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Critiques de Annie Ernaux (2584)
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Le jeune homme

Un livre d’Annie Ernaux est toujours un évènement, mais l’autrice ne se laisse pas approcher facilement. Le jeune homme, un petit livre d’une quarantaine de pages, se lit rapidement et éveille la curiosité.

L’analyse est froide, comme une dissection de grenouille dans une salle de lycée. Mais je pense que c’est voulu. Un reproche que j’avais déjà fait dans ma chronique de La place.

Et là, je plaide coupable parce qu’il est probable qu’Annie Ernaux a écrit une œuvre plutôt que des livres qui se lisent séparément. Il me reste donc à en lire d’autres. Ce livre a eu le mérite d’éveiller ma curiosité et de me donner envie de lire L’évènement ou Les années.

À lire si vous aimez les livres de l’auteur, sinon, il vaut mieux la découvrir avec d’autres livres. Quant à moi, je suis décidée à continuer de découvrir cet auteur.




Lien : https://dequoilire.com/le-je..
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La place

♫On allait au bord de la mer

Avec mon père, ma sœur, ma mère

On regardait les autres gens

Comme ils dépensaient leur argent

Nous il fallait faire attention

Quand on avait payé le prix d'une location

Il ne nous restait pas grand-chose

Alors on regardait les bateaux

On suçait des glaces à l'eau

Les palaces, les restaurants

On ne faisait que passer d'vant♫



(Michel Jonasz – Les vacances au bord de mer)



La place, c’est celle du père, place qui sera désormais vide. Et ce vide incitera Annie, sa fille, à écrire la vie de cet homme, pour une certaine façon lui rendre hommage.



J’ai trouvé ce roman d’une violence inouïe. Je ne parle bien sûr pas de violences physiques que le père aurait infligées à sa fille, mais bien de la violence de classe que le père (et la mère aussi) a eu à subir toute sa vie, à travers le mépris de « ceux qui dominent, qui dirigent et qui écrivent dans les journaux ». Et de la violence inconsciente de la fille (je repense à la scène où elle lui offre de l’after-shave, lui qui n’a jamais pris soin de sa peau, de son corps, de lui quoi) qui choisit de renier ses origines modestes, d’abandonner ce monde qui sacralise les choses, ce monde qui compte et compare sans cesse, ce monde où le « bonheur » se définit « par rapport à», afin de se faire accepter dans le milieu bourgeois.



Annie Ernaux choisit de raconter en toute honnêteté ce monde qu’elle a quitté (ou peut-être dois-je écrire abandonner ?), tout en s’interrogeant sur son droit à raconter la vie modeste de son père, et potentiellement à en faire une création artistique. Et comment raconter des faits réels sans les trahir ? Démarche très intéressante, que certains auteurs aujourd’hui ignorent ou écartent trop rapidement, je trouve…



Ernaux ne veut pas tomber dans le piège de la fiction, mais quoi qu’elle fasse, de toute façon ce ne sera jamais « que » de la fiction. D’abord dans le choix des événements qu’elle raconte ou pas. Ensuite en insinuant une suite logique dans ces événements, suite logique qui est toujours inexistante dans nos vraies vies.



Elle prend le parti de s’en tenir aux faits, ce qui rend son écriture épurée, plate, presque scientifique, et qui laisse l’impression d’une enfance, d’une famille dépourvue de tendresse et d’émotions. Et pourtant, on trouve quand même quelques moments de tendresse, comme lorsque le père emmène sa fille à la foire aux manèges ou la conduit à l’école sur son vélo, moments si rares qu’ils n’en sont que plus émouvants, plus poignants.

Une lecture très intéressante sur les sans-voix, ceux qu’on n’entend jamais.



Et aussi, en filigrane, l’hommage tout en pudeur d’une fille à son père, au-delà des silences et des non-dits, au-delà de leurs différences et de l’impossibilité à communiquer.
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La place

« Depuis peu, je sais que le roman est impossible. Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre d’abord le parti de l’art, ni de chercher à faire quelque chose de « passionnant » ou d’ « émouvant ». Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de mon père, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs d’une existence que j’ai aussi partagée ».



Dans ce court récit, Annie Ernaux raconte donc l’histoire de son père, né dans une famille paysanne en Normandie, garçon de ferme devenu ouvrier puis petit commerçant. Ses paroles, ses gestes, ses goûts sont ceux de sa « classe sociale », fruste, peu cultivée (« les livres, la musique, c’est bon pour toi. Moi je n’en ai pas besoin pour vivre »). A la force du poignet, il s’élèvera peu à peu à un niveau intermédiaire « entre le petit ouvrier qu’il était au départ et le petit-bourgeois qu’il ne sera jamais ». Malgré l’aisance financière acquise, il conservera toujours un sentiment d’infériorité mêlé de mépris à l’égard des « gens bien », qui parlent « bien », se tiennent « comme il faut », savent « ce qui est bien » et « ce qui ne se fait pas ».

Gêné par son éducation simple, maladroit, il met parfois involontairement sa fille dans des situations embarrassantes voire humiliantes. Le fossé de la communication entre ses parents et elle grandit d’autant plus qu’Annie Ernaux devient universitaire, poussée par ceux-ci à « faire des études » pour qu’elle devienne « mieux qu’eux ».

Mieux qu’eux, donc différente d’eux, d’où le dilemme impossible à résoudre : comment réussir sa vie au sens où l’entendent ses parents et donc prendre l’ascenseur social, sans renier pour autant ses origines et sa dette envers ceux à qui elle doit la vie et ce qu’elle est ?*

C’est pour expliquer cette distance qu’elle prend la plume, sans fioritures : « Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante. L’écriture plate me vient naturellement ».

De fait, le style est dépouillé, sobre, pudique. Certains diront qu’il est parfois cru, distant. Je crois que cette froideur apparente est une carapace de protection pour Annie Ernaux, qui y cache ses blessures, ou sa subjectivité. Ca n’empêche pas l’amour et les émotions d’affleurer, au contraire…



* L’œuvre d’Annie Ernaux a été analysée par le sociologue Vincent de Gaulejac dans « La névrose de classe ».


Lien : http://www.voyagesaufildespa..
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La place

Quel hommage! Ici le Père d'Annie Erneaux prend toute sa "place". Ecrit tout simplement pour parler de cet homme très pragmatique, mais dont toute l'ambition était de voir sa fille réussir "mieux que lui"! Chacun de nous y retrouvera un parent, un ami, dont un jour on a eu "un peu honte" mais qui ,au fond , reste celui qui nous a appris tendresse et fraîcheur. Ce livre m'a été offert, et c'est vraiment un cadeau!
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La place

Cette brève autobiographie expose l’ascension sociale d’une famille, les rapports familiaux d’un père autodidacte et d’une fille qui réalise enfin le rêve de plusieurs générations en parvenant enfin au monde bourgeois.

L’œuvre est ordonnée autour de la vie du père d’Annie Ernaux, jusqu’à sa mort.

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Le jeune homme



En essayant de rester près du texte, et sans appréhension et sans préjugés, je lis, dès la première page :

« Souvent j'ai fait l'amour pour m'obliger à écrire. Je voulais trouver dans la fatigue, la déréliction qui suit, des raisons de ne plus rien attendre de la vie. J'espérais que la fin de l'attente la plus violente qui soit, celle de jouir, me fasse éprouver la certitude qu'il n'y avait pas de jouissance supérieure à celle de l'écriture d'un livre.  »

Il serait interessant d'énumérer les raisons qu'a Annie Ernaux d'écrire, puisque, finalement, c'est SON sujet. Faire l'amour, pour en avoir tellement de répulsion que cela l'incite à écrire, comme les bouteilles de sa tante dans la Place, comme les serviettes hygiéniques de sa mère entreposées au grenier dans Une femme, comme la chemise de nuit souillée d'urine de sa mère, encore elle, dans la Honte.

Voyez comme elle manie l'art de partir de très plouc, de très pauvre, de très honteux, pour arriver au summun de l'art d'écrire. Dit-elle. Elle cherche, dans ses souvenirs les plus scabreux, dignes d'un “Nous deux” de l'époque, elle provoque des expériences nouvelles, comme ce pauvre jeune homme A ( il est vrai, c'aurait été pire si elle l'avait nommé Z, ou X) duquel elle veut “tirer profit” ... pour écrire.

Alors, c'est quoi pour cette brillante écri – vaine, faire l'amour ?

D'abord, il a trente ans de moins, bon, elle n'est pas la première à se taper un jeune.

Mais, attention, elle insiste bien sur sa passion à lui ( elle, elle veut seulement écrire, elle n'arrête pas de nous les casser avec ça).

Il est jaloux, passionné, le lui montre, et de plus, la fait rajeunir( à voir ses récentes photos, la thérapie cougar n'a pas du tout réussi )

Mais, bon, imaginons( imaginons, hein?) un jeune éperdument épris: elle lui retourne qu'il est pauvre, qu'il lui rappelle sa pauvreté, et puis les mots qu'il utilise, alors là ! Quel nul!

Elle adore se penser scandaleuse, sans se rendre compte que beaucoup de femmes actrices de cinema ou autres, n'ont rien de scandaleux à sortir avec de plus jeunes, nous en avons l'exemple présidentiel.

Et elle se risque, de plus, à se comparer aux hommes sortant avec des jeunettes, en oubliant de mentionner que dans ce cas là, en général, le compte en banque masque les rides.

Elle, au contraire, elle veut en faire de l'argent de cette passion qu'elle aurait inspirée: nous ne sommes pas loin, comme l'a souligné @jcjc352, d'amours tarifées, et si on tient compte des 3 pages blanches qui suivent le pauvre texte, mieux vaut faire le calcul avant d'acheter ce livre.

Ça tombe bien, à force d'écrire , à la fin de ces 27 pages, la rupture intervient, dis donc, qui l'eût cru?

Dernière nouvelle brassée par les médias: avec l'argent du Nobel, Annie Ernaux va pouvoir, enfin, entamer une longue psychanalyse.

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L'événement

L’évènement, pour Annie Ernaux, son avortement en 1964, onze ans avant la loi Veil, c’est le sien, et surtout pas celui d’autres femmes dans la même situation



La situation qu’elle décrit, un peu Maupassant, de la jeune ouvrière (elle est étudiante, boursière, mais passons), de la pauvre, en tous cas, engrossée par … bon, c’est un étudiant, elle retourne le voir pour passer des vacances aux sports d’hiver, quand même, les mois passent mais elle ressasse le fait qu’elle est d’une classe sociale défavorisée.

A-t-elle, cette Annie Ernaux, conscience que des filles de milieu bourgeois sont un peu dans la même situation ? (Elle n’a pas complètement tort, les jeunes aisées prenaient le train pour la Belgique, elle, elle va au sport d’hiver.)

A-t-elle, cette Annie Ernaux, conscience qu’elle n’est d’ailleurs absolument pas la seule « pauvre » à devoir recourir à l’avortement ?

Vous me suivez, c’est elle qui a subi l’avortement, elle et elle seule qui a souffert, et la mort de Kennedy, au même moment, cela ne l’intéresse pas du tout.



. Or, nous dit Simone de Beauvoir :



« Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.
On fait le silence sur ces millions de femmes.
Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir avorté.
De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l'avortement libre. »



Elle se justifie de n’avoir pas signé le manifeste des 343 femmes, en 1971, dont Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve qui risquent, elles, de perdre leur carrière et leur statut, et qui se feront traiter de « salopes » : parce qu’elle « n’était rien ».

Il est vrai, en 1971 elle n’était rien dans le milieu littéraire et n’aura le prix Renaudot qu’en 1984 après La place.

Ceci dit, son livre est utile en ce qu’il rappelle ce temps où les drames, réels, liés à l’avortement : la recherche d’une solution à un interdit, et ses suites dramatiques, comme l’hospitalisation après hémorragie, au curetage parfois pratiqué par des médecins cathos, quand ils ne laissaient pas tout simplement l’hémorragie continuer, devaient être subis par les femmes après avoir avorté.

« Les armoires vides », en 1974 puis « l’Évènement », en 2000, sont donc deux livres tout à fait utiles.

« Que la forme sous laquelle j’ai vécu cette expérience de l’avortement -la clandestinité-relève d’une histoire révolue ne me semble pas un motif valable pour la laisser enfouie-même si le paradoxe d’une loi juste est presque toujours d’obliger les anciennes victimes à se taire, au nom de « c’est fini tout ça », si bien que le même silence qu’avant recouvre ce qui a eu lieu. »

Comme Isa@isacom l’a bien souligné, justement, ce n’est pas fini tout ça, et le calvaire de femmes obligées de recourir à des « faiseuses d’ange » n’est pas du tout inenvisageable dans certains pays et sous des régimes proches de nous.



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La place

Je ne crois pas qu'en dehors de certains écrits scientifiques ou professionnels (et encore!), il puisse y avoir d'écriture purement informative, strictement objective ou vierge de toute implication subjective de son auteur. Surtout, dès que mémoire ou imagination s'immiscent d'une manière ou d'une autre, comment concevoir alors qu'un exercice autobiographique et littéraire puisse raisonnablement se réclamer d'être «plat», comme le prétend l'auteure?



Et même si cela était possible, pour quoi en faire? Cela nous inviterait-il également à une lecture «plate»? Impossible, à mon avis...! La preuve ? Il suffit de lire les très nombreuses critiques du roman (présumé «anti-roman» par son auteure ?) postées sur le site : entre ceux qui le considèrent, soit comme un bel hommage, soit comme un affront à la mémoire de son père, je n'ai lu le moindre avis rédigé à partir d'arguments proches de ceux que pourrait éventuellement inspirer la lecture d'une démonstration quelconque sociologique.



À force néanmoins de vouloir «aplatir» et rester collé à des faits livrés à l'état brut, on risque, comme ce fut le cas pour votre serviteur, de conduire le lecteur à un sentiment désagréable de devoir se débrouiller tout seul pour pallier l'indigence émotionnelle se dégageant d'un texte dont ambition affichée est de bannir tout ce qui est subjectif et susceptible d'«émouvoir» : aucune «poésie du souvenir» ne sera tolérée ici, nous prévient l'auteure d'entrée de jeu.



Mais au nom de quoi? Et pourquoi le vrai «roman» (abandonné) qu'elle avait commencé à écrire dans un premier temps, dont son père était déjà le personnage principal, lui avait donné «une sensation de dégoût» ? Pas un mot là-dessus : strictement rien ne doit dépasser des sentiments scrupuleusement enfouis d'Annie Ernaux. Ravalez-les, lecteurs, et circulez!



Ce que pour ma part j'ai tout de même envie d'appeler simplement une «économie de moyens», technique narrative ayant fait ses preuves en littérature, poussée ici à l'extrême, sous la forme notamment d'un détachement affectif volontaire et radical (ce jusqu'à, par exemple, ne pas daigner nommer «soeur», sa soeur aînée, morte avant la naissance de la narratrice, évoquée sommairement comme «la petite fille») ne m'aura suscité en retour absolument aucune forme d'empathie envers sa narratrice (alors que, bien sûr, «économie» et «empathie» sont dans l'absolu, me semble-t-il, loin de devoir nécessairement s'exclure).



« C'est dans la manière dont les gens s'assoient et s'ennuient dans les salles d'attente, interpellent leurs enfants, font au revoir sur les quais de gare que j'ai cherché la figure de mon père ». Plutôt que dans ce «jardin» de la mémoire et dans les «cendres» qui le recouvrent, pour reprendre la belle image qui donnait titre à un roman de Danilo Kis («Jardin, Cendre») par quel autre mécanisme psychologique donc, me suis-je demandé, se sentirait-on porté à rechercher la mémoire d'un parent proche «dans des êtres anonymes rencontrés n'importe où»?



Cette gageure de vouloir écrire sur soi et sur sa vie dans un style impersonnel et minimaliste, en se fondant soi-disant dans un illusoire anonymat sociologique afin de se prémunir (artificiellement, de mon point de vue) contre tout affect personnel, finira par perdre complètement un lecteur comme moi, habitué à chercher exactement le contraire dans un livre, à savoir ce qui rend toute vie unique, irremplaçable et inchangeable : l'économie des moyens finirait ici par ressembler à mes yeux plutôt à une forme navrante d'avarice émotionnelle.



Il ne m'est pas simple, croyez-moi, de rédiger ce billet spontanément, depuis « la place » que je tiens à occuper en tant que lecteur... De nombreux inconditionnels d'Annie Ernaux, à l'instar de l'auteure elle-même («je veux venger ma race» insiste-t-elle à affirmer comme motivation principale à son écriture lors de son discours de remise du Nobel, ce qui, soit dit au passage, dans le contexte actuel d'extrême polarisation identitaire, ne me paraît pas être une formule tout à fait heureuse et auspicieuse, bref..) - voire même certains de ses détracteurs, considèrent d'un commun accord qu'il s'agit avant tout d'une oeuvre «engagée» politiquement, d'une littérature de «combat». Dès lors, «aimer» ou «ne pas aimer» les livres d'Annie Ernaux peut quelquefois vous valoir un marqueur idéologique…. J'avoue en même temps que, de cet étroit point de vue-là, personnellement j'aurais préféré pouvoir déclarer haut et fort «aimer» Ernaux: ma sensibilité personnelle est sans aucun doute beaucoup plus proche de la plupart de ceux qui l'adorent que de la plupart de ceux qui la détestent...



Mais, honnêtement, je ne peux pas adhérer à un tel style hybride, barricadé derrière la question sociale, ni trouver mon compte dans une lecture qui s'avérerait trop «monocorde» à mes oreilles, et qui, quoiqu'artificieusement placée au ras du factuel, ne cesserait de me renvoyer à une impression de revendication ressentimentaire qui n'ose pas dire son nom, à une sécheresse affective de surface pointant régulièrement, en sourdine, une dose inavouée de cruauté.



Vengeance de sa race à consommer certes bien froide, accommodée en une sauce littéraire propice à mon sens à nourrir copieusement une tribune engagée autour des injustices sociales ou de la problématique identitaire des « transclasses », mais qui me laisserait, moi, en tant que lecteur, exsangue à la fin de ces maigres pages, totalement sur ma faim...

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La place

Ce livre est une autobiographie centrée sur le père de Annie Ernaux. Je suppose qu’un livre ultérieur pourrait mieux expliquer pourquoi l’auteur semble totalement incapable de se souvenir d’un événement impliquant son père sans trouver quelque chose de péjoratif à dire. Il y a des moments où l'on s'aperçoit d'une certaine douceur dans son attitude envers son père.



Cependant, étant donné l’immense lutte que son père a dû mener pour se sortir de la vie de paysan français et améliorer son statut, pour que sa fille puisse avoir un meilleur départ et par l’éducation se sortir complètement de la classe dans laquelle il est né, je trouve son attitude condescendante, arrogante et impitoyable.



Pourtant, en écrivant son histoire, elle rend hommage, sciemment ou non, à son père.



Ernaux lutte avec le mot "honte" tout au long du livre. Cela reste un livre que j’ai lu parce qu’on m’a dit qu’il est "significatif" dans la littérature française mais l'écriture reste simple et plate.

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La place

Lu en audio. Après, naguère, l'avoir lu en papier.

Pourquoi? Après une discussion au cours de laquelle mon jugement initial avait été ébranlé, mais étant incapable de répondre objectivement, ayant oublié pas mal de choses.

La place, c'est la sienne dans la société. Elle est heureuse, elle est devenue une bourgeoise, issue d'une famille modeste qu'elle renie sans le dire. Par fatalisme.

Elle appelle cela une trahison de classe, mais c'est plutôt une désertion.

On a l'impression à chaque ligne qu'elle est spectatrice de son manque d'empathie envers les siens. C'est assez triste mais, l'image de son père en sort presque grandie, ce qui n'en fait finalement qu'un demi-crime d'abandon.

Heureusement, au moment où elle écrit ces lignes, les EHPAD ne sont pas à la mode. Cela l'aurait privé de ce livre.

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L'Occupation

Si j'ai beaucoup apprécié les livres d'Annie Ernaux comme "la place" ou encore "les armoires vides", je suis en revanche très déçue par "l'occupation" qui , pour moi, n'apporte rien.

Elle relate ce qu'elle vit et ressent lorsqu'elle apprend que son ancien amant, qu'elle a quitté, refait sa vie.

Elle décrit les faits de façon crue, abrupte ce qui m'a laissée de marbre. La jalousie qu'elle ressent est tristement banale et comme elle a pris le parti de ne pas analyser mais simplement d'exposer les faits, je n'ai trouvé aucun intérêt à ce livre. Suis-je passé à côté ? ou est-ce uniquement un livre ego centré ?
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Etrange chose que ce livre, où Annie Ernaux raconte la longue détérioration des fonctions cognitives de sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer dès 1983. Pour ce faire, elle se base sur les notes qu'elle prenait à l'époque pour consigner l'évolution de la maladie, et elle les retranscrit ici sans filtre.

C'est donc un texte brut, plein d'une douleur rentrée : "Eviter, en écrivant de me laisser aller à l'émotion", preuve qu'on est bien chez Ernaux. Un texte violent également : "Elle est ma vieillesse, et je sens en moi menacer la dégradation de son corps", et c'est ce que je me dis aussi parfois en regardant ma grand-mère (mais en espérant, si j'atteins un jour son âge, lui ressembler tant elle est belle). Un texte court, qui choque, claque et dérange, mais n'est jamais impudique car ce n'est pas Annie Ernaux que nous observons, mais nous-mêmes, avec nos peurs, nos révoltes, notre impréparation et notre impuissance.

Ce n'est donc pas la lecture la plus gaie de l'année, mais étrangement, elle fait se sentir moins seul face à la vieillesse, la maladie et la mort en rappelant leur universalité. Et sur un plan plus concret, elle permet d'apprécier le progrès que représentent les EHPAD (même si tout n'y est pas parfait), par rapport aux anciens services de gériatrie hospitaliers et malgré le professionnalisme du personnel soignant.

Carpe diem, quand même.
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Passion simple

L'histoire d'une passion amoureuse, intense, que ressent une femme pour un homme. En fait, plus exactement, il s'agit de l'attente d'une femme extrêmement amoureuse. C'est le détail de cette attente, presque au jour le jour. Cette femme qui n'est plus que souvenir de leur relation et attente de l'homme. L'impression de se déliter, de ne plus exister qu'à travers cette attente. Annie Ernaux n'hésite pas à employer un vocabulaire cru, précis sans pour autant tomber dans la vulgarité. C'est magnifique. Tout ce qu'elle peut faire la ramène immanquablement au souvenir de cet homme.

Quiconque a connu cet état ne peut qu'être sous l'emprise de cette lecture. Merci Annie Ernaux.
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La femme gelée

Annie Ernaux raconte ses jeunes années, de son adolescence à la naissance de ses deux enfants. ● Alors que j’avais aimé La Place, je n’ai pas apprécié grand-chose dans cet ouvrage autobiographique, qui est moins un récit qu’un portrait. Précisément, la quasi-absence de dynamique narrative rend ce livre soporifique, et ce n’est pas son style haché, elliptique, souvent obscur car procédant par allusions notamment à propos de réalités des années 50 ou 60 désormais oubliées, qui le réveille. ● Je reconnais que ce style est original, même s’il est à mille lieux de l’« écriture blanche » ou du « style plat » qu’Annie Ernaux elle-même revendique ; son aspect oral, heurté, allusif, elliptique me semble au contraire très travaillé, mais le résultat sur la longue distance d’un ouvrage entier ne me convainc pas. ● Quant au fond, le propos féministe me paraît entaché d’une rhétorique geignarde et répétitive ; on a envie de crier à la jeune Annie : prends ta vie en mains, agis !
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Une Femme

«J'écris sur ma mère pour, à mon tour, la mettre au monde.» Annie Ernaux trouve la force d'écrire sur sa mère trois semaines après son enterrement. Le projet de l'auteure est dans le titre : ‘'une femme''. Elle souhaite retracer l'existence et décrire la condition sociale d'une femme avec objectivité. Il ne s'agit ni d'un roman, ni d'une biographie mais de «quelque chose entre la littérature, la sociologie et l'histoire.» Le texte éclaire celui consacré à son père circonscrit sèchement à son niveau social : « la place ». L'auteure semble éprouver un amour exclusif pour sa mère. Papa lit le quotidien local, aime les fêtes foraines et les films de Fernandel. Au contraire, Maman est plus ouverte à la culture et tient l'école en estime. Dans le couple, elle est la figure dominante, au caractère affirmé, celle qui souhaite s'élever, «elle était la volonté sociale du couple». Tout se compliquera à l'adolescence quand la fille deviendra femme (nous sommes à la fin des années cinquante) et parviendra par sa réussite scolaire à accéder à la bourgeoisie. L'émancipation sexuelle et sociale sectionne définitivement le cordon. La transfuge de classe est honteuse de ses origines populaires ; la mère se sent méprisée dans le nouveau milieu de sa fille. Chez Ernaux, dominants et dominés semblent inconciliables. Le texte se termine sur un récit qui échappe au canevas initial : l'auteure décrit les dernières années de vie de sa mère, des premières pertes de mémoire à l'enlisement dans une démence sénile irréversible. Un témoignage poignant qui touche le lecteur par son universalité.
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Regarde les lumières, mon amour

Comme le titre pourrait le laisser penser, il ne s’agit pas du tout d’un roman sentimental.

Ici Annie Ernaux, écrivain dont je suis une « fan » depuis longtemps, a entrepris un pari qui peut surprendre : pendant un an, elle a tenu le journal de ses visites à l’hypermarché Auchan du Centre Commercial des Trois-Fontaines situé à Cergy-Pontoise.

Il s’agit pour elle « de voir pour écrire, de voir autrement ».

Elle décrypte merveilleusement la société française au travers des habitudes de consommation qu’elle observe chez les différents clients du supermarché.

On est dans le quotidien, dans le vécu et le résultat est captivant.

A l’instar des peintres hollandais du 17 ème siècle qui apportaient une touche magique sur des scènes banales de la vie quotidienne, Annie Ernaux apporte un souffle de vérité aux moindres petits faits de la vie quotidienne qu’elle observe inlassablement.

Tout y passe, depuis le rayon « jouets » où visiblement, les théoriciens « du genre » n’ont pas pu encore balayer les idées sexistes puisque jouets pour filles et jouets pour garçons y sont toujours bien différenciés, jusqu’aux journées « collecte Banque alimentaire » où il n’est pas question de donner n’importe quoi, en passant par l’observation des différentes catégories de personnel au sein du supermarché Auchan, tout est bien amené et finement observé.

Un livre court mais quel concentré d’informations sur notre société…

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L'événement

Un livre fort, un livre marquant, un livre nécessaire. Un passage d’Annie Ernaux à l’hôpital pour un test de dépistage du Sida fait remonter à sa mémoire un autre passage à l’hôpital, plus de trente ans avant. D’habitude je n’apprécie pas beaucoup l’écriture de cet auteur, son choix d’une écriture neutre, distanciée, factuelle, froide et minimaliste à l’extrême. Mais il est des moments où ce type d’écriture convient particulièrement, et c’est le cas ici. Elle alterne le récit des faits simplement retranscrits, de la découverte de sa grossesse à l’avortement, et les réflexions que lui suggère le recul du temps : elle est à la fois le personnage principal et l’auteur qui commente. La solitude d’une jeune femme candidate à l’avortement au début des années 60, clandestin forcément, est palpable, glaciale. Plus d’émotion dans le récit l’aurait rendu quelconque : ici nul besoin d’empathie envers la jeune fille, l’émotion (la nôtre) naît de la situation, des faits, qui parlent d’eux-même et bouleversent le lecteur. Sans compter les passages qui nous montre l’attitude du corps médical, tout en mépris de classe et en suffisance. Ce court récit, ce témoignage tardif, est remarquable, percutant, essentiel.
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Les années

J'aurais peut-être du commencer par là, par ce livre - parapluie qui englobe beaucoup de publications précédentes d'Annie Ernaux et m'a permis de mieux comprendre le sens de son travail.

Il faut dire qu'il est plus facile d'accès, axé sur un "nous" qui à travers une sociologie intime déroule une certaine réalité française des années cinquante à aujourd'hui, réalité appréhendée de manière suffisamment vaste pour que l'on ne puisse que s'y reconnaître à un moment ou à un autre.

J'ai été plus à l'aise, par rapport à d'autres publications plus autocentrées, avec le positionnement par lequel l'auteure intervient dans ce récit construit autour de clichés exhumés d'une boîte à souvenirs; un positionnement plus équilibré entre le lecteur et l'auteure, la seconde prenant la bonne distance pour éclairer un vécu par l'époque dans laquelle il s'est déroulé, le premier moins invité à une contemplation voyeuriste d'une intimité qu'à comprendre, porté par ses propres résonnances, la construction d'une personnalité dans son environnement.

En faisant défiler sous nos yeux toute l'histoire sociale et politique de ces soixante dernières années, de la France d'après-guerre à l'explosion de la société de consommation, des souvenirs de la guerre qui s'estompent aux convictions politiques qui se brouillent, on mesure ce qu'il y a de particulier d'être né pendant la guerre et d'avoir traversé ces bouleversements profonds, qui plus est pour une femme, plus encore pour une intellectuelle (de gauche, le récit en miroir d'une femme de l'autre bord serait intéressant!).

Beaucoup de notes intéressantes, pertinentes ou subtiles dans ce journal du temps qui certes prend des raccourcis et des biais idéologiques pour dire ce que l'on est au moment où on l'est, mais n'est-ce pas le principe même de ces "années".
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Le jeune homme

Dans ce court récit Annie Ernaux raconte la relation amoureuse qu'elle a vécue avec A, un jeune de 30 ans son cadet.

Le livre dit le rapport entre l'amour et l'écriture, l'écriture et la mémoire aussi, sujets principaux du livre, ils lui ont inspiré cet écrit.



L'auteure évoque la thématique du temps et de la mémoire comme si psychologiquement le temps n'existait pas, les actions se situant plutôt dans la permanence des choses, le temps est plus cyclique que linéaire.



Les souvenirs induits par la relation avec le jeune A donnent l'impression d'une répétition de choses déjà vécues et ressenties, trente ans plus tôt, rien de nouveau, on revient au point de départ.



A Ernaux utilise le terme de Palimpseste (un texte en cache un autre, plus ancien), ici c'est un événement actuel qui en révèle un autre, plus ancien. L'écriture permet de fixer les choses, de les mémoriser.



Par ce moyen l'auteure va au-delà du vécu, ce qui lui permet d'en garder une trace durable, une mémoire des choses vécues.



On retrouve dans le livre d'Annie Ernaux toujours cette thématique obsédante des souvenirs de jeunesse, comme dans presque tous ses livres, de ses origines populaires, tout comme son désir d'ascension sociale, la lutte des classes.



Plus prosaïquement l'auteure évoque le regard forcément accusateur des autres sur ce couple dépareillé, aux yeux de la société, qui pourtant s'initient l'un l'autre, selon l'auteure, chacun apporte quelque chose à l'autre sans distinction d'âge.



Le récit entremêle l'écriture, l'amour et la mémoire pour le plaisir du lecteur.





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La place

Chronique courte



Difficile de chroniquer un livre comme La Place de Annie Ernaux, première incursion pour moi dans l’œuvre de cette voisine normande devenue culte au fil des livres et du temps.



Difficile de dire ma surprise et ma déception face à une lecture à l’intensité inverse de celle attendue.



Ce récit autobiographique distancié - très distancié – est certes un témoignage fort d’une ascension sociale réussie, racontée au lendemain du décès du père de l’auteure.



Une écriture simple, directe, accessible et pudique. Une célébration de la grâce et des vertus des mots, de l’écriture et de la littérature.



Mais où est l’intensité ? Le souffle ? La passion ? Le message ? La transcendance de la banalité ? Tant de simplicité m’interpelle…



Mais conscient que comme chez la plupart des « grands », c’est l’œuvre complète d’Ernaux qui fait sens, je vais persévérer.

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