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Critiques de André Malraux (276)
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L'Espoir

Je n'ai jamais vu Guernica (le tableau, pas la ville) "en vrai", mais ce qui m'a frappé en premier c'est la largeur, l'étirement de la toile, qui met en tension tous les éléments à l'intérieur. Et dans ce "roman", c'est un ressenti similaire. Il y a plein d'éléments étranges, bizarres, violents, foutraques, disparates, drôles, durs, intelligents, moralisants, démoralisants et tout ça est étiré, étiré en largeur. Pas de longueurs, non de la largeur qui me donne l'impression que tout cela est en bandelettes, des collages bandelettes où rien en soi n'est si profond que ça, ni approfondi, mais ce collage prend de la densité au fil des pages...

Certes, les personnages ne sont pas pour ainsi dire attachants, sont-ils faits pour ?, je ne crois pas. Ils sont parfois des caricatures, mais il faut bien comprendre aussi que dans une guerre, il est probable que s'étirent les personnalités, les sentiments aussi... Je ne sais pas.



Ce qui est épatant, mais vraiment épatant, c'est que ce "roman" a été écrit quasiment en simultané avec le vécu de Malraux. 1937 ! Alors pourquoi ne pas en avoir fait juste un témoignage, comment ou pourquoi romancer une réalité vécue... Besoin de prendre une distance ? Alors qu'il est évident que son histoire, "L'Espoir", au final est un cri désespéré. Parce que la réalité qui suivra sera une cuisante débâcle. Les fascistes ont gagné. Espoir vain.



Malraux n'a-t-il jamais voulu écrire une suite ou un post-espoir un peu plus tard dans sa vie ?... Vraiment étrange, tout ça.



Sinon ce livre n'est pas un livre facile, mais il est impossible que certaines des bandelettes (du cadavre, de la momie de l'espoir) ne vous touche pas un peu.

Il y en a de délicieusement cocasses, dans cette constitution de résistants malhabiles, ridicules, mal fagotés, mal organisés... (C'est assez pathétique, notez.)

Il y a des moments organiques, de chair douloureuses, mais pas tant que ça. (Aucun moment de sexe, pas du tout de soupape par le sexe, ou de violences sexuelles dans cette guerre dans ce livre de Malraux...), des moments intellectuels aussi...



Une chose encore, ce livre, pourtant écrit de façon contemporaine s'il en est, est rédigé au passé (excepté dans les nombreux dialogues), il aurait gagné en force s'il avait été au présent. Plus direct, plus captivant. (Le côté captivant n'est pas une des qualités de ce texte. Hélas.)



Sur de nombreux points, ce livre est un chef-d'oeuvre, et tout à fait édifiant. Je ne lui mets pas cinq étoiles parce que je n'ai pas réussi à être happé et bouleversé alors qu'il y aurait de quoi dans son contenu. Sa forme a dilué mes émotions, mon plaisir de lecture.

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La condition humaine

La condition humaine est le livre le plus célèbre d’André Malraux qui reçut le prix Goncourt en 1933. Il suit l’histoire des révolutionnaires chinois et des expatriés européens dans la Chine coloniale en 1927. L’histoire se déroule au moment du massacre de Shanghai, avant la guerre civile et la révolution communiste chinoise.



C’est un livre sérieux, largement politique, politique non pas comme un jeu, mais comme une lutte désespérée pour la dignité et l’existence. Plus généralement, c’est un livre sur la vie quand il est dédié à la mort. Le sujet a vieilli : dans la première partie, un soulèvement des communistes dans les années 1920 en Chine, dans la deuxième partie, l’écrasement de ce soulèvement par le Kuomintang. Cela pourrait sembler obscur, mais cet événement est connu comme le massacre de Shanghai, c’est le début de la guerre civile chinoise de plusieurs décennies qui conduirait à l’établissement éventuel de la RPC (aujourd’hui la Chine) et l’exil du Kuomintang à Taiwan (également connu pour cette raison comme le ROC), une signification qui était bien sûr inconnu de Malraux à l’époque.



S’il n’y a aucun moyen de mettre de côté l’importance historique, c’est aussi parce que la force du livre est dans sa représentation réaliste du complot et de la prise de Shanghai et des représailles éventuelles, en particulier les représailles dans les deux derniers chapitres, qui sont terrifiants dans leur intensité. Ce n’est de loin pas le seul massacre de communistes dans l’histoire du monde (voir The Act of Killing pour un documentaire effrayant sur les événements en Indonésie), et il vaut la peine d’y penser. Mais Malraux montre habilement les deux côtés de la violence commise (l’attaque du poste de police dans la première partie).

Rien n’empêche vraiment que ce soit un chef-d’oeuvre. Malraux montre une intelligence suprême et est capable de développer la signification tragique des événements pour les individus impliqués. Pour moi, malgré la puissance des scènes mentionnées, c’est juste que la politique était complexe, les personnages trop rigides (bien que j’aime Gisors, Clappique et May), Shanghai ne pouvait pas être plus sombre, le terrorisme de Tchen est un sujet courageux mais impossible, et le style de Malraux peut être difficile, ce qui rend le livre particulièrement laborieux. Un livre digne pour son engagement, ses points forts et sa fin, il peut avoir relativement peu à offrir à quelqu’un qui n’est pas au bord du rasoir de son destin.



Le livre sera particulièrement apprécié par les lecteurs intéressés par l’existentialisme, la philosophie, l’engagement politique et l’histoire chinoise.
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La condition humaine

Sentiment un peu contrasté à la lecture de La condition humaine.

Tout d'abord un peu de mal à identifier les personnages, puis un peu de mal à m'intéressr vraiment à l'histoire. Cependant il y a de trsè beaux passages (ceux où les personnages se révélent le plus - pas seulement par leurs actions) et il y a une force dans le récit, quelques chose de très cinématographique qui fait défiler devant les yeux les images un peu abimées d'un film des années 30.

Content donc d'avoir lu et Malraux et ce livre au final même si parfois il y avait un certain ennui.



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Les chênes qu'on abat...

Les Chênes qu'on abat .. (c'est du Victor Hugo.. je le sais parce que c'est marqué dessus comme le port salut, en première de couverture : "Oh quel farouche bruit dans le crépuscule. Les chênes que l'on abat pour le bûcher d'Hercule ! ")

Livre paru en 1971. Charles de Gaulle s'était retiré à Colombey-les-Deux- Eglises et André Malraux son auteur lui a rendu visite dit wikipédia -qu'il m'arrive de compulser sans rougir -, mais là je dois dire a tort d'induire cela, car je sais pertinemment que De Gaulle est mort fin 1970. Je le sais car j'étais tout jeunot aux Antilles à l'époque et des canadiens sur la plage -du temps où il y en avait encore qui venaient - étaient venus me présenter leurs condoléances. Ensuite, quand j'ai eu trois poils au menton, je me suis procuré ce livre (en Blanche chez Gallimard), car à l'époque ce fut un peu un pavé dans la marre, ses oeuvres se raréfiaient et revoilou André Malraux : il fut donc considéré comme son dernier livre, à succès du moins, car il avait commis paraît-il un voire deux qui étaient considérés comme une suite (rassemblée dans les Antimémoires) mais qui furent confidentiels, ils étaient moins bons, et Malraux perdait de son lustre : il finit par ne plus être que l'ombre de lui-même, il avait des problèmes de santé et patati patata .. On entrait dans une ère politique à couteaux tirés avec la gauche qui perçait et qui finira par prendre le pouvoir en 1981. Il n'est pas question pour moi d'omettre ici Pompidou qui fut à mes yeux le dernier homme politique français valable, visionnaire, populaire.. Malheureusement pour la France, celui-ci fut emporté par la maladie..



Quand on lit Les Chênes qu'on abat, comment il écrit celui-là dis donc !! Ce fut le dernier grand écrivain français, ou géant disons plutôt avec les Sartre, Camus .. Après, les Lettres françaises furent comme tétanisées, à court d'inspiration, à l'image du football français, passif, infécond, crispé, sans talent, complexé, voire ridicule .. Il faudra attendre une génération pour voir émerger un nouveau grand avec Houellebecq, mais celui-ci ne fut-il pas non plus l'arbre qui cache la forêt, mais revenons à nos Chênes, tout cela n'engage que moi évidemment !..



Alors c'est donc avant la mort de de Gaulle que Malraux vint le voir à Colombey et qu'il rapporte dans le livre ses dernières conversations avec le grand homme qui ne me fit pas trop d'effet à vrai dire car j'étais trop jeune et un tantinet rebelle .. Mais ceux-là néanmoins quand ils causaient, ça donnait envie de parler comme eux, j'ai plus vu cela avec Pompidou .. Quelle immense culture française, ils trimballaient !..



Je ne l'ai pas lu tout de suite les Chênes, car je n'étais pas trop versé politique. J'ai lu quelque part que Malraux ne se prenait pas pour une ... Eh ben là il prend réellement De Gaulle pour un géant historique et lui instrumentalisé en quelque sorte, c'est lui qui le dit ! Je le trouve en fin de compte modeste, car c'est lui qui retient mon attention aujourd'hui avec une acuité inaccoutumée. J'en ai même le frisson quand je sais que c'est lui qui a signé la Condition humaine, l'Espoir..



Le vrai et dernier entretien confidentiel entre un homme de génie au crépuscule de sa vie et son protégé, presque bouffon de service, il y eut bien des précédents, mais Malraux arrive à nous convaincre quand il dit ceci : "Ne tenons pas des boutades pour des confidences. Il serait passionnant pour nous de connaître une conversation de cette nature avec Napoléon , parce qu'il serait passionnant de savoir ce que disait librement Napoléon .." (..) le maréchal Bertrand nous en donne souvent l'idée, mais une fois de plus , Napoléon parle presque seul ; et Bertrand n'était pas un écrivain. Ce que dit ici le général de Gaulle le peint ; quelquefois, dans un domaine assez secret. Mais ses paroles vont de ce à quoi il a réfléchi à ce qu'il improvise pour y réfléchir, enfin à ce qu'il dit pour s'amuser.". Je serais presque tenté de dire qu'on ne voit ça qu'au cinéma et que la qualité de ce qu'il donne comme définition à ces dernières confidences non pas arrachées, voire indécentes comme bien souvent vu le contexte souvent funeste tient effectivement en ce mot Librement ..
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La condition humaine

Les écrivains, c’est comme les gens, il y en a qui, dès que vous les rencontrez, ont l’air de copains, et vous avez envie de leur taper sur l’épaule. Et d’autres qui, allez savoir pourquoi, vous intimident ; ça ne s’explique pas, ce n’est pas forcément lié à ce qu’ils écrivent, c’est épidermique. Moi Malraux, j’ai toujours eu du mal. Il m’a fallu du temps pour me mettre à la lecture de cet immense écrivain. C’est je crois le personnage public qui m’a gêné, non pas le héros, non pas l’auteur, même pas le ministre dans sa fonction de ministre, (le premier et le plus grand ministre de la culture), non, je crois que ce qui m’a gêné en lui, c’était sa voix, sa voix publique, qui avait oublié la simplicité, cette voix emphatique qui se voulait solennelle et (à moi, en tous cas) se révélait grotesque : « Entre ici, Jean Moulin… » Entendons-nous bien, je ne juge pas sur le fond, ni sur le contenu de ses discours, mais sur la forme qui me paraissait très « troisième république », et d’ailleurs ce jugement n’engage que moi. Maintenant, cette théâtralité, voulue et assumée, faisait certainement partie de son « personnage ».

Et puis j’ai découvert l’écrivain. Essentiellement avec « La Condition humaine » et « L’espoir ». Dans nos programmes de Terminale, Malraux était, avec Montherlant, Saint-Exupéry, Kessel et quelques autres répertoriés comme « écrivains de l’action » : ils écrivaient leur propre vie, ils ne décrivaient que ce qu’ils avaient vécu. Parlant de guerre ou d’aventure, ils n’avaient pas beaucoup à inventer hors de leur histoire personnelle, ou de ce qu’ils avaient vu de leurs propres yeux. C’est pourquoi leur œuvre est à la fois production littéraire (de qualité) et témoignage sur une époque.

Pour qui n’est pas familiarisé avec la géopolitique des années 20 et 30, « La Condition humaine » peut paraître, non pas indigeste, car le style de l’auteur, très « américain » (Hemingway, ou même Chandler) écarte tout ennui, mais complexe à comprendre. J’ai dû me replonger dans mes dicos d’histoires pour bien resituer les personnages historiques et le contexte international.

Le titre est tout un programme : qu’est-ce que « La condition humaine » ? Nous le comprenons dès le début du livre : la condition humaine, c’est que l’homme va mourir, et qu’il faut faire en sorte que cette vie et cette mort servent à quelque chose. L’engagement dans l’action, ici politique, peut en être une illustration.

Autour de ce grand thème (qui est certes le plus important), l’auteur insère d’autres thèmes qui lui sont chers : la fraternité et l’altruisme, sans oublier le courage. Kyo a le souci de tirer ses compagnons hors de leur servitude : c’est un concept libertaire, communiste, certes, mais également hautement humaniste : « Sa vie avait un sens, et il le connaissait : donner à chacun de ces hommes que la famine, à ce moment même, faisait mourir comme une peste lente, la possession de sa propre dignité ». La fraternité, la fraternité vécue, est une des voies (royales) qui mènent à ce partage, à cette communion dans la dignité.

Malraux, après 1945, tournera quelque peu le dos à cet idéalisme révolutionnaire, et, avec le même enthousiasme, il mettra au service du Général De Gaulle, sa plume et ses idées. Son œuvre romanesque est déjà derrière lui. Mais avec seulement quatre romans, (« Les Conquérants » – 1928, « La Voie royale » – 1930, « La Condition humaine » – 1933 et « L’Espoir » – 1937), il s’est taillé une place de choix (une des premières) dans l’histoire littéraire.





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La tentation de l'Occident

"La tentation de l'Occident" de Malraux, témoigne mieux que tout du calibre intellectuel de cet homme. Passé est le temps des ministres qui nous confectionnaient des ouvrages grandioses...

Trèves de rigolades, cet ouvrage est très intéressant et le format d'échange par lettres nous permet efficacement d'avoir l'avis d'un étranger, ici, d'un asiatique.

Cependant ma mince expérience littéraire ne me permet pas de savourer ce livre comme il se doit. Je trouve qu'il s'approche plus du poème --sur lequel il faut se concentrer 10 minutes sur chaque phrase-- que d'un échange simple de lettres. Cet écrit requiert une réflexion constante et de nombreuses références culturelles.

Sinon, la réflexion globale est intéressante. Nos mœurs d'occidentaux, qui préfèrent l'immédiat au long terme ou encore qui ne savourent rien entièrement à en préférer la quantité, --mœurs toujours d'actualité d'ailleurs -- nous font sortir de notre zone de confort et nous remettent en question.



Je vous conseille de lire cet ouvrage si vous acceptez de ne pas comprendre certains passages ou si vous êtes adepte de la poésie.

Luc
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La condition humaine

J'aurai essayé jusqu'au bout, mais rien n'y fait : je n'ai pas du tout été captivé par l'histoire et le contexte de ce roman (la révolution de Shanghai ainsi que les positions chinoises et communistes, la trahison des uns, les intérêts des autres, de la stratégie politico-militaire qui ne m'a franchement pas intéressé). Et sauf peut-être le destin de Kyo biensur. Il y a évidemment toutes ces phrases dont l'ampleur dépasse le seul ouvrage. Reste l'analyse faite par d'autres : on sait que ce livre a de multiples lectures possible, qu'il est plus grand que le sujet spatio-temporel qu'il contient par l'analyse communément admise qui en est fait. Cette révolution est prétexte : c'est le destin des hommes, leurs engagements, leurs dignités, leurs conditions (si justement) qui transpirent derrière ces lignes, l'Amour aussi. Ce roman est partout classé dans les incontournables, les 5 ou 10 livres à lire dans une vie. Il est aussi le prix Goncourt 1933, et le Goncourt le plus vendu depuis la remise du prix. Un intemporel, pas tant par le lieu où il se passe donc que par sa profondeur : encore aujourd'hui, tous ces combats menés, souvent pour d'autres, pour des raisons politiques, philosophiques ou religieuses, par vengeance ou par raison, par solidarité ou par passion, par bêtise ou par amour. les traitrises par opportunisme, l'inhumanité au profit (!) de la vénalité, l'égoïsme contre le bien commun. Tant pis. Je le finis avec un brin déception d'être passé à côté, apparemment !
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La condition humaine

Ce roman d'André Malraux de 1933, relate comment, en 1927, l'Armée révolutionnaire de Chang-Kaï-Shek, en marche sur Shanghaï, s'appuie sur les cellules communistes pour fomenter l'insurrection avant de les faire assassiner en masse par une société secrète criminelle. Il faut replacer ce livre dans son contexte ; l'avant-guerre, la montée et la répression du communiste, la fin des empires coloniaux et leurs louches tractations.

Dans ce roman, ce qui passionne l'auteur, c' est la réaction des personnages confrontés à des situations limites. Tout le livre semble écrit en état de transe, comme si les situations limite élevaient chaque homme au-dessus de lui-même pour rester à la hauteur de l'évènement.

Dans "La Condition Humaine" la rapidité des plans est servie par une écriture haletante où s'entrechoquent les conceptions du monde, les intérêts divergents. Et si les personnages se réduisent parfois à leurs idées, des consciences prises avec les forces brutes de l'Histoire, ils nous touchent par leurs faiblesses quand ils redeviennent des êtres de chair et de sang qui hésitent et sombrent mais avec grandeur.



Il n'est pas impossible que les questions posées par le jeune Malraux trouvent aujourd'hui un écho contemporain.



Un livre puissant de la littérature française !
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La condition humaine

Ce n ´est pas du tout le style de livre que je lis habituellement. J’ai appris des choses sur le « massacre de Shanghaï », et les protagonistes de cette période. J’en retiendrai que les mauvaises conditions de vie du peuple chinois n’ont pas tellement évoluées.
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La condition humaine

De mon temps, on lisait La Condition humaine à l'âge de vingt ans. Certains s'emballaient pour cet ouvrage et pour la lointaine jeunesse contestataire d'André Malraux, y trouvant comme un exutoire à leurs velléités personnelles d'engagement ; d'autres, dont je faisais partie, croyaient lire un polar ou un thriller d'espionnage et ils s'y ennuyaient.



A la décharge de ces derniers, l'atmosphère qui se dégage du texte évoque indiscutablement les images des films noirs d'antan : bruine tombant d'un ciel bas et lourd, rues crépusculaires aux sols mouillés, silhouettes sombres aux cols relevés, enseignes lumineuses animant en clair-obscur des intérieurs sinistres… Mais si l'on ne connaît pas les événements rapportés dans le roman, force est de reconnaître que les deux premières parties de l'ouvrage, qui en comporte sept, sont un peu confuses.



Ces événements datent de 1927. Ils sont eux-mêmes confus et se situent principalement à Shanghai, poumon financier de la Chine. Pour mettre fin à la mainmise européenne sur l'économie locale, le Kuomintang, parti nationaliste dirigé par Tchang-Kaï-Chek, s'était allié au Parti communiste chinois. A l'instigation de ce dernier, des grèves massives et une insurrection sont déclenchées. Soudain, changement de programme ! Les insurgés sont réprimés de façon sanglante par l'armée de Tchang-Kaï-Chek, qui s'est finalement rapproché du monde des affaires.



Dans l'esprit de Malraux, en dépit de la violence insupportable de certaines scènes, peu importent les événements. Peu importe même l'intrigue. Son intention a été de montrer des « images de la grandeur humaine », selon les mots qu'il prononça lors de l'attribution en 1933 du prix Goncourt à La Condition humaine. C'est dans l'intensité de certaines scènes, que se révèlent la prise de conscience de l'absurdité de la condition humaine et la grandeur d'âme de ceux qui, quitte à mourir, vont au bout de leurs valeurs et de leurs convictions. Point de salut dans la dignité, à l'inverse, pour ceux qui tentent d'échapper à l'angoisse existentielle par l'opium, le sexe, le jeu ou la puissance financière.



L'intérêt de la lecture se trouve donc dans les personnages et leur comportement. Pour éclairer son propos, Malraux a imaginé des profils très variés de militants communistes venus à Shanghai de tous horizons : Tchen, Kyo, May, Gisors et Hemmelrich rencontrent chacun la destinée qui leur est naturelle. Deux autres personnages, français, complètent la distribution : un baron décavé en rupture de ban et un industriel, acteur majeur au sein de ce qu'on appelait la « concession française ».



La Condition humaine est un livre engagé, à contextualiser dans son époque. le traumatisme de la Première Guerre mondiale est encore vivace ; la révolution bolchevique de 1917 suscite d'immenses espoirs chez les uns, d'immenses craintes chez les autres ; la crise de 1929 paupérise les classes moyennes et contribue à la montée du nazisme en Allemagne (Hitler est nommé chancelier du Reich quelques mois avant la parution du roman). Les sympathies du jeune Malraux sont cohérentes avec les parcours d'intellectuel contestataire et d'aventurier sulfureux, qu'il avait menés en Asie les années précédentes (il avait même frôlé la prison pour trafic d'oeuvres d'art).



Malraux avait à peine plus de trente ans lorsqu'il écrivit La Condition humaine. Il n'en était pas à son coup d'essai d'auteur, ayant déjà publié plusieurs romans et livré de nombreuses chroniques littéraires… malgré l'abandon de ses études secondaires avant le bac. Cet autodidacte très lettré sera trente ans plus tard un ministre iconique de la Culture sous la présidence du Général de Gaulle.



Sur le plan littéraire, Malraux s'extrait de la tradition romanesque française, qui jusqu'alors s'appuyait sur un narrateur omniscient. le narrateur de la Condition humaine reste unique, mais il s'exprime tour à tour pour le compte des différents personnages, de façon subjective – et donc biaisée.



Mais tu as bien compris, lectrice, lecteur, que peu importe leurs interprétations. Ce qui est intéressant dans le livre, c'est ce qui les amène à ces interprétations, leur manière d'en vivre – ou d'en mourir.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Le miroir des limbes, tome 2 : La corde et ..

Pour les gens de ma génération Malraux, c’est le ministre de De Gaulle, les maisons de la culture… l’auteur de “l’espoirˮ et de bien d’autres romans. C’était quelqu’un dont il était de bon ton de se moquer, en particulier à cause de sa “bigoterieˮ gaulliste. C’était aussi et surtout une voix, au propre comme au figuré, une voix rocailleuse devenue une sorte de “gabaritˮ pour les gorges de fumeurs. C’était la voix qui a accueilli Jean Moulin au Panthéon : “Entre ici Jean Moulin avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi,… nos frères dans l’ordre de la Nuitˮ. Je ne peux l’entendre sans que les tripes se nouent. Dans ce texte, mi histoire-mi fiction, on apprécie le style, la culture, l’humour, bref un homme d’une pointure que l’on serait bien en peine de trouver de nos jours sous les ors de la République et dans les faiseurs de discours du Prince. En fait la stature du prince dimensionne celles des autres.
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La condition humaine

Dans ce grand roman d'avant-guerre, l'auteur nous partage ses considérations sur l'absurde, le destin et la douleur. Une véritable méditation sur le tragique de l'action, souligne Pascal Bruckner.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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Le miroir des limbes, tome 2 : La corde et ..

Ce deuxième tome est tout aussi réjouissant que le premier, et même si on découvre que peu, finalement, de la vie exacte de l'auteur, ses discussions, fantasmées ou non, sont un vrai régal! S'entretenir avec Senghor, Picasso ou De gaulle est vraiment incroyable. De plus, son style est si plaisant qu'il pourrait poursuivre l'aventure jusqu'au bout de l'Histoire.
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Les Conquérants

1925. Le narrateur est embauché par son ami d'enfance Pierre Garin ( Garine ) à Canton, comme secrétaire et traducteur, au sein du Kuomintang de feu Sun Yat Sen, dirigé par Borodine ( qui a vraiment existé ). Canton est en guerre contre Hong Kong aux mains des Anglais.

Tchang KaÏ Chek et l'Armée Rouge de Gallen se battent contre les troupes chinoises des Anglais. Le récit est ponctué des attentats de Hong, anarchiste, mais aussi des fusillades isolées contre les Cantonnais. Le sage Tcheng Daï, au pouvoir ( ? ) essaye de modérer les deux factions. Il se suicide ou est assassiné. Hong Kong en profite pour coller des affiches contre Canton, et Garine, chef de la Propagande du Kumintang, les fait rapidement recouvrir d'affiches accusant Hong Kong.

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Je ne connais pas assez André Malraux. Il est prouvé biographiquement qu'il ne peut pas être physiquement le narrateur de ce livre. Il a qualifié plus tard ce roman de 1928 de création d'adolescent.

Le style utilisé est celui d'un journal de guerre, comme celui de Mussolini. On s'y croirait. Le narrateur est en admiration devant Borodine, communiste, et surtout Garine.

Malraux était-il communiste à cette époque ?

Etant contre les conquêtes territoriales ou financières, je ne peux cautionner ce livre, surtout avec Borodine, un Russe qui vient exporter sa révolution en Chine ; Hong le dit bien : nous n'avons pas eu besoin d'eux auparavent ! Cependant, ce roman est bien écrit, même s'il y a des éléments laissés dans le flou.

Il est aussi possible que Malraux ait fait ce roman contre la guerre, mais aucun élément ne le laisse supposer.

A t-il changé plus tard ?

Dans la postface écrite en 1948, il fait une conférence. Il condamne nettement ce qu'il appelle les psychotechniques, la propagande, quelles soient américaines pour inciter à consommer, ou staliniennes pour adhérer au parti ; et il pose la question :



"Comment empêcher les techniques psychologiques de détruire la qualité de l'esprit ?"
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La condition humaine

Un livre que j'ai sauvé de la poubelle et que je devais absolument découvrir.



C'est une histoire très prenante qui se passe pendant la révolution en Chine, un petit groupe de révolutionnaire contre régime de Tchang-Kai-Chek.



Ce roman est vraiment excellent et il m'a fait réfléchir sur le pouvoir des banques, sur les guerres et sur la valeur des vies humaines. Le pouvoir et l'argent sont souvent la cause de grands malheurs. Pour ces grands financiers qui veulent ramasser toujours plus, la mort de millions de gens ne les touchent pas. Les personnages de ce roman se battront pour leur cause jusqu'à la mort, pour changer le monde qui hélas est toujours aux mains des puissants.



André Malraux avait une plume passionnante et ses écrits dévoilent des vérités sur les profits qu'on fait les occidentaux pendant la révolution chinoise.



Quand le pouvoir monte à la tête des dictateurs, les hommes sont foudroyés par leurs folies. Souvent on m'a dit que l'argent c'est le diable.



En lisant ce très beau roman , j'ai bien compris que pour des diamants, de l'or où du gaz, on peut tuer beaucoup d'humains innocents et se regarder encore dans un miroir.



Jusqu'où la monstruosité humaine peut-elle aller ?



Je suis ravie d'avoir découvert ce roman qui reste toujours d'actualité et qui m'a emporté dans un tourbillon d'émotions intenses et tragiques.



Pour ceux comme moi qui ne l'ont pas encore lu, il n'est jamais trop tard.
Lien : https://sabineremy.blogspot...
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La condition humaine

Comme beaucoup visiblement, j’ai eu du mal à entrer dans le récit, La condition humaine est un texte complexe mais néanmoins indispensable culturellement parlant. Le style d’écriture ne m’a pas franchement aidé à l’apprécier, c’est typique du XXe siècle avec ses phrases alambiquées, un début laborieux avant d’enfin démarrer vers le milieu du livre et une fin que je n’ai pas aimé. Pour faire court, car je n’aime pas descendre les classiques, je suis passé au travers de l’œuvre, je n’ai pas aimé les personnages, ni l’intrigue bien qu’elle soit originalement traitée, ni le style d’écriture de Malraux, et les passages politiques m’ont donné mal au crâne. Sur le thème de la révolte je lui préfère Les raisins de la colère de l’américain John Steinbeck.
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La Voie Royale

La voix royale est un roman nourri par plusieurs sources, dont l'expérience personnelle de l'auteur et de son épouse partis chercher quelque fortune en ex-Indochine et Cambodge après un effondrement de leur patrimoine mobilier. On y retrouve plusieurs éléments, que ce soit la confrontation de l'auteur avec les rigueurs administratives françaises sur place, la personnalité des aventuriers rencontrés qui sont incarnés par Claude Vannec, Perken et Grabot, et enfin la tension entre le monde indigène et la civilisation occidentale. Une autre source est le formidable roman de Joseph Conrad (Au coeur des ténèbres, qui inspira également le film de Copolla), représentant la forêt tropicale et ses habitants (animaux ou autochtones) comme profondément hostiles, émollients de la volonté des explorateurs. Enfin, on retrouve le caractère de Malraux, que ce soit pour sa phobie des insectes (à titre anecdotique), ou sur sa préoccupation de la Mort non ps comme finalité tragique en soi, mais comme aboutissement nécessaire de soi en tant que personne ou conclusion détestable du lent processus de vieillissement (on pourrait parler d'avilissement tel que cela est vécu par l'auteur).

Le livre contient de très belles pages, notamment la scène d'amour de Perken, qu'il sait la dernière de sa vie, la libération de Grabot par sa représentation quasi cinématographique à travers des jeux de lumière, et surtout la mort de Perken décrite avec une rare habileté.

Malgré un travail très fourni de l'auteur (l'éditeur confie que ce roman de quelques 200 pages en contenait le double de notes et corrections), je déplore l'alternance de dialogues et d'introspection des personnages qui brisent le dynamisme de l'aventure. D'autre part, l'obsession de Malraux pour les fumées des feux indigènes, les insectes, l'hostilité de la forêt sont trop manifestes à mon goût.

Par contre, je ne peux que saluer le style lyrique des descriptions des paysages.

Il manque la folie à ce livre pour nous emporter totalement, mais il s'agit là d'un avis personnel.
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La métamorphose des dieux, tome 1 : Le Surnat..

Malraux, entre ici avec ta sublime prose.... dans le panthéon des poètes, poète que tu fus sans le savoir!

Oui, Malraux, historien de l'art, ministre, philosophe, esthète, critique, romancier, orateur, tu fus avant tout un prodigieux artisan du langage.



Malraux consacre le premier de ses trois tomes de La Métamorphose des Dieux à l'évolution de l'art de l'Antiquité à la Renaissance, un art qui sans relâche a servi de lien entre les hommes et leur(s) dieu(x), un art tout dédié au sacré somme toute. Il montre comment l'évolution à travers les millénaires de la pensée, de la foi et du regard que l'humain porte sur le monde s'est matérialisée dans la représentation : hommes, dieux, messagers divins, animaux et décor compris. Il s'attache autant à la manière, au style, au traitement du fond pictural qu'aux symboles représentés, c'est ainsi qu'il dégage le mieux cette évolution. Le choix du thème, sa mise en forme, le medium privilégié par période(sculpture, enluminure, architecture, fresques etc.), la posture des sujets humains, les couleurs (l'utilisation de l'or notamment), tout y concourt à parler de l'homme.



Étonnamment, en cherchant à approfondir la subtilité de l'analyse historiographique, Malraux construit sa phrase avec toute la verve mais aussi la complexité nécessaire à aborder finalement ce qui dans la beauté reflète notre pensée du monde. Aussi son style nous force à relire les lignes ou les paragraphes précédents et là, ô stupeur, c'est la puissance du verbe qui nous saute à la figure, cet art de développer une période qui retourne son propos sur lui-même, qui tente de ramasser en une parole puissante un sens (le Sens avec un grand S même) dans toute sa magnificence.

Le miracle de son style est de trouver, dans les mots et surtout dans la tournure syntaxique, l'émotion qui émane des œuvres et des courants de pensée analysés.



Oui, en cela, Malraux, toi qui sus porter cette émotion dans cette mélodie verbale qui t'est propre, tu fus poète.

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PS.: rédiger cette chronique m'effrayait... comment répondreau souffle de Malraux... et à l'attente d'un.e lecteur.trice babéliote. Je crains en avoir fait trop et bien sûr trop peu.

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La Voie Royale

Une lecture en demi-teinte, à la fois réflexion sur le sens de la vie et la conscience de la mort, de l’absurdité de l’existence, avec des personnages torturés, empli d’un sentiment de solitude dont ils sont en constante fuite par leurs aventures du moins ce que j’en ai compris mais le texte est aussi très dur à appréhender, l’écriture date et ça se ressent. Si le fond du livre semble intéressant, la forme ne m’a pas touchée plus que ça, il y a trop de longueurs, je pense notamment aux (trop) longues descriptions de paysages qui plombent le rythme.

L’aboutissement de tout cela est que les personnages sont intéressants mais pas assez humains à mes yeux, ils sont plus une idée qu’un personnage à part entière. Le Cambodge des années 1920 est une période que je ne connaissais pas du tout, aussi j’ai été ravi de découvrir à travers les yeux des protagonistes.

D’après les critiques déjà présentes sur le site ce n’est pas le meilleur de Malraux, à voir avec un autre si j’accroche plus.

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La Voie Royale

Mon deuxième de Malraux après avoir été séduit par La Condition Humaine.

L'overdose de métaphores et de figures de style, les dialogues dépourvus d'incises et les flashback non explicités rendent le récit très difficile à suivre. Je n'ai cerné ni l'intrigue ni la morale. J'ai rarement été aussi déçu par un "classique".
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