J'ai choisi ce recueil plutôt que chaque livre séparé de Zweig (je les aime tous !), afin de parler d'une nouvelle en particulier : «
La peur ». C'est l'histoire d'une femme qui trompe son mari et devient la victime d'une maitre-chanteur. Dès lors elle vit dans
la peur : peur que son mari apprenne son infidélité, peur de perdre sa confortable vie bourgeoise, peur de revoir cette femme qui lui prend son argent et l'accable de son mépris. Mais en réalité elle a peur dès la première phrase, dès qu'elle sort de chez son amant. le chantage ne fait qu'incarner
la peur dans une figure maléfique. Et bientôt une deuxième figure contribue à l'ambiance de cauchemar : le mari d'Irène, avocat à la cour, chez qui elle croit déceler le regard sévère d'un juge. Pourtant il ne lui dit jamais ce qu'il sait, et la lectrice naïve que je suis se demande s'il est vraiment au courant de l'infidélité et à l'affut d'un aveu, ou si la femme est à la limite du délire d'interprétation…
Zweig décortique les sentiments mêlés de culpabilité et de honte, la remise en cause de ses choix de vie par Irène, et paradoxalement la naissance d'une affection nouvelle pour son mari, malgré
la peur, ou à cause d'elle. Il nous montre aussi le processus inexorable par lequel une personne s'enferme dans une émotion unique (qui pourrait aussi bien être la colère ou le chagrin), devient aveugle aux autres aspects de l'existence, et finit par se sentir acculée à un choix qui n'en est pas un. Je trouve le suspense psychologique aussi haletant que dans un roman policier !