AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de André Dhôtel (617)


– Le beau temps, dit l'abbé. Mais il fait lourd et un changement ne tardera guère.
Jacques saisit l'occasion de prononcer encore quelques mots à propos du temps. Ils sortirent de l'église.
– Croyez-vous, dit l'abbé, que dans ma cour les cerises vont mûrir bientôt?
Il ne serait donc jamais question de l'essentiel ? Pourtant l'abbé devait savoir ce qui concernait Viviane. Et il ne disait rien. Il ne fallait rien dire.
Jacques parla de la flore curieuse de la Saumaie. L'abbé lui apprit où il trouverait certaine graminée rare, dont Jacques d'ailleurs se fichait.
Lorsque Jacques s'éloigna, il descendit vers le ruisseau, monta la côte et repartit à travers champs et à travers bois.
Le silence de l'abbé. Oui, l'abbé savait faire comprendre qu'il fallait tout ignorer jusqu'à ce que le monde change. Que cet espace où ils vivaient lui et Viviane devienne tellement enchanté qu'on n'ait plus la moindre idée de ce qui fait la vie.
Le monde allait changer, c'était sûr. « Trop bu ce matin », songea-t-il. Pourtant il mourait de soif. Il revint à la maison bien avant midi ce jour-là. Le monde allait changer.
Commenter  J’apprécie          30
En fin de compte qui était Viviane ? Que venait-elle faire sans cesse dans la Saumaie, avant son mariage ?
Chaque soir, en la retrouvant à Charleville, Jacques s'efforçait d'oublier les circonstances. Viviane pendant le jour faisait des promenades à bicyclette, et elle ne semblait jamais s'ennuyer. Elle lui parlait de ce qu'elle avait vu dans la ville ou dans la campagne avoisinante. Alors il oubliait tout à fait Bercourt et les potins du lieu.
Il demeurait tout étonné par la simplicité de Viviane. Il la traitait en enfant, ainsi qu'il l'avait décidé. Mais il ne parvenait pas réellement à pénétrer sa pensée. Elle aurait dû, lui semblait-il, manifester quelque ennui d'avoir été éloignée de Bercourt et de la Saumaie. Pourquoi cette patience rayonnante ?
– Comprends-moi bien, lui dit-il un jour, je t'aime plus que tout. Je voudrais que tu ne me caches rien de ce qui te préoccupe. Regrettes-tu la Saumaie ? Enfin tout ce que tu me dirais ce serait pour moi un bonheur, quoi que ce soit, tu m'entends bien, quoi que ce soit.
Elle souriait et disait :
– Tu es un savant.
– Est-ce cela qui t'embarrasse ?
Commenter  J’apprécie          30
Viviane eut bien sûr l'occasion de se rendre à la pharmacie, mais ce fut à la poste que Jacques Soudret la remarqua soudain. Elle se montra d'ailleurs assez hostile à son égard. Comme il lui avait présenté son stylo, parce qu'elle ne parvenait pas à écrire avec l'espèce de crayon attaché au pupitre des formules, elle refusa nettement et se sauva. C'était une conduite assez surprenante. Jacques ne manqua pas de s'enquérir à son sujet, et il lui parla une autre fois au bureau de tabac.
– Vous avez fait tomber une pièce de monnaie, lui dit-il en ramassant la pièce.
Elle le remercia avec gentillesse et il crut pouvoir entamer une conversation. Il pleuvait à verse.
– Un bien mauvais temps pour faire des courses, reprit-il.
Elle le regarda avec étonnement, et dit :
– J'aime la pluie.
Elle avait parlé sur un ton amical mais avec un accent qui marquait bien qu'elle considérait que Jacques devait demeurer pour elle un inconnu et qu'elle se refusait toute familiarité. Aussitôt elle lui tourna le dos et sortit du magasin sous la pluie battante.
– Elle aurait pu attendre la fin de l'averse, observa la buraliste. Une averse ça ne dure pas longtemps au mois de mars.
Il y eut ainsi plusieurs rencontres sans signification. Quand il arrivait que Jacques la servît à la pharmacie, elle regardait ailleurs. Il la retrouva un jour à Hersigny.
Commenter  J’apprécie          30
Rosalie Aumousse occupait le poste d'institutrice à Mauterre. Si elle était une fille savante et inaccessible, il ne s'en souciait guère. On n'avait peut-être pas trop de considération pour elle dans le pays. Certains la disaient dépourvue de moralité et originale.
Un simple mensonge.
À ses yeux elle traversait la vie avec des pensées plus belles que les nôtres. Il ne cherchait jamais à lui parler, heureux et sans voix quand il la rencontrait par hasard en dehors de ses tournées.
Qu'aurait-il pu conter ? Que lui ne saurait faire autre chose que distribuer le courrier de porte en porte ?
À Rosalie il remettait des journaux, des livres et sans doute des lettres d'amour.
Parfois il cherchait encore dans son sac, comme s'il y avait laissé quelque correspondance pour elle tout au fond. Elle demandait : « Quoi ? Un prospectus ? une réclame ? » Il répondait : « Non, rien de rien. J'avais cru. » Puis il s'en allait, songeant à une lettre qu'il ne lui écrirait jamais. Jamais.
Commenter  J’apprécie          30
- J'ai vu un homme qui nous suivait, dit Célestin, en relevant la tête.

Quand on se promenait, il arrivait souvent que Célestin prétendît apercevoir quelques passants qui marchaient dans les landes non loin d'eux et qui les accompagnait à une certaine distance. C'est un sentiment commun dans la solitude que celui d'une présence, mais Célestin avait le bénéfice de voir ce que personne ne voyait. Sa faiblesse sans doute en était la cause, pensait Sylvestre. Célestin demandait si le Christ pouvait ainsi venir en passant.

- Il y a bien des choses étranges, murmurait Sylvestre. Personne ne prêtera jamais attention à ce que nous pourrions voir ou conter, toi et moi. Pour ma part je pense quelquefois que les arbres m'ont parlé dans ma jeunesse.

Ainsi on était comme en vacances avec la crainte qu'elles ne finissent, et on se hâtait de saisir les occasions de rêver. Un merle se mit à siffler, alors qu'on se reposait dans la clairière du bosquet. Les merles ont un langage différent selon les pays, et celui-là avait trouvé sur le thème habituel des merles un arrangement qui faisait une chanson tragique. On regarda les branches qui plongeaient dans le ciel. Tout à coup le merle s'arrêta et on entendit des souliers qui raclaient les cailloux.

On devenait superstitieux selon un mode nouveau qui vous surprenait. Depuis longtemps Célestin et Sylvestre étaient prêts à considérer le moindre événement comme un signe. Mais maintenant c'était pis. Le destin avait pour ainsi dire des mains et des jambes. Le moindre passant prenait l'air de s'être frotté tant soit peu à la police de la terre ou aux anges du Seigneur. Surtout le destin avait des regards qui vous fixaient du fond du ciel ou dans l'entrelacs des haies. On ne se l'avouait jamais. En même temps le monde n'en paraissait que plus désert et plus abandonné, parce que de telles croyances se perdaient dans l'infini et qu'on y pouvait rien.
Commenter  J’apprécie          30
Et si les instants d'un être surprennent c'est moins parce que cet être change que parce qu'il s'entête curieusement et imprévisiblement à ne pas changer ou bien à être toujours autre que ce qu'on le croit.
Commenter  J’apprécie          30
Alors , elle se mit à sourire et , cette fois , pour lui. Un sourire qui le baigna tout entier et qu'il n'oublierait jamais , et qu'il ne reverrait jamais ...
Commenter  J’apprécie          30
Alors ils s'accrochaient l'un à l'autre , et ils apprenaient que la vie cela consiste à recoudre les sentiments et ainsi tous les instants qui ne sont rien que des instants jusqu'à ce qu'on ne sache même plus ce qu'on a cousu ou recousu.
Commenter  J’apprécie          30
Moi-même, j’ai le bonheur de ne pas me connaître, et je puis marcher sans fin à travers les labours de novembre, bouleversé par l’odeur des flores qui fermentent, me rappelant des faits que personne n’a divulgués
Commenter  J’apprécie          30
Mathilde cependant se montrait bien différente des siens. Une intelligence vive brillait dans ses yeux, cette sorte d'intelligence qu'expriment aussi les regards des chats, avec une paix et une malice lointaine.

[André DHÔTEL, "Les mystères de Charlieu-sur-Bar", éd. Gallimard, collection "Blanche", 1962 – page 52]
Commenter  J’apprécie          30
Hélène mena une vie régulière, disciplinée, et pourvue de tous les conforts qui favorisent le développement de l'intelligence et du corps.
Commenter  J’apprécie          30
Elle était maintenant appuyée au rocher. Les mains jointes. Elle baissait la tête. Il l'appela, et elle leva les yeux.
– Qu'y a-t-il ? Que fais-tu là ? demanda Maximin.
– Je prie parce que je voudrais travailler au bazar de Verziers. J'aime tellement le bazar de Verziers.

[André DHÔTEL, "Les Disparus", chapitre XIV, Gallimard, 1976 – réédition Phébus, collection "libretto", 2005, page 293]
Commenter  J’apprécie          30
[...] ainsi Maximin s'avançait dans le chemin du camping. Il se demandait bien ce qu'il allait faire de ce côté. Sans doute c'était par acquit de conscience, pour qu'il soit dit qu'il veillait sur les installations.
– Pardon, monsieur ?
Une voie féminine, ferme et décidée. Devant lui une demoiselle entre vingt et trente, vêtue d'un pantalon bleu, d'une chemisette bleue, et qui portait sur le nez des lunettes bleues.
– Pourriez-vous m'indiquer le bourgmestre, s'il vous plaît, reprit-elle.
– Le maire, dit Maximin. Vous êtes belge, sans doute ?
– Je suis grecque. J'ai fait mes études en Allemagne.
– Ivi Vroulis, si j'ai bonne mémoire.
– Vous me connaissez ?
– Pas du tout, dit Maximin.

[André DHÔTEL, "Les disparus", chapitre VIII, 1976 - réédition Phébus (2005), coll. "libretto" page 158]
Commenter  J’apprécie          30
Tout de même, il y avait eu dans le passé récent le signe d'un avenir vraiment impossible, comme le rappel d'un rêve aussi enfantin que la bille de verre et qu'il n'aurait pas encore su deviner. Et il fallait deviner à tout prix. Voilà pourquoi il regardait la prairie.
Commenter  J’apprécie          30
Mais quelles que soient les aventures nouvelles qui nous attendent en compagnie d'un cheval pie traversé par la foudre, JAMAIS NOUS NE QUITTERONS LE GRAND PAYS.
Commenter  J’apprécie          30
Il devait alors y avoir plusieurs clés, des petites et des grandes. Pour les petites il n’v avait plus rien à faire, on le lui répétait : il avait trop de retard et il ne résoudrait jamais les problèmes d’arithmétique. Sa seule ressource aurait été de trouver une grande clé qui lui permît de résoudre une grande énigme, laquelle devrait en un instant révéler les résultats de toutes les additions et multiplications et divisions particulières.
Commenter  J’apprécie          31
Avant de nous promener sur les routes, Martinien, il faut nous envelopper d'éternel. On dit que c'est la chose la plus simple du monde. Mais nous avons réservé notre enthousiasme pour le vent, l'amitié du jour, le bruit des volets qui s'ouvrent. A notre tour nous allons inventer la vie, prêtes à déplorer nos erreurs et à pâtir, et cependant heureux de retrouver toujours sur l'asphalte le reflet fidèle de l'immobilité des cieux.
Commenter  J’apprécie          30
Elle – Dorothée Mériaux – appartenait tout entière au domaine de la forêt, comme un chevreuil qui est né dans la forêt. Elle n'avait pas besoin de chercher un passage entre les branches. Elle comprenait de façon instantanée où elle devait aller, et elle se glissait en silence et avec insouciance. Elle devinait tous les êtres qui se cachaient ou se dérobaient dans les alentours, vipères, lièvres, hérissons, hermines. [...] Maintenant elle ne cherchait plus à les surprendre, elle vivait avec eux.

[André DHÔTEL, "Les lumières de la forêt", lecture suivie, cours moyen première année, éditions Fernand Nathan, 1964, page 310] (extrait de l'article "La traversée de la forêt", cité par Marie-Pierre MEYNET-DEVILLERS, "Les lieux d'André Dhôtel", "Cahiers André Dhôtel" n°4, publication de "la Route inconnue, association des amis d'André Dhôtel, année 2006, page 103)
Commenter  J’apprécie          31
‒ Votre nièce, avança Emilien.
‒ Fabienne ? On la verra un de ces jours. Elle fait un peu sa mijaurée. Vous la connaissez ?
‒ Je lui ai parlé deux ou trois fois quand elle était à Paris.
‒ Les institutrices, assura Mme Desterne, on ne sait pas ce qu'elles pensent.

[André DHÔTEL, "L'azur", 1968, Gallimard ‒ réédition collection "folio", 2003, 336 p., page 52]
Commenter  J’apprécie          30
‒ Avec quoi t'iras jusque-là ? gronda Ludovic.
‒ J'ai une corde, souffla Jérôme.
‒ Allons-y, dit Ludovic.
‒ J'ai peur, dit Jérôme.
‒ Nous voilà frais, dit Ludovic.

[André DHÔTEL, "Le pays où l'on n'arrive jamais", 1955, Pierre Horay éditeur, réédition J'ai Lu (1996) : page 93] (extrait choisi par Brigitte Buffard-Moret en son article "Voix étrange, voix familière : un conteur nommé Dhôtel" de l'ouvrage collectif "Lire Dhôtel", pages 83-101, sous la direction de Christine Dupouy, Presses Universitaires de Lyon, 2003, 190 p.)
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de André Dhôtel (1807)Voir plus

Quiz Voir plus

le pays où l'on n'arrive jamais

Quel est le nom du personnage principal ?

Hèlene
Gaspard
Lou
Gérard

3 questions
8 lecteurs ont répondu
Thème : Le Pays où l'on n'arrive jamais de André DhôtelCréer un quiz sur cet auteur

{* *}