils m'apaisent. Je me sens en communion avec ceux qui m'ont précédée, le temps n'existe pas. Etre touché par la grâce tel Eric-Emmanuel Schmitt dans Sa Nuit de Feu m'interpelle. Il se veut sans église, sans dogme, une très belle expérience.

Ce sont souvent des livres qui croisent mon chemin comme celui-ci qui, eu égard à mes lectures, me fut recommandé par Babelio. Les commentaires d'Aquilon62 et de Migdal m'ont motivée à partir en compagnie de ces quatorze écrivains et des moines sur les chemins de l'Abbaye de Lagrasse. Abbaye du pays cathare, née de la volonté de Charlemagne, j'entends « La Grâce », elle en a connu des vicissitudes, des destructions et des reconstructions jusqu'à l'arrivée de quelques chanoines qui mènent, entre ses murs, une vie de prière sous l'égide de la Règle de Saint-Augustin. La restauration a démarré en 2014 et comme pour toute rénovation, il faut de l'argent. Il a été convenu que le produit de la vente de ce livre reviendrait à l'Abbaye.

N'avez-vous jamais ressenti le besoin de vous isoler, loin de l'agitation extérieure et de ses tourments, l'impérieuse nécessité de vous retrouver face à vous-même, ce n'est pas une fuite mais plutôt un besoin de reprendre contact avec votre moi intime, de se recentrer. Il y a de très beaux endroits où se ressourcer mais pour avoir été en plein hiver, au moment des grandes marées, le Mont-Saint-Michel reste pour moi la halte idéale, propice à la méditation, pour demeurer seule avec moi-même.

Nicolas Diat nous offre une belle préface et le Père Abbé, Emmanuel-Marie le Fébure du Bus, conclut cette insolite mais féconde expérience qui a réuni une quarantaine de moines et quatorze écrivains aux croyances et sensibilités tellement différentes.

Les hôtes comme les invités ont tout partagé dans le silence de ce lieu consacré. Imaginez les moines glissant sur le sol carrelé au petit matin pour se rendre à l'office, tous vêtus de blanc, psalmodiant les prières, entonnant les chants grégoriens, la liturgie latine reprenant toute son épaisseur et son mystère, imaginez les invités, basculant dans un monde qui leur est tellement étranger, déjeunant d'un modeste repas, partageant le pain qu'il soit celui de l'officiant à la messe ou celui du réfectoire, sans un mot, concentrés sur la lecture du jour , attendant patiemment les échanges qui se font autour du café. Ils ne rencontreront que la Paix, l'amitié, l'écoute, des contraintes aussi qui viennent rompre avec l'immédiateté de notre vie moderne mais qui donnent toute l'intensité aux instants vécus.

Bien évidemment, certains d'entre les écrivains se questionneront sur la vie en communauté, après tout, les moines sont des êtres humains même s'ils sont parvenus à domestiquer leur égo, si leur être tout entier semble porter la lumière, il n'en reste pas moins qu'ils sont des hommes. Leur emploi du temps est intense et laisse peu de place aux aspérités, le rituel les relie. Les journées sont rythmées par les Offices (sept), la prière, l'étude, le travail manuel, le jardinage – j'ai beaucoup aimé la description du jardin et des essences diverses - les visites aux malades, les hôpitaux dans les services de soins palliatifs. Saint-Augustin veille sur eux, dans chaque cellule, ses confessions les rappellent à l'ordre. Il guide les frères dans sa vision de l'amour fraternel.

Ce livre représente la somme des différents dialogues ou écrits de chaque écrivain. Ils y ont apporté une part d'eux-mêmes, que ce soit l'athée qui humblement parle de son questionnement, que ce soit celui qui se réfugie derrière l'histoire de l'Abbaye pour éviter de se livrer, que ce soit le tourmenté comme Beigbeder ou Liberati ou la lucidité de Boualem Sansal, ce livre est très beau ! C'est le cheminement pendant trois jours d'hommes différents qui ne cherchent que la bienveillance en toute simplicité, dépouillés de leurs préjugés, sans jamais chercher à convaincre, C'est le dialogue – dias logoi – deux visions différentes qui se complètent et non qui se censurent, s'interdisent. Toutes les réflexions sont à savourer, à relire aussi. Certaines pensées m'ont particulièrement émue que ce soit par la beauté ou par l'humilité.

« Et penser à ces hommes agenouillés, m'aide à tenir debout » Frédéric Beigbeder

NdL : Pour @afriqueah, notre Francine dont je lis les mémoires, une page du livre s'ouvre sur une pensée de Saint-Augustin. J'aime ces clins d'oeil de l'Univers.
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Livre lu en 3 jours, coïncidence ? Peut-être ou peut-être pas ?

Tolle legge, tolle lege (Prends, lis ! Prends, lis !)
Saint Augustin (Confessions, VIII, 29) : "Je disais, et je pleurais dans toute l'amertume de mon coeur broyé. Et tout à coup j'entends une voix partie de la maison voisine, voix de garçon ou de jeune fille, je ne sais, qui chantait et répétait à diverses reprises : « Prends, lis ! Prends, lis ! » Et aussitôt, changeant de visage, je cherchai très attentivement à me rappeler si c'était un refrain en usage dans quelque jeu d'enfant ; et rien de tel ne me revint à la mémoire. Réprimant la violence de mes larmes, je me levai ; la seule interprétation que j'entrevoyais, c'est qu'un ordre divin m'enjoignait d'ouvrir le livre de l'Apôtre, et de lire le premier chapitre sur lequel je tomberais"

Intrigué par la couverture et le sous-titre de ce livre et de ce projet fou, j'ai pris et j'ai lu...

Tout d'abord pourquoi une citation de Saint Augustin car c'est dans le monastère de Lagrasse qu'une communauté des chanoines vivent sous la règle de Saint Augustin.
Une abbaye de 1200 ans bâtie avant Charlemagne et dominée par un clocher du XVIeme avec ses 4 gargouilles d'angle représentant la cupidité, l'orgueil, la concupiscence et le désunion. Les quatre tentations auxquelles on renoncé les chanoines en entrant à Lagrasse et qu'ils contemplent tous les jours comme pour se mesurer à elles.

Et c'est dans ce lieu que 14 écrivains tous aussi différents les uns que les autres ont accepté de passer 3 jours et 3 nuits venus chacun à leur tour.

Et il ressort 14 expériences différentes, des rencontres fortes,, des anecdotes savoureuses (celle de Sylvain Tesson est à son image) et pourtant :
Chacun a séjourné dans une cellule aux côtés des moines ;
Chacun a mangé avec les moines, en silence, à l'écoute de la lecture depuis un pupitre Chacun a participé au chapitre ;
Chacun a participé aux promenades, aux récréations, aux travaux ;

Et pourtant chacun livre un récit différent mais avec un point commun chacun de ces. textes reflètent des interrogations.
C'est certainement le point commun qui relie les auteurs à ces expériences vécues différemment.

Le parallèle entre le monde des écrivains et celui des chanoines est souligné par Xavier Darcos pour qui il existe une parenté invisible entre la fréquentation d'une abbaye et le miracle de la lecture. Un monastère est comme un livre. Sa porte d'entrée pivote sur des gonds, et nous passons d'un monde à un autre, comme la couverture d'un livre plie suivant la reliure, ouvrant à l'esprit de nouvelles perspectives.

Et d'ajouter : "Un monastère est comme un livre, car l'un et l'autre n'ont pas été écrits ou construits pour nous. Nous ne connaissons pas personnellement leurs auteurs ou leurs bâtisseurs, qui ont souvent vécu il y a des siècles. Et pourtant nous allons vivre, en séjournant dans un monastère comme en lisant un livre, une expérience personnelle et unique, qui ne ressemblera pas à celle d'un autre visiteur, comme ma lecture d'un livre pourra n'avoir rien de commun avec la lecture de mon voisin. L'ancienneté du livre n'est pas un obstacle, bien au contraire. Les plus grands et les plus vieux classiques sont les lectures qui peuvent le plus abreuver notre esprit d'aujourd'hui"

Et on referme ce livre avec le sentiment d'avoir vécu par procuration une expérience forte, inédite, et oh combien enrichissante...
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"Un monastère est comme un livre", écrit Xavier Darcos à la fin de sa contribution à cet ouvrage, "il existe une parenté invisible entre la fréquentation d'une abbaye et le miracle de la lecture... [La] porte d'entrée pivote sur ses gonds, et nous passons d'un monde à l'autre, comme la couverture d'un livre se plie suivant la reliure, ouvrant à l'esprit de nouvelles perspectives." (p. 331) Quatorze écrivains français, les uns connus, les autres intéressants, parfois les deux, ont fait un séjour de trois jours et trois nuits à l'abbaye de Lagrasse, près de Narbonne, et ont contribué par leur témoignage à cet ouvrage collectif.
*
Ce livre sera profitable pour des raisons culturelles, puisqu'on connaîtra des auteurs contemporains d'intérêt inégal, en de courts textes qui permettent au lecteur de satisfaire rapidement sa curiosité. Trois au moins de ces textes, dont celui de Xavier Darcos, retracent la longue histoire de la tradition latine et romaine dont procède Lagrasse, édifiée au temps de Charlemagne pour opposer à l'invasion islamique une "muraille de prières", prières selon la règle monastique de Saint Augustin et du Bréviaire latin. de façon générale, les réflexions sur la culture et sur ses liens avec le christianisme sont profondes et éclairantes.
*
Puisqu'il s'agit de vie monastique, l'ouvrage a une portée spirituelle : on y insiste beaucoup sur la vie quotidienne des moines, sur le sens spirituel de leur traversée du temps et de l'histoire, ainsi que sur leurs parcours personnels en quête de Dieu. Enfin, le séjour de ces écrivains à l'abbaye leur est souvent l'occasion de faire le point sur l'état de leur âme et de leur vie, de leurs certitudes ou de leurs doutes. Devant pareil exercice introspectif, le lecteur en fera autant, au contact de la tradition chrétienne ancienne, généreuse et profonde d'examen de soi, dont témoignent les Confessions de Saint Augustin.
*
Ce livre collectif paraît dans une France où des églises sont brûlées, des prêtres et des fidèles tués en raison de leur foi, dans l'indifférence et l'inertie des autorités, le silence des "grandes consciences" pharisaïques des médias. Il nous offre l'occasion de réfléchir à ce que deviennent historiquement notre nation, notre culture, et nous-mêmes, entre les mains de mauvais pasteurs. La chronique de Camille Pascal, troisième texte du volume, nous y invite aussi, en racontant la fondation de Lagrasse par Charlemagne de retour d'Espagne, en 778. En 2022, le produit de la vente de ce volume servira à la restauration du transept roman de l'église abbatiale, ravagée en 1792. A méditer entre ces dates, on prend conscience que la France n'est pas née en 1789 et que son message ne se réduit pas aux creuses "valeurs de la république".
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critiques presse (1)
LaCroix
12 janvier 2022
Leurs textes révèlent une diversité d’attentes, de sensibilités, de découvertes.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (71) Voir plus Ajouter une citation
Mais j'ajoute à mon bagage un autre volume. Un livre de Marcel Pagnol, et pas n'importe lequel. Il y a quelques années, les Éditions de Fallois ont eu la bonne idée de rééditer sa traduction des Bucoliques de Virgile - car Pagnol avait plus d'une corde à son arc, et sa Provence est fort latine.

En ouverture de cette réédition figure un texte où Marcel Pagnol raconte l’anecdote suivante : quelque temps après la parution de sa traduction de Virgile, il se trouvait dans le wagon-restaurant d'un train, sans doute entre Paris et Marseille. Un homme s'assied en face de lui pour déjeuner. La suite de la conversation révélera qu'il est viticulteur. L'homme, d'abord silencieux, le
regarde fixement, avec un air sérieux et même un peu dur. De toute évidence, le voyageur a reconnu Marcel Pagnol. Après un long silence, l'homme prend la parole et, sans préambule, lui dit gravement : « Si vous aviez scandé le vers, vous auriez vu que aeria, dans la première églogue, est un ablatif qui ne s'applique pas à turtur, mais à ulmo. » Surpris, Pagnol ne se laisse cependant pas désarçonner. Il répond au savant viticulteur que, dans la seconde églogue, on retrouve aeriae palumbes et que, de palombe à tourterelle, il n y a pas si loin. L'homme prend alors un stylo à bille et écrit le vers sur la nappe même du restaurant, le scande et ne veut pas en démordre : c'était un ablatif. Trois jours après ce voyage, Pagnol reçoit une lettre d'un industriel qui lui écrit pour lui faire exactement le même reproche. Ébranlé, Pagnol consulte alors le latiniste et historien Jérôme Carcopino, qui donne raison à l'industriel et au viticulteur du train Paris-Marseille.

Imagine-t-on pareille histoire aujourd'hui, à bord du TGV Paris-Narbonne ? Personne ne ma jamais entretenu de Virgile dans la voiture-bar ou dans l'un de ces insupportables « Club Quatre » dans lesquels on ne manque jamais d'être relégué par la SNCF, entre un voisin qui regarde une série sur un écran, un autre qui téléphone et celui d'en face qui sort son paquet de chips.

« Tolle lege, tolle lege » ; Xavier Darcos
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Dans le bréviaire romain, la journée, commencée par trois psaumes à matines et quatre à laudes, se poursuit avec le psaume 118. Beati immaculati in via qui ambulant in lege Domini : « Heureux les hommes intègres dans leurs voies qui marchent suivant la loi du Seigneur » ; Beati qui scrutantur testimonia ejus : in toto corde exquirunt eum : « Heureux ceux qui gardent ses exigences, ils le cherchent de tout cœur. »

La joie, la voie, la loi, l'étude, la recherche, le cœur : tout est dit sur la vie canoniale dans ces deux premiers versets du psaume sacerdotal par excellence. Quelques jours passés dans l'Aude et dans le grand calme de Dieu, en compagnie d'une trentaine de chanoines de l'abbaye de Sainte-Marie de Lagrasse, permettent de savoir, avec certitude, que ces six mots enveloppent toute leur vocation. Le psaume 118 est non seulement le plus long du bréviaire, mais aussi le plus fascinant.

Viendra tout à coup le trait divin qui fera son effet ; Sébastien Lapaque
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Si singulier que cela puisse paraître, un séjour à l'abbaye de Lagrasse ouvre le livre de notre histoire et me permet de retrouver la longue continuité du monde romain, de Virgile au bréviaire latin. « Retrouver sous les pierres le secret des sources », comme l'écrivait Marguerite Yourcenar.

C'est qu'il existe une parente invisible entre la fréquentation d'une abbaye et le miracle de la lecture. Prends et lis ! Un monastère est comme un livre. Sa porte d'entrée pivote sur ses gonds, et nous passons d'un monde à un autre, comme la couverture d'un livre se plie suivant la reliure, ouvrant à l'esprit de nouvelles perspectives.

« Toile lege, toile lege. » Désormais, pour se rendre à Lagrasse, il n'y a plus à hésiter sur le choix du livre à prendre et à lire : nous avons Trois jours et trois nuits.

« Tolle lege, tolle lege » ; Xavier Darcos
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Il y a là le père Benoît et le frère Êtienne, qui ont tous les deux éprouvé la rigueur militaire avant de connaître celle du monastère. Au total, trois chanoines sur quarante-deux. Soit près de dix pour cent de la communauté. Lorsque j'interrogerai un peu plus tard le père abbé sur cette statistique des plus baroques, il me répondra ces quelques mots pleins de sagesse et d'espoir : « Peut-être que le Seigneur va chercher plus volontiers ses enfants dans les familles de devoir que dans celles qui se décomposent. »

Je m'endors dans la cellule qui m'a été allouée en me disant que saint Augustin d'Hippone, saint Charles de Foucauld et saint Paul de Tarse étaient tous issus de familles ayant conservé le goût des rites et des traditions.

Les soldats de la grâce ; Jean-René Van der Plaetsen
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En haut d'un escalier minuscule en colimaçon de pierre, le chanoine me montra le paysage alentour, la rivière qui borde le domaine (l'Orbieu), les potagers et les amandiers, les oliviers et les vignes, la colline en face aux cyprès penchés, prénommée Carla, et le village médiéval, avec ses fenêtres ouvertes sur le vide. Je lui ai demandé combien de personnes s'étaient jetées du haut de cette tourelle. Il m'a répondu : « Seulement Sylvain Tesson, mais avec une corde de rappel ; et trois frères qui l'ont suivi courageusement. » II ne semblait pas spécialement choqué par ma gueule de bois. Je suppose que la plupart des personnes qui viennent spontanément effectuer une retraite spirituelle sont au bout du rouleau. Les gens épanouis ne demandent pas à s'enfermer au monastère. S'est-il aperçu que, en banalisant ma détresse, il venait de m'en débarrasser ? Je ne descendrais pas en rappel, mais je me souviendrais de ma descente.

Le refuge ; Frédéric Beigbeder
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Vidéo de Sylvain Tesson
Deuxième épisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'écrivain-voyageur, de passage à la librairie pour nous présenter son récit, Avec les fées, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'écriture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la façon dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation émaillée de conseils de lecture, de passages lus à haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu à la librairie.
Voici les livres évoqués dans ce second épisode :
Avec les fées, de Sylvain Tesson (éd. des Équateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie à coucher dehors, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac (éd. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invité : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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