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Critiques de André Malraux (272)
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La condition humaine

La Condition Humaine est un roman historico-politique engagé ayant pour thème la révolution communiste et la quête du pouvoir en Chine (à Shangaï en particulier) aux alentours du premier quart du XXème siècle.

En ce sens, je pense qu'il convient très bien à l'esprit de rébellion et d'idéal qu'on affiche lorsqu'on est lycéen ou jeune adulte, tout en présentant les nombreuses qualités d'écriture qui nous font encore vibrer bien des années plus tard, à l'heure des quelques désillusions que la vie n'oublie jamais de laisser sur son passage.

Dans sa narration, André Malraux prend d'emblée le parti pris de nous mettre les deux pieds dans l'action avec cette fantastique entrée en matière (une scène d'assassinat politique), dont je garde un souvenir puissant même bien des années après l'avoir lue. Jugez plutôt :



" Tchen tenterait-il de soulever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L'angoisse lui tordait l'estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n'était capable en cet instant que d'y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu'une ombre, et d'où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même — de la chair d'homme. "



(Imaginez en plus là-dessus la voix emphatique et modulée de l'auteur déclamant ces lignes et vous aurez une vague idée de l'impression que peut produire cette œuvre si forte. N. B. : si vous n'avez jamais entendu André Malraux parler, je vous conseille à tout prix cette expérience, par exemple en écoutant l'un de ses discours sur Youtube.)

L'auteur nous invite donc à vivre de l'intérieur une révolution, ses préparatifs, les motivations de ses leaders ou de ses bras armés, les tiraillements, les dissensions, les compromis inévitables, l'abandon de l'individu au profit de " la cause ".

À cet égard, Malraux est probablement l'auteur français qui se rapproche le plus d'un Hemingway ou du Steinbeck d'En Un Combat Douteux.

Un style efficace, limpide, tout en étant recherché. Des psychologies de personnages brossées par l'action. Néanmoins, malgré la bonne compréhension du contexte historique et des enjeux politiques que ce roman nous apporte, je vous conseille tout de même, avant la lecture ou en parallèle, de potasser un peu l'histoire chinoise de cette époque, afin de savoir qui sont des personnages comme Tchang Kaï-Chek ou Sun Yat-Sen, ainsi que des cellules politiques comme le Kuomintang ou le Komintern en lien avec la vague communiste post 1917 et la création de l'U.R.S.S.

Malraux nous fait réfléchir (comme Hemingway et Steinbeck) sur la notion de combat politique ou de révolution, sur les enjeux et les compromissions, sur le décalage entre les idéaux et la réalité, le fossé entre les décideurs et le peuple.

Bref, un livre fort, beau, essentiel, qui fait honneur à la littérature française de l'entre deux guerres, à tout le moins, c'est mon avis, c'est-à-dire... pas grand-chose.
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La condition humaine

Chaque fois que je relis les premières pages -Chen est mandaté pour commettre un meurtre politique sur un homme dont il voit juste le pied sorti d'une moustiquaire, il hésite, la fragilité du pied le trouble, il ne tuera pas, du moins pas cette fois- cela ne rate pas: le virus me reprend!



J' adore La Condition humaine! En ces temps de terrorisme, toute la problématique du fanatisme comme rachat d'une humiliation semble d'une actualité terrible.



Face aux indignités, aux peurs, aux lâchetés qui sont le lot des hommes, il y a quelques réponse: la plus désespérée et la plus désespérante est le terrorisme aveugle, celui de Chen, le métis, rejeté des deux communautés dont il est issu. Pour d'autres, le vieux Gisors, c'est la drogue, pour Clappique le jeu, pour May le sexe mais il y a aussi le don de soi, la fraternité pour Kyo et plus encore le don de sa propre mort: ainsi Katow donne son cyanure à plus faible que lui, à une main anonyme dans l'ombre d'un train blindé.

"Ce don de plus que sa vie, Katow le faisait à cette main..": je ne cherche même pas la citation exacte, pour la corriger ou la compléter, je préfère la livrer telle qu'elle est dans la mémoire de la lectrice de 18 ans qui a découvert ce livre puissant comme une révélation...



Après d'autres lectures, le recul, la maturité ont fait leur travail de tri, et même de sape. Les héros grandiloquents de Malraux m'ont agacée, sa mythomanie et son inébranlable gaullisme -malgré le SAC, Marcellin, et toute la clique- ont achevé de ruiner à mes yeux l'auteur de la Condition humaine et de l'Espoir..



Mais jamais ces deux oeuvres-là, qui sont restées longtemps au panthéon de mes livres favoris..Surtout La Condition humaine: Tchen, May, son mari Kyo, Katow, Clappique, et le vieux Gisors...Je les revois tous, intacts, se débattre individuellement contre l'absurdité de leur condition d'homme (ou de femme) et trouver, difficilement, une réponse, le plus souvent individuelle, pour justifier leur passage sur terre.



Un beau livre, de beaux personnages, avec, en trame de fond, une période historique agitée et complexe: la grève insurrectionnelle des coolies de Shangaï, larguée à la fois par le Kuomintern soviétique trop occupé à sa propre révolution et par le Kuomintang chinois qui attend un moment plus propice, et surtout menacée de l'intérieur par les armées nationalistes de Chang-Kaï Chek. La brève insurrection de ces" damnés de la terre" sera sacrifiée sur l'autel des révolutions manquées et vouée à une répression sauvage ...dans le ventre de la locomotive du train blindé déjà cité...
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La condition humaine

André Malraux a toute sa vie défendu ses convictions les armes à la main, en combattant au côté des républicains espagnols et au sein de la France libre, en politique avec le général De Gaulles ou en littérature avec des livres comme celui-ci. C’est la révolte des sans grades qui s’exprimait dans cet ouvrage, une révolution dans les larmes et la douleur. L'auteur tentait de révéler à travers ces lignes les raisons qui poussent des individus à s'engager alors que la cause qu’ils défendent est perdue. Kyo et Tchen vivent à Shanghai quand la ville s’embrase sous le drapeau du communisme pour s’opposer aux troupes impérialistes de chan kan check. Chacun veut en finir avec l’oppresseur alors que les moyens en armes et en combattants sont très faibles. Le début du livre est assez confus, on a du mal à cerner de quel bord sont les protagonistes d’autant plus que le contexte historique est très peu expliqué. Qui dirige cette ville ? Les chinois ? les français ? les anglais? les commissaires soviétiques ? Et où sont les intérêts de chacun ? Petit à petit on finit par comprendre dans l’âpreté des combats qu’un peuple se dessine, une communauté de la souffrance qui finira malaxé et écrasé par l'implacable puissance militaire comme les deux personnages principaux du livre. Un fanatisme se dessine aussi galvanisé par la radicalisation ideologique qui pousse certain a commettre des attentats suicides. Tout ça évidemment est vain car après le chaos il ne reste que la douleur d’un père devant le corps de son fils mort. "La condition Humaine" est un livre choc qui fait réfléchir sur le sens à donner à sa vie et à son existence en général...
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La condition humaine

La Condition Humaine est un roman engagé qui a trait à la révolution communiste en Chine au début du XXème siècle. Insurrection, arrivée des troupes militaires, grèves et trafics d'armes sont ici racontées de manière romanesque avec le style littéraire bien particulier de Malraux. En effet, pour cet auteur, l'œuvre littéraire doit nécessairement porter témoignage, illustrer une réflexion mais encore conclure à une leçon, le tout en tentant d'aborder les fondements d'un humanisme moderne. Il y décrit l'homme d'aujourd'hui, pris dans l'engrenage des nécessités de l'Histoire et la rigueur (fatalité?) du destin. Tel est le cas de Kyo, l'un des protagonistes de La Condition Humaine qui s'acharne pour arracher ses compagnons à leur humiliante servitude.

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La condition humaine

Présente-t-on encore La Condition Humaine, prix Goncourt et -paraît-il- reconnu comme l'un des 5 plus grands romans du XXème siècle ? Je pense que oui, notamment parce qu'autour d'un sujet simple la composition du roman est complexe, et également parce que cette complexité se retrouve aussi dans les idées portées par son auteur.



De prime abord en effet, à une époque où l'Europe traverse une crise métaphysique -Mauriac, analysant les passions de l'âme, entre à l'académie française la même année-, André Malraux, dans sa trilogie asiatique -Les Conquérants, La Voie Royale, La Condition Humaine-, offre un souffle d'air du large, comme l'aventurier qu'il fut en partie. Mais on est là bien loin de l'exotisme de Pierre Loti...



La Condition Humaine nous immerge dans l'univers des révolutionnaires chinois du ShanghaÏ de 1927. le parfum d'opium du Lotus Bleu s'y fait plus délétère, la violence parle, et les héros de Malraux passent à l'action, dans un roman polyphonique prenant, aux allures de film noir genre Faucon Maltais, volontiers hâché dans son écriture comme dans sa narration. Il peut donc se lire comme un véritable roman d'aventure, à connotation sociale et de rébellion. En ce sens, Malraux est sans doute, aux côtés de Pierre MacOrlan, notre Hemingway ou notre Steinbeck français d'avant la seconde Guerre. Ayant lu jeune ce roman, je partage l'appréciation de Nastasia qu'il peut être apprécié comme tel par un public jeune. le conquérant Malraux nous prend aux tripes, dans un langage réaliste, journalistique.



Au delà d'une théâtralité autour de laquelle Malraux a construit son propre personnage, d'une mise en perspective quasi cinématographique en rupture avec les romanciers de son temps, et même si le Malraux des années 30 adhérait vraisemblablement pour partie à leurs idéaux anticolonialistes et de révolution par l'action directe, il serait naïf de croire que La Comédie Humaine n'est que l'apologie de héros révolutionnaires. L'écrivain, complexe, contradictoire, parfois mythomane et mystificateur, cherche dans ces événements historiques un prétexte à "des images de la grandeur humaine". Hanté par la grandeur et misère de l'Homme, par la conviction pascalienne que l'homme se situe "entre rien et tout", Malraux aboutit et communique le sentiment d'une urgence existentielle et un questionnement où le recours divin n'est plus, annonçant Sartre et Camus.



La Condition Humaine dépeint la grandeur de l'Homme dans l'action solidaire et l'engagement ; elle en révèle aussi -la poésie et l'utopie faisant le lien entre les deux- l'angoissante absurdité face au destin inéluctable. Quoi qu'il fasse, l'homme ne se connait jamais, pas même au jour de sa mort, et l'action héroïque, dans le roman, se retourne symboliquement contre ses instigateurs. Cette lutte sans espoir m'a aussi fait penser aux commentaires historiques de la Commune de Paris : comment un homme peut mourir en accomplissant un dernier acte de courage inutile, qui le transcende.. acte aussi magnifique que dangereux dans son extrémité... c'est en ce sens que Malraux, laissant le lecteur aux prises avec ses interrogations au moment de refermer le livre, entretient une ambiguïté entre le roman d'aventure proche du reportage, le roman politique et historique engagé, et une réflexion sur la solitude de l'homme, qui ne prend sens qu'à travers l'action.



Inutile de dire que cette oeuvre est pour moi non seulement un incontournable de la littérature, mais aussi un roman charnière dans mon parcours personnel, passerelle entre les romans d'aventure de Jack London, d'Henri de Monfreid ou la poésie de Blaise Cendrars, et la quête existentialiste. Un tel chef-d'oeuvre, apprécié et reconnu mais difficile à interpréter, commenté -seulement- 80 fois sur Babelio, méritait bien ces quelques mots.













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La condition humaine

De mon temps, on lisait La Condition humaine à l'âge de vingt ans. Certains s'emballaient pour cet ouvrage et pour la lointaine jeunesse contestataire d'André Malraux, y trouvant comme un exutoire à leurs velléités personnelles d'engagement ; d'autres, dont je faisais partie, croyaient lire un polar ou un thriller d'espionnage et ils s'y ennuyaient.



A la décharge de ces derniers, l'atmosphère qui se dégage du texte évoque indiscutablement les images des films noirs d'antan : bruine tombant d'un ciel bas et lourd, rues crépusculaires aux sols mouillés, silhouettes sombres aux cols relevés, enseignes lumineuses animant en clair-obscur des intérieurs sinistres… Mais si l'on ne connaît pas les événements rapportés dans le roman, force est de reconnaître que les deux premières parties de l'ouvrage, qui en comporte sept, sont un peu confuses.



Ces événements datent de 1927. Ils sont eux-mêmes confus et se situent principalement à Shanghai, poumon financier de la Chine. Pour mettre fin à la mainmise européenne sur l'économie locale, le Kuomintang, parti nationaliste dirigé par Tchang-Kaï-Chek, s'était allié au Parti communiste chinois. A l'instigation de ce dernier, des grèves massives et une insurrection sont déclenchées. Soudain, changement de programme ! Les insurgés sont réprimés de façon sanglante par l'armée de Tchang-Kaï-Chek, qui s'est finalement rapproché du monde des affaires.



Dans l'esprit de Malraux, en dépit de la violence insupportable de certaines scènes, peu importent les événements. Peu importe même l'intrigue. Son intention a été de montrer des « images de la grandeur humaine », selon les mots qu'il prononça lors de l'attribution en 1933 du prix Goncourt à La Condition humaine. C'est dans l'intensité de certaines scènes, que se révèlent la prise de conscience de l'absurdité de la condition humaine et la grandeur d'âme de ceux qui, quitte à mourir, vont au bout de leurs valeurs et de leurs convictions. Point de salut dans la dignité, à l'inverse, pour ceux qui tentent d'échapper à l'angoisse existentielle par l'opium, le sexe, le jeu ou la puissance financière.



L'intérêt de la lecture se trouve donc dans les personnages et leur comportement. Pour éclairer son propos, Malraux a imaginé des profils très variés de militants communistes venus à Shanghai de tous horizons : Tchen, Kyo, May, Gisors et Hemmelrich rencontrent chacun la destinée qui leur est naturelle. Deux autres personnages, français, complètent la distribution : un baron décavé en rupture de ban et un industriel, acteur majeur au sein de ce qu'on appelait la « concession française ».



La Condition humaine est un livre engagé, à contextualiser dans son époque. le traumatisme de la Première Guerre mondiale est encore vivace ; la révolution bolchevique de 1917 suscite d'immenses espoirs chez les uns, d'immenses craintes chez les autres ; la crise de 1929 paupérise les classes moyennes et contribue à la montée du nazisme en Allemagne (Hitler est nommé chancelier du Reich quelques mois avant la parution du roman). Les sympathies du jeune Malraux sont cohérentes avec les parcours d'intellectuel contestataire et d'aventurier sulfureux, qu'il avait menés en Asie les années précédentes (il avait même frôlé la prison pour trafic d'oeuvres d'art).



Malraux avait à peine plus de trente ans lorsqu'il écrivit La Condition humaine. Il n'en était pas à son coup d'essai d'auteur, ayant déjà publié plusieurs romans et livré de nombreuses chroniques littéraires… malgré l'abandon de ses études secondaires avant le bac. Cet autodidacte très lettré sera trente ans plus tard un ministre iconique de la Culture sous la présidence du Général de Gaulle.



Sur le plan littéraire, Malraux s'extrait de la tradition romanesque française, qui jusqu'alors s'appuyait sur un narrateur omniscient. le narrateur de la Condition humaine reste unique, mais il s'exprime tour à tour pour le compte des différents personnages, de façon subjective – et donc biaisée.



Mais tu as bien compris, lectrice, lecteur, que peu importe leurs interprétations. Ce qui est intéressant dans le livre, c'est ce qui les amène à ces interprétations, leur manière d'en vivre – ou d'en mourir.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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La tentation de l'Occident

L'ouvrage de Malraux ne dure que cent-soixante pages, mais il a nécessité une lecture longue et attentive de ma part.

Le choc des cultures peut-être courtois, mais il n'en apparaît pas moins profond et violent en ce premier quart angoissé du vingtième siècle!

La Chine n'est plus une forteresse fermée, devenue perméable à cette culture de l'Europe amenée de l'ouest.

Malraux, dans ce livre-dialogue épistolaire, se montre prémonitoire devant cette Chine qui mute... Comme si une sorte de "mal" insidieux et inexorable s'emparait de la Chine.

À l'aune de l'actualité du vingt-et unième siècle, lire ou relire cette Tentation n'est pas sans intérêt, donc.
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La condition humaine

La condition humaine. Quel sujet. Quel titre !



L’homme naît immensément vulnérable, et dépendant de la bonté, de l’amour de ses parents. Il ou elle n’est pratiquement que potentiel. Et le travail de l’éducateur consiste à soutenir, à éveiller, à aider à réaliser ce potentiel. Avec l’infinie patience que seul l’amour confère. La vulnérabilité d’un être social qui ne peut croître, ou vivre, qu’en compagnie de ses congénères.



Cette sociabilité a donc été vécue sur le mode de la dépendance. Et peut-être qu’un jour elle le sera à nouveau. Nous souvenons nous ? Craignons-nous le futur ( encore ?) lointain ? Est-ce pour cela que nous voulons diminuer notre vulnérabilité en rendant nos relations asymétriques, en rendant les autres plus dépendants de nous, et nous-mêmes libres de répondre à cette dépendance selon nos intérêts ou nos humeurs ?



Shanghai, 1927. L’empire du milieu achève de se désagréger en tant qu'État et en tant qu’ensemble géographique. L’armée des nationalistes, menée par Tchang Kaï-Chek, et les communistes, soutenus par l’Internationale, essayent de couvrir ce qui fut un immense empire afin de récupérer le pouvoir. Ni l’un ni l’autre ne sont déjà assez forts pour le faire, et il faut tenir compte des puissances étrangères établies en Chine. Alors, on s’est alliés, temporairement, contre ce qui reste d’empire. C’est ici, à ShangaÏ, que se déroule une étape de ce gigantesque marathon dont la ligne jaune se trouve à des milliers de kilomètres de Shangaï, à Pekin.



Les communistes ont organisé les ouvriers des usines et du port. Fort mal armés mais déterminés, ils prennent la ville. L’armée nationaliste s’approche de Shangaï, selon ses dires pour en chasser les partisans de l’empire. Et l’Internationale, prise en main par Staline, décide que le moment n’est pas opportun pour soutenir la révolution chinoise. Les camarades sont priés de remettre leurs armes aux nationalistes. Qui les passeront à la mitrailleuse.



Dans ce climat de misère, de lutte, d'héroïsme, de trahison, et de mort, chacun se (re)trouve confronté à son vécu de la condition humaine. Vulnérable, menacé, à qui, à quoi s’en remettre ? Pour quoi vivre, ou mourir? Comment et pour quoi vivre, quand l’on a survécu à la perte d’êtres chers, ou de ses idéaux ? Quelle mort justifierait une vie ? Quel travail ou quelle lutte justifierait de continuer à vivre ?



Autant de réponses que de personnages. Kyo, Katow, préfèrent lutter à mort. Vologuine suit aveuglément l’internationale. Tchen, qui ne peut lutter que seul, choisit la mort du terroriste isolé. Clappique, une sorte de clown en smoking, vivant de commissions touchées sur des affaires louches, ne peut ni vivre ni mourir, et se réfugie dans l’humour absurde en attendant la folie. König, chef de la police politique de Tchang KaÏ-Chek, lui-même torturé naguère par les communistes, ne vit plus que pour en torturer et en exécuter un maximum. Gisors, le père de Kyo, ne peut maintenir son lien au monde en l’absence de son fils. Il s’en désintéresse, et devient un homme absent.



A qui ou à quoi se vouer, pour quoi vivre ou mourir, comment combattre cette peur viscérale de l’absence, de la souffrance, de la mort ? Questions universelles, auxquelles ce livre ne prétend pas répondre. Mais il aimerait bien vous les proposer.



Quant à moi, intrigué, séduit, fasciné par la voix qui porte ce roman et qui parle à travers lui, je n’en ai pas fini avec André Malraux.

















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La Voie Royale

Que dit le Sphinx quand il parle ?

ET

Que faire de ses paroles ? Sont-elles trop peu humaines pour être compréhensibles, ou ne le sont-elles que trop ?



L’immensité. L’horreur devant cette immensité. L’immensité de l’horreur

Et les actes que l’on commet pour conjurer l’une et l’autre. Toute culture serait un système, souvent décousu, pour conjurer l’immensité de l’existence, l’énormité de son mystère, l’horreur de l’inadéquation entre les espérances de l’homme, et ses moyens propres. Inadéquation qui se montre sous les traits de la souffrance et de la mort. Tout système - surtout décousu - a ses exceptions, et c’est de ces exceptions que Malraux veut nous parler ici. Des êtres marginalisés par leur refus du système qui permet aux autres de vivre, d’éprouver la joie ou l’amour, l’espoir même, malgré la souffrance et la mort qui rôdent autour de la vie, la contraignent, et la pénètrent.



Claude et Perken sont aventuriers. Par choix, non par contrainte. Ils veulent faire de leurs vies un acte dé défi, faire un éclat, laisser une trace. Avec toute l'effronterie d’un tag sur un mur de villa bourgeoise. Perken a une longue expérience de ce type d’existence et veut “ tracer une cicatrice sur la carte” : se construire un petit royaume parmi les tribus insoumises au Haut-Laos. Pour cela, il faut des armes, et pour les acheter, des fonds. Claude débute, peut-être ne sait-il pas encore très bien ce qu’il veut, mais un raid en territoire cambodgien parmi les tribus encore sauvages, pour voler des oeuvres d’art de temples encore à découvrir, puis les revendre, c’est déjà l’aventure, c’est déjà l’excès. Ils font connaissance sur le bateau qui les mène en Indochine…



L’affrontement entre ces êtres atypiques - héroïques ? - et la réalité de l’existence, prend la forme d’une lutte avec la forêt tropicale, grouillante de formes de vie hostiles ou terrifiantes, et avec les tribus insoumises, dont le mode de vie n’est pas reconnu comme culture, mais appellé “sauvagerie”, terme indifférencié, qui recouvre peut-être l’incompréhension envers des peuples qui ne se sont pas encore détachés de leur milieu naturel, pour s’y opposer et le contraindre. Affrontement qui apporte la mort ou la gloire, tous deux soldant le compte de l’intéressé, car les morts retournent au silence.



La Condition Humaine avait conté l’histoire d’hommes enragés par la misère et l’injustice. Des hommes n’ayant rien à perdre, pour qui la mort serait une forme de délivrance. Qu’ils se jettent dans l’aventure d’une lutte même désespérée était plus que compréhensible. Que certains le fassent par un choix calme et délibéré me parait plus problématique. Doit-on étendre son emprise sur la vie des autres pour arriver à une renommée qui permettrait de résister un peu plus longtemps à l’oubli, au silence du tombeau ? Tous les dictateurs, tous les conquérants n’ont ils pas nourri ce rêve, et si certains échappent partiellement à la renommée de bouchers et de monstres ( Alexandre le Grand ou Napoléon) n’est-ce pas grâce à quelques coups d’encensoir dispensés par l'Éducation Nationale ? Qu’y a t-il de glorieux, d’enviable à une telle mémoire ? L’Homme, se mesurant directement à l’Immensité, ou au Néant, devient cette Horreur qu’il espère pacifier.

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La condition humaine

Une œuvre aux multiples composantes, complexe et infiniment belle. L'écriture de Malraux est tout simplement incroyable pour moi. Non seulement, il a l'art de dire en une phrase ce qui nécessiterait une page au moins à la plupart, mais de plus, toutes ses observations, déductions et descriptions de la nature humaine sont délicates, brillantes, artistiques, cinématographiques même. Il n'est pas rare qu'au cinéma je sois amenée à verser une larme ce qui, en revanche, m'arrive rarement lorsque je lis. Et pourtant, en lisant ce livre où Malraux nous transperce de la souffrance de ses personnages, j'ai pleuré. Cela démontre, à mon sens, à quel point son écriture est magistrale sans qu'à aucun moment je n'aie senti l'immense travail qu'il a probablement dû demander à son auteur. J'ajouterais que le pan historique de ce livre a été du plus grand intérêt pour moi, n'ayant qu'une connaissance modérée de l'histoire de la Chine. Je reste bouleversée, ce livre est un Chef d'Oeuvre magistral à lire absolument.
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Les Conquérants

1925. Le narrateur est embauché par son ami d'enfance Pierre Garin ( Garine ) à Canton, comme secrétaire et traducteur, au sein du Kuomintang de feu Sun Yat Sen, dirigé par Borodine ( qui a vraiment existé ). Canton est en guerre contre Hong Kong aux mains des Anglais.

Tchang KaÏ Chek et l'Armée Rouge de Gallen se battent contre les troupes chinoises des Anglais. Le récit est ponctué des attentats de Hong, anarchiste, mais aussi des fusillades isolées contre les Cantonnais. Le sage Tcheng Daï, au pouvoir ( ? ) essaye de modérer les deux factions. Il se suicide ou est assassiné. Hong Kong en profite pour coller des affiches contre Canton, et Garine, chef de la Propagande du Kumintang, les fait rapidement recouvrir d'affiches accusant Hong Kong.

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Je ne connais pas assez André Malraux. Il est prouvé biographiquement qu'il ne peut pas être physiquement le narrateur de ce livre. Il a qualifié plus tard ce roman de 1928 de création d'adolescent.

Le style utilisé est celui d'un journal de guerre, comme celui de Mussolini. On s'y croirait. Le narrateur est en admiration devant Borodine, communiste, et surtout Garine.

Malraux était-il communiste à cette époque ?

Etant contre les conquêtes territoriales ou financières, je ne peux cautionner ce livre, surtout avec Borodine, un Russe qui vient exporter sa révolution en Chine ; Hong le dit bien : nous n'avons pas eu besoin d'eux auparavent ! Cependant, ce roman est bien écrit, même s'il y a des éléments laissés dans le flou.

Il est aussi possible que Malraux ait fait ce roman contre la guerre, mais aucun élément ne le laisse supposer.

A t-il changé plus tard ?

Dans la postface écrite en 1948, il fait une conférence. Il condamne nettement ce qu'il appelle les psychotechniques, la propagande, quelles soient américaines pour inciter à consommer, ou staliniennes pour adhérer au parti ; et il pose la question :



"Comment empêcher les techniques psychologiques de détruire la qualité de l'esprit ?"
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La condition humaine

En 1927, à Shanghaï, les cellules communistes préparent le soulèvement de la ville. Le dernier détail à régler repose sur les épaules de Tchen : il doit assassiner un trafiquant d'armes, afin d'équiper les futurs révolutionnaires. Son premier meurtre, qui le marquera à jamais.



Quand la révolution démarre enfin, les organisateurs s'aperçoivent vite qu'entre la doctrine officielle et les faits, il peut exister une sacrée marge : ils sont lâchés par l'échelon supérieur du parti, qui estime la prise de pouvoir prématurée. Les puissances étrangères qui ont investi dans la région ont placé trop de billes dans le pouvoir en place pour les laisser bousculer l'équilibre actuel. Si les forces armées présentes en ville se rangent mollement du côté du plus fort, la répression semble inévitable et le massacre qui en découle aussi.



La psychologie de tous les protagonistes est bien développée, mais celle de Tchen me semble la plus intéressante : après avoir goûté aux joies de l'assassinat, l'idée de recommencer se développe chez lui jusqu'à l'obsession. L'envie lui prend d'éliminer Tchang Kaï-Chek lui-même, l'attentat-suicide devient même une évidence.



Roman existentialiste, puisque les hommes se définissent à travers leurs actes et leurs engagements. Toutefois, on peut aussi se rendre compte que face aux compromissions et aux petits arrangements en coulisse, les individus et les grandes idées ne font pas vraiment le poids.
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La condition humaine

Malraux. Personnage ambivalent s’il en est. Figure de l’anti-fascisme, combattant au côté des Républicains pendant la guerre d’Espagne, ministre de la culture sous de Gaulle… Mais aussi voleur et trafiquant d’antiquités khmers, auteur d’exploits totalement imaginaires contre les franquistes, et résistant de la dernière heure ayant réussi à obtenir un grade de colonel dans l’armée française libre sur un total coup de bluff et sans la moindre compétence militaire.



Une dualité qu’on retrouve en permanence dans son œuvre emblématique. Derrière le combattant de la liberté, l’escroc mythomane n’est jamais loin. Se voulant Kyo, il se sait parfaitement être un Clappique. Ces deux-là sont les seuls vraiment complexes – autobiographiques ? Les autres personnages restent des symboles, dont la personnalité se résume grosso modo en un seul trait : May, la vie ; Tchen, la mort ; Katow, la générosité ; Ferral, le pouvoir et l’argent.



Et une dualité qu’on retrouve jusque dans l’écriture. Des passages sublimes en côtoient d’autres écrits façon sagouin. Les combats pendant la révolution sont racontés avec moins de soins que le saccage de la chambre de sa maîtresse par Ferral. Et de même dans l’histoire : un instant se pose la question de l’engagement alors que Tchen hésite à donner la mort, celui d’après May demande à Kyo si ça ne le dérange pas qu’elle ait couché avec un autre gars « parce que bon, le pauvre, il en avait tellement envie ». Elle, elle faisait ça seulement pour rendre service.



Les thèmes abordés – l’orient côté « opium et misère », la fin prochaine du colonialisme, le sens de l’engagement révolutionnaire – révèlent des fulgurances de lucidité étonnantes. Pour autant, il échoue à anticiper une possible renaissance du communisme dans les campagnes, et la Chine fait souvent simplement office de décor.



C’est aussi cette complexité qui fait la grandeur du roman. Loin de la puissance écrasante et de l’intransigeance totale d’un Bernanos, on a affaire à des êtres insignifiants se débattant dans la vie avec leurs petites luttes et leurs petits mensonges, tentant de les transcender par la lutte pour une cause supérieure… Comme l’auteur.



En somme, il ne me reste qu’une question, à laquelle plus compétent que moi répondra : Malraux fut-il un imposteur également en littérature – où ce mot a plus d’un sens ?
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Les Conquérants

Je ne reviendrai pas ici sur une analyse « littéraire » des Conquérants. Elle serait pour moi une redite de ma critique de la Condition Humaine, en moins fouillée. Je propose plutôt ici d’aborder cette œuvre par une réflexion personnelle sur son thème principal, posé en titre.



Un film, un poème parnassien, une bande dessinée, un numéro spécial d’une revue d’Histoire… voilà tout… tout ce que nos puissants moteurs de recherche modernes offrent en réponse au mot-clé « Les Conquérants »… quelques rapides mentions du roman d’un certain André Malraux, et une analyse semble-t-il fouillée de leur rôle dans l’Histoire, d’un auteur inconnu, Muhamyankaka Damien Bambanza… indisponible à la vente. Rares sont donc les références de fond que j’ai pu trouver pour introduire cette interrogation : « qu’est ce qui fait courir les conquérants ? »



Pourtant, ils sont partout. Depuis les conquérants de l’espace, des pôles ou du nouveau monde, aux conquérants de l’inutile, de l’impossible, ou de l’accord parfait. Plus prosaïquement, chacun d’entre nous s’emploie chaque jour à conquérir… plus de parts de marchés, pouvoir et reconnaissance, l’amour de ses proches, la félicité, ou simplement plus de temps pour se ressourcer ; certains (et certaines) se spécialisent dans la conquête amoureuse et d’autres dans celle du jardinage (référence à la nouvelle plante crée par semis successifs).



L’esprit de conquête est tellement ancré dans l’adn de l’être humain que l’étymologie n’offre que des variations sur la « conquista » ; le « conquaere » est resté ce qu’il était du temps de César, ne faisant que se décliner dans toutes les activités sociales.



Et pourtant, qu’on oublie un instant le con- englobant, saisissant, totalisant, créant propriété et subordination –et donc historiquement et philosophiquement le plus souvent par la force-, et la « queste » du vieux françois, la quaesita latine se trouve révélée… mais que cherche donc ce conquérant de tout acabit ?



Au-delà du roman reportage sur la Chine révolutionnaire de 1929 et de ses qualités littéraires certaines et marquant son temps, au-delà de réflexions sur l’impact et les techniques de propagande au service d’un « cause », la question de fond que pose Malraux dans Les Conquérants, comme dans la Condition Humaine, reste bien celle-ci : qu’est-ce qui pousse ces « conquérants » à l’action ? En quoi cela participe-t-il de leur « condition humaine » ? Quelle est le sens de cette quête ?



On pourrait répondre qu’elle n’en a pas : la folle chevauchée d’Alexandre jusqu’à l’Indus et son exigence que lui soit rendu un culte divin pour cela l’aura-t-elle empêché de mourir jeune d’une crise de palu comme le dernier des touristes imprudents ?



Et même si les conquêtes laissent dans l’Histoire des traces importantes, souvent hors de la volonté de leurs initiateurs, à commencer par les « brassages » ethniques, culturels et religieux, peut-on oublier les destructions et la mort qui les accompagnent ? synonyme de succès aux yeux du peuple ou de la postérité lorsque la propagande est efficace, la conquête passe souvent par un travail de l’ombre sale et qui n’a rien d’épique.



Alors pourquoi les Conquérants ? S’il n’y a pas de succès durable et sans souffrance, si seule perdure la roue de la vie et de la mort, pourquoi cette énergie à aller au-delà, au-delà de soi, du « je », vers cet autre qui m’anime, m’émeut, m’attire, vers cet ailleurs que mon premier regard de découvreur déjà embrasse, possède secrètement… tandis que mes poings déjà se ferment pour en défendre l’accès à l’étranger.



Malraux répond « l’action ». Si l’homme ne se contente pas de cultiver son jardin, c’est qu’il lui faut l’ « actio ». Mais comme l’écrit très justement Dorian Astor, le « deviens ce que tu es » de Nietzche et Pindare n’a rien à voir avec le slogan moderne de nos armées et autres détournements dont les grandes enseignes de vente ont le secret pour caresser notre désir infini d’être et de s’affirmer comme individu à des fins marketing.



Malraux, comme Nietzche, considère la volonté de puissance comme le moteur fondamental mais n’allègue pas de valeur en soi à l’individu : c’est le processus d’individuation lui-même qui compte et fait exister. Penser, parler, agir : tel serait donc la conquête dont nous parle Malraux –comme bien d’autres-, sans apporter de réponse toute faite.



Ainsi, chacun pourra continuer de chercher la transcendance dans une action pensée, consciente qu’au-delà d’une fuite devant nos peurs personnelles et collectives, l’être « agissant » est, par l’action même, plus que par son résultat ; et chacun pourra également s’employer à penser l’action juste, question sans fin elle aussi, depuis l’antiquité, d’autant qu’elle aussi ne se dénoue que dans le rapport complexe entre l’intention, l’action et l’effet.

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L'Espoir

Il m'a fallu lire L'Espoir de Malraux une bonne demi-douzaine de fois, pour l'agrégation de lettres d'abord (programme XX°s) et plus tard, par pure perversité. Mais inexplicablement, les lecteurs de Babelio ont échappé à l'exposé savant de mon avis sur ce roman.



D'abord, c'est un roman sans femmes. Même "La Condition Humaine" leur faisait une petite place : militantes, maîtresses, épouses, et même Chinoises opprimées. Ici, les hommes entre eux discutent, se battent, vivent la grande épopée antifasciste des années 36-38, date à laquelle le roman s'achève, un an avant la déroute finale, la victoire de Franco et ... le désespoir.



Ceci fait de L'Espoir une sorte de roman philosophique entrecoupé de magnifiques scènes épiques de guerre, ce qui n'était pas le cas de "La Condition Humaine", qui était une illustration romanesque du tragique pascalien et abondait non en scènes épiques, mais en moments d'angoisse cosmique.



De quoi parle-t-on ? de quoi philosophe-t-on ? de la question de la fin et des moyens : peut-on atteindre un but vertueux par des procédés immoraux ? Comme l'ennemi fasciste franquiste incarne le Mal sans visage, mécanique, aéroporté, bombardant depuis le ciel les Républicains, il est bien naturel qu'il soit mauvais, et emploie de mauvais moyens pour ses buts mauvais. Mais les Républicains, porteurs d'espoir, combattants de la gauche, donc du Bien (incarné par Staline ou Trotsky, au choix), s'ils veulent vaincre le Mal et être plus forts que lui, doivent utiliser les mêmes moyens que le Mal : des moyens guerriers, la violence, l'oppression, la terreur (nous savons bien que la gauche a horreur de cela). Tout le roman va relater cette métamorphose des Bons en armée, en milice, en escadrons qui se serviront des armes du Mal pour lutter contre lui, au risque de perdre leur âme pure et leurs idéaux élevés.



Ce roman est un document irremplaçable pour l'histoire des relations entre la Gauche et la Vertu, et aide à comprendre à quoi conduit la confusion de la morale et de la politique. Cette transformation de la foi de gauche en église de gauche a provoqué beaucoup de conversions au communisme, à l'époque. C'est un beau livre, très daté certes, mais finalement très lisible encore par sa charge mythologique et ses qualités de style.
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La condition humaine

Lecture obligatoire durant ma scolarité, je dois bien avouer que j'y suis allée à reculons, Malraux n'a jamais été ma source d'inspiration livresque (à l'époque, j'étais plutôt Stephen King).

Et c'est avec une grande surprise que je me suis mise à dévorer ce livre, un réel plaisir de découvrir les personnages de ce roman historique avec pour toile de fonds la révolution communiste chinoise (Je ne m'intéresse absoluement pas à la véracité des faits dans la lecture).



Je me suis attachée aux personnages et à leur combat identitaire, à la quête d'eux-même, de leur liberté face aux autorités oppressives.

Leurs idéaux, ceux d'une jeunesse révolté et amoureuse, opposés à la rigidité du régime, aux cynismes et à la manipulation devaient être adaptés à ma période lycéenne et la force de leur combat, de leur les sacrifices ont toujours forcés mon admiration.



Je me rappelle voir été triste à la fin de la lecture avec cette pensée : "Tout ça pour ça". Il ne s'agissait pas d'une déception de la lecture, loin de là, mais j'ai tout de suite pensée à la situation en Chine à ce moment précis. Me dire que de nombreuses personnes plein d'idéaux ont tout sacrifié pour la mise en place d'un régime communiste s'avérant être encore et toujours un régime totalitaire (Les évènements de Tian'anmen datant de moins de 10ans), cela m'a profondément attristé.

Preuve encore de l'impact de cette lecture sur ma personne. Très bonne lecture, à conseiller aux lycéens.
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La Voie Royale

Collégien, lycéen, des professeurs de français sans imagination ont réussi l’exploit de rendre obligatoire des lectures qui ne m’ont jamais intéressé. Adulte, il y a des années, j’ai de moi-même tenté un roman d’un auteur désormais « classique » : un Malraux qui traînait dans la bibliothèque familiale. Sans obligation. Comme au poker : pour voir...

Et là ça a totalement marché. J’ai adhéré à la progression du livre, à l’histoire de ce jeune archéologue qui va au mépris des lois s’enfoncer dans la jungle khmère pour arracher des fragments d’histoire, et à son association avec un aventurier aux objectifs troubles. Ce livre exsude une Asie du Sud-Est pleine de dangers et d’incertitudes.

Et quel plaisir après coup, en se renseignant un peu, de comprendre ce que Malraux a pu mettre de sa propre expérience dans cette fiction.
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La condition humaine

J'aurai essayé jusqu'au bout, mais rien n'y fait : je n'ai pas du tout été captivé par l'histoire et le contexte de ce roman (la révolution de Shanghai ainsi que les positions chinoises et communistes, la trahison des uns, les intérêts des autres, de la stratégie politico-militaire qui ne m'a franchement pas intéressé). Et sauf peut-être le destin de Kyo biensur. Il y a évidemment toutes ces phrases dont l'ampleur dépasse le seul ouvrage. Reste l'analyse faite par d'autres : on sait que ce livre a de multiples lectures possible, qu'il est plus grand que le sujet spatio-temporel qu'il contient par l'analyse communément admise qui en est fait. Cette révolution est prétexte : c'est le destin des hommes, leurs engagements, leurs dignités, leurs conditions (si justement) qui transpirent derrière ces lignes, l'Amour aussi. Ce roman est partout classé dans les incontournables, les 5 ou 10 livres à lire dans une vie. Il est aussi le prix Goncourt 1933, et le Goncourt le plus vendu depuis la remise du prix. Un intemporel, pas tant par le lieu où il se passe donc que par sa profondeur : encore aujourd'hui, tous ces combats menés, souvent pour d'autres, pour des raisons politiques, philosophiques ou religieuses, par vengeance ou par raison, par solidarité ou par passion, par bêtise ou par amour. les traitrises par opportunisme, l'inhumanité au profit (!) de la vénalité, l'égoïsme contre le bien commun. Tant pis. Je le finis avec un brin déception d'être passé à côté, apparemment !
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La Voie Royale

Dans ce roman, je vois d'abord l'amitié indéfectible entre deux hommes : celle de Claude Vannec, jeune homme sans beaucoup de scrupules passionné d'art Khmer, et de Perken, vieil aventurier revenu de tout qui sent confusément sa fin approcher. Ensemble, ils partent à la recherche de la mythique Voie Royale enfouie dans les profondeurs de la jungle Cambodgienne. Pour Vannec, il s'agit de prouver que la Voie Royale existe bel et bien, et de vendre au prix fort quelques statuettes ou bas-reliefs arrachées aux temples en ruine afin de vivre avec aisance. Perken, lui, veut retrouver un aventurier perdu du nom de Grabot. Et puis, il a besoin d'argent pour se procurer des armes afin de protéger un territoire encore sauvage situé aux confins du Laos dont il est devenu une sorte de petit roitelet. Malraux montre sa fascination pour ces aventuriers qui, dans un mélange d'audace et de folie, profitèrent de la colonisation pour parvenir à se tailler de petits royaumes avant de mourir tragiquement. Perken est le fidèle reflet de ce type de baroudeurs comme ces Mareyna ou Odend'hal qui ont vraiment existé.

C'est un anticonformisme viscéral et hautain qui réunit ces deux hommes aux parcours si différents. En s'engageant dans cette aventure risquée car ces territoires ne sont pas encore soumis à l'autorité des "blancs", ils veulent échapper à la vie médiocre de leurs congénères : fonctionnaires prudents et combinards, marchands "avides de potins et de manilles", médecin opiomane et raté… Ils acceptent ( Vannec pour la première fois, et Perken une dernière fois) de prendre tous les risques pour échapper, ou du moins essayer, " à la vie de poussière des hommes".



Accompagnés d'un guide et de quelques porteurs, ils s'enfoncent dans la jungle. Avec ses peuplades insoumises, elle est le troisième personnage de ce roman. Ils s'égarent dans un environnement hostile fait de marais et de murailles vertes infranchissables. Des insectes géants grimpent sur leurs corps. Une chaleur étouffante les enveloppe. Ils s'épuisent au milieu d'une végétation luxuriante et pourrissante située "hors du monde dans lequel l'homme compte". Ils se heurtent ou bien sont aidés par des indigènes "qui se coulent dans le sentier avec leurs gestes précis de guêpes, leurs armes de mantes."

Et le chemin de fer qui les talonne, qui avale inexorablement la jungle, les force à s'enfoncer toujours davantage dans la jungle hostile et insoumise. Perken et Vannec abhorrent ce chemin de fer, représentant du monde moderne, du monde des "blancs", qui leur signifie que le leur va bientôt prendre fin.



Un grand livre, exigeant, touffu, difficile à lire aussi, du moins de mon point de vue (il me fallut à de nombreuses reprises relire à plusieurs fois pour bien suivre le fil des pensées des personnages), mais je n'en ai pas moins été happé par cet aventure jusqu'au-boutiste, voire fanatique, de nos deux héros.

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La condition humaine

Qui ne connait pas "La condition humaine" d'André Malraux ?

Il n'est pas question ici d'ajouter une critique de l'oeuvre ou de la façon d'écrire de l'auteur. Sur Monsieur Malraux, bien des choses ont déjà été dites, comme sur son oeuvre. Mais il me semble intéressant de se demander comment on devrait l'aborder.

Il s'agit d'un livre dans lequel on ne devrait pas entrer trop jeune, car il faut une bonne vision du contexte, de l'époque, de l'histoire pour en saisir les nuances, voire le côté prémonitoire (Paru en 1933).

Quand on le lit ou l'étudie au lycée, (c'est du vécu) je ne suis pas sûr que que l'on ait toujours sinon la culture, au moins la maturité pour tout analyser. Ou alors il faut un prof. sacrément pédagogue pour donner à chacun les clés de cet ouvrage. Si on ne connait pas le contexte on se noie dans le quotidien et le ressenti des personnages.

Il s'agit d'un livre révélateur de la situation agitant l'empire chinois, traitant de colonialisme, de communisme, de fascisme, de longue marche... et de révolution, qui nécessite une lecture à de multiples niveaux.

Il n'est surtout pas déconseillé de le lire quand on est jeune (C'est toujours formateur) à condition de le relire plus tard !
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