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Critiques de Chantal Thomas (509)
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L'échange des princesses

L'échange des princesses est une promesse non réalisée… à double titre.



Du point de vue historique, d'abord. En 1721, l'idée brillante germée dans l'esprit du Régent d'unions croisées entre la France et l'Espagne, pour enterrer la guerre de succession et, au passage, mettre sa fille sur le trône d'Espagne, n'a pas fonctionné comme prévu. Anna Maria Victoria, 4 ans à peine, fille de Philippe V d'Espagne, gagne Paris pour épouser Louis XV, tandis qu'Anne Elisabeth de Montpensier, 12 ans, est livrée à Madrid pour épouser l'infant don Luis, prince des Asturies. « Oui, une idée brillante — et d'une symétrie sans défaut. » Sauf que le peu de goût de Louis XV et de la princesse de Montpensier pour leurs conjoints respectifs ne facilite pas l'affaire. La mort du Régent fera le reste…



Quant au roman, le début aussi était brillant ; enfin du style et de l'élan ! me suis-je dit. Point de phrases plates, Chantal Thomas épice son récit d'horreur (l'autodafé), d'un brin de fantastique (les poupées de l'infante) et de sexe (l'initiation du jeune Louis XV). Elle a un véritable talent pour décrire la cruauté dissimulée derrière un semblant de respectabilité, « la barbarie à sourires polis » déplorée par Mme de Ventadour. Mais moins de cent pages après, ma lecture s'enlisait dans les innombrables extraits de lettres et de "gazette" d'époque. Avait-elle besoin de citer chaque source dans le texte pour prouver son indéniable travail de recherche, poussant l'exactitude jusqu'à reproduire les fautes d'orthographe des missives originales ? Si la partie romancée est vivante, la citation des archives est pesante. L'auteur aurait gagné à "digérer" ses sources pour ne pas rompre le fil du récit, comme l'a fait, par exemple, Françoise Chandernagor dans "L'allée du roi".



Mais le véritable problème avec cette histoire, c'est que ses deux héroïnes ont justement été oubliées par l'Histoire. Même si l'auteur met en avant leur destin dans ce qu'il a de plus intime, voire poignant, leur charisme est limité. Anna Maria Victoria n'est PAS Marie-Antoinette… Certes, la petite infante est charmante et étonnamment en avance pour son âge, mais il est difficile de bâtir tout un roman sur une fillette de 4 ans. De l'autre côté, la princesse de Montpensier est tellement exécrable (ses caprices et sa mauvaise humeur virent en véritable folie) que l'attachement ou l'identification est impossible. Et naturellement, ceux qui ne devraient être ici que des personnages secondaires éclipsent les deux princesses grâce à leur notoriété, comme le jeune roi Louis XV. L'ombre de Louis XIV, mort quelques années auparavant, plane sur tous les protagonistes. D'ailleurs, l'auteur ne le porte pas dans son coeur, lui et la Maintenon. Sa sympathie va à Monsieur et à sa famille: le Régent, son fils, et sa veuve la princesse Palatine dont elle se plait à décrire les entrevues avec la petite infante-reine.



Mon premier contact avec l'œuvre de Chantal Thomas n'a donc pas produit d'étincelles. Fonder son roman sur un passage oublié de l'histoire de France était un risque, et si j'ai appris des choses, je n'ai pas été emportée par ce récit assez inégal. Ne dit-on pas que si certains légumes sont oubliés, c'est justement qu'ils le méritent ?
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Les Adieux à la Reine

En l'espace de seulement trois jours - mais quels jours ! du 14 au 16 juillet 1789 - Chantal Thomas nous immerge avec talent dans les entrailles de la monarchie menacée. Dans les combles, corridors mais aussi galeries et appartements fastueux du château de Versailles, à travers les Bosquets et les jardins du parc, c'est un monde qui s'offre à nous, un univers que l'on croie bien connaître mais dont on ignore bien des secrets.



Sous la plume de l'auteure, le siège du pouvoir des Bourbon s'anime d'une vie propre, fascinante et répugnante tout à la fois. Plongé dans l'intimité trouble et troublante d'une reine aussi vénérée que détestée, le lecteur observe les derniers actes royaux de Marie-Antoinette.



Nourrissant depuis toujours une affection particulière pour cette souveraine immolée par son peuple, j'ai pris un immense plaisir à lire ce roman, bien que le choix narratif, pour original qu'il soit, ne m'ait pas complètement séduite. La parole est en effet donnée à Agathe-Sidonie Laborde, lectrice de la reine, qui témoigne de ce qu'elle voit, entend, ressent, offrant à la Reine l'offrande de son obéissance par une abnégation totale. Sur le fond, rien à redire, sur la forme, question de style, j'ai un peu bloqué.



Toutefois, grâce à Chantal Thomas, j'ai pu me replonger dans ces heures effrayantes de la Révolution naissante et tenter de mieux comprendre cette période charnière qui vit s'écrouler un monde pour en engendrer un autre, dans les douleurs et les saignements d'un accouchement inhumain.





Challenge PLUMES FÉMININES 2019

Challenge MULTI-DÉFIS 2019
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East Village Blues

Je ne sais pas pourquoi, mais imaginer Chantal Thomas en baroudeuse-sac-à-dos faisant du stop le long des routes brûlantes de la banlieue de Lima, arrivant à New York, un bonnet péruvien sur la tête et un sac de marin sur l'épaule, sans un sou en poche et ne sachant pas trop où dormir…eh bien là, franchement, je suis tombée des nues…

Je voyais cette dix-huitièmiste accomplie, spécialiste de Sade, Casanova et Marie-Antoinette, fréquenter quelque boudoir douillet de Versailles plutôt que les bars lesbiens de Manhattan.

Comme quoi, on se trompe beaucoup sur les gens, on les fige dans une image qui ne correspond qu'à une infime partie de ce qu'ils sont et l'on oublie que la vie fait de nous des êtres de contrastes et de contraires.

En revanche, ce que j'ai parfaitement retrouvé, c'est cette sublime écriture, ces phrases qui se déroulent, se déploient gracieusement dans une harmonie si parfaite et si rare.

Nous sommes donc en juin 2017, Chantal Thomas fait sa valise pour New York. C'est une ville qu'elle connaît bien puisqu'elle y a séjourné à plusieurs reprises : d'abord un bref passage de 24 heures dans les années post-bac, avec Sandra, la copine du lycée, à l'occasion d'un voyage au Pérou. C'est le choc, l'expérience du démesuré et du formidable dans tous les domaines, l'affolement des sens, l'ivresse de s'y trouver, enfin : « je m'abandonnais à la fascination ». Aucune autre ville ne souffre la comparaison. Il y a New York et les autres, loin derrière.

La seconde expérience a lieu en juin 1976 : Chantal Thomas vient de soutenir sa thèse sur Sade sous la direction de Roland Barthes. Elle part avec une vague adresse en poche et se présente chez une certaine Jodie qui n'a pas l'intention de garder la voyageuse bien longtemps.

Au fond de la valise, un autre bout de papier, une autre adresse, au sud-est de la ville : celle de Cynthia. L'accueil est chaleureux. Le « railroad apartment » envahi par les plantes et, la nuit, par les cafards finit de séduire la voyageuse. Et en plus, le quartier se révèle extraordinaire : l'East Village, peuplé d'artistes, de gens exilés et sans le sou est composé de petits immeubles, de jardins communautaires et de friches. Le quartier est dangereux et séduisant. Chantal Thomas se laisse happer, transportée par cette ville pleine de vitalité, berceau de la fameuse Beat Generation et des Kerouac, Ginsberg, Orlovsky... : folie des week-ends, des boîtes de nuit, des « parties », des brunches gargantuesques, des déambulations nocturnes et des rencontres insensées… C'est non seulement un lieu (et quel lieu!) que découvre Chantal Thomas mais une époque, celle où l'on croise Andy Warhol dans une boîte de nuit, où l'on passe une soirée folle au Chelsea Hotel, lieu mythique où vécurent Arthur Miller, Thomas Wolfe, William Burroughs, Patti Smith etc, où l'on rencontre à tous les coins de rue des gens assis par terre sur un carton et qui se disent poètes…

Oui, New York est le lieu de tous les possibles et notamment celui de devenir écrivain… En France au contraire, « il en fallait beaucoup et, surtout, il en fallait longtemps pour se déclarer écrivain. » Là- bas, armé d'une machine à écrire, n'importe qui s'autorise à frapper les touches et on verra après… C'est là que Chantal Thomas a senti qu'elle pouvait se lancer elle aussi, s'autoriser cet acte quasi sacré en France...

Une autre rencontre avec New York a lieu en juillet 2017 : pour explorer ce quartier qu'elle aime tant, Chantal Thomas choisit pour guide une inconnue qu'elle suit dans la rue : une femme japonaise tout de blanc vêtue (couleur de la mort au Japon). Dorénavant, les magasins rose bonbon de cupcakes et de cookies ont remplacé les bars underground : place au jus de carotte et à la guimauve. La gentrification galopante a tué un quartier dont les prix ont explosé. Les anciens habitants sont expulsés, les immeubles détruits et reconstruits : c'est le règne du billet vert. «  La disparition des poètes dans un monde régi par le seul marché de l'immobilier est une perte du côté de l'irrémédiable, la perte de son âme. » « Il y a quelque chose de pourri dans l'empire de » la Grande Pomme, il ne reste désormais que des fantômes et des traces presque disparues d'une époque à jamais perdue… (D'ailleurs, les reproductions des photos de graffitis saisis dans les rues de l'East Village et qui accompagnent la lecture du texte traduisent la volonté de témoigner d'une époque et entrent donc en résonance avec le projet même de l'auteure.)

C'est donc une belle balade que nous propose Chantal Thomas, une découverte de lieux qui ont changé et d'une époque, bien révolue elle aussi. Mais ce que présente East Village Blues, c'est peut-être aussi et surtout la façon dont elle est née à l'écriture, ce qui lui a permis d'accéder à cette liberté et de s'affranchir du regard du père (Barthes) ou des pairs (l'Université française). Seule New York détenait ce pouvoir, offrait cette folie, permettait cette audace.

Un texte superbe qui dit toute la nostalgie pour un passé qui n'est plus, pour un monde de liberté propice à la création littéraire et au bonheur intense de vivre.

Fort, très fort et plein de poésie...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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L'échange des princesses

Deux mariages ou la guerre!

L'enjeu est d'importance pour la France du Régent et l'Espagne de Philippe V.

Le bonheur de quatre enfants dont deux futurs rois doit s'effacer devant la raison d'Etat.



J'ai été bien inspirée de prendre le temps de me replonger dans la généalogie des Bourbon de France et d'Espagne, en parallèle des premiers chapitres de cette double transaction royale, car il y a de quoi se perdre dans les ascendants et descendants!

Par le fait, on peut passer à coté des enjeux politiques que représentaient ces alliances dynastiques où les filles faisaient figure de monnaie. Quand on sait qu'il s'agit de la même famille, issue de Louis XIV, la vie des monarchies apparait vraiment faite de renoncements personnels.



Changer de pays par des voyages interminables, de cercle familial, de langue... Les relations se coupaient définitivement, si ce n'est par quelques lettres. Mais on perdait peu, car on était si peu aimé. On ne s'embarrassait pas psychologie enfantine à l'époque!



Avec une vision plus claire de la géopolitique du 18ème siècle, j'ai pris plaisir à lire ces destins d'enfants, de sang royal pour leur bonheur et leur malheur. Simulacre d'enfance heureuse, hypocrisie, solitude, tristesse et contraintes étaient leur quotidien, dans un monde où l'on était majeur à 13 ans. On leur prête une maturité peu crédible pour notre époque, mais l'éducation faisait la part belle à l'apparence et imposait aux jeunes esprits un détachement et une maitrise de soi impitoyables.



A condition d'aimer la thématique historique, ce livre est agréable et bien documenté mais reste un roman. Chantal Thomas offre une approche fictive et personnelle d'un fait politique, sans en dénaturer l'intérêt. C'est vivant, plein d'humour, le quotidien de cour est reconstitué avec minutie, les lieux touristiquement connus renaissent dans leur contexte royal et il est amusant de rechercher les portraits de tous les personnages, de voir leur ressemblance, de découvrir leur destin parfois si différent des contrats et alliances.



En complément d'érudition, on peut toujours tenter les Mémoires de Saint-Simon, chroniqueur incontesté du début du règne de Louis le Bien Aimé, bien mal nommé. Plus studieux...

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Les Adieux à la Reine

Les Adieux à la Reine est d'une originalité saisissante, le livre exploite un aspect de la révolution française qu'on aurait pas soupçonné, il aborde la question des trois journées les plus déterminantes pour la France et surtout pour l'avenir douteux de la royauté, un moment capital où le peuple se met au rendez-vous avec la politique pour faire brandir l'arche de son existence, un moment crucial pour l'histoire de la France mais c'est raconté sous un angle qui n'aurait vraiment pas d'influence sur les trois journées de la révolution, mais ça touche une forme sensibilité, une forme d'humanité qui nous pousse à reconnaître qu'en dehors de la perturbation politique et des divers renversements des situations, il y a eu aussi des cœurs brisés...



En effet, Chantal Thomas nous entraîne dans les couloirs du palais sans pour autant s’appesantir sur la politique, on côtoie les différents personnages de la cour royale sans prétention, c'est parce que c'est fait dans le regard d'un personnage non moins important, c'est Sidonie, la lectrice de la reine marie Antoinette, épouse du roi Louis XVI, qui nous fait découvrir la vie de l'autre coté de la cour royale c'est-à-dire du côté des servants et servantes. La lectrice de la reine nous parle des adieux douloureux de la reine avec un personnage féminin qui occupait beaucoup une place de choix dans son cœur, Gabrielle de Polignac, une comtesse à qui la reine était prête à satisfaire tout genre de caprice. Il fallait bien la protéger contre le mauvais vent qui menaçait déjà la couronne, c'est en cela que la reine va se servir de Sidonie pour guider Gabrielle loin des émeutes surtout qu'elle figurait déjà parmi les cibles à abattre des révolutionnaires.



Un bon voyage ce livre!
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Souvenirs de la marée basse

C'était fin août, à la radio ou à la télé, je ne sais plus, à l'occasion de la rentrée littéraire, une anecdote à propos de ce livre a retenu toute mon attention : la mère de Chantal Thomas, adolescente, s'était baignée dans le Grand Canal du château de Versailles. Dire que cette expérience m'a parlé est un bel euphémisme : non que je me sois jetée tête la première dans un plan d'eau royal mais figurez-vous que des châteaux de la région parisienne, j'en ai visité un paquet ! Mon père adorait ça et l'été, sous un soleil écrasant et des températures caniculaires, nous arpentions régulièrement les allées éblouissantes de Vaux-le-vicomte, les contre-allées aveuglantes de Fontainebleau ou de Courances. Si vous saviez combien de fois j'ai envié les canards qui batifolaient tranquillement dans l'eau fraîche des bassins. J'aurais donné une fortune pour m'allonger dans leur flotte verdâtre et fangeuse ! Cela a pour nom l'appel de l'eau et j'y suis ultra sensible. Impossible de résister. J'aurais deux trois anecdotes à peine avouables à vous raconter à ce sujet ! Ma capacité à me plonger dans l'eau si j'ai trop chaud n'a aucune limite : ni celle de la pudeur, ni celle de la loi ou d'un quelconque interdit. Je ne résiste pas, où que je sois… D'ailleurs, si le souvenir de certaines visites a pu se perdre en chemin, je n'ai jamais oublié mes bains et je pourrais vous citer une longue liste de lieux où j'ai aimé nager.

Bref, je savais que ce livre me parlerait et ce fut le cas !

Par où commencer ?

Peut-être par l'épisode de la mère évoluant dans l'eau du Grand Canal, sous l'oeil ahuri des fantômes du passé, faisant une espèce de pied de nez à l'Histoire : mythique, magique, magnifique…

Le reste l'est tout autant... La première page par exemple où l'auteur raconte un bain sous la pluie en Méditerranée. Elle repense à sa mère et comprend soudain ce qu'elle lui a transmis : « l'énergie d'un sillage qui s'inscrit dans l'instant, la beauté d'un chemin d'oubli... », quelque chose qui n'appartient ni à l'Histoire ni à la durée mais plutôt qui est hors du temps, lié au plaisir immédiat, à la sensualité, au bonheur tout simplement. Vivre dans le présent. C'est toute une philosophie tout ça, non ?

Ce livre sur la mer, sur les plages et les rivages, parle d'une mère, celle de l'auteur. Une mère fantasque avec laquelle pendant longtemps Chantal Thomas a le vague sentiment de n'avoir pas beaucoup de points communs. Pas une étrangère, non, quelqu'un de différent qu'on regarde un peu avec étonnement, curiosité. « Ma mère est une enfant à part. » confie l'auteur. Une mère qui n'a pas toujours joué complètement son rôle tellement elle était tournée vers l'ailleurs, l'extérieur, la mer, l'horizon. « De même que Colette écrit de Sido, sa mère, qu'elle a deux visages : son visage de maison, triste, et son visage de jardin, radieux, ma mère a deux visages : son visage de maison, obscur, et son visage de natation, lumineux. » D'ailleurs, Chantal Thomas, dans une interview, explique qu'elle a eu l'idée d'écrire ce livre en lisant le Journal de deuil de Roland Barthes. Ce dernier, après le décès de sa mère dont il était très proche, s'est trouvé plongé dans une telle détresse qu'il a tout fait pour que rien ne change dans la maison. Aucun objet ne devait être déplacé. Sa mère était une femme d'intérieur et Roland Barthes avait toujours vécu dans ce petit univers rassurant et protecteur. La mère de Chantal Thomas, elle, était une femme d'extérieur : elle aimait nager, vivre cette liberté absolue, ce plaisir total de s'abandonner à la sensualité quoi qu'il arrive, dans une communion totale avec les éléments. Car nager, c'est s'alléger : de son propre poids, de celui de ses vêtements et peut-être même de ses soucis.

Longtemps, les femmes n'ont pas appris à nager, on les préférait engoncées, immobiles, tenues. Avait-on peur qu'elles s'enfuient vers d'autres rivages ? « Il faut dire que la nageuse… est un phénomène neuf et d'exception dans une histoire de l'humanité qui revient pour les femmes à une histoire de leur immobilisation, de leur identification imposée à des êtres de pudeur et de faiblesse, des créatures maladives qui ne peuvent que demeurer sur le rivage, empaquetées de jupons, de robes et de châles, protégées du vent et du soleil. »

Nager c'est s'émanciper, s'éloigner, s'ouvrir au monde, se lâcher, s'abandonner, offrir son corps nu au plaisir… Encore une fois, finalement, c'est tout un art, une philosophie !

La transmission de la mère à la fille ne s'est peut-être pas faite par des mots, des phrases, des réflexions théoriques mais par des gestes, ceux d'un crawl parfait qui fend gracieusement l'espace de l'océan, propulsant le corps de la nageuse vers un horizon illimité, une liberté infinie qui invite à profiter de ce qui ne dure pas, à jouir de l'instant.

Vers la fin de l'oeuvre, les pages où l'auteur évoque sa mère vieillissante et sa prise de conscience soudaine de ce qui les lie sont magnifiques et bouleversantes.

Chantal Thomas évoque une enfance à Arcachon avec parents et grands-parents où elle est bien persuadée de vivre dans le plus bel endroit du monde. La plage ? Un espace de lumière, d'eau et de sable où la mère et la fille tissent des liens, plus qu'ailleurs peut-être… C'est aussi le lieu du jeu, de l'observation, de l'invention, de l'expérimentation que l'on partage avec des camarades d'un jour ou d'un été… Merveilleuses pages qui racontent les journées de l'enfance…

J'ai tellement eu envie de découvrir ces lieux magiques si bien décrits dans ce livre que j'ai réservé une maison pour les vacances de printemps, à Arcachon, la ville des quatre saisons…. J'ai noté sur un petit carnet le nom des rues et des plages que mentionne Chantal Thomas, sans oublier l'île aux oiseaux, où nous irons peut-être. Ce n'est pas la première fois que je traîne tout mon petit monde sur les traces de maisons ou de chemins qui parfois n'ont jamais existé sinon dans l'imagination de leurs auteurs. Je me suis promis aussi - mais ça, c'est pour plus tard - d'aller nager en Méditerranée, au Cap Martin. Ce n'est pas tout près, il me faudra traverser la France mais pour me baigner « là où la mer est translucide, du bleu liquide d'une pierre précieuse », je serais capable de tout.

L'appel de l'eau n'a ni limites ni frontières…
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Les Adieux à la Reine

"Les adieux à la reine", c'est le premier roman de Chantal Thomas, spécialiste du XVIIIème siècle et directrice de recherche au CNRS.

Le livre vient d'être adapté au cinéma par Benoît Jacquot.

C'est une chronique précise des premiers jours qui ont suivi la prise de la Bastille.

La narratrice est Agathe Laborde, autrefois lectrice de la reine Marie Antoinette et qui se trouve exilée à Vienne en 1810 au moment où elle raconte les faits.

Les adieux ce sont ceux faits entre la reine Marie Antoinette et sa chère "favorite", Gabrielle de Polignac.

Marie-Antoinette va organiser la fuite de sa favorite et ce moment des adieux va être particulièrement pathétique dans le livre.

Toutefois, cette chronique des premiers jours de la Révolution française ne se résume pas aux relations entre Marie Antoinette et Gabrielle de Polignac.

Chantal Thomas nous livre un portrait saisissant de la société française du 18ème siècle; entre le roi Louis XVI qui n'arrive pas à comprendre que le peuple souhaite exercer le pouvoir, entre une Cour attachée à ses privilèges et qui ne veut pas voir la misère du peuple, entre une reine attachée à ses suivantes mais peu consciente de la réalité, entre le clan Polignac qui ne pense qu'à ses intérêts en oubliant la sécurité de la reine malgré tous les bienfaits qu'elle leur a octroyés, tout est analysé avec finesse ici.

Un très beau livre qui nous donne un nouvel éclairage sur ces moments cruciaux de notre Histoire.
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Journal de nage

Vous n’aimez pas nager ? Passez votre chemin ! Vous n’aimez la nage qu’en piscine, allez plutôt voir du côté de Constance Debré ou de Colombe Schneck.

Vous attendez de la vie qu’elle vous invite à nager le long d’une côte magnifique qu’il vous est possible d’admirer entre deux brasses ? Vous êtes à la bonne adresse !

Vous n’imaginez pas à quel point je me suis retrouvée dans cette évocation… Je suis de ceux qui ne savent pas résister à « l’appel de l’eau.» De quoi s’agit-il ? Eh bien, c’est très simple ! Vous êtes parti pour une rando ou une visite. Donc vous n’avez pas de maillot de bain. Il fait chaud, un peu trop. Et soudain, vous vous trouvez face à une étendue d’eau (mer ou lac), vous ne savez pas y résister, vous vous mettez à moitié à poil et vous plongez. C’est ce que je nomme « l’appel de l’eau.»

Deux exemples me viennent à l’esprit : une fin d’après-midi à Genève avec ma sœur, mes nièces et des amies. On a marché toute la journée. Je n’en peux plus. Nous passons devant la Baby-plage en plein centre-ville. Le groupe continue sa progression. Je m’arrête. Je sens qu’il faut que j’y aille. Si je n’y vais pas, je le regretterai toute ma vie. Je me déshabille et me jette à l’eau, je retarde le groupe, j’ai honte, les voitures passent pas loin, les promeneurs traînent. Il n’y a plus grand monde sur cette petite plage. Je nage. C’est un délice. Je sais que ce bain restera peut-être le meilleur souvenir de mes vacances. Ce moment volé au temps, un pur plaisir, le corps qui flotte, se rafraîchit, s’étend, revit. Je vois de loin le petit groupe qui s’impatiente. Je sors, me rhabille.

Je porte en moi le bonheur de ce moment heureux.

Un autre exemple (ne vous impatientez pas, la chronique va venir…!) (enfin, peut-être)

On est à la montagne, avec ma sœur, mes nièces, mes enfants, des amies. On marche. Un lac. Pas de maillot. Des pêcheurs. On se regarde. Tous en slip et hop, dans l’eau…sous l’oeil éberlué des pêcheurs plus surpris que fâchés. J’ai entendu dire par ma sœur que c’était peut-être son plus beau souvenir des vacances…

J’ai fait un peu le même coup à St Malo, en longeant la plage du Sillon. Pas de maillot. Pas de baignade prévue. Très chaud. Hop, en slip… (je précise quand même à mes élèves qui se seraient égarés dans la lecture de cette chronique que le 16 juin, sur l’île de Tatihou, je ferai en sorte de résister…) (la vache, pourvu qu’il pleuve!!!)

Bon, alors, le « Journal de nage » ? Moi, c’est simple, j’aimerais voir le monde à travers les yeux de Chantal Thomas. Et si je pouvais en plus avoir son écriture, ce serait parfait ! Tout est douceur, beauté, sensualité… Elle décrit les bains de façon merveilleuse : sensations, couleurs, parfums, lumières, harmonie des sons, des sens… Plaisir, splendeur, émerveillement. C’est complètement magique, il suffit de se laisser porter. Le journal commence au moment du confinement. Le corps est empêché, enfermé, coincé, contraint. Les rêves, eux, sont nombreux, comme pour compenser. L’arrivée de l’été ouvre l’espace : Nice, la mer, les bains. Le corps retrouve sa liberté, les membres leurs mouvements, la vie son sens. Chantal Thomas observe le monde : là, un nageur-chanteur, ici des demeures anciennes, un cormoran, une inscription sur un vêtement… Les souvenirs de lecture surgissent au gré des vagues… Kafka, Casanova… La littérature n’est jamais loin, elle accompagne, combine les sensations, les expériences … L’autrice peut même nager à la manière d’un personnage rencontré dans une œuvre, elle nomme cela « une citation nagée ». Et c’est magnifique.

Quand je serai à la retraite (encore quelques années quand même!) (quel drôle de nom pour moi qui vois ce moment plutôt comme une ouverture au monde, à l’espace, au temps, aux gens…), je ne sais pas quels pays je visiterai. En revanche, je sais précisément où j’irai nager, les plages de juin ou de septembre en Corse, en Grèce, près de chez moi, dans la Manche (le département) où l’eau est si bonne dès le mois de mai jusqu’au mois d’octobre…

Et là, j’aurai le maillot !
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East Village Blues

Par acquit de conscience, même si je risque de friser le ridicule ...

...mais l’erreur est humaine....et je ne suis qu’une fille :

....avant de la lire, je croyais que l’auteur de Casanova un voyage libertin, La reine scélérate et des Adieux à la reine était Chantal Thomass. Mais si, Chantal Thomass la créatrice de lingerie sexy.

Ben quoi ? Sonia Rykiel a bien écrit des livres. Même qu’elle était copine avec Régine Desforges et qu’elles ont fondé le Club de croqueuses de chocolat.



L’une avec ses deux S appartenait à la génération Palace et l’autre avait des ailes qui l’ont emmené au Bonnie and Clyde ‘s lors de son premier voyage à New York.

Spécialiste de littérature française et essayiste, Chantal Thomas profite d’un voyage dans cette ville, en 2017 pour faire une sorte de pèlerinage sur les lieux de sa jeunesse. Nulle nostalgie de vieille dame. Au contraire, l'évocation de cette époque révolue, ses vingt piges à NY bouillante d’énergie et de créativité dans les années 70 est passionnante.



C’est tout un passé underground et dynamique qui surgit entre les lignes. Chantal Thomas était au bon endroit, au bon moment. Elle a ainsi eu le bol de connaître des écrivains, des poètes et des musiciens, jeunes gens excentriques alors inconnus à qui elle rend hommage. Ainsi qu’aux toxicos, alcoolos et autres borderlines ( souvent ce qu’étaient les artistes aussi ) qui peuplaient alors les lieux mythiques de cette ville....

Avant qu’elle ne soit « gentrifiée «  comme inopportunément écrit dans certaines critiques. Bah, oui, comme Paris, Londres, Séoul ou Moscou. Une fois qu’on a dit ça - pour faire bien ? - on n’a rien dit. A moins de s’en désoler et de regretter la faune de clodos, travailleurs immigrés, drag-queens, braillards et camés flamboyants qui vivaient là. Ce qui n’est pas le cas des auteurs de ces critiques.

Et, petit bémol, ni celui de l’auteur. Au cours de sa virée elle ne fait que le constat que les quartiers arpentés autrefois sont devenus ultra chic et bien polissés et ne semble pas s’en émouvoir. J’ai un peu regretté qu’elle n’ai pas un mot pour l’exclusion de ces populations qui habitaient là n’en aient absolument plus les moyens. Les bourgeois blancs et élitistes dominent l’espace.



Je pense que même lorsque elle partageait des moments et se mêlait aux inconnus des parties, buvant des bières debout contre un mur ou dansant sur une musique de Bowie, la musique des livres de Marguerite Duras traversait ses nuits. Elle observait avec curiosité et faisant montre d’ouverture d’esprit mais sans se laisser aller totalement ni être dupe des personnalités qui cachaient leurs défauts dans des envolées magnifiques et alcoolisées. Elle s’est construite là où d’autres ont sombré. Elle s’est transformée, dans ces lieux vibrants, au contact des héros de la beat génération en écrivaine par la grâce d’une subtile introspection. La libération sexuelle explosait et les désirs déraisonnables s’affichaient.

Chantal Thomas était encore plus sensible à la douceurs des lèvres parce que l'éclat du concept rendait la chose encore plus belle.



Dès lors, je comprends que New York ne soit pas un paradis perdu pour elle et que les marginaux et les outsiders disparus dans les entrailles de la ville ne soient pas plus qu’un souvenir, pas du tout mélancolique.



Peace and Love.
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L'échange des princesses

Roman lu dans le cadre de l'opération Masse Critique Babelio. Je remercie Babelio et les éditions Points de m'avoir sélectionnée et envoyé ce roman.



1721. Depuis la mort de Louis XIV en 1715, Philippe d'Orléans exerce la régence, Louis XV étant trop jeune pour régner. Soucieux d'asseoir son pouvoir et de mettre un terme au long conflit entre la France et l'Espagne, le régent propose à Philippe V d'Espagne un mariage croisé : Anna Maria Victoria de Bourbon, infante d'Espagne alors âgée de 3 ans, épouserait Louis XV, 11 ans, tandis que Louis, prince des Asturies âgé de 14 ans et futur roi d'Espagne, épouserait la fille de Philippe d'Orléans, Louise Élisabeth (Mademoiselle de Montpensier), âgée de 12 ans. L'accord conclu, cet "échange des princesses" a lieu en 1722 sur l'île des Faisans, au milieu de la rivière frontalière de la Bidassoa, chacune rejoignant alors un royaume et une cour qui leur est étrangère. Mais ces deux mariages tournent rapidement au fiasco et les princesses sont renvoyées vers leur pays respectif en 1725.



Une chronique mêlant cruauté et compassion

À la manière d'un chroniqueur du XVIIIe siècle, Chantal Thomas nous raconte dans ce roman cette histoire ahurissante et pourtant véridique. Une chronique cruelle dans un style élégant et sobre, mêlant ironie et compassion. S'appuyant sur la correspondance entre les différents protagonistes des deux cours (Élisabeth Farnèse, Philippe V, Louis Ier, Louise Élisabeth, Madame de Ventadour…), Chantal Thomas entremêle quelques extraits de lettres et sa fiction pour donner plus de poids, de gravité et de réalisme à son roman. La lecture de ces documents se révèle parfois compliquée car les lettres sont retranscrites dans la langue de l'époque, bien différente de la nôtre, donc parfois difficilement déchiffrables et compréhensibles, freinant par là même la lecture.

Un seul petit regret : à force de se concentrer sur le destin de ces deux petites princesses, l'auteur en oublie tout le contexte historique, les événements, comme si l'on était en vase clos (réformes économiques, jeux d'alliances, jansénisme…).



Deux beaux portraits psychologiques

L'alternance des chapitres consacrés à chacune des deux cours nous permet de suivre simultanément l'évolution des deux jeunes filles pourtant si éloignées à tous points de vue, nous offrant par là même deux beaux portraits psychologiques. Si Anna Maria Victoria, pleine de charme, insouciante et gaie, fait l'unanimité au sein de la cour, il n'en va pas de même avec Louise Élisabeth qui refuse dans un premier temps de paraître à la cour. De la même façon, si Anna Maria Victoria est fortement éprise de Louis XV, Louise Élisabeth ne porte aucun intérêt au sien. Mais, coupées de leurs racines familiales et entourées d'inconnus, elles vont toutes deux se heurter à la violence et à la dureté de la cour. Madame Palatine résume parfaitement la situation, s'adressant à Anna Maria Victoria (page 186) : "[…] vous êtes exceptionnelle, Madame. Sans que cette conscience de votre mérite vous rende arrogante, ne laissez pas des médiocres vous humilier et vous faire douter de vous-même. La Cour est une mécanique effroyable. Comme toutes les princesses étrangères qui arrivent, j'ai été fêtée, puis maltraitée, calomniée, blessée. Au début nous sommes jeunes, amusantes, certaines d'entre nous sont jolies, la Cour nous caresse, a l'air de nous aduler. En fait, vampire sournois, elle nous pompe le sang. Les grossesses font le reste. La jeune épousée n'est bientôt plus qu'une pauvre chose qui traîne et qu'on oublie."



Des cours bien différentes

Si Philippe d’Orléans est surtout réputé pour son libertinage et ses moeurs très libres, la cour d'Espagne se caractérise par une austérité extrême. Aussi, l'accueil de la petite Louise Élisabeth est glacial, surtout de la part de l'ambitieuse reine Élisabeth Farnèse, seconde épouse de Philippe V. Un symbole qui plante le décor : en guise de comité d'accueil, on lui fait assister à un autodafé d'hérétiques ! Ayant reçu une éducation peu soignée, elle ne sait comment se comporter, a du mal à se plier à la rigueur de la cour et finit par se renfermer sur elle-même. Malgré l'attention que lui porte le maladroit Louis Ier, il est déjà trop tard : isolée, incomprise, scrutée par une cour qui ne lui veut pas forcément que du bien, elle finit par sombrer dans une semi-folie, alternant boulimie, alcoolisme et crises durant lesquelles elle déambule nue dans le palais. À la mort de Louis Ier en 1724, alors que Philippe d'Orléans est mort en 1723, Philippe V décide de renvoyer en France cette veuve de la maison d'Orléans devenue bien inutile. Anna Maria Victoria a un peu plus de chance puisqu'elle est choyée par madame de Vendatour, provoquant par là même la jalousie de Louis XV, et appréciée de Madame Palatine. Mais Louis XV est un être mélancolique, triste et secret, marqué par de nombreux deuils ; il ne supporte pas la gaieté, la joie de vivre et la tendresse à son égard de ce bébé, même si celui-ci fait preuve d'une maturité stupéfiante pour son âge. En raison de ce jeune âge, Anna Maria Victoria ne sera pas en mesure d'avoir des enfants avant de nombreuses années, aussi le duc de Bourbon, premier ministre de Louis XV, décide-t-il de rompre les fiançailles et de la renvoyer en Espagne. Madame de Ventadour résume parfaitement l'union d'Anna Maria Victoria et de Louis XV (p. 302) : "Elle voit ce qui est : une petite fille électrisée d’amour pour un garçon crispé d'antipathie, une romance conjugale à sens unique favorisée pour masquer le cynisme d'un arrangement politique. « La barbarie à sourire polis » se dit la marquise […]".



Un univers sans pitié pour les enfants

À travers ce roman, Chantal Thomas nous dévoile combien la vie n'était pas tendre pour les enfants d'ascendance royale. Certes, elle ne l'était pour aucun enfant à cette époque, mais ces enfants royaux sont considérés par les adultes comme des marchandises, des pions, des pantins qu'on peut manipuler et déplacer à l'envi sans se préoccuper le moindre instant de leurs sentiments.

L'auteur décrit avec cynisme et réalisme, d'une plume acérée mais toujours élégante, cette brutalité et cette inhumanité dont sont victimes ces deux princesses, tout cela pour des raisons politiques. D'ailleurs, l'éditeur a réussi à traduire cet état de fait en couverture en choisissant de ne reproduire qu'une partie du portrait d'Anna Maria Victoria par Alexis Simon Belle, en ne montrant qu'une partie de son corps, masquant sa tête… un corps anonyme.
Lien : http://romans-historiques.bl..
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Les Adieux à la Reine

Versailles, 14-15-16 juillet 1789.

Vienne résonne du bruit des bottes des soldats napoléoniens.

Est-ce parce qu'elle entend parler français, est-ce parce qu'elle vient de fêter son soixante-cinquième anniversaire ? Agathe Laborde, lectrice de la reine Marie-Antoinette revient sur ces trois journées qui vont voir les courtisans abandonner Versailles et par la même abandonner la famille royale, sur le départ de Gabrielle de Polignac l'amie de coeur de la reine.

Après la journée calme du 14 qui permet à Agathe de raconter un jour ordinaire au château marqué par l'Etiquette, les rumeurs se répandent d'une prise de la Bastille. Le dérèglement va dès lors s'installer, s'accentuer : le service des domestiques n'est plus assuré, les gardes abandonnent leur poste et toute retenue, les courtisans, les « amis » ferment leur porte à la Reine.

La Panique gagne peu à peu l'aristocratie qui, après avoir tout fait pour pénétrer le château afin d'approcher la famille royale, d'obtenir des privilèges, n'a plus qu'une hâte : fuir, fuir la menace parisienne, ce peuple de Paris qui ne veut plus seulement du pain, mais qui veut aussi le pouvoir…

Dans un récit rédigé presque heure par heure, comme dicté par l'Etiquette, Agathe fait un tableau saisissant de la déliquescence non seulement de la vie versaillaise mais surtout de cette aristocratie qui n'a plus rien de noble.

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L'échange des princesses

Me voilà bien désolée, à l'instant de commencer cette critique. je vois en effet que ce livre d'Histoire romancée semble avoir conquis la plupart de ces lecteurs... alors que je suis restée de glace, espérant la fin avec impatience.

Pourtant, je partais avec un très bon a priori, puisque j'avais moi-même offert ce livre à une proche, séduite par le sujet, ces deux petites filles échangées, arrachées à leur famille/patrie, au nom de la toute-puissante (dé)Raison politique. Mais... je n'ai pas aimé. le style m'a gênée, avec des termes grossiers tombés soudain au tournant d'une phrase, sans nécessité aucune, pour moi. Et puis, cette façon de faire parler et vivre les poupées de la petite Infante, dans un roman qui se veut historique, cela ne m'a pas touchée. Enfin, la manière dont Chantal Thomas s'est appropriée les pensées, ressentis de ces petites filles m'a paru trop intrusive. Je l'ai vécu comme une affirmation historique, là où l'auteur ne faisait qu'interpréter l'Histoire à sa façon.

Au vu des nombreuses critiques élogieuses, je suppose que je me suis juste trompée d'objectif, et que j'ai mal saisi l'intention de l'auteure...

Quoi qu'il en soit, même si cette lecture m'a permis de découvrir un pan de l'Histoire de France qui m'était inconnu (ce pour quoi je ne regrette tout de même pas de l'avoir lu!) sur le plan du "plaisir à la lecture", je ne me suis pas retrouvée dans ce livre.

mais cela n'engage que moi ! :)
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L'échange des princesses

Comme pour beaucoup de romans historiques, celui-ci fut pour moi l'occasion de me replonger avec frénésie dans Wikipédia ! Au-delà de découvrir en détail le destin de ces deux princesses, il m'a permis également de replonger dans l'enfance de Louis XV, un rappel de son caractère anxieux, noir et torturé.



Le sentiment général me restant est la folie ! :

- mais quel n'importe quoi ! Ce que ces enfants ont à vivre, et à cinq ans pour l'infante ! Non qu'ils soient moins bien lotis que les paysans de l'époque, mais enfin puisqu'ici il est question des enfants des rois, c'est d'eux dont je parle. Leur vie et ce qu'on leur impose est juste dément ! Pas étonnant que Louise-Elizabeth devienne barge !

- folie furieuse des médecins et de leurs saignées ! Non mais ça va pas bien !!!

Parlant du corps, j'ai plusieurs fois eu un sentiment de craditude intense que ce soit au niveau hygiène ou médecine. Berk, berk, quelle sale période !



Petit détail concernant le style : il est bizarre comme j'ai eu du mal à m'habituer au présent de narration qui m'a perturbé pour un roman relatant des faits du 18ème siècle. Mais une fois habituée, comme souvent, la lecture fut aisée.



Enfin, le moment de fin fut assez parfait, ironiquement, la boucle bouclée !



Une lecture très intéressante en même temps que divertissante !



~ Challenge 50 objets-3 : joker (dentelle)

~ Challenge Féminin 21 : adapté à l'écran
Lien : https://lecturesdeflo.fr/202..
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L'échange des princesses

Bien que passionnée d’histoire j’aborde toujours les romans historiques avec beaucoup de circonspection. Ou bien les libertés prises avec l’histoire m’horripilent ou bien le ton trop doctoral et le style trop plat me découragent. C’est un challenge impitoyable que celui d’écrire de bons et beaux romans historiques. Chantal Thomas m’avait séduite avec Les adieux à la reine, récit apocalyptique d’un Versailles dans sa chute, d’une monarchie absolue dans ses derniers retranchements, d’une reine Marie Antoinette, l’Autrichienne tant haïe, assistant impuissante à l’effondrement de son monde. J’avais été emballée par ce récit, d’une parfaite exactitude historique et d’un souffle romanesque indéniable. Mais avec L’échange des princesses, il me faut reconnaître un engouement moins prononcé et même confesser une difficulté à finir ce roman. Pourtant le sujet avait de quoi me plaire, car dévoilant un pan méconnu de l’histoire du jeune Louis XV : son mariage arrangé par son oncle le régent Philippe d’Orléans, avec la très jeune Marie Victoire (4 ans), infante du roi d’Espagne. A cet arrangement qui devait marquer l’apogée de la Régence sur le plan diplomatique, s’ajoutait celui livrant en épousailles la fille du régent au futur roi d’Espagne, à peine âgés de 12 et 14 ans. Quatre destins de jeunes gens échangés et sacrifiés sur l’autel des alliances et tractations de pouvoir, quatre jeunes personnes balayées par le vent de l’histoire. L’échange des princesses retrace avec minutie, agrémenté de moult anecdotes (issues des correspondances, témoignages, mémoires, pour cela Chantal Thomas a effectué un énorme travail de recherche), cet échange et s’axe principalement sur le ressenti des jeunes demoiselles. En cela nous apprenons que leur acceptation de la chose ne s’est pas vraiment déroulée de la même façon : d’un côté la jeune Marie Victoire, fascinée par Louis XV et fortement amourachée, fera tout pour lui plaire en dépit du désintérêt profond de ce dernier. Au contraire Louise Elizabeth d’Orléans, acceptant très mal ce mariage, n’aura de cesse de décourager, de rejeter et choquer son mari et la cour d’Espagne. Ces portraits sont touchants, notamment celui de la petite Marie Victoire que j’ai trouvé attachante, petite fille perdue parmi les adultes et les Grands de France, jeune personne fragile et joyeuse qui prenait très à cœur son destin de future Reine de France.

Pour autant et malgré l’intérêt historique du roman, il manquait ce souffle romanesque, cet entrain et ce dynamisme qui font passer un agréable moment. Jamais le roman n’a décollé. La magie n’a pas opéré cette fois…


Lien : http://livreetcompagnie.over..
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L'échange des princesses

Une écriture très travaillée, un roman envoutant, mais vraiment surprenant. L'auteur happe son lecteur en lui contant le destin de deux petites filles aussi différentes que possible, l'une mal élevée et mal aimée, l'autre choyée et couvée, mais qui se retrouvent toutes deux plongées dans des univers qui ne sont pas les leurs.

Evidemment, on ne leur demande pas leur avis, il faut obéir à l'intérêt général.

L'auteur installe d'ailleurs une distance entre les personnages et le lecteur qui est sans doute là pour montrer la distance qui pouvait existait autour de ces deux princesses, et surtout la solitude dans laquelle elles étaient plongées.

Un livre à lire pour les adeptes de récits historiques bien écrits.
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L'échange des princesses

Beau sujet pour Chantal Thomas que celui de la condition des filles de familles royales durant la régence, au début du 18ème siècle. Elles ont beau être riches, les princesses sont de la viande à marier, c'est ce que l'académicienne démontre dans "L'échange des princesses" paru en 2013.

Si le thème du roman est émouvant, il n'a pourtant pas vraiment réussi à me bouleverser.



Cette tranche d'histoire arrive après des années de guerre entre la France et l'Espagne. En 1721, l'échange de princesses entre les deux royaumes est envisagé pour permettre de consolider la paix.

Côté France, Mademoiselle de Montpensier, adolescente et fille de Philippe d'Orléans régent de France, va être envoyée en Espagne pour être mariée à l'héritier du trône.

Côté Espagne, Anna Maria Victoria la petite princesse de quatre ans va faire le chemin inverse pour devenir reine de France en épousant le très jeune Louis XV.

Ce chassé-croisé ressemble un sacrifice sur l'hôtel des jeux de pouvoirs.

À l'époque, une jeune fille normale était une jeune fille docile. Les princesses s'opposent en cela, l'une acceptant le rôle à jouer et l'autre pas. Au final, elles vont subir le même sort.



Je trouve que la chronologie et l'alternance des lieux à quelque chose d'un peu conventionnel dans la narration. le ton est sec. Plutôt qu'un roman cela ressemble parfois à un documentaire alors que l'idée centrale de mettre en parallèle les deux princesses comme témoignage de la situation des femmes de haut rang avant la Révolution est très intéressante. Et puis surtout je déconseille la version audio qui n'est pas bonne du tout et qui gâche peut être le texte que j'ai dû reprendre en version papier.

Je reste donc sur un avis mitigé même si Chantal Thomas sait dénoncer le cynisme des arrangements politiques des derniers temps de la royauté.





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De sable et de neige

Je ne sais pas pourquoi, alors que je reconnais que son écriture est impeccable, son rapport au monde intense, sensuel et intime, ce qu'écrit Chantal Thomas me glisse dessus, je retiens très peu de choses de ses écrits sinon une atmosphère.

En fait, Chantal Thomas me donne l'impression d'être trop bien pour moi, un peu inaccessible, intimidante à force de discrétion, de pudeur et de retenue. Elle m'impressionne, moi qui ne suis qu'exubérance et passion avec toute l'inconvenance et le manque de retenue que cela suppose.

Elle est tellement parfaite, j'ose à peine le dire, qu'elle m'ennuie un peu.

J'aimerais plus d'audace, de folie, de laisser-aller… Et le pire, c'est que je pense qu'elle a tout ça en elle, mais on ne le sent pas dans ses textes très (trop?) lissés, très polis (dans tous les sens du terme), glacés à force de réserve (comme les pages de ce livre qu'on ose à peine griffonner), de pudeur, de délicatesse et de silence. Une exception tout de même : « Souvenirs de la marée basse » où la simple évocation de sa mère, une femme assez excentrique, ajoutait du piment et de l'audace au texte.

« De sable et de neige » est un très beau récit, assez classique, dans lequel elle évoque son enfance à Arcachon, le rapport à son père, un homme très silencieux qu'elle admire éperdument, aux éléments (eau, sable, neige), aux lumières, aux huîtres qu'elle aime tant, à tout un nuancier d'émotions fugitives, insaisissables et mystérieuses…

Dans une dernière partie est évoqué un séjour à Kyoto où l'on sent qu'elle a tout saisi de l'âme japonaise (ce pays lui correspond d'ailleurs parfaitement)…

Beaucoup de beauté donc dans ces pages accompagnées de très belles photos, mais une beauté un peu froide qui n'est pas parvenue à me toucher...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Souvenirs de la marée basse

Nager, fuir le passé, les contraintes tels sont les idées fixes de la mère de l'auteure. La mer et la mère sont omniprésentes. Arcachon et Nice.

J'ai eu un peu de mal à rentrer dans le roman. Tous ces souvenirs que je n'arrive pas à partager avec l'écrivaine. Il manque, pour ma part, une certaine chaleur et complicité. Le dernier tiers est nettement plus captivant.

Heureusement que son écriture est magnifique et très agréable à lire.
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L'échange des princesses

Pas forcément grand fana des romans historiques, j'avoue que cet échange des princesses par une spécialiste du genre- Chantal Thomas mais pas la styliste la romancière des adieux à la reine- m'a plutot séduit.. il faut dire que cete destinée de deux filles victimes des enjeux de pouvoir dans le 18ème sicèle entre l'infante d'Espagne et le régent de France est assez édifiant... a travers les destins croisées de ces deux jeunes filles de la haute promises à de grands rois et qui vont devoir s'exiler l'auteur entremele avec habileté réalité historique et tissu romanesque et cette reflexion sur les mariages forcés conserve trois siècle après une vraie force et une belle modernité...plutot une agréable lecture malgré quelques facilités dans l'écriture!!
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Café Vivre : Chroniques en passant

Ce que le titre cache ou révèle on le découvre dans la préface et dans la première de ces chroniques « en passant » dont la belle régularité d'emprise sur le papier (toutes font environ trois pages) agit comme une pulsation d'écriture nécessaire à l'expression d'une petite musique singulière. Chantal Thomas pratique ici un art équilibré, quasi métronomique, du "dérèglement" spatio-temporel où prime l'instantané, « l'esprit des quatre saisons » qu'elle aime chez Hokusai, la notation rapide telle que la pratique Bonnard dans ses carnets, le goût des « menus plaisirs » que la fréquentation érudite du siècle des Lumières lui a légué. Rendez-vous donnés à ses lecteurs, entre gratte-ciel et métro, avec ses rituels saisonniers à Kyoto ou Central Park ; dans ses cafés et ses musées de prédilection ; avec quelques hommes de sa vie : Barthes, Casanova, Fragonard, le divin Marquis ; ou avec quelques moines mendiants aussi ; décrivant l'été en décembre, à Buenos-Aires ; retrouvant le duc de Richelieu à Bordeaux ou Verdi à New-York ; cherchant les cheveux roux de Gilberte sous les frondaisons automnales des Champs-Elysées et Mauriac à Malagar ("Magie de Malagar", p. 135) ; gourmande à Montréal et Grand Central, assise au Fumoir à Paris et assaillie d'un léger doute à Zurich songeant à la chambre bleue de Madame de Rambouillet.



Si le mot « vignettes » lui sert pour évoquer la forme de l'un de ses livres préférés « Paris est une fête » (évoqué dans une chronique de 2015 après les attentats : "Un américain à Paris », p. 83), alors il convient de le reprendre pour l'exercice auquel elle s'est livré à la demande de Sud Ouest entre 2014 et 2018 et qui a produit ce livre. Chaque chronique appartient à un temps détourné où vient parfois se télescoper l'actualité ("Imanolthecat, ou la mort en live", p. 101), ressemble à la strophe fugace d'un plus long poème que le bonheur de vivre – tel celui suggéré par l'oeuvre de Jacques-Henri Lartigue (P. 68) – lui aurait inspiré par-delà les conférences, les festivals et les colloques, loin des cours magistraux ou des commémorations et des salons, à l'abri de l'odeur du kérosène. Toutes distillent un peu « l'esprit de vacances » dont l'auteure se réclame à la fin de la deuxième chronique intitulée « La maison au pied de la dune » (maison familiale déjà évoquée dans « Souvenirs de la marée basse »), là elle confie : « A la différence de tant d'héritages qui ont leur poids de malheur, de cette maison j'ai hérité l'essentiel : son esprit de vacances (p. 22) ». Chantal Thomas ne se retourne pas, elle jubile au présent et son dialogue avec le passé est étonnamment vivant, elle vous console de toutes les maisons perdues. Ses chroniques sont à lire maintenant, et vite, tant elles pourraient prendre le goût des choses révolues qui sont, on le sait, parmi les plus belles.



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