Avec Catherine Cusset, Lydie Salvayre, Grégory le Floch & Jakuta Alikavazovic
Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF
Quatre critiques de la Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment parus. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ?
Et vous ?
Au cours de cette soirée il devrait être question de Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L.) ; American Mother de Colum McCann (Belfond), le murmure de Christian Bobin (Gallimard) ; le banquet des Empouses de Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc).
À lire
Catherine Cusset, La définition du bonheur, Gallimard, 2021. Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, le Seuil, 2024. Grégory le Floch, Éloge de la plage, Payot et Rivages, 2023. Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Coll. « Ma nuit au musée », Stock 2021.
Lumière par Valérie Allouche
Son par Adrien Vicherat
Direction technique par Guillaume Parra
Captation par Claire Jarlan
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La branche émet un craquement pour s'excuser auprès de l'arbre de l'avoir quitté .
Certains pensent que l’amour est au bout de la route et que, si on a la chance de la trouver, on s’arrête. D’autres vous diront que c’est plutôt une embardée, un vol plané, et la plupart de ceux qui ont un peu de jugeote savent qu’il change au fil du temps. Selon l’énergie qu’on lui consacre, on le garde, on s’y accroche ou on le perd. Sauf que, parfois, il est absent dés le premier jour.
Pas à pas, nous trébuchons dans le silence, à petits bruits, nous trouvons chez les autres de quoi poursuivre nos vies. Et c’est presque assez. Tourne le monde sous nos pas hésitants. Cela suffit. Le vaste monde
Nous acceptons des choses qui ne sont vraiment pas pour nous. On fait comme si, on croit qu'on s'en débarrassera comme d'un manteau, et le manteau devient une seconde peau.
Les étoiles comme des clous dans le ciel - ôtez-en quelques uns et le noir s'effondrait.
Des heures et des heures de folie et de fuite. Une cité victime du vent et des voleurs. Entre des blocs, les courants d'air faisaient la météo, jouaient tout l'été avec les sacs plastiques et les vieux dans la cour, avec leurs dominos sous les détritus du ciel. Les sacs claquaient comme des fusils. À condition de regarder les ordures s'amasser assez longtemps, on pouvait dire exacrement d'où venait le vent. Faute de mieux dans le décor, les arabesques ailées, multicolores, ces grands huits dans les airs, ces hélices, ces spirales et ces tire-bouchons avaient peut-être un certain charme. Parfois un bout de sac s'accrochait au tuyau, rencontrait la clôture en chemin, alors il reculait de mauvaise grâce, comme si on l'avait mis en garde. Ou il s'effondrait les poignées arrachées. Pas d'arbre, pas de branches à orner.
Cette silhouette habitée, plaquée contre le ciel, une minuscule esquisse devant l’immensité. Un mince fil tendu entre les deux toits et l’avion par-dessus. Ses mains sous le balancier et l’espace au-delà.
La photo a été prise le jour du décès de sa mère, c’est notamment ce qui l’a séduite : le fait, tout simplement, qu’une chose aussi belle ait pu avoir lieu en même temps. Elle l’a trouvée, jaunissante, abîmée, il y a quatre ans dans un vide-grenier à San Francisco. Au fond d’un carton plein d’autres photos. Le monde finit par livrer ses surprises. Elle l’a achetée, fait encadrer et, depuis, elle la suit d’hôtel en hôtel.
Un homme là-haut dans les airs, tandis que l’avion s’engouffre, semble-t-il, dans un angle de la tour. Un petit bout de passé au croisement d’un plus grand. Comme si le funambule, en quelque sorte, avait anticipé l’avenir. L’intrusion du temps et de l’histoire. La collision des histoires. Nous attendons une explosion qui ne se produit pas. L’avion disparaît, l’homme arrive à l’extrémité. Rien ne s’écroule.
Ma mère aimait bien commencer ses histoires par un petit prélude :
- Il était une fois, il y a très longtemps, si longtemps que je n'étais pas encore là, et si je l'avais été, je ne pourrais être ici, seulement je suis ici et pas là-bas, alors je vais quand même vous raconter que, il était une fois, il y a très longtemps...
On a très peur de dire "je ne sais pas", pourtant quand on est tellement certain de soi on apporte au monde une étroitesse d'esprit.
[La grande librairie, 8 septembre 2021]
L'échec de son premier mariage est certainement celui qui le contrarie le plus. Cela n'a pas fonctionné, tout simplement. Ils avaient pourtant essayé, tous deux s'étaient accrochés, mais ce qui est brisé le reste. Les cendres ne font pas du bois.