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Citations de Arturo Pérez-Reverte (1137)


Ils restèrent à s’observer encore un moment, très sérieux, comme prêts à croiser le fer. Finalement, tel un trait blanc subit, un sourire éclaira le visage basané et élégant du Maure.
- Rassemble-moi quatre cents lances, souscrivit-il. Et que là où ne frappera pas ton épée frappe la peur de ton épée… Bats-toi sous mon enseigne sans renoncer à la tienne, si tu le veux ainsi, et Dieu nous viendra en aide.
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Le pire n’était pas le combat, mais l’attente. Il eut le temps d’y penser tandis qu’il se tenait immobile, couché sur le ventre au sommet d’un rocher du pas de Corvera. Son épée nue à portée de main. Au bas du versant, devant lui, le ravin tout proche était un trait obscur dans la nuit que la lune clarifiait un peu. Derrière lui, un manteau d’étoiles se déployait jusqu’au ponant.
Loin, à une grande distance, un loup solitaire hurla.
C’était cela, la guerre, se dit Ruy Diaz encore une fois : neuf parts de patience et une de courage.
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Nous nous défendons contre notre sainte mère l'Eglise - dit-il enfin sans se retourner -. Tellement catholique, apostolique et romaine qu'elle a fini par trahir son message originel. Avecc la Réforme, elle a perdu la moitié de l'Europe. Ensuite, elle a excommunié la Raison au XVIIIe siècle. Cent ans plus tard, elle a perdu les travailleurs lorsqu'ils ont compris qu'elle était du côté des oppresseurs. Et en cette fin de siècle, elle est en train de perdre la jeunesse. Vous savez ce qui va rester de tout ça ?... Des souris qui feront la course entre des bancs vides.
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- J'espère, César, que vous avez un échiquier sous la main.
La réplique n'était guère brillante, reconnu la jeune femme. Ni même appropriée. Un scénariste imaginatif aurait certainement trouvé une meilleure formule à placer dans la bouche de Munoz ; mais, songea-t-elle avec tristesse, l'auteur de la tragi-comédie était finalement aussi médiocre que le monde qu'il avait créé. On ne pouvait exiger qu'une farce dépasse le talent, la stupidité ou la perversité de son auteur.
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Parfois, quand Dieu est d'humeur taquine, il nous châtie en nous accordant ce que nous désirons.
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— Les vases sacrés, il faudra les rendre. Ils figurent sur ce que j'ai signé à Agorbe, et de plus c'est la coutume.
Minaya rit entre ses dents.
—Ne me fais pas rire, Ruy. Comme si s'était la première fois... Les calices, les ciboires et les patènes, on les martèle, on en fait une boule et hop dans la besace.
Et on peut toujours mettre ça sur le dos des Maures.
— Bien sûr, on le peut.
— Ah, tu vois. Encore un sacrilège de mahométans. (page 87)
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Rien ne ressemble plus à une défaite qu'une victoire.
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Mais dans le métier des armes, et pour parer à toute éventualité, le doute doit être considéré comme une certitude.
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La voie, construite en grandes dalles,de pierre encore en bon état, avait été foulée au cours des huit ou dix derniers siècles par les légions romaines, les hordes barbares, les armées gothes et les envahisseurs islamiques. Avec son tracé rationnel et droit, ses quelques bornes milliaires encore visibles, c'était là, se dit Ruy Diaz, l'une des artères par lesquelles passait l'histoire des peuples ; même si cela laissait indifférents les hommes poussiéreux et fatigués qui chevauchaient derrière lui, et lui-même. On y progressait plus commodément qu'en pleine campagne, et ils ne cherchaient pas plus loin. C'était tout et, par le Ciel, ce n'était pas rien.
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- Pourquoi l’avez-vous fait, capitaine ?
En sursautant, Garcia avala sa salive.
- Pourquoi avons-nous fait quoi, Sire ?
- Ce que vous avez fait à Sbodonovo, vous savez bien – le Nain fit une pause qui donna la sensation au capitaine qu’il riait doucement dans la pénombre-, Avancer ainsi droit sur l’ennemi.
Garcia ravala encore une fois sa salive en se grattant la tête, indécis. Plus tard, en nous racontant l’épisode, il nous confessa qu’il aurait sans doute préféré se trouver à nouveau devant les canons russes qu’à cet endroit à converser avec la royauté impériale. Pourquoi l’avions nous fait, demandait le Petit Salopard. Notre capitaine avait quelques bonnes raisons sur le bout de la langue. Par exemple : parce que nous voulions nous tirer et que c’est tout ce qu’on trouvé, Sire. Parce que y’en a marre de tant de gloire et de ramdam, on en a à revendre de la gloire, jusque-là, de la gloire, Sire. Parce que cette campagne de Russie est une vraie souricière, Sire. Parce que nous devrions être en Espagne à l’heure qu’il est, aux côtés de nos paysans et de nos familles au lieu d’être pris jusqu’au cou dans cette merde, Sire. Parce que la France y’en a marre et que vos grands projets on s’en cogne, Sire.
Tout ça, c’est ce qu’aurait pu répondre le capitaine Garcia à l’Illustre cette nuit-là sur les murailles du Kremlin (…) Il se limita à tirer une grande bouffée sur son cigarillo et à répondre :
- Il n’y avait nulle part d’autre où aller, Sire.
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Du haut de la colline, main en visière sur le bord du heaume, le cavalier fatigué regarda au loin. Le soleil, d'aplomb à cette heure, semblait faire onduler l'air à grande distance, en l'épaississant jusqu'à lui donner une consistance quasi physique.La petite tache sombre de San Hernân ressortait au milieu de la plaine calcinée couleur de paille, et de là montait vers le ciel une colonne de fumée. Elle ne provenait pas de l'enceinte fortifiée, mais de quelque chose situé tout près, sans doute le grenier à grain ou l'étable du monastère.

Peut-être les frères étaient-ils encore en train de se battre, pensa le cavalier.

Il tira sur la bride pour faire tourner son cheval et descendit le flanc du coteau. Les frères de San Hernân, songeait-il en surveillant où l'animal posait les sabots, étaient des hommes vigoureux, habitués à défendre leur peau. Ils n'auraient pas survécu autrement, près de l'unique puits d'eau saine de la région, sur le chemin habituel des incursions de Maures venus du Sud, qui traversaient la rivière en quête de butin, de bétail, d'esclaves et de femmes.

Qu'ils gagnent ou qu'ils perdent, conclut le cavalier, quand nous arriverons, tout sera fini.

(INCIPIT)
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Vers minuit, le capitaine Garcia, appuyé contre les remparts qui donnaient sur la vieille ville, s’alluma un cigarillo qu’il avait trouvé la veille dans les poches d’un cosaque mort. La guitare de Pedro le cordouan résonnait dans l’obscurité, et quelqu’un, sans doute l’une des sentinelles immobiles comme une ombre noire, fredonnait tout bas un couplet. L’évocation d’une fille qui attend un homme absent, parti pour la montagne.
Dans cette ambiance Garcia entendit soudain des pas, et alors qu’il se préparait à demander halte, qui va-là, quel est le mot de passe et tout ce jargon qu’il avait l’habitude de dire juste avant de tirer dans le tas, le Nain en personne se présenta devant lui. Il était enveloppé dans sa redingote grise, reconnaissable entre nous malgré l’obscurité. Il n’y avait personne d’aussi petit et avec un chapeau aussi grand dans toute la Grande Armée.
- Bonsoir, capitaine.
- A vos ordres, Sire. – Garcia, tout court sur pattes qu’il était se redressa d’un coup de talons -. Rien à signaler pour la Garde.
- Je vois cela – l’Illustre s’appuya contre la muraille à ses côtés -. Repos. Et vous pouvez continuer à fumer.
- Merci, Sire.
Ils restèrent tous deux immobiles côte-à-côte pendant un moment, à écouter la guitare du cordouan et le couplet de la sentinelle. Garcia, qui n’était pas rassuré, observait en biais le profil de l’Illustre qui était à peine illuminé par un feu de camp installé au pied de la muraille.
Qui l’eût cru, pensait-il, je suis juste à côté du type qui tient la moitié de l’Europe dans sa poche et qui terrifie l’autre moitié.
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Les femmes ressentaient de l'attirance pour les hommes du monde, mais elles préféraient coucher avec les canailles. C'était mathématique.
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Ecoutez, Corso : il n'y a plus de lecteurs innocents. Devant un texte, chacun lui applique sa propre perversité. Un lecteur est ce qu'il a lu auparavant, plus les films qu'il a vus au cinéma et à la télévision. Aux informations que lui procure l'auteur, il ajoutera toujours les siennes. Et c'est là que réside le danger : l'excès de références peut vous avoir conduit à vous fabriquer un adversaire qui n'est pas le bon ou un adversaire irréel.
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Elle s'était presqu'allongée sur le sofa et l'un de ses pieds nus caressait le cou-de-pied de l'autre. Corso devina les orteils aux ongles rouge sang sous la maille sombre des bas. Quand elle bougea, la jupe se retroussa, laissant entrevoir un peu de peau blanche tout au fond, derrière les jarretelles noires, là où toutes les énigmes se réduisent à une seule, vieille comme le Temps. Le chasseur de livres eut du mal à détourner le regard. Les yeux bleu acier continuaient à le fixer.
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Du monarque jusqu'au dernier des roturiers, l'Espagne de Philippe IV aima le théâtre avec passion. Les comédies, toujours en vers, se déroulaient en trois journées ou actes. Les auteurs consacrés, comme nous l'avons vu à propos de Lope de Vega, étaient aimés et respectés, la popularité des comédiens et des comédiennes immense. Chaque première ou reprise d'une œuvre d'un auteur célèbre faisait accourir le peuple comme la cour. Et chacun retenait son souffle, admiratif, pendant les trois heures ou presque que durait le spectacle.
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Cette histoire lui valut aussi de se faire quelques ennemis qui allaient le demeurer pour le restant de ses jours. Je veux parler du secrétaire de Sa Majesté, Luis d'Alquézar, et de son sinistre sicaire italien, un spadassin aussi dangereux que peu bavard qui s'appelait Gualterio Malatesta, si habitué à tuer dans le dos que, lorsque d'aventure il le faisait de face il tombait dans de profondes dépressions, s'imaginant qu'il perdait ses facultés.
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"Ne me dites pas qu'il n'est pas honteux pour l'espèce humaine d'avoir mesuré la distance de la Terre au Soleil, d'avoir calculé la masse des planètes proches, et de ne pas avoir découvert les lois fécondes qui feraient le bonheur des peuples." p.198
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p. 72 : "Un jour il a fait cette réflexion que, selon les autorités, le graffiti détruit le paysage urbain; mais nous, on doit supporter les panneaux lumineux, les enseignes, la publicité avec leurs annonces et leurs messages débiles."

p. 194 : "C'était donc ça, ai-je conclu. Trente secondes sur Tokyo. L'excitation intellectuelle, la tension physique, le défi lancé à sa propre sécurité, la peur maîtrisée par la volonté, le contrôle des sensation et des émotions, l'immense euphorie de se mouvoir en pleine nuit, en plein danger , en transgressant l'ordre établi ou prétendu tel."

p. 208 : "Le graffiti est l'oeuvre d'art la plus honnête, parce que celui qui le fait n'en profite pas. Il n'a rien à voir avec la perversion du marché. C'est un coup de feu asocial qui frappe en pleine moelle. Et même si, plus tard, l'artiste finit par se vendre, l'oeuvre faite dans la rue y reste et ne se vend jamais. Elle peut être détruite, mais pas vendue."
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Dans le monde d'aujourd'hui, l'unique liberté possible est l'indifférence.
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