AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Annie Ernaux (2584)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La place

♫Qui sait où c'est sa 𝓹𝓵𝓪𝓬𝓮 !?

Un camping, un palace

Un perrier en terrasse

Au comptoir un blanc-cass'

Faut-il rester de glace !? ♫

- François Morel - 2016 -

----♪---♫---🐄---🛒---🐄---♫---♪----

Elle regarde la mère

Sous les yeux de son père

Et l'enfant en elle se terre...

Sois heureuse avec ce que tu as

Faut pas péter plus haut qu'on l'a

A table, mieux valait se taire

Peur indicible du mot de travers

Ou commettre des impairs

Alors elle a recopié des phrases, des vers

Dans son vieux pardessus râpé

Il s'en allait l'hiver, l'été

Là où restait quelque humanité

Là où les gens savent encore parler

De l'avenir même s'ils sont fatigués

Il ignorait qu'un jour, elle en parlerait...

Et Juliette avait encore son nez

Aragon n'était pas un minet

Sartre était déjà bien engagé

Au Café de Flore,

y avait déjà des folles

Tous ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut son père, où Annie a vécu aussi,

Il lui fallait revoir sa Normandie...

Mais quand on a juste quinze ans

On n'a pas le coeur assez grand...

C'est fou c'qu'un crépuscule de printemps

Elle a connu des marées hautes et des marées basses,

Elle a rencontré des tempêtes et des bourrasques,

Chaque amour morte à une nouvelle a fait 𝓹𝓵𝓪𝓬𝓮

Décrire la vision d'un monde où tout coûte cher

Allo Papa Ernaux Annie et à 𝙉𝙊𝘽𝙀𝙇 manières...
Commenter  J’apprécie          974
Passion simple

Je referme votre livre, Madame, en partageant votre point de vue. Petites nous avions une certaine idée du luxe, jeune femme c'était encore autre chose et avec la maturité, nous prenons conscience que le luxe c'est aussi cela : "pouvoir vivre une passion pour un homme ou une femme". Oui c'est un luxe ! car il faut LA rencontre : physique, émotionnelle, intellectuelle, temporelle...rien n'est moins évident. Se retrouver avec la bonne personne au même endroit au même moment et avec l'envie commune.... Sacré challenge !!

Certes cette passion a été douloureuse, mais au fond vous nous dites qu'elle a été bénéfique pour vous, "une sorte de don reversé", "à son insu, il [vous] a reliée davantage au monde". N'est-ce pas ça l'amour ?

Merci pour ce partage et votre belle écriture, objective et honnête, sans pour autant être distante, froide.
Commenter  J’apprécie          922
Passion simple

Belle lecture audio par Dominique Raymond sur France Culture (le podcast est disponible à la rubrique « l’atelier fiction »).



C’est assez classique mais l’expérience intime est souvent largement partageable. Cette “chronique d’une passion”, celle d’Annie Ernaux est une histoire, somme tout banale, dont le caractère de fait divers est accentué par son écriture : plate, distanciée, constat bref qui s’arrête où commencerait la broderie de l’interprétation, qu’elle refuse, très loin justement de celle de Marcel Jouhandeau inutilement pompeuse et urticante.



Elle reprend chronologiquement, scolairement peut-être, l’impact d’une passion, survenue quelques mois auparavant, sur sa vie quotidienne.

Le temps de l’écriture n’est pas concomitant, il y a une certaine distance temporelle, et peut-être spatiale aussi, qui paraissait nécessaire à l’écrivaine pour mettre en phrases l’expérience vécue. C’est aussi se laisser vivre, se laisser franchir chacune des étapes de la passion et de la « post-passion », sorte de deuil non pas d’un vivant, mais d’un sentiment, d’un état de désir, de manque-comblement perpétuellement exaspéré, rechargé, et vidé à nouveau au fil des rencontres.



Revoir le sujet de la passion, lorsque l’on est soi-même dépassionné, permet de prendre toute la mesure du pouvoir de guérison que le Temps a sur les vivants.



Les mots d’Annie Ernaux ne sont pas sans évoquer Les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, le sujet se retrouve seul face à sa passion (supposée non réciproque), et ainsi Ernaux écrit les mots du soliloque de l’amoureux, notamment l’attente, ce « tumulte d’angoisse » que suscite les quelques minutes d’attente au bout du fil, le temps que l’être aimé rappelle depuis une cabine téléphonique, « love is a ring, the telephone » chantait Patti Smith.

L’attente, pour Barthes, est aussi « un enchantement », on « reçoit l’ordre de ne pas bouger », ainsi Ernaux rappelle qu’elle évite de passer l’aspirateur de peur de ne pas entendre la sonnerie du téléphone ou bien la perspective d’une autre personne au bout du fil et occupant la ligne, alors que son amour pourrait téléphoner la plonge dans la tristesse et la colère.

Ainsi, feindre avec l’attente est vain, « l’autre n’attend pas », pour Barthes c’est le test imparable : « suis-je amoureux ? Oui, puisque j’attends. »



Souvent, l’état de passion est plus recherché que le sujet lui-même, « c’est mon désir que je désire » écrit Roland Barthes, telle la cigarette qui apporte la nicotine, le moyen d’obtenir la plénitude, la volupté de la souffrance amoureuse, les délices illusoires de la suspension que la passion amène à la vie, à l’habitude, au temps qui court, l’exaltation, dans ses nouveaux rituels un peu mystiques, qui nous ramène à la foi, cette « raison de vivre » clé en main, cette utilité maximale et exclusive de notre personne, comme l’écrivait Goethe dans son Werther : « il est pourtant vrai que rien dans le monde ne nous rend nécessaires aux autres comme l'affection que nous avons pour eux. »



Après tout pourquoi pas elle, Annie ? N’y a-t-elle pas droit à cette passion qu’elle a surement dû lire tant de fois dans les livres, voir au cinéma, entendre de l’aveux d’amis proches ? Fit-elle partie, comme chacun de nous peut-être, de ces gens qui ne seraient jamais tombés amoureux « s’ils n’avaient jamais entendu parler de l’amour » selon la maxime de La Rochefoucauld ?



C’est qu’on a l’impression d’un bunker, contre les assauts de l’existence, un refuge où « les paroles du cœur sont enfantines. Les voix de la chair sont élémentaires. » comme écrivait Paul Valéry à propos des sobriquets un peu niais que s’échangent les amants, et qui ajoutait « l’expression d’un sentiment est toujours absurde. »



Dans sa passion, à l’exception de quelques gestes profonds et discrets ; une carte postale ; Annie Ernaux ne s’accroche pas, elle reste statique, observant l’abîme mais sans s’y jeter, sans s’y noyer « au lieu de nager dans les circonstances de l’eau », Valéry encore. Voire pire, sans s’y vautrer comme on voit aussi parfois des addicts, des personnes qui ne savent pas s’arrêter, s’abreuver raisonnablement au calice de la passion. Les lendemains seront durs…



"À partir du mois de septembre l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme : qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi."



Alors faut-il soi-même avoir vécu une passion et en avoir ressenti les effets les plus anecdotiques dans ses journées pour ressentir et comprendre la façon dont cela affecte notre mémoire des évènements, notre tempérament et le récit d’Annie Ernaux ?



Qu’en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          9110
La place

Comme maître Corbeau perché sur son arbre, après avoir lu "je ne suis pas sortie de ma nuit", j'avais ouvert un large bec et juré que l'on ne m'y reprendrait plus.

Un peu tard, me direz-vous !

A cela je vous répondrai, sans hésitation aucune, que pierre qui roule n'amasse pas mousse et qu'un tien vaut mieux que deux tu l'auras ...

"La place" est un livre écrit, en 1983, par Annie Ernaux et qui a obtenu le prix Renaudot en 1984.

Le même prix qui entre autres avait autrefois récompensé Marcel Aymé et sa superbe "Table aux crevés", "voyage au bout de la nuit" de Céline et "les beaux quartiers" d'Aragon.

Que voulez-vous ?

Comme disait un vieux paysan de ma connaissance : "il y a des années à pommes et d'autres non" !

"La place", à l'aveu même de son autrice, est un livre de fracture, de trahison et de non-style.

Tout, ou presque, lui aura manqué pour être un bon livre, ce même bon livre qui a été récompensé et encensé.

C'est qu'une certaine confusion y règne.

Certains y ont vu un hommage au père, d'autres une offense impardonnable aux origines modestes.

Habileté d'autrice ou maladresse d'écrivaine, la description est contradictoire à souhait.

Comme chacun de nous, à l'intérieur de lui-même me direz-vous.

Certes !

Mais le sujet de "la place" n'est pas vraiment ce père aux manières trop frustres, non, le personnage principal en est le "malaise" d'Annie Ernaux.

Alors, c'est acté, ce livre, pierre angulaire de l'oeuvre, reposera sur une prétendue "auto-sociologie" qui va faire des émules et des dégâts dans les rentrées littéraires à venir.

Ce livre, "la place", est glacial.

Je n'y ai pas pas trouvé deux sous de sensibilité, ni d'empathie : l'oncle y devient "le frère de mon père" et le fils de l'autrice y est même nommé "l'enfant".

Que Dieu me savonne et que tonton me pardonne !

Mais qui fait ça ?

Par contre, j'ai cru discerner une réelle volonté de choquer par l'impudeur, une impudeur à la fois physique et morale.

Il y a quelque chose de gênant dans cette littérature qui veut s'imposer par sa désespérance indécente.

Impudeur inconvenante ou fine analyse psychologique et littéraire, l'ouvrage est écrit dans un style qui n'en est pas un, il est rédigé.

C'était la volonté même de l'autrice.

Le malheur, c'est qu'aux rares passages où cette dernière décide de se lancer dans de petites prouesses de style, elle y devient aussitôt inintelligible et inaudible.

De plus, dans le récit à proprement parler, quelques petites choses m'ont paru artificielles et comme invraisemblables à moi qui suis normand, et dont le grand-père était né en 1898 : une fille et son mari qui dorment dans le lit du père mort, un officier de marine pas fier, l'oeil petit bourgeois qui choisit plus soigneusement l'arrière-plan d'une photo, un sacristain qui fait faire à l'église un deuxième tour de condoléances, la recette du mercredi précédent restée dans la salopette du père alité ...

En Normandie, allons-donc !

1901 : Sully Prudhomme

1915 : Romain Rolland

1921 : Anatole France

1937 : Roger Martin du Gard

1947 : André Gide

1952 : François Mauriac et 1957 : Albert Camus

1960 : Saint-John Perse et 1964 : Jean-Paul Sartre

1985 : Claude Simon

2000 : Gao Xingjian

2014 : Patrick Modiano

2022 : Annie Ernaux

Que Dieu me savonne et que le bison me pardonne !

Qu'est-ce qui s'est passé ?

A quel moment ça a merdé ?

La notion d'ombre et de lumière est forte, toutefois posons-nous la bonne question : qui sommes-nous pour dire ce qui est bon ou mauvais ?













Commenter  J’apprécie          9019
La femme gelée

Annie Ernaux décrit elle-même sont écriture comme étant plate, ce que je traduis par sans fioritures inutiles, sans blablas de bonne femme et je dois dire que c'est réussi. C'est plat, c'est raplapla, je crois que c'est loin d'être mon plat favori.



Ici elle nous parle de sa vie, de son enfance jusqu'à la naissance de ses enfants. Elle nous transmet une sorte d'instantané de son époque, sans émotions, sans sel ni épices pour, à priori, mieux en montrer la banale réalité, la substance. le problème c'est que de substance, justement, je n'en ai pas trouvé.



Pour une femme de son époque, sa vie n'est pas à proprement parler banale, elle a même eu beaucoup de chance car bien peu de femmes de son époque ont eu les mêmes opportunités, n'est-ce pas ma petite maman ?

Pour le reste, son style précurseur est d'un ennui sans failles. On regarde Mme Ernaux se regarder et se regarder encore. L'écriture minimaliste rend la lecture désagréable, cette tranche de vie a un goût insipide et cet instantané de l'époque ressemble à un cliché.



Pour ma part quand un livre est bon, c'est par son ensemble qu'il se démarque, pas seulement par son style, je terminerais donc sur cette citation d'Anne Brontë dans Agnès Grey qui se marie si bien avec mon ressenti :

"Toutes les histoires vraies portent avec elles une instruction, bien que dans quelques-unes le trésor soit difficile à trouver, et si mince en quantité que le noyau sec et ridé ne vaut souvent pas la peine que l'on a eue de casser la noix".
Commenter  J’apprécie          8920
L'Occupation

“Je voudrais la connaître, savoir comment elle est, puisqu’elle a su te prendre, puisqu’elle a pris ma place, juste voir et comprendre tout ce que je ne suis pas” chantait, jalousement, Patricia Kaas.



L’Occupation est un court texte de la Prix Nobel de Littérature française Annie Ernaux, paru en 2002. L’écrivaine poursuit son oeuvre autobiographique, notamment celle de sa vie sentimentale, dans la continuité de Passion simple, paru en 1996. Les parallèles sont assez forts entre ces deux oeuvres. Ernaux s’empêtre dans des histoires d’amour passionnelles et sans avenir avec des hommes, plus jeunes et vaguement indisponibles, sorte de schéma qu’elle répète (jusqu’à son dernier livre “Le jeune homme”) de son propre aveu: “un garçon jeune, impécunieux, avec une femme plus vieille gagnant bien sa vie.”



“Il me fallait à toute force connaître son nom et son prénom, son âge, sa profession, son adresse.”



J’ai le sentiment que Ernaux construit son oeuvre avec le souci d’en dire le moins possible ou de dépersonnaliser au possible. C’est assez flagrant quant au contexte, au portrait des personnages, on ne peut les reconnaître, ils sont à peine esquissés, rien n’ancre véritablement le récit dans un espace-temps un peu précis, un peu détaillé. Alors certes, il ne faudrait pas qu’on puisse identifier les personnes du livre, qui existent dans la vraie vie, mais je crois que c’est aussi pour permettre au lecteur de s’incarner plus facilement, à chacun(e) de voir l’homme brun ou blond, la femme rousse ou petite, la maison, les rues, les cafés avec ses propres souvenirs et son imaginaire, un peu comme si nous lisions notre propre journal intime ; Ernaux déclara d’ailleurs : “écrire sur soi, c’est écrire sur les autres.”



“Dans cet évidement de soi qu’est la jalousie, qui transforme toute différence avec l’autre en infériorité, ce n’était pas seulement mon corps, mon visage, qui étaient dévalués, mais aussi mes activités, mon être entier”. Ernaux explore ce sentiment finalement assez commun que nous sommes amenés à ressentir et parfois, à susciter plus ou moins consciemment ou volontairement. Ici, c’est une jalousie qui arrive après la rupture, quand la personne, qu’elle a pourtant quitté, trouve quelqu’un d’autre. Ernaux devient maladivement curieuse de cette autre femme et le tourment la ronge, l’obsession, l’occupation, les excès de confiance ou au contraire de dévaluation d’elle-même, la comparaison, tous ces états psychiques affolent l’électrocardiogramme de ses émotions et de son estime d’elle-même.



“Dans l’incertitude et le besoin de savoir où j’étais, des indices écartés pouvaient être réactivés brutalement. Mon aptitude à connecter les faits les plus disparates dans un rapport de cause à effet était prodigieuse.”



Il y a une forme d’impudeur dans la jalousie, l’écrivaine utilise souvent l’analogie avec la folie, et c’est vrai, la jalousie nous fait faire des choses insensées. Appeler un numéro et raccrocher lorsqu’on entend une voix qui dit “allo” à l’autre bout du fil, épier, espionner, mener l’enquête. Pour trouver quoi ? qui ? Repasser en boucle, laisser l’esprit être totalement colonisé par une rengaine envieuse, d’une affreuse banalité dont on se pensait à l’abri.



Comme très souvent, j’en reviens à Roland Barthes qui, dans Fragments d’un discours amoureux, dessine les enjeux pratiques de la jalousie : “Comme jaloux je souffre quatre fois : parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l’être, parce que je crains que ma jalousie ne blesse l’autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité : je souffre d’être exclu, d’être agressif, d’être fou et d’être commun.”



L’écriture de soi, la recherche d’une authenticité, dans l’autobiographie plus que dans le roman, doit se faire au prix d’une lumière parfois peu reluisante de la personne de l’écrivain. Annie Ernaux écrit ainsi : “La dignité ou l’indignité de ma conduite, de mes désirs, n’est pas une question que je me suis posée en cette occasion, pas plus que je ne me la pose ici en écrivant. Il m’arrive de croire que c’est au prix de cette absence qu’on atteint le plus sûrement la vérité”. Lorsqu’on lui citera cette phrase lors d’une conférence, quelques années après L’Occupation, l’écrivaine française dira : “oui, j’ai une forme d’indifférence profonde au jugement d’autrui.”



“Ecrire pour moi c’est descendre” déclarait encore en interview Annie Ernaux. Avec L’Occupation, elle descend doublement à la fois comme personnage, car la jalousie nous fait tomber bien bas, et surtout comme écrivaine. Derrière tout cela, il y a l’écriture, comme une consolation dernière, comme une sorte de rétribution, de remise à l’équilibre entre la souffrance de la femme et le gain de l’écrivaine qui a enfin une histoire à raconter, un prétexte à écrire, à créer.



Car, la vie, même la plus charnelle, la plus intime, la plus douloureuse, c’est encore la promesse d’un texte à naître : “J’ai tout attendu du plaisir sexuel, en plus de lui-même. L’amour, la fusion, l’infini, le désir d’écrire.”



Qu’en pensez-vous ?

Commenter  J’apprécie          847
Les années

Je n'avais jamais lu de romans d'Annie Ernaux, c'est maintenant chose faite et je dois dire que j'ai beaucoup aimé : Les années.

Annie Ernaux possède le talent et la finesse de l'écriture, un tantinet satirique et moqueuse, d'allier la sphère de l'intime, son petit monde, ses ondes intérieures à celui du monde universel qui nous concerne tous.

Au travers de photos et de clichés personnels, elle tisse le fil de sa mémoire etcelui de la mémoire du monde.

Avec beaucoup de finesse, à l'instar de, Marcel Proust qu'elle apprécie, elle se glisse dans la notion du temps qui passe, qui se perd et qui nous fait tout simplement parcourir le temps de la vie d' un homme, d'une femme.

L'expérience de sa propre vie est en corrélation étroite avec la mentalité d'une époque.

Elle part des années 40, celles de sa naissance jusqu'aux années 2000 jugées inaccessibles ou inateignables pour les gens de sa génération.

On apprend ainsi l'évolution de la société, très codifiée et religieuse des années 50, en passant par l'espoir de mai 68, l'élection de 1981, point d'orgue d'une génération.

Ce qui est très intéressant, c'est que ses observations ou ses commentaires comme par exemple les fêtes de famille résonnent en chacun de nous. On a tous entendu nos parents, nos grands parents raconter des choses similaires.

Le détachement, voire le reniement des origines sociales dû à une élévation sociale, notamment par les études est très pertinent.

Au total, même si je n'ai pas l'âge d'Annie Ernaux, beaucoup de choses dites et d'analyses de nos comportements sociaux ont résonné dans ma tête.

Je vous conseille vivement ce petit opus surtout si vous ne connaissez pas cet auteur.

Commenter  J’apprécie          8414
La Honte

Croisée il y a quelques temps à la télé, cette femme détonnait. Envie de lire à quoi ressemblait ce qu’elle écrivait. Mais l’auto-fiction, ce n’est pas vraiment mon truc. Finaud, j’en ai choisi un pas épais, écrit gros.



Et puis ce matin, je la découvre prix Nobel. Alors pour ne pas avoir l’air sot dans les salons de Babelio, j’ai lu La honte. Où elle raconte en détail l’année de ses douze ans, quand elle a découvert à son désavantage les différences sociales.



Déjà, elle est pas gênée celle-là, elle nous raconte sa petite cuisine d’écrivain en train de faire son livre. Ce sont des paragraphes intercalés, mis entre parenthèses. Qu’est-ce que j'm'en fous, moi, j'veux qu’on m’raconte une histoire, pas comment on l'a écrit.



Mais ce n’est pas si bête, finalement, cela nous rapproche de la fillette qu’elle fut en nous rapprochant de sa difficulté à s'en souvenir plus de quarante ans après.

Mine de rien, elle atteint une précision impressionnante, entre les détails factuels et les souvenirs de sentiments qu’ils font remonter. Dans un style sans affect, le plus neutre possible en apparence. Et pourtant, on finit par ressentir les émotions de cette fillette.

Remarquable.



Bon, cela fait et cela dit, je retourne aux œuvres complètes de Flannery O’Connor qui ont beaucoup plus d’intérêt à mes yeux.
Commenter  J’apprécie          8425
La place

Son père s’éteint en 1967, alors que, venant de réussir le Capes de Lettres, Annie Ernaux réalise le rêve qu’avait pour elle cet homme d’extraction modeste à la vie laborieuse et contrainte. Quinze ans plus tard, par amour autant que par remords, parce qu’ « écrire est le dernier recours quand on a trahi » et que son parcours, en la faisant « migrer doucement vers le monde petit-bourgeois », lui a fait peu à peu « oublier les souvenirs d’en bas comme si c’était quelque chose de mauvais goût », en tous les cas d’incompatible avec la « vision distinguée du monde » qu’elle s’est efforcée d’adopter pour complaire à son nouveau milieu, elle se lance dans le portrait, nu et sans artifices, de ce père à qui elle restitue ainsi sa vraie « place ».





Né au début du siècle dernier dans une famille normande de tâcherons agricoles, le père d’Annie Ernaux ne fréquente guère l’école avant de la quitter dès douze ans pour s’employer dans des fermes d’abord, en usine ensuite. A force de sacrifices et de travail, lui et son épouse acquièrent, après la seconde guerre mondiale, un café-épicerie à Yvetot, qui, tout symbole d’indépendance et d’élévation sociale qu’il soit, ne les met pas à l’abri de la précarité et des fins de mois difficiles partagées avec leur clientèle ouvrière. Complexé par son patois paysan, par son manque d’éducation et par sa gêne financière, le père investit toutes ses espérances dans la réussite de sa fille Annie, qui, brillante à l’école, entame bientôt des études universitaires. Peu à peu, une distance se creuse, à mesure que la jeune fille s’écarte du cadre familial, invite des amies issues de bonnes familles dont le savoir et les manières renvoient ses parents à leur sentiment d’infériorité, se marie bourgeoisement et devient professeur de lettres.





Lorsque le récit commence, son père vient de rendre son dernier souffle, et, le temps pour sa mère de descendre l’escalier avec les mots « c’est fini », c’est toute la vie de cet homme et sa relation avec sa fille qui défilent en une centaine de pages avant de revenir s‘achever à cet instant précis. Dans son souci de fidélité à la réalité, l’auteur s’est interdit toute sentimentalité et fioriture littéraire. Le texte se déploie au long d’une écriture plate, neutre, sèche et précise, qui dissèque faits et sentiments avec la rigueur d’observation d’un entomologiste. Pourtant, même si sévèrement tenue à distance, l’émotion transparaît à fleur de mots, vibre sous la retenue et emporte le lecteur, en écho à ses propres blessures familiales, à ses tristesses et à ses remords, au fond d’un intense bouleversement.





Prix Renaudot et énorme succès de librairie, un récit vrai et un grand livre d’amour filial sur fond de trahison sociale. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          839
La place

Annie Ernaux cherche à réhabiliter son père qu'elle pense avoir trahi le jour où elle est devenue professeur, en passant dans un autre monde qui était le sien, celui des paysans, des ouvriers et des petits commerçants.



Pour être au plus près de la réalité de ce père pour qui elle a nourri des sentiments ambigus, elle est résolument factuelle et se refuse toute fioriture d'écriture. Avec des mots volontairement simples, elle décrit la vie d'un homme qui appartenait au peuple, en avait le langage et le comportement.



Son but est d'être juste et de le repenser tel qu'il était pour lui redonner La place qu'il mérite, sans le trahir de nouveau. Un père auquel elle rend hommage en écrivant que : « Peut-être sa plus grande fierté, ou même la justification de son existence : que j'appartienne au monde qui l'avait dédaigné. »



Annie Ernaux construit, livre après livre, une oeuvre engagée, puissante et sans concession, magnifiquement inspirée par sa rupture avec son milieu d'origine et par la souffrance qui en a résulté.

Commenter  J’apprécie          820
Une Femme

Atteinte de la maladie d'Alzheimer, la mère d'Annie Ernaux vient de s'éteindre dans sa maison de retraite. Consciente dans son chagrin qu'avec cette mort disparaît « le dernier lien avec le monde dont elle est issue », l'écrivain revient sur la vie de celle qui, de modeste extraction, sut lui donner l'envie d'apprendre, et, par là-même, lui fournit la clé de son ascension sociale.





Née au début du XXe siècle en Normandie profonde, au coeur d'« une région entièrement agricole, aux mains de grands propriétaires », quatrième sur les six enfants d'un employé de ferme et d'une tisserande à domicile, qui, épuisés à la tâche, ne firent pas de vieux os, cette femme fut d'abord ouvrière, dès ses douze ans. Peu après son mariage, elle et son mari achetèrent à crédit un café-épicerie « dans la Vallée, zone des filatures datant du XIXe siècle, qui ordonnaient le temps et l'existence des gens de la naissance à la mort. Encore aujourd'hui, dire la Vallée d'avant-guerre, c'est tout dire, la plus forte concentration d'alcooliques et de filles mères, l'humidité ruisselant des murs et les nourrissons morts de diarrhée verte en deux heures. » Elle y subsista à grand-peine, mais, férue de lecture et soucieuse de « tenir son rang », elle ne cessa de pousser sa fille vers les études qui devaient la propulser dans la sphère de « la bonne éducation, l'élégance et la culture », la comblant de fierté par procuration tout en lui faisant prendre « toute la mesure de son sentiment d'indignité », indignité dont, écrit Annie Ernaux, « elle ne me dissociait pas (peut-être fallait-il encore une génération pour l'effacer), dans cette phrase qu'elle m'a dite, la veille de mon mariage : ‘'Tâche de bien tenir ton ménage, il ne faudrait pas qu'il te renvoie.'' »





Malgré l'émotion que l'on devine à travers les lignes et que sa discrétion rend encore plus bouleversante, la narration s'en tient à une sobriété presque clinique, qui, bannissant introspection et effet de style au profit d'une concision lucide et objective, fait de cet intime portrait maternel et de tout ce qu'il représente pour l'auteur comme socle de son élévation sociale, une véritable analyse sociologique. Cette femme n'est pas ici seulement la mère d'Annie Ernaux, elle incarne et représente un milieu et une époque, elle est le trait d'union entre deux mondes et deux conditions : un lien qui disparaît avec elle et que ce livre entreprend en quelque sorte de préserver, devenant à la fois témoignage et fixation de ses racines dans la mémoire de la narratrice.





D'une grande finesse d'observation et d'une parfaite justesse, ce texte impressionne par sa sincérité sans artifice et par sa manière, si simple en apparence, de mettre en mots la vérité. Chez Annie Ernaux, nul n'est besoin de discours ni d'analyse : il lui suffit de montrer pour asseoir magistralement son propos.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          807
Passion simple

Passion simple, voilà un titre bien étrange pour décrire quelque chose qui déchire vos entrailles et creuse un trou dans le ventre pour y déposer des braises ! C'est un texte autobiographique très concis dans lequel Annie Ernaux évoque une rencontre avec un homme, une histoire clandestine, éphémère, incandescente, douloureuse. C'est un roman inspiré d'une histoire vraie, celle d'une histoire amoureuse, passionnelle, que l'autrice a vécue avec un homme marié et vivant à l'étranger, - précisément un diplomate russe, pendant quelques mois de l'année 1989.

Quelques mots crus, quelques gestes torrides sont ici à peine esquissés, vite balayés pour dire autre chose... Plus que les descriptions de l'acte d'amour, Annie Ernaux préfère dire en creux les intervalles entre les jours.

C'est un livre sur le temps, ce temps si particulier de l'amour, c'est un temps de l'attente, un temps qui se fabrique sous nos yeux.

C'est aussi un livre sur l'écriture.

Il y a donc plusieurs manières d'aborder ce récit. Je vous propose quelques chemins, guidés bien sûr par mon ressenti.

On peut le regarder sous l'angle strict de cette relation passionnelle, la façon dont Annie Ernaux raconte les corps en fusion, les gestes mélangés, quelque chose de vorace et d'animal et là il est possible de tomber dans un profond ennui, non pas que ce qui est vorace et animal m'ennuie, mais ici ce n'est pas ce qui intéresse Annie Ernaux et ce n'est pas là qu'elle m'a étonné. Certains, je pense, s'arrêteront là et descendront du train...

On peut alors prolonger notre voyage de lecteur pour atteindre cette dimension insaisissable de la temporalité, l'attente, les coups de téléphone qui viennent et qui ne viennent pas, les moments partagés bien éphémères à côté de ce temps cruel qui enrobe l'immanence de l'instant pour l'écraser comme un insecte sous le pied. Et puis c'est le temps de la douleur, de la souffrance, de la jalousie, ce temps indéfini et infini, celui d'après qui scelle la perte de l'être aimée, comme un deuil qu'il est impossible de faire...

Désirer, continuer de désirer dans l'attente, n'avoir rien d'autre à faire que d'attendre...

Attendre, tout est dans ce mot à la fois simple, banal et vertigineux.

Attendre comme on attend dans une tragédie antique.

Attendre qu'un jour il ne puisse plus revenir, attendre d'être broyé par le cours de l'existence.

Annie Ernaux nous montre que vivre cette passion, c'est entrer dans un espace-temps étranger à son existence, un monde inconnu, une sorte de faille temporelle où elle est tombée à jamais... Elle est devenue étrangère à ses proches, peut-être à elle-même, tout en se rapprochant des autres, d'un autre monde qui lui était alors inconnu...

Se dire que tout ceci a une temporalité, se dire presque égoïstement que pendant ce temps-là, - le temps de l'étreinte, le temps de l'attente, le temps où on oublie les autres -, le monde continuait de tourner avec ses guerres, ses brutalités, ses injustices...C'est cela aussi le temps de l'amour...

La manière dont Annie Ernaux fouille cette temporalité s'accomplit dans cette acuité redoutable et touchante.

Que reste-t-il avant que tout ceci ne disparaisse dans une mémoire encombrée par l'émotion : une photo floue, le souvenir d'une voix, d'une odeur, les bruits de la rue quand ils quittaient l'hôtel... ? Alors, écrire, peut-être...

Clémenceau disait : « le meilleur moment dans l'amour est quand on monte l'escalier ». Annie Ernaux nous invite dans la redescente de l'escalier, mais pas en glissant sur la rambarde en chantant ou en sonnant le clairon. Non, c'est une descente aux enfers dans les affres de la douleur.

C'est un texte court qui sonne comme une déflagration.

C'est un temps où le reste de la vie ne compte plus, le temps des autres devient dérisoire.

Pudique dans les mots, impudique dans sa fragilité, sa naïveté, dans son absence de dignité à contenir les digues... Car à partir de l'obsession, on n'est jamais loin de l'aliénation, et de l'aliénation il n'y a qu'un pas vers l'impudeur et l'abêtissement...

Il faudra attendre l'écriture, ce fameux temps de l'écriture, le temps d'écrire ce livre pour fixer les choses à la mémoire.

Ce récit n'est pas seulement le texte d'une passion, d'un désir. C'est aussi une ode à l'écriture et aux écrivains.

Annie Ernaux est allée au bout de cette écriture, comme une nécessité.

Et c'est sans doute là que le récit devient pour moi important et magnifique.

Le reste, moins...

C'est une écriture sans fioriture, sans esthétisme, c'est une écriture qui pose un acte d'écrire, un acte social, un acte personnel, un acte essentiel aussi important que celui de vivre, d'espérer, espérer un jour vivre une passion... Accepter d'en souffrir aussi... Révéler cela après...

Et l'on se demande alors que sont les écrivains pour nous dire cela, avec tant de fragilité et d'impudeur ? de quoi sont-ils constitués ? Sont-ils des êtres normaux ? Je me le suis souvent demandé. Et encore forcément ici avec Annie Ernaux...

Se découvrir de quoi on peut être capable, dans ce désir à la fois sublime et abêtissant.

C'est vrai qu'écrire cette histoire est aussi important pour Annie Ernaux qu'un acte social. C'est une passion qui a fini peut-être par mieux la relayer au monde des autres, par ses fragilités, sa vacuité, ses tâtonnements...

L'oeuvre d'Annie Ernaux ne m'attirait pas plus que cela jusqu'à présent.

Ce texte pourrait paraître au premier abord froid, distant, ordinaire.

Il est un pan intime d'une vie, avec son avant son après, ce qui fait tenir debout après, malgré les digues dévastées.

Écrire, alors...

Écrire malgré l'impudeur.

Toucher le rivage de ce qu'on croyait jusqu'alors inabordable.

Désirs sublimes, désirs mortels, désirs ordinaires...

Désir insensé, indigne, qu'on moquerait chez d'autres et qu'on n'a aucune honte à accueillir pour soi.

Et puis, j'ai été touché par ce vertige qu'Annie Ernaux partage, le texte est encore intime, personnel, juste au moment où elle se retient encore avant de...

Annie Ernaux s'apprête à le livrer en pâture aux lecteurs, à jeter ses mots de l'autre côté du versant et c'est tout l'acte où la personne intime devient écrivain, se métamorphose comme chenille devenant papillon...

La passion, est-ce ne plus discerner les choses ? Mais l'écrire c'est peut-être remettre du discernement, se rapprocher des autres, recoller avec la réalité sociale de l'amour.

Écrire, c'est vouloir se perdre encore, mais d'une autre manière, après la passion où l'on s'est déjà perdu... Ce n'est surtout pas se retrouver, - en tous cas je l'espère, c'est juste dire une transgression qui continue de se poursuivre à travers les mots qu'on partage aux autres, peut-être pour qu'ils s'échappent enfin.

Écrire, c'est tenter de chercher ce chemin et le lecteur est là pour tendre sa lampe sur ce chemin...

Passion simple, c'est avant tout le texte d'une femme qui aime et l'écrit.

C'est peut-être pour toutes ces raisons-là que j'ai aimé ce récit d'Annie Ernaux, bien que je préfère largement l'imaginaire à l'autofiction.

Commenter  J’apprécie          8030
Les années

« Ecrire une sorte de destin de femme, qui ferait ressentir le passage du temps en elle et hors d’elle, dans l’Histoire, un roman total. Ce sera un récit glissant, dévorant le présent au fur et à mesure jusqu’à la dernière image d’une vie »

Voilà le but que s’était fixé Annie Ernaux : écrire son autobiographie mais non centrée uniquement sur elle-même, plutôt une femme dans sa famille, dans la société, dans son pays, dans le monde. Son appréhension des choses. Pas de « je », mais « nous », « on ».

Elle participe au monde, et le monde rejaillit sur elle.





J’ai adoré ce type de narration qui m’entraine bien plus loin que moi-même.

Depuis l’après-guerre jusqu’à la première décennie des années 2000, Annie Ernaux cite des faits marquants, retrace l’humeur et l’état d’esprit de chaque génération, expose l’âme du temps.

J’ai l’impression que tout est recensé !

Evidemment, comme elle est française, elle fait référence aussi à la politique de son pays, mais nous les Belges y sommes habitués, donc ses fragments ne m’ont pas souvent déstabilisée.

J’ai retrouvé les préceptes d’éducation de ma grand-mère et de ma maman, et les miens aussi.

J’ai acquiescé devant son exposition de la transformation du monde.

J’ai souri devant son énumération des morceaux de musique, des titres de livres, des slogans publicitaires, des phrases toutes faites, des blagues éculées.

J’ai frémi au souvenir des faits-divers marquants.

J’ai souscrit à ses pensées féminines et féministes.





Deux éléments récurrents rythment le récit : les repas de famille et les photos d’Annie Ernaux, qui sont détaillés à chaque décennie environ, et on remarque ainsi le glissement des mentalités, de la préhension du monde. Ayant vécu plusieurs décennies depuis les années 60, je peux assurer que j’y adhère complètement !





« Sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais » : c’est totalement réussi.

Ce livre m’a aidée à appréhender le temps qui passe et à opérer un retour sur moi-même, mon époque et celle de mes parents.

C’est un coup de cœur !

Commenter  J’apprécie          8010
L'événement

Annie Ernaux raconte ici l'avortement qu'elle a du subir, bien avant la loi du 19 janvier 1975. Parcours du combattant, émaillé des multiples vexations de son entourage, y compris du géniteur ou des personnes professionnelles ou non à qui elle demande de l'aide, et qui met en lumière encore une fois à quel point le milieu social auquel il semble que l'on appartienne modifie le regard de l'autre.



Même si tout n'est pas forcément simple et facile presque cinquante ans plus tard, l'auteur apporte aussi un éclairage historique et social autour de la condition féminine.



L'analyse est comme toujours fine, aiguisée et terriblement dérangeante


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
Commenter  J’apprécie          800
Le jeune homme

Quand « Lire au lit » lit debout… Ah, ah, approchez que je vous raconte ma petite mésaventure. Le ridicule ne tue pas paraît-il… Samedi matin, je vais faire mes courses (j’ai une vie passionnante...) Quatre (grands) gosses = caddie, panier, sacs… Bref. Avant d’entrer dans le supermarché (avais-je déjà une petite idée en tête ?), j’oblique vers l’Espace Culturel. Le bouquin d’Annie Ernaux est là. Je l’ouvre et commence à le lire. Debout. Le problème avec un bouquin aussi court, c’est que quand t’as commencé à le lire, tu l’as déjà fini. 27 pages de texte, c’est vite lu...

Je le repose, l’air détaché, reprends mon caddie et commence à arpenter les rayons. Alors, elle rencontre un gars de 30 ans de moins qu’elle. Bon, on en a vu d’autres. (Cela dit, l’essentiel du texte ayant été écrit il y a plus de vingt ans, le sujet était peut-être à l’époque un peu tabou...) La suite est classique : l’impression de revivre sa jeunesse, de se voir donc comme elle était avant, la différence de statut social… Et puis, le regard des autres, le temps qui passe, le corps qui vieillit, la mort etc etc... Bien analysé, écriture au couteau… Du Ernaux pur jus.

J’avais préféré « Passion simple » mais pourquoi pas... Tiens un poulet pour demain, c’est pas mal. Un poulet ou une pintade ? Un truc me turlupine quand même. Je ne sais pas quoi. J’ai l’impression que je suis passée à côté d’une chose importante… Merde, j’aurais dû acheter le bouquin… Céréales, baguette… Je retournerais bien dans l’Espace Culturel relire deux trois phrases mais bon, pas le temps… Des bananes. Qu’est-ce qu’il m’a demandé Antoine déjà ? Des cordons bleus ? Est-ce qu’elle ne dit pas, à un moment, que dans cette relation, elle est un personnage de fiction ? J’ai bien lu ça ou j’invente ? Je regarde les compotes et là, je comprends, je me dis, attends, en fait, c’est énorme ce qui se passe dans ce bouquin, énorme. L’essentiel, ce n’est pas du tout le jeune homme, évidemment, mais l’écriture. Oui, elle parle de la littérature là. Je ne me souviens plus… qu’est-ce qu’elle emploie comme termes exactement ?

Je rentre. Je raconte. Les gamins ricanent : tu pouvais pas te l’acheter ton bouquin, hein, pas plus cher qu’un paquet de clopes. Allez les mioches, il n’y a pas de petites économies et puis, je l’avais déjà lu… Je repense à ce truc qui me turlupine. Je rumine, tourne en rond. Je n’ai pas de librairie en bas de chez moi, faut que je reprenne la voiture, fasse vingt bornes... Je raconte à une amie, une vraie, qui me dit : bouge pas, j’y vais, non je l’ai lu, j’y vais je te dis, bah si tu veux...

Elle revient, je le lis, il est à moi, je le relis, crayonne, retourne en arrière, vérifie. C’est ça et c’est effectivement ÉNORME. Parce que ce qu’elle nous dit, c’est non seulement que sa vie est littérature mais là, on se demande si ça ne va pas plus loin et si cette relation n’a pas été entamée précisément POUR ÊTRE ÉCRITE. Ce qui signifie qu’au moment même où elle était vécue, elle devenait matière littéraire. En fait, chez Ernaux, la vie EST littérature et n’a de sens que si et seulement si elle devient littérature, se transforme en objet littéraire. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la vie mérite d’être vécue : pour être écrite. Sinon, autant mourir. La vie ne doit servir qu’à être écrite. « C’est peut-être ce désir de déclencher l’écriture du livre… qui m’avait poussée à emmener A. chez moi. » Ici , tout se passe comme si Annie Ernaux « PROVOQUAIT » dans le réel un événement afin qu’il DONNE LIEU à une matière susceptible d’être à l’origine d’un texte.

Si j’osais, j’irais jusqu’à dire qu’elle vit cette relation PARCE QU’ELLE SAIT qu’elle va générer une matière littéraire.

Jusqu’à présent, elle se servait de son vécu pour écrire. Là, elle « amorce » (et prolongera aussi longtemps que nécessaire) ce qu’on appellera par commodité « l’action » dans le réel, d’où la présence simultanée des deux verbes dans cette citation : « … écrire/vivre un roman dont je construisais avec soin les épisodes.»

Et cette « construction » n’a pas lieu sur le papier, après les événements, mais AU MOMENT MÊME où l’autrice les vit. Annie Ernaux n’attend pas d’écrire pour lancer son récit, elle le fait naître avant, in real life, le déroule, s’observe, observe les autres EN TANT QUE PERSONNAGES LITTÉRAIRES (de fiction?) prêts à être embarqués pour un récit imminent. C’est pourquoi elle dit : «La principale raison que j’avais à vouloir continuer cette histoire, c’est… que j’en étais le personnage de fiction.» Ainsi, au moment même où elle vit les événements, elle agit en sachant qu’ils vont devenir objets d’écriture. D’ailleurs, la fin de l’écriture du livre coïncidera logiquement avec la fin de la relation.

(Je ne vous raconte même pas ce que ça doit impliquer comme regard distancié sur ce qu’on vit...)

Je suis stupéfaite. Je crois que chez aucun écrivain je n’ai senti une telle nécessité absolue d’écrire au point même de provoquer des événements parce qu’ils sont susceptibles de donner lieu à un texte.

C’est l’impression que j’avais eue en parcourant rapidement le livre, à savoir que, dans le fond, l’essentiel, ce n’était pas le jeune homme (ce qui explique d’ailleurs pourquoi le livre est court : c’est une histoire banale à notre époque… et finalement, il n’y a pas grand-chose à en dire.) Non, l’essentiel apparaît à mon avis dans cinq, six phrases et dans le sublime exergue : « Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme, elles ont été seulement vécues. » Et ce qu’elle dit là est vertigineux. Et terrible : elle exprime l’espèce de fusion, de tissage, d’imbrication que sa vie entretient avec la littérature non seulement parce que ses textes se nourrissent de son existence mais aussi parce qu’ils influencent la trajectoire même de cette existence.

Et c’est précisément le cas ici parce qu’elle vit quelque chose qu’elle a déjà vécu lorsqu’elle était étudiante (fréquenter un jeune homme, aller au resto U, dormir sur un matelas par terre…) Interviewée pour le Magazine Littéraire, elle dit « Écrire ne se confond pas avec imaginer… Pour moi, écrire, c’est retrouver. » Or, finalement, ici, dans cette expérience précise, il ne lui est pas nécessaire de passer par l’écriture pour « retrouver », elle le fait déjà en le vivant. On comprend mieux alors son impression d’être une actrice et de « rejouer des scènes et des gestes qui avaient déjà eu lieu. » Ce que je veux dire, c’est qu’il me semble ici que « l’acte littéraire », le passage à « la création », « la fiction » a lieu avant même l’écriture. Je ne sais pas si l’on retrouvera cette posture particulière ailleurs, dans d’autres textes d’Annie Ernaux. (sauf peut-être dans l’épisode de la rencontre avec l’officier à Venise qui sera à l’origine du livre « Les Années » : « Parce que j’attends toujours de la vie qu’elle apporte une solution à mes problèmes d’écriture, il me semblait que cette rencontre sur le vaporetto m’avait d’un seul coup rapprochée du livre que je voulais entreprendre. »)

À la page p 23, l’autrice écrit : « Notre relation pouvait s’envisager sous l’angle du profit. » Il me semble que le principal profit que la romancière ait tiré de cette relation, ce n’est pas forcément le fait de revivre une seconde jeunesse mais celui de donner naissance à une matière fictionnelle. Elle dit d’ailleurs qu’elle a « conscience qu’envers ce jeune homme, cela impliquait une forme de cruauté. » Je veux bien la croire… Elle domine sur le plan matériel et culturel, tient les cordes, joue un rôle (celui de la fille qu’elle était autrefois), sait que tout ça ne débouchera sur rien sinon une séparation… et surtout… un texte.

Évidemment, on s’en remet d’être transformé à son insu en être de fiction mais j’aimerais mieux, moi, que ça ne m’arrive pas…

Allez, j’espère que leur histoire fut tout de même une belle histoire…

En tout cas, « Le jeune homme » me semble être un texte complètement essentiel sur le rapport d’Annie Ernaux à l’écriture.

Et je suis contente de l’avoir dans ma bib !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          7711
Mémoire de fille

Je n'irais pas par quatre chemins, ma première rencontre avec l'auteure s'est révélée être un flop. J'étais pourtant bien disposée, au départ, pour me replonger dans l'atmosphère de la fin des années 50 et entendre l'histoire de cette jeune fille de l'époque.

Sauf que, finalement, l'histoire en question aurait pu amplement se résumer en quatre ou cinq pages. le reste n'étant qu'un questionnement égotiste qui ne sied qu'à un journal intime mais ne présente pas d'intérêt à être diffusé publiquement.



Pour ce qui est de cet effet de style consistant à employer tantôt le "je", tantôt "Annie D.", tantôt "la fille", pour parler de sa seule personne, je n'ai pas trouvé que cela apportait un plus à l'écriture, sinon un certain agacement pour la lectrice que j'étais de son roman.



Sur la 4ème de couverture, on peut lire : "Annie Ernaux replonge dans l'été 1958, celui de sa première nuit avec un homme. Nuit dont l'onde de choc s'est propagée violemment dans son corps et sur son existence durant deux années."

Sachant à présent de quoi il en retourne - et tout en admettant que je ne suis pas d'un romantisme exacerbé -, je cherche encore les raisons du "traumatisme" annoncé.

Que l'on soit fille ou garçon, rares sont ceux d'entre nous qui peuvent se remémorer leur première fois comme s'apparentant à un feu d'artifice. On est gauches, empotés, intimidés, on se connait peu soi-même et pas du tout l'autre. Et si cela reste pour tous un moment inoubliable, nous avons pour la plupart, la bienveillante sagesse d'y repenser avec une certaine indulgence et un amusement attendri. Vraiment pas de quoi en faire une opérette ou un drame.



Quant aux comportements stupides, aux réactions inadaptées, à tous les loupés, de notre adolescence, lequel d'entre-nous, devenu adulte ne s'est-il pas dit : "Bon sang ! Qu'est-ce que j'ai été nul !". Toujours pas de quoi en faire une thèse, non plus. C'est l'apprentissage de la vie et de notre relation aux autres. Rien de plus.

Et, sur ce point, je ne vous cache pas que, aujourd'hui, encore et toujours, je me mettrais des baffes quand je me surprends parfois à réagir aussi connement que si j'avais encore quinze ans.



Dans sa Mémoire de Fille, Annie Ernaux se reproche, entre autres, son orgueil de l'époque. De mon point de vue, c'est en le publiant, qu'elle a véritablement fait preuve d'orgueil.

Petite introspection et grand délayage qui n'offre d'intérêt que pour la personne concernée, soit Annie Ernaux, dont je lirais sans doute un autre ouvrage plus tard afin de ne pas rester sur cette première mauvaise impression.
Commenter  J’apprécie          7722
La Honte

Lorsque j'étais en formation d’éducateur spécialisé, on m'a beaucoup demandé de raconter mon parcours de vie, ce qui m'avait amené à choisir ce métier. Sans doute parce qu'il y a ce qui est considéré comme des "mauvaises raisons" de choisir ce métier, comme par exemple résoudre ses soucis personnels, les traumatismes en lien avec sa propre histoire. A l'occasion d'un entretien avec ma référente de formation, et après que j'ai retracé mon parcours familial, elle m'avait conseillé la lecture de La honte d'Annie Ernaux pour mieux comprendre et analyser mes motivations. Ce devait être en 2008 ou 2009...



Comme vous le voyez, je suis prompt à suivre les recommandations de mes formateurs puisque je viens enfin de terminer ma lecture (130 pages, j'ai toujours eu du mal avec les pavés...). Trêve de plaisanterie, malgré l'écart des années, l'envie de savoir ce qui avait motivé cette recommandation m'intéressait en commençant cette lecture. La révélation ne fut pas transcendantale ! Le fait que cette formatrice soit sociologue avait dû beaucoup jouer, la démarche d'ethnologue de soi-même que revendique Ernaux devait beaucoup lui plaire... à elle...



Je n'y ai pas été indifférent non plus, l'idée de s'auto-examiner, d'explorer ses souvenirs, son passé comme on le ferait avec un sujet universitaire est plutôt géniale. J'ai retrouvé dans le projet des parallèles avec Modiano et son obsession de la mémoire avec une différence certaine de style tout de même. Ernaux revendique une écriture plate, neutre, sans métaphores, recherchant l'objectivité dans l'analyse des faits. Il y a également une certaine volonté d'exhaustivité, de précision qui aboutit parfois à un sentiment d'exagération quand elle explicite des comportements qui nous semblent des évidences... jusqu'à ce qu'on se rende compte que ce ne sont des évidences que parce que l'on partage avec elle précisément ces mêmes expériences. Et la boucle est ainsi bouclée peut-être des raisons qui ont poussé ma formatrice à m'inciter à cette lecture : une éducation dans la religion catholique, une origine plutôt modeste (mais loin du dénuement de celle d'Ernaux) une volonté parentale de progresser hors de ses origines sociales... Le parallèle s'arrête là puisque la honte ressentie par l'auteur est plutôt une fierté de mon côté du parcours familial, avec peut-être seulement une légère culpabilité de ne pas avoir continué l'"ascension" en réalisant mon projet initial de devenir avocat.



La culpabilité justement, c'est sans doute ce qui manque dans l'analyse. Annie Ernaux évoque ce sentiment de honte qui l'aurait bloqué et dont elle fait remonter l'origine à un évènement traumatisant qui aurait en quelque sorte "déclenché" ce sentiment chez elle et aurait fait qu'elle aurait alors systématiquement ressenti l'écart entre ce que sa vie était censée être selon les standards de l'éducation catholique et donc forcément bourgeoise qu'elle suivait... et ce qu'elle vivait au quotidien dans son milieu populaire. Mais je pense que cette "honte" est renforcée par la culpabilité générale que la religion nous incite à ressentir, puisque nous sommes toujours à la recherche des choses que nous avons mal faites afin de nourrir la confession de nos pêchés, confession dont elle relate d'ailleurs bien le mécanisme au sein de son établissement scolaire.



Au final, l'expérience de lecture a été plutôt intéressante mais je n'ai pas non plus accroché totalement à l'écriture, cette platitude revendiquée créant pour moi une distance alors que je suis habitué professionnellement à m'intéresser humainement aux personnes et aux parcours. L'idée de transformer les êtres humains en objets universitaires me frustre sans doute trop, j'ai besoin de sentiments, de chair, ce que ne m'a pas offert ici Ernaux. Expérience à renouveler, j'ai mis du temps à m'accrocher aux propositions de Modiano, cela sera peut-être comparable avec Ernaux.

Commenter  J’apprécie          7628
La femme gelée

Si j'avais une fille, je lui offrirais immédiatement La femme gelée, comme une piqure de rappel sur les combats féministes. J'ai beaucoup aimé le récit assez cru d'Annie Ernaux, décrivant en détails la manière dont elle s'est construite, fille d'épiciers modestes, puis bonne élève prise en étau entre ses désirs et le poids de la société sur les femmes dans les années 60. On comprend mieux comment, insidieusement, elle est devenue une femme gelée dans tous ses élans, comme ligotée dans l'image de l'épouse et de la mère modèle.

« le minimum, rien que le minimum. Je ne me laisserait pas avoir. Cloquer la vaisselle dans l'évier, coup de lavette sur la table, rabattre les couvertures, donner à manger au Bicou, le laver. Surtout pas le balai, encore moins le chiffon à poussière, tout ce qui me reste peut être du Deuxiéme sexe. »

Elle passe en détails toutes les étapes de sa vie de femme, les contradictions auxquelles elle est confrontée quotidiennement alors que son goût pour la liberté et son appétit intellectuel la pousse vers un autre idéal de vie, plus égalitaire entre les hommes et les femmes.

Certains lecteurs sont rebutés par l'écriture un peu sèche et saccadée d'Annie Ernaux mais en ce qui me concerne je trouve que cela met une distance profitable à l'identification et à l'universalité de son témoignage. Je suis certaine que son œuvre atypique sera un jour étudiée dans les universités.

A lire absolument par toutes les filles mais aussi les fils...

Commenter  J’apprécie          766
Une Femme

" Je n'entendrai plus sa voix, C'est elle, et ses paroles, ses mains, ses gestes, sa manière de rire et de marcher, qui unissaient la femme que je suis à l'enfant que j'ai été. J'ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issu"



Avec, ces quelques phrases, Annie Ernaux nous bouleverse, elle a écrit un livre puissant et fort sur les liens entre une mère et sa fille.

Je n'ai ressenti ce sentiment, qu'une fois, il y très longtemps en lisant : Une mort très douce de Simone de Beauvoir qui raconte la maladie et la mort de sa mère. C'est d'ailleurs, étrange, les " hasards" de la vie, Annie Ernaux précise que sa mère est morte huit jours avant Simone de Beauvoir.

Tant de phrases dans le récit d'Annie Ernaux nous interpellent, nous cajolent et nous peinent

Comme celle-ci : " Il y avait entre nous une connivence autour de la lecture, des poésies que je lui récitais.." Et, d'autres si dures et pourtant réelles " À l'adolescence, je me suis détachée d'elle et il n'y a plus eu de que la lutte entre nous deux"

Annie Ernaux, avec une écriture simple qu'elle qualifie elle-même " en dessous-de la littérature" nous fait revivre la vie d'une femme, de sa mère, dans une vie totalement différente d'elle. Une autre époque, celle de la fin de la guerre, la province, la pauvreté, l'usine qui était déjà une étape de réussite en espérant devenir " une demoiselle de magasin"

L'empathie est là, mais ce n'est pas l'essentiel, l'essentiel est de restituer une vie telle que sa mère l'a vécue sans cacher les mauvais côtés.

Pendant longtemps, j'ai pensé sans la lire que les livres d'Annie Ernaux étaient insipides, fades.

Je la découvre pour la deuxième fois, après : Les années et je prends conscience de mes préjugés stupides, inconséquents.

Je conseille à tous ce récit exceptionnel qui vaut bien un détour.

Je dédie cette lecture à ma mère dont mon seul lien avec elle est l'incompréhension, la non communication. J'aurais tant aimé que les choses soient tout autres.
Commenter  J’apprécie          7415
La Honte

C'est un livre tout petit, tout modeste et que j'ai apprécié et dévoré très rapidement, trop sans doute car je pense reprendre cette lecture en réfléchissant à tout ce qui y est dit. La honte, c'est ce sentiment que beaucoup d'entre nous ( génération 50/60) connaissent, quand on a été élevé par des parents très moralistes, et dans des institutions où le "péché" occupe la plus grande place: Honte de son corps, honte de la modestie de ses parents, honte des faits dont on est témoin et qui ne nous sont pas expliqués au moment où cela devrait être. Cette "honte" a fait très rapidement place à la culpabilité... Annie Ernaux s'en fait le porte parole. un très beau livre.
Commenter  J’apprécie          740




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Annie Ernaux Voir plus

Quiz Voir plus

Connaissez-vous vraiment Annie Ernaux ?

Où Annie Ernaux passe-t-elle son enfance ?

Lillebonne
Yvetot
Bolbec
Fécamp

10 questions
292 lecteurs ont répondu
Thème : Annie ErnauxCréer un quiz sur cet auteur

{* *}