Beaucoup de frustrations à la lecture de ce journal, où les périodes manquantes sont comme une béance; notamment la partie qui va de mars 1916 à novembre 1917, où, nous retrouvons S.Sweig ayant abandonné tout esprit de "bellicisme" pour se convertir au pacifisme de Romain Roland.
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Jeudi 22 octobre 1931 : Après des années d'interruption, je me suis soudain décidé à reprendre mon Journal. Les raisons : la prémonition que nous allons vers une époque critique, une sorte de belligérance qui exigera d'être consignée au même titre qu'autrefois les longs voyages ou la Grande Guerre. Je ne pense pas par là, ni me m'attends à un conflit armé, mais à des bouleversements internes, sociaux, chez nous peut-être un soulèvement fasciste, de la part de la de la Heimwehr. Quoi qu'il en soit, il est bon de s'exercer une fois de plus à la vigilance.
72 – [Le Livre de poche n° 13859, p. 327]
Faire la queue, cela réveille en nous le souvenir des temps qui de détresse, la famine, la conscription. Quand nous faisions la queue avant la guerre, c’était une joie, pour une jouissance artistique. On se mettait en file devant l’Opéra, devant un théâtre, rongeant notre frein, mais joyeux, brûlant d’impatience, l’attente même augmentait le plaisir, enthousiastes, nous nous rassemblions en une allègre cohue, jeunes gens, amis camarades, étrangers.
Nous n’y étions pas contraints, poussés par quelque nécessité.(...) Ce n’est que pendant la guerre, et après, que le monde à découvert cette humiliation, cette nouvelle forme d’attente dictée par la contrainte, la peur et la nécessité, comme on attend un interrogatoire, un jugement, et c’est pourquoi, chaque fois qu’on nous l’inflige, ne fût-ce que pour quelques minutes, s’éveillent au profond de moi-même la révolte et la colère.
Il faut apprendre l'art de vivre dans la torpeur, pour soi même et non pour son temps, lequel n'est que destruction de l’existence, entrave et non libération.
Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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