Mais finalement que sais-je de l’Afghanistan ? Voila la première question que soulève ce livre, avant même de l’avoir ouvert. Et la réponse se résume malheureusement à « presque rien », bien que j’entende parler de ce pays depuis toujours, entre l’intervention soviétique, la guerre civile, la prise du pouvoir par les talibans, l’intervention de l’OTAN…
Le premier mérite de ce livre est donc de nous faire découvrir cette société, sorte de patchwork d’ethnies : pachtounes, hazaras, tadjiks, ouzbeks (groupes les plus nombreux) mais également aimaks, baloutches, turkmènes, pashayis, kirghizes, nouristanis… Oussama Kandar, dans sa pratique, ne peut pas négliger le fait que l’appartenance à telle ou telle ethnie, tel ou tel clan, peut avoir des conséquences.
Le deuxième mérite de ce livre, c’est de nous faire toucher du doigt ce qu’est la condition féminine en Afghanistan, et, plus largement, la situation sociale de ce pays. On sait que c’est terrible, mais certaines des indications qui nous sont données ici sont tellement inimaginables pour nous qui vivons dans notre petit monde de Bisounours… Le viol, la soumission, les mariages forcés, les mollahs qui abusent de leur position pour obtenir des faveurs sexuelles, tout cela est affreux. L’idée que, lorsque son mari meurt, une femme doit épouser l’un des frères du défunt me paraissait déjà éminemment médiévale ; mais, chez les pachtounes, la vengeance est inscrite dans les traditions, et que le nouveau mari dont mener cette vengeance sous peine d’exposer toute la famille à une profonde honte sociale. La question de la drogue est également très frappante : l’auteur nous décrit une société dans laquelle le désespoir a entraîné de très nombreux adultes vers les opium houses, avec toutes problématiques que cela soulève – déchéance, prostitution pour se procurer l’argent nécessaire…
Bref, la description de ce pays est brutale. Et pourtant, on sent que Cédric Bannel est en quelque sorte sous le charme de ce pays – un point que nous essaierons d’approfondir prochainement avec lui -. Il semble y avoir un contraste de majesté et de bassesse. À la fois dans les paysages et les lieux, et chez les hommes, certains abusant de leur pouvoir sans états d’âme, alors que d’autres se battent pour conserver leur humanité, et sont d’autant plus admirables pour cela.
Oussama Kandar est, évidemment, la grande figure de ce livre. Cet homme, profondément croyant, est touchant dans son amour profond et sincère pour sa femme, Malalai, médecin et féministe, dans un pays qui n’est tendre ni avec les uns, ni avec les autres ; il est beau dans son irréductible volonté de ne pas plier face au mal ; il est émouvant dans sa façon d’essayer de survivre malgré les vies qu’il a du prendre ; il est impressionnant dans ses capacités de combattant… Bref, il est multi-facette, et cela le rend d’autant plus humain.
Ce livre, je l’ai littéralement dévoré. Pratiquement 500 pages en deux jours. Et je vais le recommander à tous ceux qui aiment les romans noirs – parce qu’il est noir ! -, les thrillers, et tous ceux qui aiment voyager – quand je dis voyager, j’entends par là découvrir des pays, des personnes différentes, pas aller s’enfermer dans un club pour se reposer, ce qui est également très honorable, mais dans un style différent !
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