« Je souligne que je ne veux rien avoir à faire avec l'état autrichien et je refuse (…) tout contact avec cet état autrichien, en ce qui concerne tant ma personne que mon travail, à tout jamais. »(
Thomas Bernhard)
A l'approche de la cinquantaine, dans un contexte d'isolement, il rédigera cinq textes autobiographiques, "
L'Origine", "
La Cave", "Le Souffle", "Le Froid" et "
Un enfant»,
Le premier : «
L'origine »
On pourrait dire, biographie,
Mais plutôt « anti autobiographie » car il révèle moins sa vie que des pensées sur sa vie.
« Je ne décris pas mes actes mais mon être ».
L'enfer de l'internat national-socialiste et aussi du bombardement de Salzbourg en 1944, puis, après la guerre, du même établissement transformé en institution catholique.
Les bombardements à Salzbourg et les fréquents séjours dans les galeries de défense passive.
Dans cet univers, même ce qui devait sauver la vie donne la mort.
Répétition lancinante des mots suicide, survie : suicide comme seul moyen de survivre à l'asphyxie du national-socialisme.
« Intellectuellement coincés entre le catholicisme et le national-socialisme nous avons grandi et nous avons finalement été broyés entre Hitler et
Jésus-Christ en tant que reproductions de leurs images, faites pour abêtir le peuple... le national-socialisme aussi bien que le catholicisme sont des maladies contagieuses, des maladies mentales et rien d'autre ».
Seul son grand-père a droit à son indulgence.
On pourrait dire, c'est un style :
Comme un long monologue véhément. Il ne cesse de ressasser ses exécrations jusqu'à les extraire de lui.
Thomas Bernhard opère comme une scie circulaire, creusant un unique sillon jusqu'à l'obsession, dans un crissement épouvantable.
Mais c'est plus :
C'est un moyen de survivre.
Il a été anéanti par Salzbourg, il deviendra son meurtrier dans l'écriture.
Cerné par la mort, il se met à écrire. « L'écriture devient sa vie ».
Pour ceux qui seraient lassés par ce qui peut paraître une logorrhée.
Lisez, écoutez sa poésie : «
Sur la terre comme en enfer »
« Une écriture, non pour lire et non pour mourir
Une écriture par-dessus l'herbe et par-dessus les morts
Une écriture par-dessus moi et une écriture par-dessus toi
Une écriture de mon froid impénétrable… »
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« ...Personne ne t'aime
et quand tu meurs
ils enfoncent ton mal du pays
et le rentrent dans la terre... »