AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Rachilde (169)


Si tu voulais… je t'apprendrais à griffer l'homme, l'homme qui tue les boeufs… l'homme, le roi du monde !
Commenter  J’apprécie          50
Ce n'était ni [un] chant guerrier franc, d'allure dansante, ni [un] cantique latin évoquant à la fois les douleurs de la vie et les peines éternelles, mais bien un fragment d'un ancien bardit gaulois, l'un des premiers hymnes druidiques constatant joyeusement l'immuable fatalité. On naissait, on mangeait, on buvait et on mourait. Fils de la terre on rentrait dans le sein maternel, lui rapportant fidèlement tout ce qu'on en avait reçu.
Commenter  J’apprécie          50
- La guerre... c'est l'amour, Harog ! Je voudrais voir couler du sang le long des murs, des ruisseaux de sang. Et tous les deux nous serions sur de beaux chevaux blancs dont les poitrails et les croupes se couvriraient de grandes lunes rouges. Du sang... des flammes, de belles flammes avec des enfants au milieu qui se tordent en appelant leur mère. (Elle sourit, plus doucement moqueuse.) L'amour c'est la guerre, petit berger ! J'ai rêvé de toi une nuit de printemps toute pareille, Harog. Tu m'enveloppais de la peau du loup féroce que tu as égorgé le jour de Noël, et tout mon corps blanc devenait écarlate. J'ai rêvé de toi...
Commenter  J’apprécie          51
Je rêve de mourir sans phrase et sans apparats grotesques, un matin du mois de mai, à la suite d'une vision douce traînant dans mon obscurité.
Commenter  J’apprécie          50
La chapelle, posée au bord de l'abîme, présentait un aspect de vieux bijou oublié, par hasard, le long de la balustrade. Ses sculptures grises, fines comme des dentelles dont les mouvements fous se seraient immobilisés dans une épaisse poussière, vous faisaient rêver de femmes avant de porter votre idée à Dieu.
Commenter  J’apprécie          50
"Voyons, monsieur l'abbé, ça ne peut pas exister des choses pareilles. Brûler toujours avec des diables ou chanter toujours avec des anges. Moi, ça ne me fait pas peur... Ça m'ennuie d'avance !"
Commenter  J’apprécie          50
- Tais-toi, Jacques ! supplia Mlle de Vénérande éperdue, tais-toi ! Je croyais t'avoir appris autrement ton rôle d'homme du monde !
- Je ne suis pas un homme ! je ne suis pas du monde ! riposta Jacques, frémissant d'une rage impuissante, je suis l'animal battu qui revient lécher tes mains ! Je suis l'esclave qui aime pendant qu'il amuse ! Tu m'a appris à parler pour que je puisse te dire ici que je t'appartiens !... Inutile de m'épouser, Raoule, on n'épouse pas sa maîtresse, ça ne se fait pas dans tes salons !...
Commenter  J’apprécie          50
Soleil !... O soleil des pauvres garces, ô soleil des pauvres hommes ! Villes d'amour échelonnées le long du voyage de notre misère, escales où s'arrêtent nos désirs, port béni où nos virilités s'ancrent si éperdument qu'elles ramènent des cadavres à la surface quand on les force à se retirer...
Commenter  J’apprécie          50
Ce vent nous fournissait, d’ailleurs, tous les agréments d’une bataille en règle. Notre grue d’arrimage cassa par le milieu, et il me fallut grimper aux échelons extérieurs pour en ficeler les deux morceaux. Cette épissure me prit toute la journée pendant que le vieux me criait, du bas, des gros mots de vieille femme furieuse, gueulait comme la mouette à travers les tempêtes. Je savais bien qu’il devait cacher plus d’expérience que moi ; pourtant, j’aurais voulu l’y voir, son expérience, sous la rafale, avec des coups de fouet de la corde restée libre qui me brisait les reins, avec les douches salées qui m’inondaient la bouche et les yeux, un pied recroquevillé entre deux crampons de fer, lesquels devenaient brûlants tellement je les serrais dans ma plante douloureuse, un bras tenant le mât et l’autre outillant pour presser les uns contre les autres les anneaux du filin. Je n’y voyais pas, je n’entendais plus, je me sentais tourner autour du phare comme un oiseau cherchant à se rôtir définitivement aux feux de ses lampes.
Commenter  J’apprécie          40
Il y avait un lion dormant sur ses deux pattes croisées, ses paupières noires baissées, qui devait être terrible, vu au crépuscule, car il ne paraissait vraiment qu'endormi. Des armes se croisaient au-dessus ou au-dessous de ces têtes mortes, des armes sauvages, curieuses.
Par terre un tapis de Smyre rouge, d'un rouge groseille, vineux, aux dessins violâtres, presque noirs, étalait une mare de sang ou de vendange qu'on foulait avec une certaine appréhension des rejaillissement possibles.
Et des meubles noirs, tout étincelants de ferrures ouvragées, d'incrustations d'or ou de nacre,, rutilaient dans l'ombre des angles ou des draperies.
Des colonnes d'ébène cerclées de bronze, d'argent, de bracelets de marbre, portaient des idoles bizarres, depuis le traditionnel bouddha, levant deux inflexibles doigts, jusqu'au dieu-serpent des Océaniens, branchu et touffu comme un arbre.

Page 68 (description de la chambre d'Eliante)
Commenter  J’apprécie          40
Cette chambre, vaste et sombre, avait un air de temple.
Les fenêtres donnant sur le jardin, étaient au nombre de trois, jaunes et ovales comme des pierres précieuses, des topazes taillées à facettes larges comme des vitres, elles ne donnaient point de jour, mais du soleil, qu'il y eût ou qu'il n'y eût pas dehors, une espèce de soleil trouble mêlé d'une fumée d'incendie.
Sur les murs de longues peaux de bêtes pendaient, encadrées par des bandes claires de drap d'or, une étoffe épaisse moitié soie, moitié métal, qui lançait des rayons aigus dans les fourrures et les lustrait d'un reflet flambant. Lions et panthères, ours bruns et ours noirs, alternaient, présentant chacun leur tête au centre du panneau, des têtes bien mortes, aux yeux clos, aux gueules fermées, ne perdant pas leur expression naturelle à montrer les horribles crocs artificiels des descentes de lit pour rastaquouères.

Page 67
(début de la description de la chambre d'Eliante)
Commenter  J’apprécie          40
Un soir, je vins guetter en compagnie de mon ancien. Nous fumions nos pipes sous la pluie, n’échangeant point nos pensées, car nous n’en possédions guère de nouvelles. Il ruminait son alphabet, probablement; moi, je comptais les jours à tirer avant la prochaine sortie de ce purgatoire. L’eau du ciel nous ruisselait dans le dos, sur les bottes, imbibait nos habits comme des éponges; on en avalait des pintes malgré soi rien qu’à sucer son tuyau de pipe, la fumée bleue se transformait en buée grise, on fumait de la pluie, quoi !
La lumière du phare tout flambant neuf, remis au point par une grosse provision d’huile, se changeait en une espèce de vapeur jaune, sulfureuse, assez semblable à la lueur des locomotives pénétrant, panaches rabattus, sous un tunnel. Les lames moutonnant dans cette lueur diffuse prenaient des tons de bitume, et ce n’était pas drôle.
Moins drôle encore fut l’épave qui nous arriva, portée de rouleaux en rouleaux d’encre, toute livide au milieu de ce crépuscule maudit.
– Une tête ! Patron… Là, du côté de la « Baleine »… Un noyé, patron !
– Laisse venir ! qu’il répondit tranquillement.
Je sentis que l’eau de l’averse me coulait plus fort dans le dos.
C’était un homme; presque assis sur la mer, une ceinture de sauvetage le maintenait flottant. Il allait en chemise, la poitrine gonflée, gras à crever, le front en arrière, les cheveux collés, ses yeux morts regardant encore très fixement quelque chose au loin, sa bouche grande ouverte continuant à pousser le cri qui ne sortait plus… Celui-là était fini depuis huit jours, car il montrait des tâches de moisi sur la peau, l’air comme truffé.
Il passa, tourna, valsa, nous salua bien honnêtement, et tout en évitant notre harpon, il fila, « ventre à la mer ».
– Ils sont avancés ! que murmura Barnabas bourrant une autre pipe.
Puis il vint une tonne, mais elle se fendit contre la première dalle et s’abîma.
Ensuite, il vint des cordages, un bout de mât, des boîtes de conserves. Nous en prîmes une où il y avait des mots anglais. C’était des haricots verts (je savais un peu ces mots).
Et un autre noyé; celui-là, un marin étendu tout habillé sur une table, le front caché dans ses bras. On aurait juré qu’il dormait.
Je rentrai un moment au phare pour inscrire… les passants. Quand je me ramenai vers le vieux, je poussai un cri d’épouvante. Il en passait une bande, des hommes qui se nouaient les uns aux autres, un radeau de corps morts, des tas de jeunes hommes, une sorte de pensionnat de gens tous habillés pareils, pressés, tourbillonnés, une foule de nageurs allant vers la terre, car, vraiment, c’était bien l’heure de rentrer.
Le dernier traînait sa tête au bout d’un filin rouge qui lui sortait du cou.
Je restai là planté, la gorge serrée, le harpon tendu.
– Mais qu’est-ce que nous pouvons y faire, nom de Dieu, qu’est-ce que nous y pouvons ? que je répétais, ne sachant plus ce que je disais.
– Rien ! Y sont tous remontés du fond, excepté celui de la ceinture, répliqua le vieux philosophiquement. Oh !… Ils en ont tous, des ceintures, ça les aide à mieux se sentir crever ! Quand on coule à pic, c’est fini tout de suite. Avec leurs garces de ceintures, ils espèrent, ils gueulent, ils se démènent… Jamais ça ne les sauve. J’en ai vu un passer vers la pointe qui remuait encore, un jour d’il y a trois ans. il a tellement remué qu’il a chu la tête en bas durant que ses jambes se raidissaient en l’air. Les noyés, c’est si bête ! Quand ils s’arrêtent le long de la « Baleine », ils verdissent là, au soleil, jusqu’à la prochaine montée des vagues. Le flot les reprend, les roule, et ils redescendent pour chercher les bons courants. Cette fois, la fournée s’amène au grand complet. C’est des tas de gens riches, des passagers de première : les matelots sont dorlotés jusqu’au moment final; on a pourvu tout le monde de sa belle couronne d’enterrement… Et ça leur procure l’agrément du grand voyage. Les matelots sont plus libres dès que la petite classe est à la trempette. À preuve, hein ?… Nous n’en avons vu qu’un ? Et je parie qu’on ne reverra pas de marin, au moins ce soir.
Commenter  J’apprécie          40
Elle était beaucoup plus tranquille au fond du sanctuaire de son juge que dans son lit de jeune fille. Environnée d'une discrète odeur d'encens, elle reposait comme l'idole véritable qui est rétablie à sa place primitive, le genou sur le coeur du prêtre et le pouce à la gorge du Christ.
Commenter  J’apprécie          40
Mes lèvres conservent le singulier goût de fruit de votre bouche, et la saveur amère de votre salive se perpétue sur ma langue, me faisant trouver fade tout ce que je mange, m’écœurant puisque rien n'est aussi bon que votre amour.
Commenter  J’apprécie          40
Cette femme laissait traîner sa robe derrière elle comme on peut laisser traîner sa vie quand on est reine. Elle quittait la salle flambante, emportant sa nuit, toute drapée d'une ombre épaisse, d'un mystère d'apparence impénétrable montant jusqu'à cou et lui enserrant la gorge à l'étrangler. Elle faisait de menus pas, et la queue d'étoffe noire, ample, souple, s'étalant en éventail, roulait une vague autour d'elle, ondulait, formant les mêmes cercles moirés que l'on voit se former dans une eau profonde, le soir, après la chute d'un corps.
Commenter  J’apprécie          40
Jadis, on faisait l'amour avec des contes et on employait des moyens plus longs que ceux dont nous usons actuellement. Il y avait des tournois, on chantait le rondel. Des reines, avec des manteaux traînants, jetaient l'échelle de corde. Des pages, en capes relevées , se suspendaient à cette échelle ; et avant d'arriver on avait toujours le temps d'accorder sa mandoline.
...
Aujourd’hui, nous faisons moins l'amour que l'amour ne nous défait. Nous sommes pressés, nous voulons en finir. Il y a les femmes du mondes qui donnent une heure et les femmes des rues qui vendent la moitié d'une heure.
Nous n'avons plus le temps d'accorder notre instrument.

(Avant-propos de l'auteur)
Commenter  J’apprécie          40
Le mystère se levait autour d'eux, surgissait lentement dans les ombres de la nuit développées par les arbres géants. On était bien loin des villes, des basiliques et des palais. A quoi pouvait donc leur être utile leur foi déjà presque morte, étouffée par la superstition, toutes les anciennes croyances aux dieux de la Gaule ? Les eulogies, la charité chrétienne suffisaient-elles à nourrir les pauvres, alors que des guerres perpétuelles ensanglantaient les cités et les champs ? [L]es princes francs ne songeaient qu'à leurs querelles et ils avaient assez de s'occuper de leurs propres défense. A quoi leur servirait, maintenant qu'ils se connaissaient quatre rois, leurs prières pleurardes sur les parvis des églises, dans les cours des monastères ? Deviendraient-ils rois ou dieux à leur tour ? Non, rien ne leur arrivait de bon ! Alors que des miracles s'accomplissaient pour les grands de la terre, jamais ils n'obtenaient la guérison de la moindre plaie ? Et quand les riches abbayes se fermaient à l'heure du repos on les chassait parce qu'ils ne se retenaient point de voler des fruits au verger, un agneau à l'étable. Mendiants ou malfaiteurs, cela devenait tout un durant ces temps de famine, et on parlait de certains faux moines qui logeaient à l'ombre des tombeaux des martyrs pour en soustraire les ornements sous prétexte de baiser pieusement les reliques. Ils seraient toujours confondus avec les criminels tôt ou tard. Mieux valait se recommander à tous les dieux qu'à un seul saint.
Commenter  J’apprécie          40
Nous nous armerions de baguettes fleuries que nous serions encore certains de vaincre.
Commenter  J’apprécie          40
Il me semblait que, pour toute mon existence, désormais, je serais pareil aux bêtes rampantes, que je verrais de bas en haut les choses, les gens, le ciel ! Toute la vie à traîner mon regard désolé dans les ordures ! Toute la vie à découvrir les saletés sur lesquelles on marche, d'ordinaire, d'un pas alerte et joyeux ! Toute ma vie à constater les pieds sales du voisins, le crachat des uns, les loques pourries des autres, les trognons de choux s'égarant dans la belle nature !... Toute la vie à souffrir, en ruant, du vilain, du détail obscène ou grotesque. Mes pupilles se dilataient, s'emparaient de tous mes traits, je voyais par le front, par le nez, par la bouche, par la gorge. Et je ne définissais pas mes sensations, j'étais des yeux épouvantablement ouverts sur le rut de ces deux créatures si répugnantes, je n'étais plus que des yeux s'aiguisant comme des poignards, allant jusqu'à toutes ces chairs nues pantelant devant moi, car, spectacle inoubliable et atroce, ils s'installèrent en travers de la table, cette longue table de chêne qui réunissait les énousilleurs des veillées laborieuses.
Commenter  J’apprécie          46
Laure, dès le mois d'avril, aux premières nuits tièdes, recommença ses vagabondages sur les toitures ; elle profitait du vertueux sommeil d’Henri pour se lever avec la lune, et allait courir dans ce qu'elle nommait son jardin. Bizarre jardin, planté de tuyaux de tôle, fleuri de girouettes, solitude effrayante où soufflait une bise enragée, désert de pierre dont les folles herbes étaient représentées par le hérissement de la ferraille et les rugosités des tuiles, formidable pays dont elle devenait la reine à l'heure des chevauchées félines.
[…]
Lion l'escortait fièrement, jouait à cache-cache derrière les cheminées ; folâtrait sur les glissoires du toit de verre et suivait ses chattes qui, quelquefois, le menaient loin. Alors la jeune femme s’étendait de tout son long, en bâillant d'angoisse nerveuse. Elle prenait un véritable bain de rayons blancs, se tournant et se retournant dans la fraîcheur stellaire comme dans une onde où se serait mollement défilés des colliers de perles. Elle regardait la ville obscure du haut de sa terrasse fragile, avec le dédain qu'ont certains petits enfants pour les trop grands objets qu'ils savent ne pouvoir porter de leurs deux mains.
Commenter  J’apprécie          40



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Rachilde (202)Voir plus

Quiz Voir plus

La Tresse

Quel est le nom de la femme indienne qui est une intouchable ?

Giulia
Smita
Sarah
Julia

15 questions
202 lecteurs ont répondu
Thème : La tresse de Laetitia ColombaniCréer un quiz sur cet auteur

{* *}